Livv
Décisions

Ministre de l’Économie, 30 janvier 1996, n° FCEC9610050Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ÉCONOMIE

Défendeur :

Conseil des Sociétés Legrand et Tehalit

Ministre de l’Économie n° FCEC9610050Y

30 janvier 1996

Maître,

Par lettre du 6 décembre 1996, vous m'avez notifié l'acquisition par le groupe Legrand, fabricant d'équipements d'installation électrique basse tension, de 94 p. 100 du capital de la société allemande Tehalit, avec reprise de ses filiales, spécialisées dans la fabrication de systèmes de câblage.

S'agissant d'une prise de contrôle, cette opération constitue une concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.

Cette concentration n'est pas contrôlable au regard des seuils en chiffres d'affaires prévus par l'article 38 de ladite ordonnance, Tehalit réalisant en France un chiffre d'affaires inférieur à 2 milliards de francs.

Aussi convient-il de rechercher si le seuil en valeur relative est atteint, ce qui impose de définir le marché pertinent.

En l'espèce, les produits concernés sont les systèmes de câblage qui forment la totalité de la production de Tehalit, mais seulement une petite partie de celle de Legrand.

Les systèmes de câblage sont des éléments en forme de U, avec ou sans couvercle, en plastique, en acier ou en aluminium. De prix voisins, ils sont substituables entre eux, distribués par les mêmes canaux (les grossistes en matériels électriques), à l'intention des mêmes clients (les entreprises d'installation et d'entretien électrique) et destinés au même usage (le support et la protection des câbles).

Ces éléments permettent de considérer que ces différents produits appartiennent à un seul et même marché.

Sur le marché pertinent ainsi délimité, la nouvelle entité formée de Legrand et Tehalit détenant une part supérieure à 25 p. 100, la présente opération est donc contrôlable.

Toutefois, en dépit de la forte position du nouveau groupe, cette opération n'a pas paru de nature à porter atteinte à la concurrence, compte tenu des éléments suivants :

Il existe une concurrence non négligeable, tant française qu'étrangère ;

La concurrence française provient essentiellement de grands groupes sidérurgiques (Gantois, Usinor-Sacilor), qui distribuent également des produits en plastique pour compléter leur gamme. Le groupe Schneider commercialise aussi des systèmes de câblage par l'intermédiaire de ses filiales Merlin-Gérin et Télémécanique :

En ce qui concerne les concurrents étrangers, on trouve sur le marché français des fabricants européens (Iboco, Rehau, Obo-Bettermann, Rieth, Kleinhuis, Unex, Quintela, Thorsman) et américain (Panduit) ;

Mis à part ces grands groupes français et étrangers, sont également présentes sur le marché des entreprises telles que CES, Mavil, Electroliaison et Alusor ;

En outre,il y a une absence de réelles barrières à l'entrée des systèmes de câblage. Le marché de ces produits apparaît très ouvert, ils sont simples, nécessitant peu d'investissements au départ, ils se situent au confluent de différentes professions (plasturgie, métallurgie). Ils voyagent facilement et les échanges sont favorisés par la faiblesse des coûts de transport ;

Enfin,la puissance de négociation des acheteurs est importante. Les acheteurs sont eux-mêmes des entreprises, soit des grossistes dont 70 p. 100 appartiennent à l'un ou l'autre des deux grands groupes d'envergure mondiale dans le secteur de la distribution des matériels et équipements électriques : Sonepar et Rexel, soit des entreprises d'installation et d'entretien d'équipements électriques.

Les systèmes de câblage font l'objet de normes européennes, les modèles sont standardisés de sorte qu'il n'y a aucune incompatibilité entre mêmes modèles fabriqués par des entreprises différentes. La clientèle peut donc transférer ses commandes d'un fournisseur à l'autre et peut, par conséquent, faire jouer la concurrence sans entrave technique.

Par ailleurs, on ne peut faire abstraction d'une offre de produits intégrant le câble et son système de protection dans un ensemble préfabriqué. Ces produits ont l'inconvénient d'être plus coûteux mais offrent en revanche un gain de temps à l'installation. Ils présentent pour l'heure une substituabilité trop faible par rapport aux systèmes de câblage pour être considérés comme appartenant au même marché. Pour autant, leur existence est de nature à exercer une pression concurrentielle sur le marché des systèmes de câblage.

Compte tenu de ces différents éléments, je n'ai pas l'intention de saisir le conseil de la concurrence de cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'assurance de ma considération distinguée.