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Décisions

Conseil Conc., 17 mai 1994, n° 94-A-17

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Avis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de M. Jean-René Bourhis, par M. Barbeau, président, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents, MM. Blaise, Robin, Rocca, Sloan, Thiolon, Urbain, membres.

Conseil Conc. n° 94-A-17

17 mai 1994

Le Conseil de la concurrence (section III),

Vu la lettre enregistrée le 4 février 1994 sous le numéro A 135 par laquelle le ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence d'une demande d'avis relative à l'acquisition de la société Excel SA, filiale de la société Lesieur Alimentaire, par la société Vandemoortele NV ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment son titre V, et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu le règlement CEE n° 1898-87 du 2 juillet 1987 concernant la protection de la dénomination du lait et des produits laitiers lors de leur commercialisation ; Vu la loi du 1er août 1905, modifiée, relative aux fraudes et falsifications en matière de produits ou de services ; Vu la loi du 2 juillet 1935 tendant à l'organisation et à l'assainissement des marchés du lait et des produits résineux ; Vu le décret n° 49-438 du 29 mars 1949 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 1er août 1905 en ce qui concerne le commerce des glaces et des crèmes glacées ; Vu le décret n° 88-1204 du 30 décembre 1988 réglementant la fabrication et la vente des beurres et de certaines spécialités laitières ; Vu le décret n° 88-1205 du 30 décembre 1988 réglementant la fabrication et la vente de la margarine et des autres mélanges de matières grasses qui ne sont pas exclusivement d'origine laitière ; Vu les observations présentées par les sociétés Vandemoortele NV, Lesieur Alimentaire SA et Medeol SA, le ministre de l'agriculture et de la pêche et le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Vandemoortele NV, Excel SA, Lesieur Alimentaire SA et Medeol SA entendus, Adopte l'avis fondé sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :

I. - CONSTATATIONS

Le 6 octobre 1993, la société Vandemoortele NV, société de droit belge, d'une part, et les sociétés Medeol SA et Lesieur Alimentaire SA, d'autre part, ont signé un protocole d'accord aux termes duquel la société Vandemoortele NV se rendait acquéreur, à la date de signature dudit protocole, des 512 600 actions constituant la totalité du capital de la société Excel SA, propriété des sociétés Medeol et Lesieur Alimentaire.

A. - Les entreprises parties à l'opération

La société Vandemoortele NV, dont le siège social se trouve à Izegem, en Belgique, est une filiale à 62 p. 100 de la société de droit belge Vandemoortele International qui constitue, avec un ensemble d'autres entreprises, le groupe Vandemoortele.

Ce groupe, qui a réalisé un chiffre d'affaires total de l'ordre de 7,5 milliards de francs français en 1992, intervient à différents stades industriels et commerciaux du secteur des corps gras alimentaires (margarines, huiles de table, mayonnaises...) en Belgique et dans plusieurs autres pays européens dont la France.

S'agissant du secteur des margarines, principal secteur concerné par l'opération, le groupe Vandemoortele intervenait sur le territoire national, avant la réalisation de l'acquisition de la société Excel, par l'intermédiaire d'une filiale, la société Vamo SARL, dont le siège social se trouve à Saint-Ouen-l'Aumône (95). La margarine commercialisée par cette entreprise, importée en totalité, était commercialisée uniquement sous marque de distributeurs. Le chiffre d'affaires réalisé par la société Vamo SARL sur le plan national s'est élevé à 884,8 millions de francs en 1992. Le groupe Vandemoortele intervenait également dans le secteur de la boulangerie industrielle à travers une filiale, la société Boulangerie de Champagne, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 3,84 millions de francs en 1992.

Le chiffre d'affaires total réalisé en France par le groupe concerné s'est élevé à 1,85 milliard de francs en 1992.

La société Lesieur Alimentaire est une filiale à 99,99 p. 100 de la société holding Medeol qui appartient au groupe Eridania Beghin-Say, qui est lui-même une composante du groupe Ferruzi, sixième groupe présent dans le secteur de l'industrie alimentaire au plan mondial. Les chiffres d'affaires réalisés en France par les sociétés Medeol et Lesieur Alimentaire se sont élevés respectivement à 14,95 millions de francs et à 2,074 milliards de francs au cours de l'exercice 1992. La société Lesieur Alimentaire, dont les marques occupent une place importante dans le secteur des huiles de table "grand public", est en revanche très peu présente dans le secteur des margarines "grand public", les marques "Lesieur Tournesol" et "Prima" n'occupant respectivement que 1,4 p. 100 et 1 p. 100 du segment de la margarine en "barquettes" en France, ce segment représentant 64 p. 100 du secteur total de la margarine "grand public" ;

Depuis le rachat de la division alimentaire de la société Unipol, en 1981, jusqu'à la fin de l'année 1993, la société Lesieur Alimentaire était représentée, dans le secteur de la margarine pour professionnels en France, par sa filiale Excel SA qui assurait également la fabrication de la margarine "grand public".

Cette entreprise est une société anonyme de droit français dont le siège social et l'unité industrielle se trouvent à Nanterre (92). Son activité principale (63,3 p. 100 du chiffre d'affaires) est la fabrication industrielle et la commercialisation de margarines destinées aux professionnels des "métiers de bouche" qui sont les industriels et les artisans de la boulangerie-pâtisserie et de la viennoiserie ainsi que les entreprises présentes dans le secteur de la restauration hors foyer (RHF). La société Excel commercialise également des produits crus surgelés (22,4 p. 100 du chiffre d'affaires) fabriqués par sa filiale, la société Gelfinor, ainsi que des produits dits "de négoce" (nappages, crèmes, etc.) qui représentent 14,3 p. 100 de son chiffre d'affaires. A la différence de la société Vamo SARL, la société Excel SA commercialise ses produits sous sa propre marque (Celor), qui jouit d'une bonne notoriété auprès des artisans boulangers-pâtissiers. Le compte de résultat de la société Excel SA, pour l'année 1992, fait apparaître un chiffre d'affaires de 494,132 millions de francs sur le plan national, dont environ 69 p. 100 de ventes à destination des artisans, 29 p. 100 à destination des industriels et 2 p. 100 à destination de la RHF, et un bénéfice net de 16,329 millions de francs.

Le chiffre d'affaires réalisé en France par la société Gelfinor, qui commercialise la totalité de sa production par l'intermédiaire de la société Excel SA, s'est élevé à 80,5 millions de francs en 1992. La part de l'activité de la société Gelfinor dans le secteur de la viennoiserie crue surgelée n'excède pas 7 p. 100.

En réalisant l'opération soumise à l'avis du Conseil, la société Lesieur Alimentaire s'est retirée du secteur de la margarine pour professionnels afin de recentrer son activité sur les marchés de grande consommation.

B. - Le secteur des corps gras utilisés par les professionnels des "métiers de bouche"

Selon la chambre syndicale de la margarinerie et des industries des corps gras, la consommation de margarine en France s'élevait, en 1992, à 210 000 tonnes dont 114 000 directement par les consommateurs et 96 000 par les professionnels. L'Office national de l'industrie laitière (Onilait) estime la consommation annuelle totale de beurre à 470 000 tonnes dont 330 000 directement par les consommateurs, 110 000 par les industries agro-alimentaires et 30 000 par la RHF.

La margarine fabriquée par la société Excel SA est commercialisée uniquement à destination des utilisateurs professionnels (industriels et artisans). Ce secteur est présenté par les parties comme appartenant à un marché des corps gras qui engloberait le beurre et la margarine commercialisés aux professionnels, l'huile alimentaire n'appartenant pas à ce marché.

1. Le cadre législatif et réglementaire de la commercialisation du beurre et de la margarine

La loi du 2 juillet 1935 tendant à l'organisation et à l'assainissement des marchés du lait et des produits résineux réserve l'appellation "au beurre", "beurre", "petit beurre", "grand beurre" et autres appellations similaires aux produits préparés exclusivement au beurre. Un produit fini qui serait fabriqué, même en partie, avec une autre matière grasse que le beurre ne pourrait donc prétendre à ce type d'appellation. Le règlement (CEE) n° 1898-87 du 2 juillet 1987 relatif à la protection de la dénomination du lait et des produits laitiers lors de leur commercialisation reprend, de manière plus large, les mêmes dispositions.

Par ailleurs, deux textes de nature réglementaire, pris en application de la loi du 1er août 1905 susvisée, définissent les dénominations respectives du beurre et de la margarine ainsi que les conditions de leur utilisation.

Le décret n° 88-1204 du 30 décembre 1988 précise que le terme "beurre" est réservé aux produits laitiers de type émulsion d'eau dans la matière grasse, obtenue par des procédés physiques et dont les constituants sont d'origine laitière. Le taux de matière grasse butyrique doit être au minimum de 82 p. 100.

Le décret n° 88-1205 du même jour précise que la dénomination "margarine" est réservée au produit obtenu par mélange de matière grasse et d'eau ou de lait ou de dérivés du lait se présentant sous forme d'une émulsion renfermant au moins 82 grammes de matière grasse pour 100 grammes de produit fini, dont au plus 10 p. 100 d'origine laitière.

Enfin, le décret n° 49-438 du 29 mars 1949 interdit l'usage des matières grasses végétales dans la fabrication des glaces et crèmes glacées.

2. L'offre de corps gras aux utilisateurs professionnels

a) La margarine :

Le tableau ci-après récapitule les parts des différentes entreprises offrant de la margarine pour professionnels sur le territoire national en 1992.

EMPLACEMENT TABLEAU

Le capital de la société Nouvelle Margarinerie Française (NMF) est détenu à hauteur de 39 p. 100 par le groupe Unilever qui contrôle en totalité la société Astra, première entreprise du secteur. Avant l'acquisition de la société Excel par le groupe Vandemoortele, le groupe Unilever était, en France, le premier opérateur dans le secteur de la margarine pour professionnels des "métiers de bouche". Ce groupe détient en outre, à l'exception de la Belgique, la première place dans ce secteur, dans plusieurs pays de la Communauté européenne dont les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Allemagne et l'Italie.

La société Cema Maillard est une entreprise familiale qui produit et distribue des margarines et des huiles de table, sous sa propre marque, sur l'ensemble du territoire national.

Outre la margarine importée par la société Vamo SARL, une grande partie de la margarine consommée par les utilisateurs professionnels sur le territoire national est fabriquée à l'extérieur du territoire national. C'est notamment le cas de la margarine commercialisée par la société Astra dont l'unité de production se trouve en Belgique. Les chiffres de la chambre syndicale de la margarinerie et des industries des corps gras alimentaires, qui ne tiennent pas compte de cet élément, font apparaître une augmentation sensible des importations au cours des dernières années.

L'offre de margarine aux utilisateurs industriels, sous forme de blocs de 10 kilogrammes, se concrétise par des contrats d'une durée de l'ordre de trois à six mois. Les prix au kilogramme pratiqués par la société Excel SA à l'égard de ce type d'utilisateurs ont varié entre 5,60 F en janvier 1991 et 4,90 F en décembre 1993. Les prix moyens de la margarine importée pratiqués par la société Vamo SARL pour ce même type de clientèle se situaient, en 1992-1993, aux alentours de 4,90 F le kilogramme. Les prix pratiqués vis-à-vis des industriels sont calculés selon la méthode dite du "coût + marge".

L'offre de margarine aux artisans, sous forme de plaques de 500 grammes à 5 kilogrammes, transite généralement par des négociants spécialisés dans la vente de produits pour boulangers-pâtissiers. Les prix au kilogramme appliqués par la société Excel aux négociants en gros se situaient, en 1993, dans une fourchette de 13 à 15 F. Ces prix ont varié d'environ + 5 p. 100 au cours des trois dernières années. Les prix moyens au kilogramme de la margarine importée, appliqués par la société Vamo SARL à ces négociants, étaient de l'ordre de 9 F en 1992 et de l'ordre de 8,80 F en 1993.

b) Le beurre :

Selon l'Onilait, la demande globale de beurre en France est actuellement supérieure à l'offre, en raison de la politique des quotas suivie par la Communauté européenne.

L'offre de beurre au stade industriel est peu concentrée. Outre le groupe Besnier, qui détient environ 20 p. 100 du marché, et la Compagnie laitière européenne (CLE) du groupe Bongrain, qui détient environ 10 p. 100 du marché, de nombreux autres producteurs, dont la part n'excède pas 5 p. 100, opèrent en effet dans le secteur.

L'offre de beurre aux professionnels des "métiers de bouche" émane essentiellement du groupe Besnier, de la société France Beurre (groupe Unicopa) et de la CLE qui a repris la société belge Corman, spécialisée dans cette activité. Cette spécialisation résulte en partie du régime d'aides communautaires que reçoivent les pâtissiers-glaciers, en application du règlement n° 570-88 du 16 février 1988 relatif à la vente à prix réduit de beurre et à l'octroi d'une aide au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires. Le beurre bénéficiant d'aides, dont le prix final peut ainsi baisser d'environ 45 p. 100, est mis sur le marché selon une procédure d'adjudication.

Le niveau des prix couramment pratiqués à l'égard des artisans boulangers-pâtissiers est actuellement de l'ordre de 16 à 17 F par kilogramme pour le beurre concentré (99,8 p. 100 de matière grasse) et de 13 à 14 F par kilogramme pour le beurre dit "tracé" qui contient un colorant pour éviter les détournements d'aides communautaires. Selon les informations recueillies auprès des professionnels, le niveau de prix obtenu par les industriels se situe dans une fourchette de l'ordre de 12 à 14 F par kilogramme, compte tenu des quantités plus importantes qu'ils achètent.

3. La demande de corps gras par les professionnels des "métiers de bouche"

La demande de margarine et (ou) de beurre émane principalement de trois types d'utilisateurs :

Les artisans boulangers-pâtissiers : cette profession est très atomisée (environ 41 633 artisans en 1988 selon l'INSEE). Le nombre des artisans tend progressivement à diminuer au profit des entreprises industrielles. La consommation annuelle de margarine par les artisans, qui était de 44 000 tonnes en 1987, est estimée à environ 40 000 tonnes, alors que la consommation de beurre est sensiblement supérieure.

La demande de beurre transite, pour l'essentiel et comme la margarine, par un réseau assez dense de grossistes spécialisés en produits pour boulangeries-pâtisseries ou de grossistes en produits laitiers.

A la différence des clients industriels, pour lesquels le prix est le critère déterminant, la politique de marques suivie par les fabricants de margarine joue un rôle important auprès des artisans qui privilégient également la qualité du service dans le choix de leurs fournisseurs.

Si les chiffres versés au dossier par les parties ne permettent pas d'établir l'existence d'une sensibilité de la demande relative de beurre et de margarine avec variations des prix respectifs de ces deux produits, on ne peut exclure, au vu des autres éléments du dossier et à l'exception de certaines utilisations spécifiques, tel le traditionnel croissant "au beurre", une certaine substituabilité de fait entre les deux matières grasses pour la plupart des utilisations par les artisans, en raison de la proximité des prix et des possibilités techniques offertes par l'une et l'autre des matières premières.

Les industriels : parmi les principaux utilisateurs figurent les entreprises industrielles de boulangerie-pâtisserie qui utilisent une proportion assez importante de beurre dans le domaine de la viennoiserie, la biscuiterie-pâtisserie-biscotterie et les fabricants de crèmes glacées qui ne peuvent, aux termes du décret n° 49-438 du 29 mars 1949, utiliser de matières grasses végétales dans leurs fabrications. La demande de beurre par les industries utilisatrices serait, selon les estimations faites par l'Onilait, de l'ordre de 40 000 tonnes par an pour environ 42 000 tonnes de margarine. En 1987, la consommation annuelle de margarine s'élevait à 34 000 tonnes.

Selon les informations recueillies auprès du Syndicat national des industries de boulangerie-pâtisserie et fabrications annexes, l'utilisation importante de beurre dans le domaine de la viennoiserie serait liée au goût des consommateurs. En outre, des obstacles techniques s'opposent à la substitution de la margarine au beurre, en dépit du prix nettement plus attractif de la margarine.

La RHF : ce secteur d'activité, qui consomme environ 14 000 tonnes de margarine par an et 30 000 tonnes de beurre, regroupe un ensemble de demandeurs de matières grasses assez hétérogène, tant en raison des différences de taille des opérateurs (chaînes de restaurants, petits restaurants indépendants...) que de l'usage qui peut être fait des matières grasses végétales ou animales (consommation intermédiaire pour les préparations culinaires ou consommation directe de beurre par les consommateurs).

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL

Sur la nature de l'opération :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "La concentration résulte de tout acte, quelle qu'en soit la forme, qui emporte transfert de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens, droits et obligations d'une entreprise ou qui a pour objet, ou pour effet, de permettre à une entreprise ou à un groupe d'entreprises d'exercer, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs autres entreprises une influence déterminante" ;

Considérant que l'opération analysée consiste en l'acquisition de la totalité des actions de la société Excel SA par la société Vandemoortele NV ; que cette opération, qui rend cette dernière propriétaire de la société Excel SA et, indirectement, de sa filiale Gelfinor, constitue une concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance précitée.

Sur le marché et les seuils de référence :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Ces dispositions ne s'appliquent que lorsque les deux entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 p. 100 des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de sept milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient réalisé un chiffre d'affaires d'au moins deux milliards de francs" ;

Considérant que si le beurre consommé par les artisans boulangers-pâtissiers peut être considéré comme un produit partiellement substituable à la margarine, notamment en raison des niveaux de prix et des possibilités d'utilisation comparables,la margarine utilisée au stade industriel peut difficilement, pour des raisons techniques, de prix ou de stratégie commerciale, se substituer au beurre; qu'en outre, la réglementation communautaire et nationale prohibe l'utilisation de la margarine pour la fabrication de certains produits et l'introduction de margarine dans les produits présentés comme fabriqués au beurre; qu'il en résulte que le beurre et la margarine consommés par les professionnels des "métiers de bouche" n'appartiennent pas au même marché ;

Considérant qu'il n'est par ailleurs pas contesté que les margarines destinées aux consommateurs n'appartiennent pas au même marché que les margarines utilisées par les professionnels des "métiers de bouche", en raison notamment de l'existence de réseaux de distribution différents, des exigences de la clientèle, de la politique des marques suivie par les producteurs et du conditionnement des produits ;

Considérant que les margarines utilisées par les industriels et celles utilisées par les artisans boulangers-pâtissiers sont produites par les mêmes entreprises, possèdent les mêmes qualités et sont destinées aux mêmes types d'utilisations professionnelles ; que, toutefois, les mécanismes de fixation des prix ne sont pas identiques pour les margarines commercialisées aux industries utilisatrices et celles commercialisées aux artisans ; que les conditionnements et les techniques de vente ne sont pas les mêmes pour les deux types d'utilisateurs ; que les industriels achètent de la margarine banalisée, contrairement aux artisans qui s'approvisionnent exclusivement en produits de marques de fabricants et de distributeurs et sont attachés aux services rendus par les fournisseurs ; qu'enfin, les prix des margarines livrées aux industriels sont inférieurs aux prix facturés par les fabricants aux artisans ;

Considérant, cependant, que la délimitation précise du ou des marchés à prendre en compte est sans portée sur l'appréciation du caractère contrôlable de l'opération au regard des dispositions de l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'en effet, à supposer qu'il n'existe qu'un marché de la margarine pour professionnels, les entreprises parties à l'opération détiennent environ 40 p. 100 de ce marché ; qu'à supposer qu'il existe un marché de la margarine commercialisée aux industriels et un marché de la margarine destinée aux artisans il est constant que les entreprises parties à l'opération assurent la commercialisation de plus de 50 p. 100 de l'ensemble des ventes à destination des utilisateurs industriels ; qu'ainsi, quelle que soit la définition du ou des marchés pertinents le seuil en valeur relative fixé à l'article 38 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 est atteint ;

Sur les conséquences de l'opération sur la concurrence :

Considérant que l'opération examinée conduit à la disparition d'un opérateur et confère à la société Vandemoortele NV la place de premier offreur de margarine pour artisans et pour industriels ; que, cependant, la société Astra est un concurrent important de la société Vandemoortele NV, compte tenu de son appartenance au groupe Unilever, de sa forte présence dans des secteurs proches de celui de la margarine pour professionnels, des parts qu'elle détient sur les marchés des autres pays de l'Union européenne ainsi que des capacités techniques et financières dont dispose ce groupe ; que, par ailleurs, dans l'appréciation des conséquences de l'opération au plan national, il convient de prendre en compte le développement des importations effectuées par un nombre élevé d'opérateurs indépendants des sociétés Vandemoortele NV et Astra ; que, s'agissant de la margarine utilisée par les artisans, les ventes sous marques de distributeurs en provenance d'autres pays de l'Union européenne se sont accrues, les produits commercialisés sous la marque de distributeurs la plus notoire étant importés du Danemark ; qu'en outre, la margarine commercialisée aux artisans est partiellement concurrencée par le beurre ; que, s'agissant de la consommation de margarines par les industries utilisatrices, certaines entreprises importantes sont en mesure de se doter de moyens de production internes, comme en témoigne la création d'une unité de production de margarine au sein du groupe BSN devenu groupe Danone ; qu'ainsi, les offreurs de margarine pour industriels ne peuvent, sans risquer de voir leur marché se réduire, pratiquer des prix qui ne seraient pas compétitifs ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les effets potentiels de l'opération soumise à l'examen du Conseil sont suffisamment limités pour qu'il n'y ait pas lieu de s'y opposer ou de la soumettre à des conditions particulières,

Est d'avis : Qu'il n'y a lieu, au regard des dispositions du titre V de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ni de faire opposition à l'acquisition de la société Excel SA, par la société Vandemoortele NV ni de subordonner cette opération à des conditions particulières.