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Décisions

Ministre de l’Économie, 4 octobre 1994, n° ECOC9410204A

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Arrêté

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Ministre de l’Économie n° ECOC9410204A

4 octobre 1994

Le ministre de l'économie et le ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur,

Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, et notamment ses articles 38 et 42 ; Vu le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 fixant les conditions d'application de l'ordonnance précitée, notamment son article 30 ; Vu la demande de renvoi par les autorités françaises de l'affaire IV/M.460 Holdercim/Cedest pour ce qui concerne le marché du béton prêt à l'emploi en application des dispositions de l'article 9 du règlement n° 4064-89 du Conseil des communautés européennes ; Vu la décision de la Commission des communautés européennes du 6 juillet 1994 renvoyant en partie le cas n° IV/M.460 Holdercim/Cedest aux autorités compétentes de la République française en vertu de l'article 9 du règlement du conseil n° 4064-89 ; Vu la lettre de saisine du Conseil de la concurrence du 12 juillet 1994 ; Vu l'avis du Conseil de la concurrence du 20 septembre 1994,

Considérant que la société Holdercim s'est portée acquéreur des actions détenues par la Compagnie générale d'industrie et de participations (CGIP) représentant 84,5 p. 100 du capital social de la société Ciments et engrais de Dannes et de l'Est (Cedest) ; que l'opération envisagée rendrait la société Holdercim propriétaire de la majorité du capital social de la société Cedest ; qu'ainsi cette opération constitue une concentration au sens des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 une opération de concentration ne peut être examinée que "lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 p. 100 des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de 7 milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins 2 milliards de francs" ; que le chiffre d'affaires consolidé réalisé en 1993 par la société Holdercim s'est élevé en France à 1 974 millions de francs ; que le chiffre d'affaires consolidé ou réalisé en France par la société Cedest pour la même année s'est élevé à 2 387 millions de francs ; qu'en conséquence la condition fixée à l'alinéa 2 de l'article 38 de l'ordonnance susvisée relative, au chiffre d'affaires n'est pas remplie ; qu'il importe dès lors de rechercher si le seuil en valeur relative fixé par ce même texte est atteint sur les marchés de référence ;

Considérant que, selon les sources professionnelles, le secteur du béton prêt à l'emploi a réalisé en 1992 un chiffre d'affaires hors taxes de 13 115 millions de francs ; que Orsa Bétons - du groupe Holdercim -, dont les centrales à béton sont implantées dans le Nord, l'Est, en Ile-de-France, en Normandie et dans la région Rhône-Alpes, a réalisé pour la même année 702 millions de francs, soit 6 p. 100 du chiffre d'affaires du secteur ; que Ebange Béton - du groupe Cedest -, dont les centrales à béton sont implantées dans le Nord, l'Est, en Ile-de-France, en Normandie et en Bretagne, a réalisé pour la même année 751 millions de francs, soit 6,4 p. 100 du chiffre d'affaires du secteur ;

Mais, considérant que les caractéristiques de fabrication et les conditions de transport du béton prêt à l'emploi donnent nécessairement à ce marché une dimension locale ; qu'en effet le béton se travaille en phase liquide ; que, lorsque l'utilisateur le commande à une centrale à béton, le béton est transporté dans des véhicules spéciaux et qu'il ne doit pas s'écouler plus de une heure trente entre le moment de l'introduction de l'eau et celui de la livraison sur le chantier ; que, dans ce secteur, le caractère onéreux des transports réduit la zone d'achalandage à une distance courte, comme l'a indiqué le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 93-D-54; qu'en conséquence les marchés de référence sont les marchés locaux sur lesquels les parties à l'opération possèdent une ou plusieurs centrales à béton situées dans la zone d'achalandage;

Considérant que, selon les sources professionnelles et les éléments versés au dossier, les marchés géographiques pertinents sur lesquels les parties à l'opération possèdent une ou plusieurs centrales sont au nombre de quinze ; que, sur treize d'entre eux : Strasbourg, Colmar, Mulhouse, Reims, Besançon, Epinal, Lille, Dunkerque, Valenciennes, Douai, Airas, Béthune, Creil-Verberie-Compiègne, les deux sociétés ont réalisé ensemble 25 p. 100 ou plus des ventes de béton prêt à l'emploi ; que, dès lors, les conditions fixées à l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée sont remplies ;

Considérant que, sur le marché d'Arras, la concentration conférerait au nouveau groupe une part de marché de 86 p. 100 face à un producteur indépendant ; que, sur les marchés de Douai et Dunkerque, le nouveau groupe détiendrait respectivement 79 et 69 p. 100 du marché ; que, sur chacun de ces deux marchés, il se trouverait en présence d'un producteur intégré à un groupe cimentier ; que, sur les marchés de Béthune et Colmar, la part de marché du nouveau groupe atteindrait 66 p. 100 ; que, sur le marché de Béthune, le nouveau groupe se trouverait en présence de deux producteurs appartenant l'un à un groupe cimentier, l'autre, au groupe anglais Redland, spécialisé dans les granulats ; que, sur le marché de Colmar, il se trouverait en présence de deux producteurs indépendants ; que, sur le marché de Mulhouse, le nouveau groupe détiendrait 50 p. 100 du marché, face à quatre indépendants ; que, sur celui de Creil-Verberie-Compiègne, sa part de marché serait de 49 p. 100, face à deux producteurs appartenant l'un à Redland et l'autre, au groupe anglais RMC ; que, sur le marché de Strasbourg, sa part de marché serait de 45 p. 100, face à un producteur intégré à un groupe cimentier représentant 21 p. 100 du marché et à deux producteurs indépendants ; que, sur le marché d'Epinal, sa part de marché serait de 43 p. 100, face à un producteur intégré à un groupe cimentier représentant 10 p. 100 du marché et à deux producteurs indépendants ; que, sur le marché de Valenciennes, sa part de marché serait de 38 p. 100, face à deux producteurs intégrés à des groupes cimentiers représentant ensemble 48 p. 100 du marché et à un producteur indépendant ; que, sur le marché de Besançon, sa part de marché serait de 33 p. 100, face à un producteur intégré à un groupe cimentier représentant 19 p. 100 du marché et à deux producteurs indépendants ; que, sur le marché de Lille, sa part de marché serait de 26 p. 100, face à trois producteurs intégrés à des groupes cimentiers représentant 45 p. 100 du marché et à deux indépendants ; que, sur le marché de Reims, sa part de marché serait de 25 p. 100, face à deux producteurs intégrés - l'un à RMC, l'autre à un groupe cimentier - représentant 38 p. 100 du marché et à trois producteurs indépendants ;

Considérant que les parties à la concentration, tout en acceptant le principe de la cession de centrales à béton sur certains des marchés concernés, font valoir, d'une part, qu'il n'existe pas d'obstacles structurels importants à l'entrée sur les marchés du béton prêt à l'emploi et, d'autre part, que la concentration examinée laisse place à une concurrence praticable, en raison notamment de la possibilité pour un utilisateur de béton de fabriquer lui-même son propre béton ;

Mais considérant que l'autoproduction de béton n'est pas techniquement ou économiquement possible pour tous les utilisateurs, comme l'indique d'ailleurs le fait que le taux de pénétration du béton prêt à l'emploi, qui était de 32 p. 100 en 1986, est passé à 45 p. 100 en 1993 ; que la concentration de l'offre de béton prêt à l'emploi sur certains marchés locaux et le fait que les entreprises qui y occupent une position dominante ou prééminente appartiennent à des groupes cimentiers sont susceptibles de rendre difficile le maintien de concurrents indépendants ou de dissuader de nouvelles entreprises d'entrer sur le marché qu'en effet les ressources financières des producteurs indépendants peuvent être sans commune mesure avec celles des offreurs intégrés à des groupes industriels ; qu'en outre, ou égard à l'absence d'importations de ciment dans certaines régions du territoire national, les offreurs non liés à des groupes cimentiers peuvent être dépendants, pour leur approvisionnement, de fournisseurs liés à leurs concurrents sur le marché du béton prêt à l'emploi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que sur les marchés d'Arras, de Colmar, de Mulhouse et de Strasbourg la position prééminente de l'ensemble constitué par Cedest et Holdercim, associée à son appartenance à un groupe cimentier puissant, emporte des risques d'atteinte à la concurrence ; que tel est également le cas sur les marchés de Dunkerque, Douai, Béthune dans la mesure où la concentration réduirait le nombre d'opérateurs à deux ou trois, les producteurs présents sur ces marchés étant tous intégrés à des groupes cimentiers ; qu'une situation analogue se retrouve sur le marché de Creil-Verberie-Compiègne où l'ensemble constitué par Cedest et Holdercim détiendrait une part de 49 p. 100, les deux autres opérateurs étant intégrés à des groupes industriels, à savoir Redland et le groupe anglais RMC ;

Considérant dès lors qu'il y a lieu, en l'absence de toute contribution au progrès économique au sens de l'article 41 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 précitée, de prescrire sur ces marchés l'adoption de mesures propres à préserver les conditions d'une concurrence suffisante ;

Considérant que le maintien d'une concurrence suffisante passe par une cession d'actifs d'Holdercim ou de Cedest sur les marchés susvisés, ainsi que s'y est engagée la société Holdercim par lettre du 23 septembre 1994,

Arrêtent : Art. 1er. - La concentration entre les sociétés Holdercim et Cedest est autorisée, sous réserve que la société Holdercim procède à des cessions de centrales à béton sur les marchés d'Airas, Douai, Dunkerque, Béthune, Colmar, Mulhouse et Creil-Verberie-Compiègne, dans les conditions et suivant les modalités prévues par la lettre d'engagements du 23 septembre 1994 susvisée.

Art. 2. - La société Holdercim rendra compte au ministre chargé de l'économie, au terme du délai prévu par la lettre précitée, des mesures prises pour se conformer à ses engagements.