Conseil Conc., 20 février 2002, n° 02-D-12
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques constatées sur le marché du ciment dans le sud-ouest de la France
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de Mme Palud, par Mme Hagelsteen, présidente, M. Jenny, vice-président, M. Robin, membre, en remplacement de M. Nasse, vice-président, empêché.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre du 17 novembre 1994, enregistrée sous le numéro F 722, par laquelle le ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques constatées sur le marché du ciment dans le sud-ouest de la France ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86- 1243 du 1er décembre 1986 ; Vu la décision n° 01-D-27 du 22 mai 2001 ; Vu les observations présentées par les sociétés Ciments Calcia, Lafarge Ciments et Séroul, par M. Domecq et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Ciments Calcia, Lafarge Ciments et Séroul entendus lors de la séance du 18 décembre 2001 ;
Considérant que selon les termes de la lettre de saisine ministérielle, les sociétés Ciments Calcia et Lafarge Ciments se sont livrées à des pratiques anticoncurrentielles destinées à éliminer leur concurrent, la société Silos de Bayonne, du marché du ciment dans le sud-ouest de la France ; que ces pratiques ont consisté en des échanges d'informations sur l'activité de cette société, afin d'identifier ses clients et les transporteurs assurant les livraisons, puis à exercer des pressions à l'égard des mêmes clients et transporteurs pour qu'ils mettent fin à leurs relations commerciales avec ladite société ; qu'au vu des pièces du dossier, des griefs ont été notifiés aux sociétés Ciments Calcia, Lafarge Ciments , à l'entreprise de transports Séroul et à M. Domecq, agent privé de recherches ; que ces griefs ont été maintenus dans le rapport établi selon les modalités fixées à l'article L. 463-2 du Code de commerce ;
Considérant que l'article L. 462-7 du Code de commerce dispose que "le conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction" ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier qu'un délai de plus de trois ans s'est écoulé entre le 30 octobre 1997, dernière date de réception de la notification de griefs, et le 28 décembre 2000, date d'envoi du rapport ;qu'il est constant que, durant cette période, les pratiques dénoncées par le ministre chargé de l'économie n'ont fait l'objet d'aucun acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction de pratiques visées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce ;
Considérant que le commissaire du Gouvernement fait, cependant, valoir qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité d'agir pour faire accomplir un acte interruptif de prescription et que le délai prévu à l'article précité a été suspendu à son égard ; que la motivation de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 17 juillet 2001, censurant un arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 9 mars 1999 qui avait admis le principe de la suspension de la prescription à l'égard de l'entreprise saisissante, mise dans l'impossibilité d'agir dans la procédure en cours devant le conseil, ne s'applique pas au cas d'une saisine émanant du ministre car celui-ci, à la différence des entreprises ou autres personnes morales saisissantes, est dépourvu de tout moyen alternatif de protéger l'ordre public économique atteint par les pratiques anticoncurrentielles ;
Mais considérant que l'arrêt du 9 mars 1999 précité a fait l'objet d'une double cassation pour violation de la loi, la première, prononcée au visa de l'article L. 462-7 du Code de commerce, aux motifs "(...) qu'en statuant ainsi, en ajoutant au texte susvisé un cas de suspension de la prescription qu'il ne prévoit pas, la cour d'appel l'a violé", la seconde, prononcée au même visa, aux motifs "(...) qu'en statuant ainsi, alors que le Conseil de la concurrence, chargé de la protection de l'ordre public économique, n'est pas compétent pour réparer le préjudice éventuellement subi par les parties qui le saisissent et qui allèguent être victimes de pratiques anticoncurrentielles et peuvent saisir les juridictions civiles et répressives d'une action en indemnisation, en annulation ou en cessation des pratiques contestées, dans les délais de prescription afférents à ces actions (...) la cour d'appel a violé le texte susvisé (...)" ;
Considérant que chacun de ces deux motifs de censure fonde à lui seul la cassation prononcée, indépendamment de l'autre ; que, dès lors, le premier motif, qui s'appuie, pour exclure la suspension de la prescription, sur le libellé de l'article L. 462-7 du Code de commerce, disposition applicable quel que soit l'auteur de la saisine du conseil, conduit à considérer que la prescription, qui n'est pas suspendue lorsque la saisine émane d'une entreprise, ne l'est pas davantage lorsque le conseil est saisi par le ministre ;
Considérant qu'en l'espèce, plus de trois ans s'étant écoulés entre le 30 octobre 1997, dernière date de réception de la notification de griefs, et le 28 décembre 2000, date d'envoi du rapport, sans qu'ait été accompli aucun acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction des faits dénoncés, la prescription s'est trouvée acquise à la date du 30 octobre 2000 ;qu'il convient, en conséquence, qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.
Décide :
Article unique - Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.