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Décisions

Ministre de l’Économie, 27 juin 1994, n° ECOC9410126X

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ÉCONOMIE

Défendeur :

Président-directeur général de la société Filtrauto-Labinal

Ministre de l’Économie n° ECOC9410126X

27 juin 1994

Monsieur le président-directeur général,

Par dépôt d'un dossier dont il vous a été accusé réception le 26 avril 1994, la société Labinal a notifié l'opération de rapprochement entre la division filtres Purflux de la société française Labinal et la branche Filtri Technocar de la société italienne Gilardini. Cette opération s'est traduite par la constitution d'une filiale commune, dénommée Filtrauto, regroupant l'ensemble des activités des deux groupes dans le domaine de la filtration automobile (filtres à huile, à air et à carburant).

Le capital de la société Filtrauto étant détenu à 80 p. 100 par la société Labinal et à 20 p. 100 par la société Gilardini, l'opération constitue une prise de contrôle des activités de filtration automobile de Gilardini par Labinal, et en tant que telle s'analyse comme une concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Il ressort de l'examen de ce dossier que la présente opération affecte plusieurs marchés. En effet, il convient de tenir compte, à la fois de la nature et de la fonction des produits concernés et de l'existence de circuits de distribution distincts.

S'agissant des produits, les filtres à huile, à air et à carburant sont des produits distincts répondant à des fonctions instrumentales spécifiques.

En l'absence totale de substituabilité, ces différents produits ne sauraient donc être considérés comme appartenant à un même marché.

S'agissant de circuits de distribution, plusieurs éléments permettent de distinguer entre un marché à destination des constructeurs, lesquels achètent à la fois pour l'équipement des véhicules en première monte et pour l'approvisionnement de leur propre réseau en pièces de rechange, et un marché indépendant de la rechange (distributeurs stockistes, mécaniciens réparateurs automobiles, grandes surfaces, centres auto).

Les critères de distinction sont les suivants :

- les clients se résument à quelques grands constructeurs automobiles sur le marché constructeur alors qu'ils sont nombreux sur le marché de la rechange (garagistes, distributeurs) ;

- la production d'un nombre limité de produits avec une gamme restreinte pour des modèles précis est nécessaire pour le marché constructeur alors qu'un volume plus important mais plus diversifié est nécessaire à la libre rechange ;

-les produits utilisés en première monte et corrélativement pour la rechange constructeur répondent à des spécifications techniques définissant une grande qualité constante alors que le marché libre de la rechange fait appel à des produits de qualité très différente ;

- les approvisionnements des constructeurs doivent le plus souvent être effectués en "juste à temps" dans un seul lieu de production où le constructeur reçoit également les commandes en pièces détachées de son réseau. Par contre, un approvisionnement en de multiples points est nécessaire pour alimenter les nombreux grossistes et distributeurs du marché de la rechange indépendante.

Cette analyse rejoint d'ailleurs celle retenue par la Commission européenne dans sa décision du 23 septembre 1993 relative au rapprochement de Arvin et Sogefi sur le marché des pots d'échappement.

Il résulte du croisement de ces différents critères (nature et fonction des produits concernés, circuits de distribution) que la présente opération affecte six marchés distincts, chaque marché de produits étant décomposé en deux sous-marchés.

Les seuils en parts de marchés prévus par l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sont sur la plupart de ces marchés largement dépassés. L'opération est donc contrôlable au plan national.

J'observe cependant que cette opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence compte tenu, d'une part, de la puissance de négociation des constructeurs automobiles, ceux-ci disposant par ailleurs de solutions alternatives, et d'autre part, de l'existence d'une concurrence nombreuse, diversifiée sur les marchés de la rechange indépendante.

Enfin, il apparaît que cette concentration est de nature à favoriser le développement international du nouvel ensemble, en permettant notamment à Filtrauto d'accéder à certains marchés européens.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous précise qu'il n'est pas dans mon intention de saisir le Conseil de la concurrence de cette opération.

Je vous prie d'agréer, monsieur le président-directeur général, l'assurance de ma considération distinguée.