Conseil Conc., 6 décembre 2001, n° 01-D-78
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques de l'INSEE concernant les conditions de commercialisation des informations issues du répertoire SIRENE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport oral de M. Henry, Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, M. Cortesse, vice-présidents.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 4 juillet 1997 sous le numéro F 972, par laquelle la société Cegedim a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par l'INSEE relatives aux conditions de commercialisation des informations contenues dans le répertoire SIRENE ; Vu la lettre enregistrée le 16 février 1999 sous le numéro F 1123, par laquelle la société Direct Mail Promotion a saisi le Conseil de la concurrence au sujet de ces mêmes pratiques ; Vu la décision n° 98-D-44 du 30 juin 1998, par laquelle le Conseil de la concurrence a décidé de surseoir à statuer en vue de procéder à un complément d'instruction ; Vu le livre IV du code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre modifié pris pour l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants des sociétés Cegedim et Direct Mail Promotion, l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), entendus lors de la séance du 19 septembre 2001,
I. - CONSTATATIONS
A. - Le secteur d'activité
1. Les fichiers d'information sur les entreprises
A partir des années 1980, les activités des fichiers d'information sur les entreprises ont connu une forte croissance du fait de plusieurs phénomènes, notamment :
- le développement des techniques informatiques qui ont rendu possibles des traitements de base de données de plus en plus complexes ;
- le développement des techniques d'accès en ligne à l'information ;
- une demande en forte expansion de la part des entreprises pour leurs besoins en marketing direct mais aussi en matière de renseignement commercial et financier ou de recouvrement de créance.
Le marketing direct peut se définir comme toute forme de communication et de vente s'adressant directement au client, recouvrant des prestations diverses comme le mailing, les éditions publicitaires, les prospectus, le marketing téléphonique. Il représente, selon une étude France Pub réalisée par Havas et la Comareg, le premier moyen de communication des entreprises françaises. Selon cette étude, les dépenses des entreprises pour le marketing direct en 1999 sont estimées à 55 milliards de francs, avec une progression de 6,2 % des investissements entre 1999 et 2000.
Les activités de diffusion de fichiers d'information sur les entreprises regroupent notamment :
La location d'adresses
Il s'agit de listes de prospects extraits de bases de données informatisées établies à partir de critères de segmentation permettant de cibler un type de clientèle. Ces fichiers sont loués au client pour servir aux opérations de marketing direct par voie postale pour un usage unique (le fichier est le plus souvent remis directement au premier prestataire de la chaîne de routage).
La fourniture de produits de renseignements commerciaux
Il s'agit de fichiers d'informations économiques ou financières à haute valeur ajoutée destinés à satisfaire des besoins de renseignements commerciaux venant des entreprises. Ils sont le plus souvent consultables en ligne, sur cédérom (en lecture seulement) ou sur annuaire. Des entreprises, comme Dun & Bradstreet et Coface-SCRL, notamment, sont actives dans ce secteur.
La mise à disposition de fichiers d'information sur les entreprises
Les entreprises peuvent chercher à acquérir des bases de données sur les entreprises pour des besoins plus larges que celui de la réalisation immédiate d'une action commerciale (par exemple, pour servir de base à la constitution d'un fichier commercial ou de promotions). A la différence de la location, le fichier est alors mis à la disposition du client pour un usage multiple. Bien souvent, le client n'est alors pas seulement intéressé par une liste d'adresses mais également par un ensemble de rubriques (ainsi, distingue-t-on dans le cas du répertoire SIRENE, adresses et notices). La mise à disposition de fichiers s'accompagne, en général, de commandes de mise à jour. Il peut s'agir également d'enrichissement de fichiers détenus par un tiers. On peut distinguer, dans ce secteur très hétérogène, plusieurs catégories de fichiers, notamment :
- les fichiers généralistes : ces fichiers contiennent des informations moins riches que les fichiers spécialisés mais ils sont plus volumineux et plus exhaustifs. L'exhaustivité de ces fichiers en fait leur spécificité et leur confère un caractère non substituable avec des fichiers plus spécialisés. C'est le cas des fichiers publics tels que le répertoire SIRENE et le RCS (registre du commerce et des sociétés). Ces derniers ne couvrent pas strictement le même spectre d'entreprises et ne sont donc que partiellement substituables entre eux ;
- divers types de fichiers répondant à des critères thématiques divers : certaines sociétés sont spécialisées dans la constitution de fichiers dans un domaine particulier, sur un secteur d'activité notamment (la société Cegedim, par exemple, est spécialisée dans le secteur de la santé).
Pour alimenter leurs fichiers et effectuer les mises à jour nécessaires, les professionnels du secteur de l'information sur les entreprises doivent disposer d'un certain nombre de sources de renseignement. En effet, la multiplication des sources permet d'enrichir les fichiers, d'optimiser la mise à jour des données, de confronter les données les unes aux autres. Outre les sources institutionnelles, les professionnels ont recours aussi à des partenariats, notamment avec des assureurs, banques et autres organismes financiers, et à des enquêtes systématiques sur les dirigeants et les changements d'adresses.
Parmi les bases de données publiques évoquées ci-dessus, on peut citer :
- le fichier SIRENE de l'INSEE ;
- l'annuaire Pages jaunes de France Télécom ;
- le fichier de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) comportant des extraits du registre du commerce et des sociétés (RCS) ;
- les données recueillies par les centres de formalités des entreprises, accessibles auprès des chambres de commerce et des chambres de métiers ;
- les informations détenues par les greffes de tribunaux de commerce, notamment les bilans des entreprises.
Le fichier SIRENE reste une base de référence et constitue, selon les professionnels du secteur, la source de renseignements la plus sollicitée par les annonceurs intéressés par la clientèle des entreprises. L'INSEE a en charge, dans ses missions légales, les activités de production et de gestion du répertoire SIRENE. Il exerce également une activité de diffusion commerciale du répertoire. D'autre part, certaines entreprises, comme les sociétés Cegedim et Direct Mail Promotion, auteurs des saisines examinées ici, ont une activité de rediffusion du répertoire SIRENE.
2. Les activités de l'INSEE concernant le répertoire SIRENE
L'INSEE est une direction du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, dont une des activités consiste en la production du " Répertoire national d'identification des entreprises et de leurs établissements ", appelé SIRENE, issu d'un fichier des établissements datant de 1942 et créé sous sa forme actuelle par un décret du 14 mars 1973. Ce répertoire a pour mission d'enregistrer l'état civil des entreprises et leurs principales caractéristiques économiques, sociales et juridiques. A chaque unité gérée est attribué un numéro unique, appelé SIREN (pour les entreprises) ou SIRET (pour les établissements).
a) La gestion du fichier SIRENE
Le fichier de production brut, obtenu par compilation des résultats d'enquêtes ou des informations issues de fichiers d'origine administrative, fait l'objet d'opérations de contrôle, de correction et de codification visant à rendre les données utilisables. A ce stade, le fichier obtenu, dit " fichier de production contrôlée ", permet de répondre aux besoins internes de l'INSEE relatifs à une double mission : administrative et statistique. Créé à l'origine pour des besoins interadministratifs, le répertoire SIRENE permet une normalisation des objets gérés et des variables de l'information transmise. De plus, l'attribution à chaque entreprise et à chaque établissement d'un identifiant unique, dont l'usage s'impose à l'ensemble de l'administration et à l'entreprise elle-même, autorise un appariement simplifié des sources administratives permettant d'obtenir de nombreuses informations sociales, économiques juridiques, sans recourir à des enquêtes. Il constitue, de ce fait, un outil et une source statistiques essentiels. Pour plus de détails, on peut se reporter aux articles suivants publiés dans la revue Le Courrier des statistiques, n° 75-76 de décembre 1995 : Le Répertoire SIRENE et Le Système inter-administratif et SIRENE.
b) La diffusion du répertoire SIRENE
Le décret n° 73-314 du 14 mars 1973 prévoit, en son article 14, la communication des données contenues dans le répertoire SIRENE.
L'alinéa 2 prévoit que les renseignements d'identification et d'ordre économique contenus dans le répertoire sont communiqués, sur leur demande, aux greffiers des tribunaux de commerce, de tribunaux de grande instance statuant commercialement et des tribunaux d'instance du ressort de la cour d'appel de Colmar chargés de la tenue du registre de commerce, à l'Institut national de la propriété industrielle chargé de la tenue du registre national du commerce, aux chambres de métiers, ainsi qu'aux administrations ou organismes (dont la liste est fixée par arrêté du Premier ministre)... L'alinéa 3 dispose, par ailleurs, que " l'INSEE peut communiquer aux personnes ou aux organismes qui en font la demande et à leurs frais, les renseignements prévus à l'alinéa précédent à l'exception de ceux concernant la date et le lieu de naissance des personnes physiques. Un arrêté du Premier ministre précise en tant que de besoin les conditions et limites d'application de la présente disposition ".
Les produits SIRENE mis à la disposition du public
Les produits SIRENE, mis à la disposition du public, sont issus d'une base de données spécifique constituée à partir du répertoire des entreprises et des établissements, dénommée " SIRENE diffusion ". En effet, les données brutes du répertoire ne peuvent pas être mises directement à la disposition du public car elles comportent des informations confidentielles (notamment les dates de naissance) et les données relatives aux entreprises qui ont demandé expressément, comme la loi les y autorise, à ne pas figurer dans le fichier de diffusion ; par ailleurs, certaines données ne sont pas directement utilisables. Le fichier brut ou " fichier de production contrôlée " doit faire l'objet d'opérations complémentaires (mise aux normes, suppression des codes de gestion, application des règles de secret, d'opposition à la diffusion pour certaines unités, enrichissement, codifications supplémentaires, documentation) permettant d'aboutir au fichier " SIRENE diffusion ". L'INSEE est ainsi amené à réaliser un important travail d'amélioration et d'enrichissement des informations initiales afin de pouvoir répondre au nombre et à la diversité de la demande.
Les conditions de commercialisation du répertoire SIRENE
Tous les utilisateurs des produits SIRENE sont soumis aux conditions générales de commercialisation desdits produits. Ils n'acquièrent pas la propriété des données contenues dans ces produits mais seulement un droit d'usage. Des licences de deux types peuvent être souscrites : les unes pour usage final, les autres pour rediffusion.
L'organisme qui souscrit une licence d'usage final s'engage à n'utiliser les données que pour ses besoins internes propres (enrichissement ou constitution de fichiers de clients, de fournisseurs ou de prospects, opérations de marketing direct) et, donc, à ne pas communiquer ces données à des tiers. Les licences d'usage final peuvent être souscrites soit directement auprès de l'INSEE, soit auprès des rediffuseurs. Les entreprises peuvent acquérir le droit d'usage de l'ensemble du répertoire ou seulement d'extraits, selon différents formats (variant selon la richesse des informations contenues). Ces licenciés peuvent s'abonner aux mises à jour, selon une périodicité hebdomadaire, mensuelle, trimestrielle ou semestrielle. Ils peuvent acquérir soit un droit d'usage unique sur les données du répertoire (dans ce cas, les données ne peuvent être utilisées qu'une seule fois, par exemple pour une opération de marketing direct), soit un droit d'usage multiple (dans ce cas, le fichier est mis à disposition de l'utilisateur final).
La licence de rediffusion autorise, au contraire, son détenteur à céder les données du répertoire SIRENE à d'autres utilisateurs. La rediffusion suppose l'acquisition du répertoire France entière et la souscription d'un abonnement aux mises à jour. Les licences de rediffusion en vigueur sous le régime de l'arrêté du 16 avril 1996 n'autorisaient leur bénéficiaire à céder les données contenues dans le répertoire SIRENE que pour un usage unique. Les licences de rediffusion en vigueur sous le régime de l'arrêté du 11 août 1998 autorisent désormais aussi la communication des données à des tiers pour usage multiple.
Outre la mise à disposition des données issues du répertoire SIRENE, il existe une opération dite " sirenage " qui consiste à rapprocher du répertoire SIRENE un fichier d'entreprises ou d'établissements communiqué par le client afin de valider les informations contenues dans ce fichier, de les rectifier ou de les compléter. Cette opération, qui n'était pas autorisée par les licences en vigueur sous le régime de l'arrêté du 16 avril 1996, est désormais possible pour les rediffuseurs.
c) Le répertoire SIRENE au regard de la propriété intellectuelle
Selon les termes des conditions générales de commercialisation des produits SIRENE, les utilisateurs de ces produits n'acquièrent pas la propriété des données qui y sont contenues mais seulement un droit d'usage.
Dans un arrêt du 10 juillet 1996, le Conseil d'Etat, saisi par les sociétés Cegedim et Direct Mail Promotion d'un recours en annulation des dispositions réglementaires portant sur la tarification de diffusion du répertoire SIRENE (notamment le décret n° 95-171 du 17 février 1995), a reconnu au profit de l'INSEE, en ce qui concerne le répertoire SIRENE, des droits relevant de la propriété intellectuelle : " Considérant (...) que le répertoire SIRENE (...) constitue non une simple collection de données mais un ensemble organisé et structuré d'informations relatives à l'identité et à l'activité des entreprises ; qu'en outre, l'INSEE ajoute aux données brutes qui lui sont fournies par les entreprises, des informations qu'il élabore, relatives notamment au chiffre d'affaires, au taux d'exportation et à l'implantation géographique des entreprises ; que l'ensemble, ainsi susceptible d'être cédé par l'INSEE aux sociétés requérantes en vue de sa rediffusion par celles-ci, constitue une base de données qui doit être regardée comme une œuvre collective pouvant légalement inclure des droits relevant de la propriété intellectuelle au profit de l'INSEE, donc de l'Etat ; ". Le Conseil d'Etat en déduit : " que l'article 8 de l'arrêté (cf. note 1) qui reconnaît au bénéfice de l'INSEE des " droits privatifs " " sur les produits informationnels tirés du répertoire SIRENE ainsi que sur les supports d'enregistrement qu'il utilise ", et qui soumet, au titre de ces droits privatifs, les bénéficiaires d'une licence de rediffusion à l'obligation d'acquitter à l'INSEE une redevance de rediffusion (...) ne méconnaît aucune disposition du code de la propriété intellectuelle. "
La notion de base de données fait, aujourd'hui, l'objet d'une définition légale donnée par la loi n° 98-536 du 1er juillet 1998 : " On entend par base de données un recueil d'œuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen. " Cette loi apporte surtout une extension de la protection des bases de données par rapport à celle prévue par le droit d'auteur. En effet, le droit d'auteur s'attache à la forme des créations et requiert, s'agissant des bases de données, une structure originale, l'originalité devant résider dans la présentation ou la sélection des données. Le droit, reconnu au producteur de bases de données par la loi du 1er juillet 1998, vise à protéger l'investissement, l'originalité n'étant pas un critère requis. Dès lors que la présentation des données est structurée (" systématique et méthodique "), une base de données est éligible à la protection juridique du producteur. Le tribunal de commerce de Paris, dans un jugement rendu le 18 juin 1999, a ainsi considéré que les annuaires de France Télécom satisfont à ce critère et bénéficient de ce fait de la protection légale accordée par la loi du 1er juillet 1998. Ce droit de propriété intellectuelle spécifique ne fait pas obstacle à l'existence éventuelle d'un droit d'auteur.
Il est donc permis de penser que l'INSEE bénéficie d'un droit de propriété intellectuelle, compte tenu de sa qualité de producteur du fichier.
3. Les rediffuseurs du répertoire SIRENE et leurs activités
Les rediffuseurs, au nombre desquels on compte les sociétés Cegedim et Direct Mail Promotion, auteur des présentes saisines, doivent souscrire auprès de l'INSEE une licence de rediffusion qui les autorise, sous certaines conditions, à céder les données du répertoire SIRENE à d'autres utilisateurs. Ils préparent le fichier SIRENE de façon à le rendre plus opérationnel, notamment pour des opérations de marketing direct. Ils mettent en avant leur souplesse et leur rapidité de réaction, qualités qui sont appréciées par les annonceurs. A titre indicatif, les travaux effectués par Cegedim sur la base du répertoire SIRENE concernent les opérations suivantes :
- normalisation postale pour assurer aux clients les tarifs postaux les plus bas ;
- meilleure présentation des adresses, travaux de restructuration (adresses, raison sociale, abréviation type) afin de permettre une édition normalisée sur 6 lignes ;
- rachat et traitement des NPAI (" n'habite pas à l'adresse indiquée ") afin d'améliorer la distribution postale ;
- collecte et traitement de radiations (constitue un point faible de l'INSEE selon la société Cegedim) ;
- enrichissement du fichier (notamment avec ajout des numéros de téléphone et de télécopie) ;
- mise en place des systèmes de gestion permettant de multiples segmentations croisées afin de mieux définir les cibles de prospection des clients finals.
Il est possible de classer les rediffuseurs en deux catégories suivant l'usage qu'ils font du répertoire SIRENE :
- les professionnels du marketing direct, parmi lesquels se trouvent les sociétés saisissantes et dont un certain nombre sont affiliés au SNCD (syndicat national du marketing direct) ;
- les rediffuseurs d'informations commerciales, parmi lesquels on trouve Dun & Bradstreet et Coface-SCRL.
Toutefois, la frontière entre ces deux catégories s'estompe de plus en plus. A la mi 2001, on compte 19 rediffuseurs du répertoire SIRENE.
La société Cegedim
La société Cegedim, auteur de la saisine F 972 est une société anonyme au capital de 1 008 000 F qui intervient, notamment, dans trois secteurs d'activité qui sont les services en informatique (la collecte, le traitement et l'analyse des données, l'audit, la fourniture des matériels et des consommables informatiques, développement de logiciels), la santé (gestion des forces de vente des laboratoires, études de marketing, traitement des statistiques de vente du secteur) et la communication. Son département Communication directe commercialise depuis 1981 le fichier SIRENE. Selon ses indications, l'activité SIRENE lui a permis de réaliser un chiffre d'affaires de 2,74 MF pour l'année 1996, en régression par rapport au chiffre d'affaires des années précédentes (3,04 MF en 1993, 2,85 MF en 1994, 2,78 MF en 1995). La société Cegedim offre également à ses clients des prestations de marketing direct à service complet.
La société Direct Mail Promotion
La société Direct Mail Promotion, auteur de la saisine F 1123, est une société anonyme au capital de 1 302 000 F dont l'effectif salarié comprend moins de 10 personnes. Son activité principale consiste en la préparation, l'enrichissement et la revente de données provenant de l'INSEE. La société a réalisé, sur l'année 1997, un chiffre d'affaires net total de 5,3 MF.
B. - La tarification des produits issus du répertoire SIRENE
La tarification des produits, issus du répertoire SIRENE et vendus directement par l'INSEE aux utilisateurs finals, est prévue par le décret en Conseil d'Etat n° 95-171 du 17 février 1995 relatif à la rémunération de certains services rendus par l'INSEE, la communication par l'INSEE à des particuliers ou à des organismes privés ou publics autres que l'Etat de données extraites des fichiers qu'il détient, ainsi que la cession de droits de reproduction ou de diffusion desdites données, peut donner lieu à rémunération. L'article 2 du décret renvoie à un arrêté du ministre chargé de l'économie la fixation des tarifs correspondants. A ce jour, trois arrêtés, datés des 21 mars 1995, 19 avril 1996 et 11 août 1998, ont été pris en application de ce décret. Les deux derniers définissent les conditions tarifaires en vigueur lors des saisines des sociétés Cegedim et Direct Mail Promotion.
C. - Les pratiques dénoncées
Les sociétés Cegedim et Direct Mail Promotion ont saisi le Conseil de la concurrence des conditions de commercialisation du répertoire SIRENE. Dans sa lettre de saisine en date du 4 juillet 1997, la société Cegedim dénonce les conditions définies dans l'arrêté du 19 avril 1996. Dans son mémoire complémentaire enregistré le 20 mai 1998, elle anticipe sur les conditions de tarification définies dans l'arrêté du 11 août 1998 qui, selon elle, ne sont pas de nature à faire évoluer les pratiques reprochées à l'INSEE. La société Direct Mail Promotion, dans sa lettre de saisine en date du 19 février 1999, conteste les conditions tarifaires définies dans l'arrêté du 11 août 1998.
Les sociétés saisissantes dénoncent également les pratiques suivantes de l'INSEE : le fait de n'avoir pas, avant l'intervention de l'arrêté du 11 avril 1998, autorisé les rediffuseurs, d'une part, à proposer des produits à usage multiple, d'autre part, à effectuer des opérations de sirenage ; le fait d'avoir procédé à des modifications brutales du fichier SIRENE sans préavis suffisant ; le fait d'avoir ramené la durée des contrats de rediffusion de 3 ans à 1 an ; le fait pour l'INSEE de s'être réservé un droit de modification unilatérale des conditions générales de commercialisation ; et, enfin, le fait d'avoir institué un dispositif de contrôle des activités des rediffuseurs.
D. - Les griefs notifiés
Deux griefs ont été notifiés à l'INSEE :
- le premier, pour avoir, en ce qui concerne les tarifs définis par l'arrêté du 11 août 1998, établi un système susceptible d'engendrer des distorsions de concurrence sur le marché de la cession et de la mise à jour des fichiers SIRENE de grande taille lorsque les unités cédées dépassent 1 million d'unités pour une utilisation monoposte et plus de 2 millions d'unités pour une utilisation multiposte 1, 3 ;
- le second, pour avoir interdit aux rediffuseurs, avant l'intervention de l'arrêté du 11 août 1998, de proposer aux clients finals utilisateurs du fichier SIRENE la rediffusion pour usage multiple ainsi que le " sirenage ".
Lesdites pratiques avaient pu avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés de la commercialisation des produits SIRENE et entrent donc dans le champ des dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce.
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL
Considérant que, dans sa décision du 18 octobre 1999, Aéroport de Paris et Air France c/TAT European Airlines, le tribunal des conflits a relevé que " si, dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de distribution ou de services, les personnes publiques peuvent être sanctionnées par le Conseil de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire, les décisions, par lesquelles ces personnes assument la mission de service public qui leur incombe au moyen de prérogatives de puissance publique, relèvent de la compétence de la juridiction administrative pour en apprécier la légalité et, le cas échéant, pour statuer sur la mise en jeu de la responsabilité encourue par les personnes publiques... ".
Considérant que la commercialisation par l'INSEE des fichiers SIRENE est régie par un ensemble de dispositions réglementaires ; qu'en effet, l'article 5 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, alors en vigueur, prévoyait que " la rémunération des services rendus par l'Etat ne peut être établie et perçue que si elle a été instituée par décret en Conseil d'Etat " ; que le décret du 17 février 1995 relatif à la rémunération de certains services rendus par l'INSEE reconnaît à l'INSEE dans son article 1er le droit de percevoir une redevance pour la cession à des particuliers ou à des organismes privés ou publics autres que l'Etat des droits de reproduction ou de diffusion de données extraites des répertoires SIRENE ; que l'article 2 de ce décret dispose que " les tarifs des redevances dues à ce titre sont fixés par arrêté du ministère chargé de l'économie " ; que l'arrêté du 11 août 1998 du ministre de l'économie et des finances a fixé " les conditions de tarification s'appliquant à l'accès au service public d'information sur les entreprises, organismes publics et leurs établissements " ; que cet arrêté définit les produits qui peuvent faire l'objet d'une diffusion commerciale par l'INSEE, les conditions de cette diffusion, ainsi que, de manière détaillée, les prix et redevances applicables à ces différents produits, et prévoit que les communications faites par l'INSEE d'informations issues du répertoire SIRENE sont soumises à des conditions générales de commercialisation ; que ces conditions, édictées par l'INSEE, qui qualifient de contrat d'entreprise les contrats par lesquels l'INSEE communique à des tiers des informations issues du répertoire SIRENE et les autorise à les rediffuser, prévoient que la modification, en cours de contrat, des conditions de tarification à la suite d'un nouvel arrêté ministériel, ouvre seulement au contractant une possibilité de résiliation de plein droit de ce contrat (art. 4), que l'INSEE souscrit une simple obligation de moyens, le client devant, si les informations fournies par l'INSEE lui apparaissent inexactes, " procéder lui-même à toutes vérifications de la vraisemblance ou de la cohérence des résultats obtenus " (art. 8) ; qu'enfin, l'INSEE se réserve le droit de modifier unilatéralement certaines dispositions du contrat conclu avec ses clients " s'il juge cette modification nécessaire à l'amélioration du service " sans, par ailleurs, que cette décision de modification puisse engager sa responsabilité ;
Considérant, sur le premier grief, d'une part, que la diffusion par l'INSEE, qui est une direction générale du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, auprès de tiers, d'informations sur les entreprises, organismes publics et leurs établissements issus du répertoire SIRENE, s'inscrit dans le prolongement de ses missions de service public; que, d'autre part, la fixation unilatérale, par arrêté ministériel, du prix d'une prestation de services qui ne peut ainsi faire l'objet d'aucune négociation et peut être modifié unilatéralement à tout moment, y compris en cours de contrat, révèle par elle-même l'exercice d'une prérogative de puissance publique; que cette constatation est confortée par l'examen des conditions générales de commercialisation prévues par l'arrêté du 16 août 1998 et qui complètent le dispositif de celui-ci, lesquelles comportent des dispositions qui conduisent à une situation contractuelle marquée par un déséquilibre flagrant en faveur de la partie publique; qu'il suit de là que le Conseil de la concurrence n'est pas compétent pour se prononcer sur la demande des sociétés Cegedim et Direct Mail Promotion tendant à faire constater la non-conformité de l'arrêté du 11 août 1998 aux dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce;
Considérant que le second grief, aux termes duquel il est reproché à l'INSEE de n'avoir pas autorisé, avant l'intervention de l'arrêté du 16 août 1998, les rediffuseurs à proposer aux clients finals, utilisateurs du fichier SIRENE, la rediffusion pour usage multiple ainsi que le sirenage remet en cause la validité de l'arrêté ministériel, en date du 16 avril 1996, qui ne comportait aucune disposition relative à la possibilité pour les rediffuseurs d'être autorisés à offrir de tels services ; que pour les raisons déjà exposées, le Conseil de la concurrence n'est pas davantage compétent pour se prononcer sur ce point;
Considérant qu'en application de l'article L. 462-8 du code de commerce, le Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable s'il estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence,
Décide :
Article unique. - Les saisines des sociétés Cegedim et Direct Mail Promotion sont déclarées irrecevables.