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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 20 février 1990, n° ECOC9010026X

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Adidas Sarragan France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

M. Canivet

Avocat général :

M. Jobard.

Avoué :

Me François Valdelièvre

Avocats :

Mes Lebray, Didier, Sarrailhe

CA Paris n° ECOC9010026X

20 février 1990

Attendu que saisi de pratiques éventuellement mises en œuvre sur le marché de la chaussure de sports, le Conseil de la concurrence a, par décision n° 89-D-43 du 5 décembre 1989, notamment enjoint (art. 2 du dispositif) aux sociétés Adidas France, Nike France, Reebok France, Patrick international et Puma de se limiter à des critères objectifs de nature qualitative dans leurs contrats de distribution sélective et de cesser de sélectionner leurs revendeurs en fonction de leur appartenance ou non à " la grande distribution " ;

Attendu que la société Adidas Sarragan France, venant aux droits de la société Adidas France qui a formé un recours contre cette décision, nous demande en outre, conformément aux dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de surseoir à l'exécution de la partie ci-dessus citée de son dispositif où elle lui impose, sans délais, la mise au point de documents contractuels complexes se référant à des critères objectifs pour la sélection de ses revendeurs ;

Attendu que le sursis à l'exécution d'une décision du Conseil de la concurrence peut être ordonné si elle est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ;

Attendu que l'exécution immédiate par la société Nike France de l'injonction susvisée la contraindrait à répondre immédiatement aux commandes pouvant émaner de multiples firmes, commerçants, groupements d'achats ou associations, avant que soit mise en place, par voie de négociation ou de concertation, une nouvelle politique commerciale correspondant à la technicité de ses produits et fixant les critères objectifs d'une distribution adaptée à la qualité et à l'usage de ceux-ci ainsi qu'à l'image de marque qu'elle souhaite préserver, aussi bien dans la perspective d'une utilisation rationnelle et contrôlée des chaussures de sport qu'elle vend que dans celle d'une présentation organisée desdits articles ;

Attendu que ces conséquences sont aggravées par le fait que la société Adidas France titulaire de la marque du même nom a récemment fusionné avec la société Sarragan France exploitant la marque Le Coq sportif et qu'elle doit réorganiser les réseaux de distribution de ces deux types de produits ;

Attendu qu'il est justifié que, depuis la publication de la décision soumise à recours, la requérante a été saisie de demandes émanant de clients importants avec lesquels elle n'entretenait pas jusqu'alors de relations contractuelles ;

Attendu qu'abstraction faite du risque d'infirmation ou d'annulation de la décision attaquée, il apparaît justifié, en raison des conséquences manifestement excessives, ainsi caractérisées qu'est susceptible d'entraîner sa mise en œuvre immédiate, qu'un sursis à exécution, limité dans le temps, soit décidé, afin de permettre à la société requérante de définir et aménager, par voie de contrats, une politique nouvelle de distribution de ses produits, sans risques majeurs définitifs et irréversibles de désordre, d'atteinte à sa réputation, de préjudice pour ses intérêts commerciaux légitimes et sans craintes de voir s'ouvrir des contentieux engendrés par des refus de vente ou de voir engagée sa responsabilité.

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Vu l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, Disons qu'il est sursis à l'exécution du deuxième alinéa du dispositif de la décision n° 89-D-43, prononcée le 5 décembre 1989 par le Conseil de la concurrence, en ce qu'il concerne la société Adidas Sarragan France, venant aux droits de la société Adidas France ; Disons que le sursis à exécution est limité à une durée de quatre mois à compter de ce jour ; Disons qu'à titre provisoire chacune des parties à la présente instance supportera la charge des dépens par elle avancés.