Conseil Conc., 1 février 2002, n° 02-D-05
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques imputables à la Chambre nationale des experts spécialisés en objets d'art et de collection
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme Chaulet-Philippe, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, M. Nasse, vice-président.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 24 janvier 2001 sous le numéro F 1289, par laquelle M. Jehan a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques imputables à la Chambre nationale des experts spécialisés en objets d'art et de collection (CNES) ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement entendus, au cours de la séance du 11 décembre 2001, M. Jehan ayant été régulièrement convoqué ;
Considérant que M. Jehan expose dans sa saisine qu'il a exercé la profession d'antiquaire à Paris depuis 1977 et a été admis comme expert par la CNES en 1985, sa spécialité étant celle des instruments scientifiques anciens ; qu'il précise qu'il a arrêté son activité en 1991, pour des raisons personnelles ; qu'il a, dès lors, cessé d'acquitter ses cotisations à la CNES et a été, en conséquence, considéré comme démissionnaire, conformément aux statuts de cet organisme ; qu'il a repris son activité en 1997 dans le département de la Vienne et que le président pour la région Centre de la CNES, M. Liger, lui a proposé sa réintégration sous réserve d'un avis favorable des instances régionales ; qu'en dépit d'une approbation unanime de sa demande par ces instances, intervenue en décembre 1999, il n'a reçu aucune réponse officielle de la part des instances nationales ; qu'il ajoute, qu'en juin 2000 M. Randier, président national de la CNES, aurait chargé oralement le responsable de la région Centre de lui annoncer que le conseil d'administration s'opposait à sa réintégration ;
Considérant que M. Jehan soutient, d'une part, que la CNES ne respecte pas la décision 98-D-81 du 21 décembre 1998, par laquelle le Conseil de la concurrence a estimé qu'un refus d'adhésion non motivé constituait une pratique anticoncurrentielle et, d'autre part, que la réelle motivation de ce refus est le fait que sa spécialité, qui porte sur les instruments scientifiques anciens, est la même que celle de M. Randier, président de la CNES en 2000 ; qu'il relève qu'il ne restait plus, en 2000, que deux titulaires de cette spécialité en exercice au sein de cette organisation au lieu de quatre en 1985 ; qu'il demande, en conséquence, au conseil d'apprécier l'objet ou l'effet anticoncurrentiel de ce refus de réintégration ;
Considérant que l'article L. 462-8, alinéa 2, du Code de commerce prévoit que "le conseil peut rejeter la saisine par décision motivée, lorsqu'il estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants" ;
Considérant que le 10 mai 2001, soit postérieurement à sa saisine, M. Jehan a adressé un courrier à la CNES afin que lui soit communiquée la motivation du refus de sa réintégration ; qu'il a reçu, le 20 juillet 2001, un courrier des instances nationales lui signifiant qu'il avait été radié pour défaut de paiement de cotisations au troisième trimestre de l'année 1992, ce qui constituait une violation des statuts de la chambre et que, pour ce motif, il avait été décidé de ne pas donner suite à sa demande de réintégration ;
Considérant que, dans sa décision 98-D-81 du 21 décembre 1998, le Conseil de la concurrence a enjoint à la CNES de supprimer de ses statuts la disposition relative à la dispense de motivation des refus d'admission ; que, sur le recours formé, notamment par la CNES, la Cour d'appel de Paris, par un arrêt du 12 octobre 1999, a annulé la décision déférée pour un motif de procédure et, statuant au fond, a enjoint, notamment à la CNES, de ne plus communiquer les décisions de refus de candidature ou d'exclusion de membres, aux autres organisations professionnelles ; que l'injonction tendant à la suppression de la disposition relative à la dispense de motivation des refus d'admission n'a pas été reprise par l'arrêt, au motif que la suppression de cette disposition venait d'être votée par le conseil d'administration de la CNES ; qu'aucun défaut de respect d'injonction ne serait donc susceptible d'être reproché, en l'espèce, à la CNES ;
Considérant que la CNES a agi en l'espèce avec une opacité regrettable, puisqu'elle a attendu plus d'un an et demi avant de répondre à la demande de réintégration présentée par M. Jehan et ne lui a fait connaître son refus de le réintégrer ainsi que les motifs fondant ce refus, qu'après que l'intéressé eut écrit à la chambre en faisant état de la saisine du conseil ; que, toutefois, la décision critiquée repose sur le fait que M. Jehan n'a plus acquitté ses cotisations depuis 1991, ce qui constitue, en effet, un motif de radiation prévu par les dispositions de l'article 10, titre II, des statuts lequel énonce que "la qualité de membre de la chambre se perd pour non-paiement de la cotisation trois mois après sa date d'exigibilité" ; qu'il n'appartient pas au conseil d'apprécier la pertinence de ce motif dès lors qu'il repose sur un critère précis, objectif et non discriminatoire ;
Considérant que les circonstances alléguées par le saisissant, à savoir le fait qu'il n'existe plus, actuellement, que deux spécialistes d'instruments scientifiques anciens au sein de la CNES, ainsi que le fait que M. Randier, un de ces spécialistes, ait occupé les fonctions de président de cette organisation, jusqu'en mai 2001, ne suffisent pas à présumer que le refus de réintégration opposé à M. Jehan procéderait d'une volonté de l'exclure du marché ; qu'en outre, aucun élément du dossier ne permet de penser que le refus de la CNES aurait eu un effet anticoncurrentiel puisqu'il existe sur le marché d'autres organismes d'experts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la saisine ne comporte pas d'éléments suffisamment probants permettant de penser que des pratiques anticoncurrentielles auraient été, en l'espèce, mises en œuvre par la CNES ; qu'il convient, en conséquence, de faire application des dispositions de l'article L. 462-8 précité ;
Décide :
Article unique - La saisine enregistrée sous le numéro F 1289 est rejetée.