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Décisions

Conseil Conc., 14 janvier 1997, n° 97-A-02

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport de Mme Carole Champalaune par M. Barbeau, président, MM. Cortesse, Jenny, vice­présidents, Mme Boutard­Labarde, MM. Robin, Rocca, Sloan, Thiolon, Urbain, membres.

Conseil Conc. n° 97-A-02

14 janvier 1997

Le Conseil de la concurrence (section III),

Vu la lettre enregistrée le 7 octobre 1996 sous le numéro A 198 par laquelle le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur a saisi le Conseil de la concurrence d'une demande d'avis relative au projet d'acquisition par la société Eridania Béghin­Say de la société Compagnie française de sucrerie dans le secteur du sucre ; Vu l'ordonnance n° 86­1243 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment son titre V et le décret n° 86­1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par la société Eridania Béghin­Say et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants des sociétés Coca­Cola et Vermandoise Industries conformément aux dispositions de l'article 25 de l'ordonnance précitée, et les représentants de la société Eridania Béghin­Say entendus ; Adopte l'avis fondé sur les constatations (I) et les motifs (II) ci­après exposés :

I- CONSTATATIONS

I- L'opération soumise au conseil et les entreprises concernées

A- L'opération conclue

Titulaire depuis le 11 janvier 1991 d'un droit de préférence sur les actions de la Compagnie Française de Sucrerie (ci­après CFS) détenues par la Compagnie de Navigation Mixte (ci­après CNM), la société Eridania Béghin­Say (ci­après EBS) a, par acte du 28 juin 1996, acquis la totalité des actifs et passifs composant le patrimoine de la Compagnie Française de Sucrerie, par la voie d'une opération d'apport par la CFS de l'ensemble des actifs et passifs composant son patrimoine à une société "Newco" dénommée Cérésucre, société anonyme au capital de 250 000 F ayant son siège à Thumeries (Nord), dont EBS détient 99,6 % du capital, et la cession à EBS, de la totalité des actions de "Newco" détenues par CFS à l'issue de l'opération d'apport, moyennant un prix de cession fixé à 2 850 000 000 F. Au terme de l'opération, la CFS a été fusionnée avec la CNM avec effet rétroactif au 1er avril 1996.

Par acte en date du 28 juin 1996, et à la suite d'un protocole d'accord en date du 26 avril 1996, par lequel les entreprises désignées ci­dessous avaient formé un projet commun en vue de l'acquisition et du partage de la CFS, les sociétés EBS, Sucrière de Berneuil­sur­Aisne, Sucrerie Coopérative de Bazancourt, Sucrerie­Distillerie d'Arcis­sur­Aube, Sucrerie­Distillerie­Coopérative Agricole de Corbeilles­en­Gâtinais, Sucreries­Distilleries des Hauts­de­France et Générale Sucrière ont signé un contrat de partage ayant pour objet l'acquisition par chacune des sociétés précitées d'une partie des actifs, passifs et quotas de la société CFS et de sa filiale, la Société Française de Sucrerie. Ce partage est organisé par l'intermédiaire de "sous­filiales", auxquelles sont transférés, au 31 décembre 1996, les actifs, passifs et quotas destinés à chaque partie, avec effet rétroactif au 1er avril 1996. Les quotas affectés à la coopérative de Bazancourt sont cédés sans filialisation préalable.

Consultée par la société EBS, la Direction générale de la concurrence de la Commission des Communautés européennes a fait connaître à celle­ci par lettre du 28 mai 1996, qu'elle considérait, en ce qui concerne le contrôle communautaire des concentrations, qu'il y avait autant d'opérations que de co­acquéreurs, en relevant que "l'acquisition temporaire de CFS par EBS n'est réalisée que dans le seul but de diviser les actifs entre les co­acquéreurs selon un plan préexistant". Aux termes du contrat de partage, la société EBS conserve deux des cinq usines de la CFS (situées à Vauciennes et à Villenoy) et 47,6279 % du quota A de CFS et SFS soit 962 399,010 tonnes de droits A et 284 500,525 tonnes de droits B, soit un total de 1 246 899 tonnes, correspondant à 1 808 108 quintaux de quota de sucre A + B (exprimée en droits de livraison de betteraves puis en quotas de sucre). C'est cette acquisition, notifiée par la société EBS au ministre de l'économie, qui est soumise pour avis au conseil en application des dispositions de l'article 38 et suivants de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

B- Les entreprises parties à l'opération soumise au conseil

1. La société Eridania Béghin­Say (EBS)

Société mère française du groupe italien du même nom, Eridania Béghin­Say est une société anonyme dont le capital de 1 688 923 990 F est détenu à 49,72 % par European Sugars France, elle­même filiale à 100 % du groupe Montedison dont le principal actionnaire est le groupe Ferruzi à hauteur de 77,45 % du capital, dont le public détient par ailleurs 66,14 %. Les actions de la société sont cotées au marché à règlement mensuel de la bourse de Paris, ainsi que sur les bourses de Milan et de Gênes.

Le groupe Eridania Béghin­Say, dont le périmètre de consolidation comportait, en 1995, cent quatre­vingt quatorze sociétés, est un groupe agro­alimentaire présent dans le sucre et ses dérivés, l'amidon et ses dérivés, la trituration et le raffinage, la nutrition animale, et un domaine dit "grand public" qui concerne la fabrication de produits tels que : huiles, poivres, herbes et épices, et aides à la pâtisserie.

Sur un chiffre d'affaires consolidé de 50,80 milliards de francs en 1995, 30,9 % ont été réalisés dans la trituration et le raffinage, 25,7 % dans le secteur du sucre et dérivés, Dans le résultat d'exploitation, le secteur sucre et dérivés arrive en première position avec 48,5 %, suivi de l'amidon et ses dérivés (19,3 %), puis de la trituration et du raffinage (18,2 %), de l'activité grand public (8,5 %), et enfin de la nutrition animale (7,4 %). Au plan géographique, le groupe a réalisé 21,4 % de son chiffre d'affaires en France, 17,3 % en Italie, 37 % dans le reste de l'Union Européenne, 13,7 % en Amérique du Nord, et 10,6 % dans le reste du monde.

Le chiffre d'affaires réalisé dans l'activité sucre et dérivés s'est élevé, en 1995, à 13,083 milliards de francs, pour 2,2 millions de tonnes de sucre de betterave produites (ainsi que 63 000 tonnes de mélasse et 2,30 millions d'hectolitres d'alcool). Cette activité est localisée en France, où le groupe compte neuf sucreries réparties dans les Ardennes, la Marne, Le Nord, le Pas­de­Calais et la Somme, trois usines de conditionnement (situées à Nantes, dans la Marne et dans le Nord), une raffinerie à Nantes et deux unités de production d'alcool, en Italie, où le groupe, premier opérateur du marché avec 50,6 % des quotas italiens possède onze sucreries, une levurerie et une unité d'alcool et, enfin en Hongrie, où le groupe détient quatre sucreries. La production réalisée en France, au cours de la campagne 1995/1996, de 1,22 million de tonnes représente 55 % de la production du groupe, contre 35 % obtenus en Italie, et 10 % en Hongrie. L'effectif moyen employé par le groupe dans l'activité sucrière était de 5 634 personnes sur un total de 19 340 dont 2 200 en France.

Dans le secteur du sucre, EBS n'a pas procédé à des opérations de croissance externe depuis 1991, année au cours de laquelle elle a pris le contrôle exclusif de la société Industria Saccarjera Italiana Agro Industriale SpA (ISI) dont elle détenait le contrôle conjoint, acquisition à laquelle la Commission de Bruxelles a décidé le 30 juillet 1991 de ne pas s'opposer. Ses différentes participations dans cette activité sont les suivantes :

En France :

- Cérésucre : 100 % (siège opérationnel),

- Béghin­Say : 100 %, (production de sucre de betterave)

- Distillerie de la région de Châlons­sur­Marne : 99,97 % (production d'alcool éthylique et d'éthanol),

- Sodes : 49,11 % (production d'alcool de synthèse),

- Lesaffre Frères : 45,35 % (production de sucre de betterave),

- Sucrière de la Réunion : 30,80 % (production de sucre de canne).

En Italie :

- Eridania : 100 % (production de sucre de betterave),

- ISI : 57,35 % (production de sucre de betterave),

- Interzuccheri : 100 % (unité de conditionnement de sucre),

- Eridania Lievito : 100 % (production de levure).

En Hongrie :

- Eridania Béghin­Say Budapest : 100 % (direction générale),

- Szerencsi Cukorgyar : 51,14 % (production et conditionnement de sucre de betterave),

- Szolnoki Cukorgyar : 51,74 % (production et conditionnement de sucre de betterave),

- Matraavideki Cukorgyarak : 51,41 % (production de sucre de betterave).

En Espagne :

- Béghin­Say Espana : 100 % (commercialisation de sucre).

Présent dans l'amidon, le groupe EBS est un producteur de produits de substitution du sucre que sont le glucose, le dextrose et les polyols. En 1995, le groupe a pris le contrôle d'Américan Maize Products, qui représentait à cette date 6 % du marché américain dans l'amidon et les dérivés. Cette opération permet au groupe de pénétrer le premier marché mondial dans ce secteur. Les sites industriels d'Américan Maize Products fabriquent notamment de l'isoglucose employé comme substitut du sucre dans l'industrie des jus de fruits et des boissons gazeuses.

2. La société Compagnie Française de Sucrerie (CFS)

La CFS, était une filiale à 99,6 % de la Compagnie Mixte de Navigation, elle­même filiale, à plus de 97 % de la Compagnie Financière de Paribas, depuis l'OPA réalisée par cette dernière en mars 1996.

Société anonyme au capital de 145 889 500 F ayant notamment pour objet l'extraction et la production du sucre sous toutes ses formes, la Compagnie Française de Sucrerie, dont le siège social est à Paris, a réalisé en 1995 un chiffre d'affaires consolidé de 2,1 milliards de francs dont 85,7 % obtenus dans le secteur du sucre, le reste provenant notamment des activités de production de mélasse (42 000 tonnes) et d'alcool (152 000 hectolitres d'alcool et 28 000 hectolitres d'éthanol). Le périmètre de consolidation ne comprenait que la Société de Fabriques de Sucres (SFS), sa filiale à hauteur de 99,41 %. Le groupe constitué par CFS et SFS exploitait en tout cinq sucreries, à Bucy­le­Long et Marle­sur­Serre (Aisne), à Vauciennes (Oise), rachetée en 1990, enfin à Villenois et Bray­sur­Seine (Seine­et­Marne), lesquelles ont produit en 1995 343 000 tonnes de sucre de betterave, dédié uniquement à une utilisation industrielle et employait en 1995 un effectif permanent de 734 personnes. Il détenait des participations en relation avec ses activités dans l'alcool et les mélasses dans des sociétés de production et de commercialisation agricoles.

C- Les sociétés parties au partage de la Compagnie française de sucrerie

1. La société Générale Sucrière SA

La société Générale Sucrière est la filiale sucrière du groupe Saint­Louis. Elle possède sept sucreries, une raffinerie, une distillerie d'alcool de betterave, et trois ateliers de conditionnement de sucre. Elle a produit en France, lors de la campagne 1995/1996, 806 000 tonnes de sucre, qu'elle commercialise par l'intermédiaire d'Eurosucre SNC, dont elle détient, au travers de Générale Sucrière SNC, filiale à 99 %, 65 % du capital.

Générale Sucrière détient des participations en France métropolitaine, dans la Sucrerie­distillerie de Souppes et dans la Société nouvelle des sucreries de Chalon­sur­Saône, ainsi que dans les DOM dans différentes sociétés productrices de sucre de canne. Dans l'Union européenne, elle est présente en Espagne, dans la Societad General Azucarera de Espana (SGAE) dont la fusion avec la société Ebro, premier sucrier ibérique est en cours, la nouvelle société devant alors représenter environ 80 % du quota espagnol. Elle a par ailleurs réalisé des acquisitions en République Tchèque, en Slovaquie, et en Hongrie dans un ensemble de sept sucreries ayant produit 192 198 tonnes de sucre de betterave en 1995.

Par l'effet du contrat de partage en date du 28 juin 1996, la société Générale Sucrière se voit attribuer l'usine de Marle­sur­Serre ainsi que 17 % du quota A de CFS et SFS soit 342 512,874 tonnes de droits A et 114 126,138 tonnes de droits B, soit un total de 654 610 quintaux de sucre A + B.

2. Le groupe Union­SDA

Il s'agit d'un groupe sucrier dont le capital est détenu à 100 % par des planteurs, qui a produit 314 421 tonnes de sucre de betterave au cours de la campagne 1995/1996 dans ses trois sucreries situées dans l'Aisne. La production destinée à la consommation directe est commercialisée par la société "Commerciale Origny", filiale à 99 %.

Le groupe détient des participations en France dans une société de conditionnement de sucre de canne, dans une société qui fabrique des sucres fondants ainsi que dans une société spécialisée dans le chargement des navires transportant notamment du sucre. A l'étranger, Union SDA possède des participations à hauteur de 30 et 25 % dans deux sociétés espagnoles de commercialisation de sucre et dans une société tchèque de production et de commercialisation de sucre de betterave à hauteur de 64 %.

Par l'effet du partage en date du 28 juin 1996, la société Sucrière de Berneuil­sur­Oise, filiale de SDA est attributaire de l'usine de Bucy­le­Long et de 18,3934 % du quota A de CFS et SFS, soit 371 668,604 tonnes de droits A et 102 259,769 tonnes de droits B, correspondant à 687 238 quintaux de quotas de sucre A + B.

3. Les coopératives, membres de Sucre­Union

Trois coopératives, contrôlées par des planteurs, ont constitué une société commune, la société Cristal Développement, dont elles possèdent chacune 33 % du capital, afin d'acquérir une partie des actifs et passifs de la SFS, filiale de la CFS. Il s'agit de :

- la sucrerie­distillerie de Corbeilles­en­Gâtinais, laquelle est détenue à 100 % par des planteurs et qui est l'actionnaire à 96 % de la société anonyme Cristal Financière, elle­même actionnaire à 56,24 % de la SA Cristal Participation dont le reste du capital est réparti comme suit : sucrerie d'Artenay 12 %, sucrerie d'Arcis­sur­Aube 14 %, sucrerie de Bazancourt 17 %. La SA Cristal Participation, elle­même, détient 50 % de la société nouvelle des sucreries de Chalon­sur­Saône, l'autre moitié du capital étant détenue par la société Générale Sucrière SA ;

- la société coopérative des Hauts­de­France, laquelle compte deux sucreries dans le Pas­de­Calais ;

- la coopérative d'Arcis­sur­Aube qui compte une sucrerie dans l'Aube.

Par l'effet du partage, les coopératives de Corbeilles, d'Arcis­sur­Aube et des Hauts­de­France acquièrent l'usine de Bray­sur­Seine, ainsi que 11,4381 % du quota A de CFS et SFS 231 125,785 tonnes de droits A et 68 088 tonnes de droits B, correspondant à 433 896 quintaux de sucre A + B.

Par ailleurs, la coopérative de Bazancourt acquiert 5,5406 % du quota A de CFS et SFS soit 111 956,799 tonnes de droits A et 33 484,075 tonnes de droits B, correspondant à 210 901 quintaux de sucre A + B.

Ces quatre coopératives, qui représentent une production d'environ 200 000 tonnes font partie des sept coopératives détentrices du capital de la société anonyme Sucre­Union laquelle commercialise le sucre apporté par ses actionnaires via Eurosucre SA dont elle détient 50 % du capital.

II­ Le secteur des édulcorants

Les sucres sont des glucides, qui constituent, avec les protides et les lipides, les trois principaux nutriments de l'organisme humain.

A- Le sucre

L'appellation sucre est réservée au saccharose, combinaison de glucose et de fructose, corps solide, blanc ou roux, brillant et cristallisé, soluble dans l'eau. Le saccharose est le plus sucré des glucides et celui qui procure pour le minimum de poids, le maximum de calories (4 calories par gramme). Il est issu de la betterave ou de la canne à sucre, au terme de différentes opérations nécessitant, spécialement pour le sucre de betterave, un équipement industriel lourd. Une sucrerie neuve, traitant 15 000 tonnes de betteraves par jour, représente ainsi selon la société EBS un investissement de l'ordre de 1,3 à 1,4 milliard de francs auxquels s'ajoutent des frais de structure et d'entretien incompressibles. Les résidus de ces opérations sont les pulpes, qui servent à l'alimentation animale, et la mélasse dont la distillation permet la production d'alcool.

Le sucre est destiné à la consommation directe (il est dit alors sucre de bouche) ou à une utilisation industrielle. Il comporte différentes présentations, parmi lesquelles, pour le sucre de bouche : le sucre moulé en morceaux, le sucre cristallisé blanc, le sucre en poudre, et des "spécialités" telles que la cassonade, le sucre glace, la vergeoise blonde ou brune, le sucre pour confitures, le sucre candi, le sucre en cubes réguliers ou irréguliers de canne. Le sucre destiné à l'industrie se présente notamment sous forme liquide, cristallisée, granulée (avec différentes granulométries) ou de semoule, mais la gamme des sucres industriels est en fait beaucoup plus étendue que ne le suggèrent ces quelques exemples (de 30 à 40 sortes de sucre selon les indications du Syndicat National des Fabricants de Sucre de France ­ SNFS). Ces présentations résultent soit d'une modification du processus de fabrication (tel que le ralentissement de la phase de cristallisation pour obtenir les "gros grains" servant notamment à des décorations en matière de boulangerie), soit de l'adjonction d'étapes spécifiques à l'issue du processus normal de fabrication (comme le concassage du sucre ou mise à part des poussières de sucre pour réaliser du sucre impalpable). Ceci explique que les ateliers de fabrication et de conditionnement puissent être distincts, géographiquement, des sucreries proprement dites, observation qui vaut également pour le sucre de bouche.

La production mondiale de sucre est passée de 9,6 millions de tonnes en 1900 à 116 millions en 1994/1995, dont le sucre de canne représente 70 % contre 47 % en 1900. La production pour 1995/1996 s'est élevée à 123 millions de tonnes dont 86,6 millions de tonnes de sucre de canne, niveau jamais atteint jusqu'alors. L'Asie est la région du monde qui contribue le plus à la hausse de la production. Les six premiers producteurs (sur 122 pays producteurs) que sont l'Inde (15,8 millions de tonnes), le Brésil (12,6 millions de tonnes), les Etats­Unis (6,7 millions de tonnes), la Chine (5,7 millions de tonnes), la Thaïlande (5,5 millions de tonnes), l'Australie (5,2 millions de tonnes) représentent 55 % de la production mondiale.

L'Union européenne assure 14 % de la production mondiale, avec 15,912 millions de tonnes pour la campagne 1995/1996, reprenant ainsi son rang de première région productrice mondiale qu'elle avait perdu en 1994/1995 face à l'Inde. La France (4,2 millions de tonnes) et l'Allemagne (3,7 millions de tonnes) représentent près de 50 % de cette production, les principaux producteurs suivants étant l'Italie (1,5 million de tonnes), la Grande­Bretagne (1,3 million de tonnes) et l'Espagne (1,1 million de tonnes).

La France est le premier producteur mondial de sucre de betterave, premier producteur de sucre de l'Union européenne et huitième producteur mondial de sucre (betterave et canne confondues). Les quarante­six sucreries française, dont la capacité moyenne journalière a été de 9 559 tonnes, ont fourni 4,014 millions de tonnes de sucre de betterave pour la campagne 1994/1995, la production attendue pour 1995/1996 étant de 4,220 millions de tonnes avec quarante­cinq sucreries. Dans l'Union européenne, seules la France et l'Espagne produisent du sucre de canne, à hauteur pour la France de 218 000 tonnes d'équivalent sucre blanc, soit 5 % de la production nationale ce qui a porté au total la production française à 4 036 283 tonnes en 1994/1995. L'évolution de la production de sucre en France, se caractérise par une augmentation constante jusqu'à la campagne 1981/1982 où elle a dépassé 5 millions de tonnes et par une stabilisation autour de 4,5 millions de tonnes depuis lors.

La consommation mondiale de sucre était estimée pour la campagne 1995/1996 à 117 millions de tonnes. Elle a été multipliée par près de 14 fois depuis le début du siècle tandis que la population a été multipliée dans le même temps par 3,5 fois. La progression de la consommation est toutefois désormais moins importante que celle de la population, bien qu'il subsiste de grandes possibilités d'accroissement, compte tenu des distorsions de niveau existant entre les différents pays, ceux d'Asie consommant ainsi en 1994 en moyenne 12,8 kg de sucre par habitant contre 41,4 en Europe de l'Ouest (en kg de sucre brut).

La consommation dans l'Union, est stable autour de 34 kg par an et par habitant. La consommation de sucre destiné à l'industrie est majoritaire puisque elle représente 70 % de la consommation contre 28 % sous forme directe, les 2 % restant étant utilisés par l'industrie chimique et l'alimentation animale.

La consommation annuelle par habitant en France se situe au même niveau que la moyenne européenne, soit 34 kg par habitant contre 12 kg en 1900 et 30 kg en 1958. Elle suit le rythme de la croissance de la population soit environ 0,5 % par an. Cette progression s'est accompagnée d'une évolution puisque la consommation directe, qui semble s'être stabilisée autour de 26 % de la consommation totale (2,005 millions de tonnes en 1994/1995), a régulièrement décliné au profit de la consommation indirecte, sous l'effet de la modification des habitudes alimentaires. Les cinq premières industries utilisatrices de sucre (fabrication de boissons rafraîchissantes, chocolateries, produits lactés, sirops, pâtisseries et biscuiteries industrielles) représentaient en 1994/1995, 71,53 % de la demande, dont 21,19 % pour la seule fabrication de boissons rafraîchissantes.

Les échanges mondiaux ont porté sur 32 millions de tonnes, soit sur 27 % de la production mondiale. Quatre pays (l'Australie pour un quart, suivie de la Thaïlande, de Cuba, du Brésil) fournissent les deux­tiers du sucre brut vendu dans le monde. En ce qui concerne le sucre blanc, l'Union européenne demeure le premier exportateur mondial avec 5,2 millions de tonnes, suivie du Brésil, de l'Ukraine, et de la Thaïlande, l'ensemble représentant 73 % des exportations mondiales. Les volumes exportés sont répartis sur plusieurs marchés, en vertu d'accords à caractère géopolitique qui prévoient des approvisionnements préférentiels à l'intérieur de zones réglementées avec des tarifs privilégiés. Dans ces conditions, le marché libre apparaît comme résiduel et constitue un marché d'excédents, essentiellement spéculatif et marqué par de fortes variations de prix.

L'Union européenne a exporté à destination des pays tiers 3,156 millions de tonnes de sucre blanc, la moyenne sur les cinq dernières campagnes s'élevant à 3,391 millions de tonnes. Au niveau intra­communautaire, ces échanges sont estimés à 1,880 million de tonnes pour la campagne 1994/1995 en progression par rapport à 1993/1994 (1,420 million de tonnes) et 1992/1993 (1,2 million de tonnes), cette progression étant toutefois artificielle, car due à l'augmentation du volume de sucre français expédié en Belgique pour réexportation vers les pays tiers.

La France est le premier pays exportateur de l'Union européenne et le sixième exportateur mondial. Elle a exporté 65 % de sa production lors de la campagne 1994/1995, et en moyenne 55 % de sa production sur les vingt dernières années. Les ventes de sucre en l'état vers l'Union européenne atteignent près de 600 000 tonnes soit près de 22 % des exportations, l'Espagne et l'Allemagne étant les principaux clients de la France. Les exportations françaises vers des pays tiers, se sont élevées à 2,155 millions de tonnes, dont 45,66 % sont des sucres dits "C", c'est-à-dire sans soutien de prix. Compte tenu de ses capacités excédentaires de production, la France est faiblement importatrice de sucre. Les importations de sucre en l'état se sont élevées à 149 000 tonnes, représentant 2,73 % des ressources françaises pour la campagne 1994/1995.

B- Les produits de substitution

Le développement de la recherche, la volonté de disposer de produits pouvant offrir des combinaisons de pouvoir sucrant et de valeur calorique, différentes de celles présentées par le sucre, ont conduit à faire émerger des produits dits de substitution, parmi lesquels on distingue les édulcorants naturels, issus d'autres espèces végétales tels que le glucose (issus de l'amidon, lui même produit à partir de céréales ou de fécule de pomme de terre), l'isoglucose, le fructose, l'inuline (issu de la chicorée) et les édulcorants de synthèse (saccharine, aspartame, cyclamates et autres). D'autres classifications peuvent être retenues, selon que l'on s'attache au pouvoir sucrant ou calorique du produit considéré.

Le conseil a déjà examiné la question de la substituabilité de ces produits au sucre. Il a estimé dans son avis n° 90­A­09 du 12 juin 1990 que "le secteur sucrier traditionnel est menacé par le développement de la consommation des produits de substitution ; qu'en particulier, les édulcorants issus de l'amidon, et notamment le glucose, sont substituables aux sucres industriels et très compétitifs en raison de leur prix de vente moins élevés car non soumis aux contraintes de la politique agricole commune". Dans son avis n° 94­A­11 du 1er mars 1994, compte tenu notamment de la stabilisation du développement des produits concurrents observée, il a relevé que "si les demandeurs sur le marché peuvent s'approvisionner, pour certaines utilisations, en édulcorants issus de l'amidon ou de produits de synthèse ainsi qu'en nouveaux produits tels que le sirop d'inuline, il n'est établi ni que la substituabilité de ces produits au sucre est, à l'heure actuelle, suffisante pour considérer qu'ils appartiennent au même marché, ni que cette situation est susceptible d'évoluer à brève échéance". Dans une décision antérieure du 30 juillet 1991 relative à l'opération d'acquisition par la société Eridania d'une partie du capital de la société ISI, la Commission de Bruxelles a également considéré que les sucres de betterave et de canne ne relèvent pas du même marché que leurs substituts tels que le glucose, la saccharine ou l'aspartame, au motif d'une part que les produits glucosés ne sont substituables au sucre que pour une partie des utilisations de celui­ci, et qu'ils sont parfois utilisés plutôt en complément du sucre, notamment pour les boissons, au titre de leurs qualités particulières, et d'autre part que les autres sucres de remplacement sont identifiés et commercialisés en tant que produits à teneur en calorie réduite. La Commission a en outre relevé pour ces derniers que leurs ventes représentaient de faibles volumes.

Aucune évolution majeure n'est intervenue depuis ces avis. La substituabilité de ces produits au sucre demeure variable, en fonction des usages auxquelles on les destine. Ceci tient soit à leurs propriétés physiques, qui ne permettent pas leur utilisation pour certains types de produits, soit à l'existence de législations de nature à restreindre leur utilisation pour la fabrication des produits alimentaires. Les obstacles au développement des édulcorants autres que le sucre résultent encore de leur prix ou de leur contingentement (ce dernier affecte désormais tant la production d'isoglucose que la production d'inuline). Enfin, le changement de processus industriel que le recours à ces produits peut rendre nécessaire constitue également un frein à leur emploi.

Au plan des volumes et sous réserve de l'insuffisance des données chiffrées soulignée par les organismes spécialisés, les parts de marché respectives du sucre et des autres édulcorants au plan mondial étaient estimées par le CEDUS (1) en 1993 à 82 % pour le sucre, 5 % pour le glucose, 7 % pour l'isoglucose, 4 % pour la saccharine, et 2 % pour l'aspartame, ces chiffres démontrant une stabilisation des rapports entre les différents produits. Dans l'Union européenne, la consommation des édulcorants autres que le sucre, exprimée en pourcentage de la consommation totale d'édulcorants caloriques serait ainsi répartie : 10 % pour le glucose, 10 % pour les édulcorants intenses, 2 % pour l'isoglucose, moins de 1 % pour les polyols. Le FIRS (2) constate également l'absence de "changements profonds" dans le secteur des édulcorants intenses et souligne la confirmation de la baisse d'intérêt des consommateurs des pays développés pour les produits allégés. Pour les édulcorants caloriques, le FIRS indique que les ventes d'isoglucose continuent à progresser dans le monde à un rythme supérieur à 5 % entre 1993 et 1994 contre 1,5 à 2 %, notamment aux Etats­Unis, qui représente 75 % du marché mondial en ce domaine. Le FIRS note l'augmentation, dans l'Union européenne, de la production du sirop d'inuline à hauteur de 58 % en 1995/1996 par rapport à la campagne précédente, et considère que cette progression s'est faite au détriment des utilisations de sucre. Des estimations internes à la société EBS évaluent la part de marché du sucre à 76 %, celle du glucose à 19 %, de l'isoglucose à 2 %, des édulcorants de synthèse à 2 %, de l'inuline à 1 %. Enfin, quelques données sectorielles portant sur les emplois comparés de sucre et de produits de substitution, ont été recueillies auprès de l'Alliance 7, organisme représentant des industriels du secteur agro­alimentaire utilisateurs de sucre. Pour un total de 509 900 tonnes représentant 34 % des ingrédients utilisés pour la confection des produits en cause (biscuiteries, pâtisserie, biscotteries, petits déjeuners, aliments pour enfants, entremets et desserts, chocolateries et confiseries) en 1995, la répartition entre édulcorants aurait été la suivante, saccharose : 347 300 tonnes soit 68,11 % du total, sirop de glucose et isoglucose : 101 100 tonnes soit 19,83 % du total, sirops divers dont sucres invertis et mélanges sucrés : 16 800 tonnes soit 3,30 % du total, autres "sucres" (dextrose, maltose, fructose, maltodextrine) : 12 400 tonnes soit 2,43 % du total, polyols : 32 300 tonnes, soit 6,33 % du total.

C- La réglementation communautaire applicable au secteur

1. Une organisation commune de marché affectée par l'Uruguay Round

Compte tenu des caractéristiques de la production de sucre et de ses aspects à la fois agricoles et industriels, ce secteur bénéficie depuis le 1er juillet 1967 d'une organisation commune de marché dont les mécanismes d'intervention doivent le protéger des fluctuations du cours mondial du sucre de nature à entraîner une baisse du revenu agricole et à empêcher les investissements nécessaires à une industrie lourde. Cette politique a également intégré des objectifs de développement pour certains pays tiers, lesquels bénéficient en conséquence, de conditions préférentielles d'importation. Après une révision en 1974, les dispositions de la première organisation commune de marché ont été appliquées jusqu'en 1981. A cette date, le règlement 1785-81 du 30 juin 1981, modifié depuis lors pour chaque campagne, a déterminé les conditions actuelles de fonctionnement de ce marché dont les trois caractéristiques sont la garantie des prix, sur le marché européen et à l'exportation, le contingentement de la production auquel s'applique la garantie de prix, et l'autofinancement. L'isoglucose puis l'inuline, substituts du sucre pour certaines applications, ont été inclus dans l'organisation commune de marché. En outre, ce régime a été affecté par les accords de l'Uruguay Round, aux termes desquels l'Union a pris des engagements entraînant, dans leur principe, une diminution progressive de la protection accordée à l'industrie sucrière. Au total, le règlement n° 1191-95 en date du 10 avril 1995, qui modifie le règlement de base pour la septième fois, proroge l'organisation communautaire de marché applicable au secteur du sucre pour six ans soit jusqu'au 30 juin 2001.

En vertu des dispositions communautaires, chaque pays de l'Union dispose de deux "contingents" de production, le quota A, qui correspond au volume de production nécessaire à la consommation annuelle des pays de l'Union, et le quota B, qui est destiné à faire face à une situation de pénurie ou à une mauvaise récolte. Le surplus de production par rapport à la somme des quotas A et B, est appelé sucre C. Ces quotas sont répartis par les autorités nationales entre les entreprises de production. Attribués à l'origine en fonction des références de production antérieures, les quotas alloués aux Etats membres n'ont pas évolué depuis 1981. Les pays entrant dans la communauté ont tous été attributaires de quotas. Tel a été le cas, en dernier lieu, à partir du 1er janvier 1995, de l'Autriche, la Finlande et la Suède. Les quotas nationaux fixés pour les campagnes 1995/1996 à 2000/2001 représentent au total 14,583 millions de tonnes. La France (métropole) dispose des quotas les plus élevés de sucre blanc représentant au total 3 319 232 tonnes, suivie de l'Allemagne, de l'Italie, du Royaume­Uni et de l'Espagne. Dans les limites des quotas nationaux, les quotas accordés aux entreprises peuvent être modifiés, soit du fait de décisions des autorités nationales dans la limite de 10 % des quotas attribués, d'une année sur l'autre, soit en cas de transformation des structures de production. Ainsi le règlement n° 193-82 du 26 janvier 1982 arrêtant les règles relatives au transfert de quotas dans le secteur du sucre, prévoit dans son article 2 qu'il est attribué à l'entreprise résultant d'une fusion des quotas A et B égaux à la somme des quotas A et B allouée aux entreprises avant la fusion. Dans le cadre des accords de l'Uruguay Round, les quotas pourront également être réduits, en fonction de coefficients nationaux, pour respecter les engagements pris en matière de limitation des "subventions" aux exportations. Cette réduction affectera également l'isoglucose et l'inuline.

Le Conseil des ministres de l'Union fixe annuellement un prix indicatif du sucre blanc, auquel il estime normalement possible d'écouler la production, ainsi qu'un prix d'intervention du sucre blanc et brut inférieur de 5 % au prix indicatif, qui constitue le prix garanti auquel un organisme d'intervention dont chaque Etat membre est doté (en France, le FIRS), s'engage à acheter le sucre au fabricant si celui­ci n'a pas réussi à l'écouler. Le prix d'intervention du sucre blanc s'élève à 417,70 F le quintal pour la dernière campagne, et le prix indicatif à 439,58 F. Il détermine également annuellement un prix de base de la betterave, qui est établi compte tenu du prix d'intervention du sucre blanc et de forfaits exprimant la marge de transformation, le rendement, les recettes des entreprises résultant des ventes de mélasse, éventuellement les coûts imputables à la livraison des betteraves aux entreprises. Un prix minimal de la betterave A et de la betterave B, est également fixé chaque année. Le prix de base de la betterave en France s'est élevé à 315,11 F le quintal pour la dernière campagne. Ces prix s'appliquent du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante. Il s'agit de la sixième campagne consécutive de validité des prix en écus sous réserve d'un ajustement à la baisse de 1,29 % intervenu le 1er juillet 1993 au moment de la mise en place du régime agri­monétaire.

Afin de permettre l'écoulement, sur le marché mondial des excédents de production de sucre A ou B, et compte tenu du caractère généralement inférieur du prix mondial au prix d'intervention, les exportations bénéficient d'une "restitution", c'est­à­dire de la prise en charge par l'Union de la différence entre ces prix. Les restitutions sont financées par des cotisations supportées par les producteurs et les planteurs. Il convient de relever qu'une restitution est également versée pour le sucre incorporé dans les produits transformés exportés. Dans le cadre de l'accord précité de l'Uruguay Round, les restitutions accordées aux exportations nettes de sucre sont plafonnées en montant et en quantité, selon un calendrier qui prévoit une dégressivité des volumes bénéficiant de restitutions. Le sucre C, produit en plus des quotas attribués, est obligatoirement exporté en dehors de l'Union et ne bénéficie d'aucune garantie de prix ou restitution. Il est donc vendu au cours mondial.

Afin de garantir la préférence communautaire et jusqu'aux accords de l'Uruguay Round, des prélèvements (dits prix de seuils) aux importations de sucre en provenance des pays tiers (à l'exclusion des sucres préférentiels en provenance de dix­neuf pays d'Afrique, des Caraïbes, et du Pacifique lesquels, en application du protocole sucre de la convention de Lomé, peuvent être livrés à hauteur d'un contingent de 1,3 million de tonnes, à un prix garanti égal au prix d'intervention communautaire) étaient fixés par le Conseil des ministres de la Communauté afin de ramener le prix des sucres importés au niveau des prix communautaires. Depuis le 1er juillet 1995, ce système a été remplacé par des droits de douane d'un montant fixe, qui ont pour conséquence de faire varier, en fonction des cours mondiaux, le prix d'entrée des sucres importés. Un calendrier de démantèlement de ces droits est prévu, ayant pour effet de les baisser de 20 % en six ans.

Pour garantir le flux régulier du sucre du fabricant au consommateur à un prix constant, malgré le caractère saisonnier de la production, les coûts de conservation du sucre sont remboursés mensuellement à un taux constant, en contrepartie de l'obligation faite aux fabricants de conserver un stock minimal représentant 3 % de leur quota A pour assurer la sécurité d'approvisionnement. Ces remboursements sont financés par une cotisation perçue auprès des fabricants lors du premier écoulement de sucre, répercutée auprès des clients, de sorte que le prix de soutien effectif du marché représente le prix d'intervention majoré de la cotisation de stockage. Au total, le prix de soutien effectif du marché est donc égal pour la campagne 1995/1996 à 441,63 F le quintal.

Le sucre bénéficie enfin des mesures dites agri­monétaires, réformées en 1984, qui ont pour objet d'éviter des changements brusques des prix des produits agricoles exprimés en monnaie nationale. Mais, selon les opérateurs, ces mesures, destinées à éviter des distorsions artificielles de compétitivité entre les producteurs en fonction de la variation du taux de change de leur monnaie nationale, n'empêchent pas l'existence de marges de fluctuation permettant à des producteurs nationaux de détenir un avantage de prix à certaines périodes.

2. Des relations entre planteurs et industriels fortement encadrées

L'article 7 du règlement de base du secteur dispose que "les accords interprofessionnels ainsi que les contrats conclus entre les vendeurs de betteraves et les acheteurs de betteraves doivent se conformer à des dispositions cadres, notamment en ce qui concerne les conditions d'achat, de livraison, de réception et de paiement des betteraves". Un règlement du conseil n° 206-68 du 20 février 1968, complété par un règlement n° 225-72 du conseil du 31 janvier 1972 fixe ces dispositions régissant les relations entre planteurs et industriels et qui prévoient notamment l'existence de contrats écrits, où les quantités de betteraves à livrer sont déterminées, les conditions de livraison et d'échantillonnage précisées, la prise en charge des frais de transport des betteraves par le fabricant indiquée.

Les intérêts des planteurs susceptibles d'être affectés par des restructurations industrielles sont pris en compte par le règlement précité n° 193-82 du 26 janvier 1982 arrêtant les règles relatives au transfert de quotas dans le secteur du sucre, lequel prévoit dans son article 2 que : "Lorsqu'une partie des producteurs de betteraves manifestent expressément leur volonté de livrer leurs betteraves ou leurs cannes à une entreprise productrice de sucre qui n'est pas partie prenante à ces opérations, l'État membre peut effectuer l'attribution (­des quotas­) en fonction des quantités de production absorbées par l'entreprise à laquelle ils entendent livrer leurs betteraves ou leurs cannes". Les planteurs peuvent ainsi peser sur les décisions de restructuration du secteur, dans la mesure où les droits de livraison, autorisant les planteurs à apporter leurs betteraves à telle ou telle usine, n'appartiennent pas aux sociétés sucrières et sont attachés aux exploitations agricoles. Des accords interprofessionnels sont négociés entre les opérateurs, permettant l'établissement de "protocoles de mouvance" qui déterminent les nouvelles conditions de livraison liées à une opération de restructuration, notamment quand elle emporte fermeture d'une sucrerie, ces protocoles faisant l'objet en France d'un arrêté du ministre de l'agriculture.

D- La structure de l'offre au plan européen

Les dix premiers groupes sucriers européens sont les suivants :

EMPLACEMENT TABLEAU

Source : Le sucre, géographie et économie sucrière, CEDUS.

Selon les données fournies par le comité européen des fabricants de sucre, l'industrie sucrière européenne (Union à 15) comptait en 1995 76 sociétés sucrières et 177 sucreries contre 150 sociétés et 177 sucreries il y a 20 ans. Le nombre de sucreries pour la campagne 1995/1996 serait tombé à 172 selon la société EBS.

Sept pays de l'Union (l'Autriche, le Danemark, la Finlande, la Grèce, l'Irlande, le Royaume­Uni et la Suède) ne comptent qu'une société sucrière, dont une société d'Etat (en Grèce). Seules les sociétés EBS, Générale Sucrière, Südsucker (allemande), Danisco (danoise) sont présentes dans plusieurs pays de l'Union.

E- L'organisation de la filière au plan national

1. Des relations interprofessionnelles particulièrement réglementées

La production de betterave est assurée par 40 219 exploitations, d'une superficie de 10,8 hectares en moyenne, dites de "grande culture", sur lesquelles la betterave représente entre 10 à 20 % de la surface agricole. Les surfaces cultivées en betterave en 1995 se sont élevées à 456 678 hectares, représentant 2,6 % du total des terres labourables. Six départements (l'Aisne, la Marne, l'Oise, le Pas­de­Calais, la Seine­et­Marne et la Somme) représentent 66 % des surfaces cultivées en betterave. L'évolution des conditions de production se caractérise par une augmentation des rendements betteraviers, passés de 30 tonnes à l'hectare dans les années 1970 à près de 60 aujourd'hui. Il existe des disparités de taille entre les exploitations en fonction des départements (5,38 ha dans le Bas­Rhin et 23,92 ha dans le Val­d'Oise) mais la tendance est à l'augmentation de la surface des exploitations puisque 33,60 % d'entre elles font plus de 10 hectares aujourd'hui contre seulement 9,70 % en 1963.

Les relations entre planteurs et sociétés sucrières font l'objet d'un accord interprofessionnel annuel adopté le 6 février 1996 pour la campagne en cours, qui détermine les conditions d'achat et de notification des droits de production aux exploitations agricoles, les conditions de réception et de livraison des betteraves, les bonifications ou les moins­values du prix d'achat de la betterave résultant de la tare­terre des producteurs, les conditions de fixation des prix et les modalités de paiement. Cet accord affecte ainsi les conditions dans lesquelles les sociétés sucrières peuvent organiser leur production de sucre, notamment au regard de la répartition de celle­ci entre les différents quotas, et supportent le coût de la matière première.

Il prévoit notamment au plan des volumes que chaque entreprise sucrière détermine librement le tonnage global de betteraves A qu'elle achète pour la production du quota A qu'elle s'engage à recevoir et à payer conformément aux dispositions communautaires et françaises en la matière, et qu'elle répartit le tonnage de betteraves A acheté entre les planteurs attachés à chacune de ses usines en vertu des droits de livraison. L'entreprise détermine et répartit dans les mêmes conditions le tonnage de betteraves B qu'elle achète en vue de la fabrication de sucre B. En ce qui concerne les betteraves C, produites en dépassement des droits A et B, l'entreprise doit indiquer dans le contrat portant engagement d'achat et de livraison les limites dans lesquelles elle s'engage à acheter ces betteraves C à défaut de quoi elle est réputée s'être engagée à acheter les betteraves C sans limitation quantitative.

En ce qui concerne les conditions de rémunération, l'accord indique que le prix des betteraves A est fixé à partir du prix de base communautaire majoré des cotisations communautaires, et des suppléments de prix résultant le cas échéant de mesures communautaires ou nationales (telles que l'application du protocole tare/terre précité qui conduit à allouer aux planteurs un bonus ou un malus en fonction de la propreté des betteraves livrées). Par ailleurs, ce prix varie en fonction de la richesse de la betterave. En application d'un protocole spécifique, le prix de la betterave C est défini à partir du prix du sucre constaté sur le marché international des sucres blancs de Paris et s'obtient en appliquant entre le prix de la betterave et le prix du sucre la même corrélation que celle du décompte communautaire du prix d'intervention du sucre ; cette disposition prévoit donc une répartition des gains ou des pertes résultant des prix mondiaux identique à la répartition de la "richesse" entre planteurs et sociétés sucrières issue des prix d'intervention communautaires.

2. Des sociétés sucrières dont le nombre diminue régulièrement

On comptait en France (métropole) en 1996, sans prendre en compte la réalisation de l'opération soumise au Conseil, 24 sociétés sucrières qui appartiennent soit au secteur privé, soit au secteur coopératif, et 45 sucreries.

Outre les groupes Eridania Béghin­Say (3 sociétés sucrières, 10 sucreries), Compagnie Française de Sucrerie (2 sociétés sucrières, 5 sucreries), Générale Sucrière (3 sociétés sucrières, 9 sucreries), Groupe Sucreries­Distilleries de l'Aisne (SDA) (3 sociétés sucrières, 4 sucreries), décrits supra, ces groupes ou sociétés sont :

- le groupe Vermandoise qui compte 4 sociétés sucrières, la société Vermandoise­Industries (3 sucreries situées dans le Loiret et la Somme), la société anonyme de sucreries de Fontaine­le­Dun­Bolbec­Auffay (1 sucrerie située en Seine­Maritime), la Sucrerie de Toury (1 sucrerie située dans l'Eure­et­Loir), la Sucrerie­distillerie de Bihucourt ;

- le groupe Sucre­Union : lequel outre les 4 coopératives déjà décrites compte également la Sucrerie agricole de Colleville (1 sucrerie en Seine­Maritime) et la Sucrerie de Bourdon (1 sucrerie dans le Puy­de­Dôme) ;

- les Sucreries et raffineries d'Erstein (67) : société anonyme dont le capital est détenu à 64 % par des planteurs, à 20 % par une société belge d'exportation, le reste étant détenu par de petits actionnaires individuels ;

- la SA Boinet et Cie : société familiale qui possède une sucrerie dans la Somme ;

- la Société des sucreries du Marquenterre : société familiale qui possède une sucrerie dans le Pas­de­Calais.

Le tableau reproduit en annexe donne la répartition des quotas français (pour la métropole) pour la campagne en cours, selon le regroupement opéré autour des ensembles précités.

La tendance à la concentration dans ce secteur d'activité est marquée puisqu'on comptait encore, selon les indications fournies par le SNFS, soixante­deux sociétés sucrières en 1967, trente­neuf en 1977 et trente et une en 1987. Elle conduit à une évolution de la répartition entre entreprises des quotas (dont le volume est constant depuis 1981), caractérisée par la diminution de la part des " petites " entreprises (­ 8,93 %), et de celle des entreprises du pôle coopératif (Sucre­Union et Union SDA) ­ 5,33 %, ainsi que le fait apparaître le tableau ci­dessous :

(en quintaux)

EMPLACEMENT TABLEAU

(*) Sucre Union incluait en 1981 la sucrerie de Berneuil et celle d'Origny­Sainte­Benoite désormais membres de Sucreries­Distilleries de l'Aisne.

La répartition de la production française de sucre de betterave par entreprise sucrière figurant dans le tableau ci­dessous fait apparaître que les deux premiers producteurs assurent 47,25 % de la production, le pôle "privé" 73,88 % et le pôle coopératif (y compris Erstein et 50 % de la production réalisée par la Société nouvelle de Chalon­sur­Saône) 26,12 %.

(en tonnes)

EMPLACEMENT TABLEAU

(*) Le pourcentage est établi sur la base d'une production totale estimée à 4 019 967 tonnes.

(**) Estimation

Le secteur sucrier se caractérise par sa forte rentabilité puisque le taux de marge brute global de l'industrie sucrière française est toujours, sur les sept dernières années, supérieur à celui constaté dans l'ensemble du secteur industriel français ainsi qu'à celui constaté dans les industries agro­alimentaires, et sa rentabilité financière est également supérieure.

3. Une structure de commercialisation très concentrée

Les conditions de commercialisation du sucre produit en France ont également connu une évolution tendant à regrouper l'offre sur le marché. Ce regroupement a d'abord été le fait de la société Sucre­Union, dont l'objet est d'assurer la commercialisation du sucre produit par ses actionnaires, lesquels doivent statutairement lui réserver leur sucre à titre exclusif. Il s'est poursuivi par la création, en vertu d'un accord en date du 17 octobre 1989, de la société Eurosucre, SNC, filiale commune à hauteur de 65 % de Générale sucrière et de 35 % pour Sucre­Union, qui commercialise, à titre exclusif, dans l'Union européenne, le sucre produit par Générale sucrière et les sociétés membres de Sucre­Union, opération que le Conseil de la concurrence a examinée dans son avis n° 90­A­09 du 12 juin 1990. Le mode de fonctionnement d'Eurosucre, décrit dans l'avis précité, qui conduit les sociétés "adhérentes" à répondre, pour des quantités déterminées, à un appel d'offres à la suite duquel les achats seront effectués sur la base du prix du moins disant, demeure en vigueur. Eurosucre vend également le sucre produit par la Société nouvelle des Sucreries de Chalon­sur­Saône et celui produit par la Sucrerie­Distillerie de Souppes. Les fluctuations affectant la composition de Sucre­Union peuvent modifier les volumes de sucre commercialisés par Eurosucre. Tel a été le cas au cours des dernières années du fait notamment des départs successifs des coopératives de Berneuil­sur­Aisne et Vic­sur­Aisne et depuis le 1er octobre 1996, de la coopérative d'Artenay, lesquelles apportent désormais leur sucre à la société de commercialisation de SDA, la société "Commerciale Origny". La CFS avait rejoint la société Eurosucre le 1er juillet 1990, pour la quitter en septembre 1995.

Pour l'année 1995 (3), les principaux offreurs sur le marché du sucre en France, au stade de la commercialisation et sur la base d'une consommation de 1 960 075 tonnes en métropole la même année, étaient les suivants :

­ Eurosucre pour un tonnage de 900 000 tonnes (4) soit une part de marché en volume de 46 % de la consommation française en sucre de bouche et sucre industriel. Les sucres vendus par Eurosucre sont commercialisés, en ce qui concerne le sucre de bouche, sous la marque Daddy pour les sucres courants, et Saint­Louis pour certains sucres de canne ;

- EBS avec 780 798 tonnes soit 30 % des ventes totales, qui n'incluent pas, pour le dernier trimestre 1995, 200 000 tonnes commercialisés pour le compte de CFS. Les sucres sont commercialisés sous la marque Béghin­Say ainsi que La Perruche, l'Antillaise, Blonvilliers pour les sucres de canne ;

- la société Commerciale Origny avec 136 500 tonnes représentant 5,5 % des ventes totales, commercialisées sous la marque Origny ;

- la société des Sucreries et raffineries d'Erstein avec 100 000 tonnes tous sucres confondus soit 5 % des ventes, commercialisés sous la marque Erstein ;

- la société CFS avec 12 495 tonnes de sucre industriel, soit 0,64 % des ventes totales.

L'ensemble de ces opérateurs représente près de 90 % des ventes en volume sur le marché français, les 10 % restants étant commercialisés par des négociants spécialisés.

Les modes de commercialisation, l'étendue de la gamme, les niveaux de prix sont fonction de la destination du sucre.

Le sucre de bouche est vendu sur la base d'un tarif qui comporte des remises quantitatives. La gamme des sucres à destination de la consommation directe est plus étendue chez Béghin­Say et Eurosucre (lesquels sont également présents sur le marché des édulcorants allégés) que chez les autres producteurs tels que Union SDA et Erstein. Or, si les sucres courants (en morceaux en 1 kg, en poudre en 1 kg et en 500 g, cristallisé en 1 kg et en 5 kg) représentent 90 % des tonnages vendus, les sucres spéciaux connaissent une forte progression de l'ordre de 10 à 12 % par an, selon le CEDUS, et dégagent des marges plus élevées pour les producteurs que les sucres traditionnels. La demande sur ce segment est concentrée, conformément au comportement des particuliers qui achètent le sucre destiné à leur consommation domestique à hauteur de 32 % dans les hypermarchés, 44 % dans les supermarchés, 14 % dans les supérettes et 10 % dans les épiceries traditionnelles. Ainsi, en 1995, 73 % du chiffre d'affaires d'EBS a été réalisé avec dix clients et 50,6 % avec les cinq premiers clients représentant la grande distribution. Pour les seules grandes et moyennes surfaces, les dix premiers clients représentaient en 1995, 90,6 % du chiffre d'affaires et le premier d'entre eux 20,5 %. Les renseignements recueillis auprès d'autres offreurs font apparaître une demande encore plus concentrée (85 % du chiffre d'affaires réalisés avec les dix premiers clients). D'après la société EBS, le niveau moyen du prix du sucre de bouche se situe autour de 7 200 F la tonne. L'écart à cette moyenne serait élevé selon le SNFS, en raison de la variété des présentations et conditionnements, ainsi que de la part des spécialités, plus chères. Le prix moyen constaté au détail en France métropolitaine pour le sucre en morceaux est de 7,80 sur la campagne 1995/1996 selon le CEDUS. Les prix au détail se caractérisent par leur relative stabilité, une hausse en francs constants de 22 centimes soit de 2,71 %, ayant été enregistrée depuis 1970.

Le sucre à destination de l'industrie fait pour partie l'objet de contrats individuels, en fonction des exigences des clients sur les qualités de sucre requises (granulométrie, blancheur, présentation, conditions d'approvisionnement qui peuvent comporter une part optionnelle), qui donnent donc lieu à des tarifications spécifiques. Le sucre qui ne répond pas à des spécifications particulières fait l'objet, comme le sucre de bouche, de barèmes d'achats comportant des remises quantitatives. La demande est également concentrée puisque 57,9 % du chiffre d'affaires d'EBS sont réalisés avec les dix premiers clients et 43,1 % avec les cinq premiers, la part du premier client (Coca­Cola) étant de 18,1 %. D'autres offreurs font état d'une demande légèrement moins concentrée (35 % du chiffre d'affaires réalisé avec les dix premiers clients), Coca­Cola demeurant néanmoins le premier acheteur. Il n'existe pas de données exhaustives sur la répartition des tonnages vendus par type de sucres industriels. D'après les indications fournies par le syndicat SFRS., le sucre liquide représenterait moins de 10 % des tonnages de sucre vendus à destination de l'industrie. Le niveau moyen du prix du sucre industriel se situe selon EBS autour de 4 850 F la tonne. Les indications en provenance d'autres sources (SFRS.), concurrents, industriels utilisateurs donnent une moyenne évoluant au maximum à ­ 2 % autour de ce chiffre.

II- SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur la nature de l'opération :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "La concentration résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence déterminante" ;

Considérant que l'opération analysée consiste en l'acquisition par la société Eridania Béghin­Say de la totalité du capital de la société Compagnie Française de Sucrerie en vue de détenir, après un partage réalisé entre différentes entreprises sucrières, une partie des actifs de cette société ; que cette opération constitue donc une concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance précitée ;

Sur le marché et les seuils de référence :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, "Tout projet de concentration ou toute concentration de nature à porter atteinte à la concurrence notamment par création ou renforcement d'une position dominante peut être soumis, par le ministre chargé de l'économie, à l'avis du Conseil de la concurrence. Ces dispositions ne s'appliquent que lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont réalisées ensemble plus de 25 % des ventes, achats, ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de 7 milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins 2 milliards de francs" ; que l'article 27 du décret d'application du 29 décembre 1986 précise que "le chiffre d'affaires pris en compte à l'article 38 de l'ordonnance est celui réalisé sur le marché national par les entreprises concernées et s'entend de la différence entre le chiffre d'affaires global hors taxes de chacune de ces entreprises et la valeur comptabilisée de leurs exportations" ;

Considérant que le chiffre d'affaires consolidé réalisé en France par le groupe Eridania Béghin­Say auquel la société Eridania Béghin­Say est économiquement liée a été pour l'exercice clos en décembre 1995 de 10,8 milliards de francs ; que celui réalisé par la Compagnie Française de Sucrerie a été de 1,788 milliard de francs au 30 septembre 1995 ; que la condition fixée au deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'est pas remplie ; qu'il importe dès lors de rechercher si le seuil en valeur relative fixé par ce même texte est atteint sur le marché concerné ;

Considérant que la persistance des limites physiques ou économiques de la substitution d'autres produits au sucre examinées par le conseil dans son avis n° 94­A­11 du 1er mars 1994, conduisent à estimer que sucre et autres produits édulcorants ne sont pas sur le même marché, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la société EBS ;

Considérant que le produit concerné par l'opération est le sucre, issu de betterave ou de canne;

Considérant que la société EBS considère qu'il existe un marché du sucre destiné à la consommation directe et un marché du sucre destiné à l'industrie ; que la réglementation communautaire ne distingue pas entre les deux types de débouchés et que les quotas sont attribués et les prix fixés sans distinction de l'usage final du sucre ; que toutefois il existe différentes catégories de demandeurs en fonction de la destination du sucre, que sont les distributeurs, les sociétés prestataires de service telles que la restauration collective pour le sucre destiné à la consommation directe et les industries de transformation incorporant du sucre dans la confection de leurs produits; que la présentation du sucre peut varier en fonction de l'usage auquel il est destiné; qu'il existe ainsi des présentations spécifiques au sucre à destination de l'industrie telles que sucre liquide ou sucre inverti et au sucre de bouche telle que sucre en morceaux dont l'offre nécessite une adaptation du processus de fabrication ; que les conditionnements sont différents, qu'ainsi le sucre industriel pour la présentation traditionnelle est disponible en vrac, par sacs de 50 kg, tandis que le sucre de bouche est présenté en conditionnement de 500 g à 5 kg ; que le conditionnement du sucre de bouche rend nécessaire l'existence d'ateliers spécialisés qui exigent une main d'œuvre supplémentaire par rapport aux unités de production dédiées au sucre à destination de l'industrie ; qu'il existe une différence de prix entre sucre industriel et sucre de bouche, le premier étant vendu à un prix moyen de 4 850 F la tonne contre 7 200 F pour le second ; que certains producteurs n'assurent pas la fabrication de sucre destiné à la consommation directe ; que dans ces conditions, il existe un marché du sucre de bouche et un marché du sucre à destination de l'industrie;

Considérant que la CFS ne produisait pas de sucre à destination de la consommation directe ; que toutefois l'acquisition d'une partie des quotas de la société CFS donne à la société EBS, en l'absence de répartition des quotas de production par destination du sucre, la possibilité d'accroître son offre sur les deux marchés sur lesquels elle est déjà présente ; qu'ainsi le Conseil doit examiner l'opération, tant au regard du franchissement des seuils que des effets sur la concurrence, sur les deux marchés ;

Considérant que la société EBS a produit 1,22 million de tonnes pour la campagne 1995/1996 soit 29,05 % de la production française la même année ; que cette société détient 1 004 000 tonnes de quotas représentant 30,26 % des quotas français métropolitains, que la société EBS indique, selon les données fournies à l'appui de sa notification, avoir vendu, pour l'année civile 1995, 215 773 tonnes de sucre destiné à la consommation directe soit sur 729 258 tonnes vendues la même année en France métropolitaine, (en incluant les collectivités), une part de marché de 29,59 % et 365 025 tonnes de sucre destiné à la transformation, soit sur 1 230 817 tonnes vendues, une part de marché de 29,66 % ; que sur la base des estimations fournies par la société EBS de 7 200 F la tonne pour le sucre de bouche et 4 850 F pour le sucre industriel, la valeur des marchés français métropolitains pour l'année civile 1995, s'est élevée respectivement à 5,25 milliards de francs pour le marché du sucre de bouche et à 5,97 milliards de francs pour le marché du sucre industriel ; que la société EBS a réalisé un chiffre d'affaires en 1995 de 1 809 071 000 F sur le marché du sucre de bouche et un chiffre d'affaires de 1 780 000 000 F sur le marché du sucre industriel ; que la part de marché en valeur de la société EBS s'établit donc à 34,3 % du marché du sucre de bouche et à 29,82 % du marché du sucre industriel ; qu'ainsi la part de marché de la société Eridania Béghin­Say à elle­seule dépasse les seuils en valeur relative fixés à l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sur les deux marchés concernés ;

Considérant que le groupe CFS a produit pour la campagne 1995/1996, 456 000 tonnes de sucre représentant 10,86 % de la production française la même année, que le groupe représentait 379 000 tonnes de quotas soit 11,4 % des quotas français métropolitains ; que la CFS ne produisait du sucre qu'à destination de l'industrie ; que la CFS a vendu directement en France 12 495 tonnes de sucre en 1995/1996 sur le marché du sucre industriel soit 1,02 % des ventes sur ce marché, représentant, sur la base de 4 850 francs la tonne, un chiffre d'affaires de 60,6 millions de francs soit 1,02 % dudit marché en valeur ;

Considérant que le seuil en valeur relative fixé par les dispositions précitées est atteint ;

Sur les effets de l'opération sur la concurrence :

En ce qui concerne les relations avec les planteurs :

Considérant qu'en amont de la filière, l'opération recueille l'adhésion de la Confédération générale des Betteraviers, dont la position est exprimée par son président dans le "Betteravier français", organe de la profession, dans son numéro du 18 juin 1996 en ces termes : "Voir se réduire ainsi le nombre d'interlocuteurs, surtout quand on sait que ce processus de restructuration n'est pas fini, peut comporter des risques pour la qualité des relations interprofessionnelles futures. Il n'y a qu'à se tourner vers certains de nos collègues européens pour évaluer les inconvénients de situations industrielles monopolistiques. C'est pour cette raison qu'il est apparu nécessaire à la CGB de peser de tout son poids pour maintenir un équilibre entre secteur coopératif et secteur privé en renforçant la part des coopératives qui ont su, à cette occasion, montrer un front uni. 35 % des quotas de CFS se trouvent ainsi dans le giron des coopératives avec deux usines : Bucy­le­Long dans l'Aisne et Bray­sur­Seine en Seine­et­Marne" ; que l'opération n'apparaît pas de nature à modifier le pouvoir de négociation d'une entreprise sucrière telle qu'EBS dans ses rapports avec les planteurs ; que ces derniers ont été représentés au partage de la CFS par l'intermédiaire des coopératives lesquelles ont obtenu une partie des quotas de la CFS et une usine ; que la réglementation communautaire et l'organisation interprofessionnelle française protègent les planteurs, notamment pour la détermination de leur rémunération ; que dans ces conditions l'opération ne comporte pas d'atteinte au fonctionnement de la concurrence à ce stade de la filière ;

En ce qui concerne le fonctionnement des marchés en aval :

Considérant que la nouvelle répartition des quotas issue de l'opération soumise au conseil figurant dans le tableau joint en annexe fait apparaître que la société EBS détient désormais 35,71 % des quotas contre 30,26 % antérieurement, soit une progression de 18 % de ses quotas ;

Considérant qu'au plan qualitatif, l'acquisition de l'usine de Vauciennes, dédiée à la production de sucre liquide, permet à EBS d'accroître sa gamme sur le marché du sucre industriel sur lequel elle était moins présente que ses concurrents ; que l'élargissement de la gamme est un des outils de la politique commerciale menée par la société pour maintenir ou accroître sa part de marché ; que cette acquisition paraît d'autant plus stratégique que le sucre industriel est le seul marché à connaître, en tendance, une progression des tonnages commercialisés en France, et que la demande en progression sur ce marché concerne notamment la fabrication de boissons qui constitue le principal débouché du sucre liquide et représente plus de 20 % des utilisations indirectes de sucre pour la consommation humaine ;

Considérant en premier lieu que le Conseil de la concurrence a déjà relevé que le secteur sucrier était caractérisé par un environnement réglementaire structurellement limitatif de concurrence, notamment dans son avis n° 90­A­09 du 12 juin 1990 ; que dans son avis n° 94­A­11 du 1er mars 1994, il a de nouveau indiqué que "la réglementation européenne limite l'intensité de la concurrence sur le marché national du sucre de betterave tant par le système des quotas de production qui restreint les possibilités d'expansion de chacun des offreurs que par le mécanisme du prix d'intervention, lequel constitue un prix plancher auquel ces offreurs sont certains de pouvoir écouler la partie de leur production résultant des quotas A et B" ; qu'il avait également relevé la faiblesse des importations ;

Considérant que, depuis ces avis, la configuration réglementaire du secteur sucrier n'a pas connu d'évolutions fondamentales, les mécanismes de quotas et de prix garantis ayant été reconduits ; que l'élargissement de l'Union ainsi que les effets de l'Uruguay Round ont modifié l'environnement concurrentiel des entreprises sucrières, d'une part en raison de l'allocation de quotas aux pays entrants, de nature à limiter les débouchés, et d'autre part en raison des limitations quantitatives apportées, de façon progressive, au système de restitutions à l'exportation et aux droits de douane ; que toutefois le FIRS commentant le dispositif affectant le système des restitutions à l'exportation relève en page 122 de son rapport annuel de mars 1996 que l'existence d'une "clause de sauvegarde, qui instaure le droit additionnel en sus du droit fixe lorsque le prix mondial est inférieur à un certain seuil permet au secteur du sucre de ne pas voir sa protection réduite" ; qu'ainsi les producteurs sont assurés de bénéficier de la protection communautaire jusqu'en 2001 ; que la société EBS soutient que l'ouverture plus importante du marché du sucre en Europe entraînera inéluctablement à terme des baisses de volumes et/ou de prix pour les producteurs ; qu'à supposer que la négociation future des accords agricoles dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce produise ces effets, la restructuration préventive de l'offre ne peut avoir pour objectif de protéger les producteurs de l'intensification de la concurrence ; qu'enfin les importations ont augmenté depuis 1992 mais restent faibles en volume ; qu'ainsi, si la concurrence s'exercera de façon plus intensive à partir de 2001, elle reste pour l'instant peu active ;

Considérant en deuxième lieu que l'opération soumise au conseil a pour conséquence la disparition d'un opérateur indépendant qui détenait 11,4 % des quotas français et représentait 10,86 % de la production française de sucre ; qu'elle se traduit au stade de la production par une augmentation de la part de quotas détenue par la société EBS ; qu'elle accroît en conséquence la structure oligopolistique de l'offre, dans laquelle la société EBS conforte sa première place de producteur ; qu'au stade de la mise sur le marché, l'opération modifie peu dans l'immédiat les conditions de la commercialisation du sucre, Eurosucre conservant la première place devant EBS ; qu'en effet, le retour sur le marché en qualité d'offreur indépendant de la CFS était récent, celle­ci n'ayant quitté Eurosucre que le 30 septembre 1995 ; que depuis cette date la CFS était liée pour la commercialisation de son sucre par un contrat portant sur deux campagnes avec la société EBS à hauteur de 200 000 tonnes et la société DWD à hauteur de 135 000 tonnes ; qu'à cet égard la société EBS fait valoir que l'opération n'a pas pour but d'accroître sa part de marché puisqu'elle a acquis un montant de quotas (180 000 tonnes) inférieur au volume de sucre (200 000 tonnes) dont la CFS lui avait cédé la commercialisation ; que toutefois ce contrat ne liait la société CFS envers la société EBS que pour deux ans alors que les quotas sont définitivement acquis à la société EBS ; que la CFS a commercialisé elle­même en France 12 495 tonnes de sucre depuis le 30 septembre 1995 ; que, sur ce point, la société EBS soutient que la CFS ne disposait d'aucune structure de vente adaptée au marché dont l'acquisition aurait nécessité une réorganisation relevant de son actionnaire ; que pourtant dans son rapport d'activité pour l'exercice 1994/1995, la CFS fait état de la mise en place de sa nouvelle organisation commerciale reposant sur trois canaux de distribution devant permettre d'assurer à ses sucres "une diversité de débouchés, aussi bien au niveau des utilisateurs industriels qu'au plan géographique" ; qu'il ne peut donc être exclu que le départ de la CFS d'Eurosucre ait pu permettre à la CFS, au terme du contrat la liant pour deux campagnes notamment à la société EBS, d'agir comme un offreur indépendant sur le marché pour la totalité de sa production ; qu'ainsi le caractère fortement concentré de la commercialisation se trouve également accentué par l'opération soumise au conseil ; que cette accentuation de la concentration limite potentiellement l'exercice de la concurrence même si les volumes en cause représentent une part marginale du marché ; qu'en effet la société EBS indique elle­même que l'importation de 15 000 tonnes de sucre belge, soit un volume comparable à la part directement mise sur le marché par la CFS sur la campagne 1995/1996 a eu des effets sur sa propre politique de prix ; qu'en outre, ces volumes étaient susceptibles d'atteindre environ 10 % de la production française ; qu'enfin dans l'activité sucrière la détention des quotas, constitutifs d'un droit à produire, est le critère déterminant pour apprécier le poids respectif des opérateurs sur le marché, le circuit de commercialisation emprunté pouvant être librement modifié par les sociétés productrices ; qu'il n'est pas contesté, par exemple, que les sucres produits par la société Vermandoise Industries que celle­ci met sur le marché par l'intermédiaire de commissionnaires, concurrencent ceux vendus par les autres opérateurs ;

Considérant en troisième lieu que certains acheteurs, tant sur le marché du sucre industriel que sur le marché du sucre de bouche, indiquent redouter les effets de l'opération soumise au conseil dans la mesure où celle­ci aggrave selon eux la concentration de l'offre dans le contexte de l'organisation communautaire du marché du sucre qu'ils estiment structurellement limitative de concurrence ; qu'ils soutiennent que la concurrence par les prix fonctionne peu sur le marché et que la politique tarifaire des industries sucrières, et notamment de EBS et d'Eurosucre, est très similaire, qu'"un partage du territoire" entre les fournisseurs est même évoqué ; que des hausses de prix de 2 à 3 % l'an sur le marché du sucre de bouche sont aussi relevées par des acteurs de la grande distribution ; que de même un acheteur industriel indique avoir constaté une augmentation des marges de ses fournisseurs de 15 % en trois ans ; que certains acheteurs ont enfin indiqué observer notamment une grande stabilité des parts de marché respectives d'EBS et de Générale sucrière d'une année sur l'autre ou d'une enseigne à l'autre et ont soutenu qu'il leur est difficile de procéder à des importations pour des volumes significatifs (le manque de sucre étant ainsi opposé par les opérateurs étrangers) ou dans des conditions d'approvisionnement qui ne soient pas restrictives ; qu'il y a lieu de relever, comme le souligne la société EBS que d'autres acheteurs appartenant aux deux marchés considérés ne formulent pas de réserve sur l'opération au regard du caractère déjà concentré de l'offre ;

Considérant que l'argument de la société EBS selon lequel la puissance d'achat de ses principaux clients constitue un facteur de concurrence doit être relativisé au regard de ce qui précède ; qu'en outre si sur le marché du sucre industriel la société EBS réalise 57 % de ses ventes avec dix clients, ceux­ci se trouvent contraints, notamment compte tenu des volumes qu'ils consomment, à s'adresser à elle­même ou à Eurosucre pour la quasi­totalité de leur approvisionnement, ces deux opérateurs représentant près de 80 % de l'offre disponible ; que la société EBS réalise près de 43 % de son chiffre d'affaires avec six cents clients dont la puissance de négociation est selon toute vraisemblance moindre que celle des principaux acheteurs lesquels font pourtant état des difficultés qu'ils ont à faire jouer la concurrence par les prix ; que sur le marché du sucre de bouche, si la demande est également concentrée puisque la société EBS réalisait 73 % de son chiffre d'affaires avec dix acheteurs, ces clients ne peuvent de même, compte tenu des volumes qu'ils achètent, exclure le recours aux sucres offerts par la société EBS ;

Considérant qu'il convient en quatrième lieu de relever que le FIRS n'a pas acheté de sucre à l'intervention depuis l'adoption du réglement de 1981 et que les producteurs ont donc toujours réussi à écouler leur sucre, non seulement au­dessus du prix d'intervention mais également au­dessus du prix indicatif ; que dans ces conditions une concurrence par les prix dans la limite du prix plancher constitué par le prix d'intervention demeure possible ; que dans ce contexte, caractérisé par un marché déjà fortement concentré et par l'existence de barrières à l'entrée tant réglementaires qu'économiques, la disparition d'un opérateur susceptible de mener une politique de prix indépendante réduit le jeu de la concurrence ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'opération soumise au conseil comporte des risques d'atteinte à la concurrence sur les marchés du sucre de bouche et du sucre à destination de l'industrie ;

Sur la contribution au progrès économique et la compétitivité internationale des entreprises en cause :

Considérant qu'en application de l'article 41 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, "le Conseil de la concurrence apprécie si le projet de concentration ou la concentration apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence. Le conseil tient compte également de la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale" ;

Considérant que la société EBS escompte de l'opération la réduction de ses coûts grâce à la fermeture d'usines moins performantes, l'allongement des durées de campagne et le regroupement de moyens communs à des implantations géographiquement proches les unes des autres ;

Considérant que la société EBS soutient que la diminution des coûts fixes, qui représentent 60 % du coût de fabrication du sucre, à volume de production constant, ne peut être réalisée que par des fermetures d'usines ; qu'elle a ainsi annoncé l'arrêt de l'activité, à l'issue de la campagne 1996/1997 de son usine d'Attigny située dans le département des Ardennes, laquelle avec une capacité de 4 500 tonnes de betteraves par jour, était la plus petite unité de production du groupe, y compris après l'intégration des deux usines de la CFS ; que les éléments d'information fournis font état de coûts de main d'œuvre et de frais d'entretien supérieurs dans cette usine aux ratios moyens obtenus dans les usines du groupe ; que le Conseil observe que la fermeture de l'usine d'Attigny a été annoncée aux organismes représentatifs du personnel ; que la restructuration avancée au soutien de l'existence d'un progrès économique est effectivement mise en œuvre ;

Considérant que la société EBS chiffre à 4,4 % l'économie à la tonne de sucre produite résultant d'un allongement de 10 % de la durée de la campagne ; que la comparaison de la durée de campagne constatée dans les sucreries françaises du groupe EBS avec les statistiques relatives à la durée moyenne de la campagne en France métropolitaine sur les cinq dernières campagnes, fait apparaître que sur cette période, la société EBS se situe en général au­dessous de la moyenne française, cette dernière égale à 76 jours, étant elle­même inférieure à la moyenne européenne s'élevant à 90 jours ; qu'ainsi une marge de progression de la durée de campagne des usines du groupe EBS existe ; que la fermeture d'un de ses sites industriels devrait effectivement permettre d'allonger cette durée ;

Considérant que la société EBS espère diminuer les coûts de transport qu'elle supporte pour livrer certains sites portuaires ; qu'il est exact que les usines de la CFS qu'elle a acquises sont plus proches des sites portuaires en cause que les usines qu'elle détient dans la Marne ;

Considérant que l'existence d'un progrès économique ne peut résulter de la seule amélioration de la situation des entreprises parties à une opération de concentration ; qu'à cet égard, la société EBS fait valoir qu'elle a répercuté ses gains de productivité à ses clients ; que la constatation de l'augmentation du prix du kilogramme du sucre en morceaux, en francs constants, même modestement, alors que l'offre se concentrait, et que la demande fléchissait n'est pas de nature à elle seule à infirmer cette affirmation ; qu'en effet les chiffres disponibles sur ce point ne concernent que le prix de vente au détail dont la hausse a pu résulter en tout ou partie de l'augmentation des marges des distributeurs ; qu'en ce qui concerne le marché du sucre industriel, la société EBS justifie avoir baissé ses prix entre 1992/1993 et 1996/1997 pour des clients de taille importante susceptibles de procéder pour partie à des achats au niveau européen ;

Considérant enfin que l'acquisition par un opérateur déjà présent sur le marché, de quotas et d'usines supplémentaires, en élargissant les volumes à partir desquels s'effectue la répartition de la production entre sites, facilite la rationalisation des conditions de production en s'appuyant sur des complémentarités régionales ; que l'amélioration de ces conditions se heurte structurellement aux obstacles nés des droits de livraison des betteraves accordés aux planteurs renforcés par la possibilité de "mouvance" de nature à figer les situations et ralentir les évolutions nécessaires ; qu'à cet égard l'acquisition soumise à l'avis du conseil s'inscrit dans une opération plus large de répartition des quotas et des usines entre plusieurs opérateurs qui permet une réorganisation de la production sur différents sites géographiques ; que la configuration de cette restructuration, notamment parce qu'elle concerne plusieurs entreprises, qu'elle a recueilli l'accord des planteurs, et qu'elle s'effectue sur plusieurs bassins de production, tend à répartir les volumes de betteraves destinés aux différents sites et à employer l'outil de production existant sur ces sites de manière optimale ; que cette réallocation des moyens de production est de nature à contribuer au progrès économique par la diminution des coûts qu'elle permet;

Considérant que la société EBS soutient que l'opération serait de nature à améliorer la compétitivité de l'industrie sucrière française, qui serait freinée par une concentration moindre que dans les autres pays de l'Union ;

Considérant que dans la perspective du démantèlement progressif de la protection communautaire de l'industrie sucrière européenne à partir de 2001 et de l'intensification de la concurrence susceptible d'en résulter notamment entre producteurs européens, l'amélioration de la compétitivité des entreprises françaises paraît nécessaire; qu'il est constant que la totalité du quota national est détenue par une seule entreprise au Royaume­Uni, au Danemark, en Autriche, en Grèce, en Suède, et en Irlande ; qu'en Belgique, aux Pays­Bas et en Italie le principal offreur détient respectivement 75 %, 62 % et 50 % des quotas nationaux ; que l'opération soumise au conseil a eu pour effet de rapprocher les entreprises françaises de la situation de ses principales concurrentes européennes ; qu'elle améliore la situation de l'industrie sucrière française alors même que des mouvements de concentration affectent à l'heure actuelle l'industrie sucrière d'autres pays de l'Union ;

Considérant que la société EBS indique qu'avec quarante­six sucreries dont le taux de capacité moyen est de 8 400 tonnes de betteraves traitées par jour, l'appareil industriel français est sous­dimensionné par rapport à celui d'autres pays européens et que sur la base des capacités des dix plus grosses usines, il suffirait de vingt­huit unités pour produire le même tonnage qu'actuellement ; qu'elle soutient que la restructuration industrielle résultant de l'acquisition de la CFS et de son partage permettra de porter la capacité moyenne des sucreries françaises à environ 100 000 tonnes de sucre par unité de production ;

Considérant qu'il est constant que la capacité moyenne des usines françaises est inférieure à celle qui peut être observée dans d'autres pays de l'Union ; qu'en dix ans (1985/1994), l'industrie sucrière française s'est restructurée moins vite que ses concurrentes ;

Considérant que la réorganisation industrielle de l'activité sucrière est justifiée par la sous­compétitivité des usines françaises par rapport à l'appareil productif de certains pays européens, dont les entreprises, compte tenu de leur position géographique sont en concurrence potentielle avec les producteurs français ; que cette réorganisation ne s'effectue pas au seul profit des implantations industrielles de la société EBS mais bénéficie aussi aux co­acquéreurs de la Compagnie Française de Sucrerie directement concurrents de la société EBS ; qu'ainsi l'opération soumise au contrôle du conseil facilite la restructuration de plusieurs opérateurs de nature à placer non seulement la société EBS partie à la concentration mais aussi certaines sociétés concurrentes dans une position de compétitivité améliorée sur le marché européen;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la contribution au progrès économique et l'amélioration de la compétitivité internationale de l'industrie sucrière française que permet l'acquisition par la société EBS d'une partie des quotas de production de sucre de la CFS et de deux de ses usines sont de nature à compenser les limitations de concurrence potentiellement induites par cette opération,

Est d'avis :

Qu'il n'y a lieu, du point de vue des critères fixés par l'article 41 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée, ni de remettre en cause l'acquisition par la société EBS de 47 % des quotas de sucre de la société CFS et de deux des usines de cette dernière, ni de subordonner cette opération à des conditions particulières.

ANNEXE FRANCE ­ Métropole

Évolution de la répartition et quotas avant et après l'opération soumise au Conseil

(en quintaux)

EMPLACEMENT TABLEAU