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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 26 mai 2000, n° 1997-09670

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Textile Indémaillable (SA)

Défendeur :

Woodford International (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briottet

Conseillers :

MM. Deurbergue, Bernard

Avoués :

SCP Faure-Arnaudy, SCP Monin

Avocats :

Mes Baudot, Arnaud.

CA Paris n° 1997-09670

26 mai 2000

Par jugement du 5 décembre 1996, le Tribunal de Commerce de Paris a débouté Le Textile Indémaillable (SA) de l'action qu'elle avait formée contre Woodford (SARL) tendant à voir déclarée cette dernière responsable du préjudice subi consécutivement à la violation du contrat de vente aux fins de solde portant sur des marchandises de sa marque, et condamnée, en conséquence à lui payer 95.000 F de dommages-intérêts complétés de 120.000 F pour atteinte à l'image, ce en l'absence de preuve établie, (aucun dossier n'ayant été présenté ni pièces communiquées) ;

La dite SA interjette appel, elle précise que la vente aux fins de solde telle que convenue devait intervenir hors des pays membres de la CEE, les Etats Unis et le Japon, alors que le prix des marchandises était réduit à un cinquième du prix moyen; elle ajoute que cependant, un mois après la passation du contrat, elle avait constaté que certaines marchandises étaient vendues par son co-contractant sur le territoire national, dans trois villes : Le Mans, Tours, Orléans, et que des procès-verbaux d'huissier avaient été dressés les 15, 22 et 23 décembre 1994; elle relève que malgré les infractions patentes dénoncées, ses réclamations et fax, la Woodford SARL n'avait manifesté aucune réaction, sauf à exciper ultérieurement d'une nullité de la convention constitutive d'une protection illicite d'un réseau de distribution sélective inexistant, ce qu'elle dénie puisqu'aussi bien il s'agissait de marchandises de fin de série qui étaient justement vendues à des soldeurs pour être commercialisées hors son marché habituel de manière à ne pas porter atteinte aux marques ; elle réitère sa demande d'indemnisation telle qu'initialement chiffrée et requiert 20.000 F de frais irrépétibles.

L'intimée objecte que rien ne démontre qu'elle ait vendu les marchandises désignées par les procès-verbaux, alors que la distribution faite en France par la SA était multiple et les listes internes produites non probantes, soulignant que le désintéressement de la SA en Première Instance à l'égard d'une demande qu'elle avait pourtant initiée était en soi déjà révélateur ; elle estime que la clause aboutissait à une protection territoriale absolue au profit du fournisseur et qu'à défaut pour la SA de justifier de l'existence d'un réseau de distribution sélective, pareille clause était nulle en application de l'art. 9 et de l'art. 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; elle conteste la réalité d'un préjudice et sollicite 10.000 F de frais irrépétibles.

SUR QUOI,

Considérant qu'il est constant que seule une atteinte sensible, avérée ou potentielle, peut justifier la sanction d'une pratique prohibée à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que telle n'est pas le cas de l'opération ponctuelle qu'entendait réaliser la convention du 8 novembre 1994 ;

Considérant qu'il est non moins constant que Le Textile Indémaillable SA ne se prévaut pas de l'existence d'un réseau de distribution sélective, s'agissant seulement de protéger la notoriété de qualité de marques déposées : Le Chat et Campmer dans le domaine de la lingerie, les marchandises étant vendues aux fins de vente en solde, et gardant leur étiquetage avec leur conditionnement ;

Considérant enfin, que les procès-verbaux des 16, 22 et 23 décembre 1994 rapprochés du bon de livraison du 15 novembre 1994, établissent une revente des mêmes marchandises sur le territoire national, trouvées notamment chez le soldeur Palaf dans ses magasins d'Orléans et de Tours ;

Qu'au reste, de son côté, Woodford SARL ne justifie d'aucune revente conforme au contrat par tous documents commerciaux en sa possession ;

Qu'il suit que l'infraction n'apparaît pas sérieusement contestable, et que tous chefs de préjudices confondus les éléments de l'espèce permettent d'évaluer le dommage subi à la somme de 100.000 F (détail du chiffre d'affaires pour le secteur - attestation d'une marge brute réelle de 50 % par l'expert comptable Devillard, en date du 11 septembre 1995) ;

Considérant que l'équité autorise l'octroi à l'appelante de 10.000 F de frais irrépétibles ;

Par ces motifs : LA COUR, contradictoirement, infirme le jugement entrepris ; dit licite au regard de l'Ordonnance du 1er décembre 1986 la clause d'interdiction de revente limitée à certains pays telle qu'insérée dans la convention des parties en date du 8 novembre 1994 ; déclare Woodford SARL responsable du dommage subi par Le Textile Indémaillable SA du fait de son infraction délibérée à elle seule imputable ; condamne Woodford SARL à payer à Le Textile Indémaillable SA toutes causes confondues, 100.000 F de dommages intérêts, outre 10.000 F de frais irrépétibles ; condamne Woodford SARL aux entiers dépens ; admet la SCP Faure-Arnaudy au bénéfice de l'article 699 du NCPC.