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Conseil Conc., 20 février 2002, n° 02-D-10

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Saisine de la société RBS Rappresentanze SRL et de la société CTIV à l'encontre de pratiques mises en œuvre par la société Ashoenologie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Chaulet-Philippe, par Mme Pasturel, vice-présidente, présidant la séance, Mmes Mader-Saussaye, Perrot, MM. Piot, Ripotot, membres.

Conseil Conc. n° 02-D-10

20 février 2002

Le Conseil de la concurrence (section IV),

Vu la lettre enregistrée le 1er juin 2001 sous le numéro F 1319 par laquelle la société de droit italien Rappresentanze SRL (RBS), ainsi que son établissement français, la société CTIV, ont saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Ashoenologie ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe et le commissaire du Gouvernement entendus au cours de la séance du 18 décembre 2001, les sociétés CTIV et RBS ayant été régulièrement convoquées ;

Considérant que la société Ashoenologie, dont le gérant est M. Hémard, agissant en qualité de maître d'œuvre de la Coopérative vinicole des coteaux d'Avignon pour la réalisation d'un atelier de vinification, a procédé à un appel d'offres auquel ont répondu diverses entreprises dont les sociétés requérantes et la société Alliance Inox ; que le marché de cuverie a été attribué à cette dernière société, dont l'agent est M. Nourrit, lequel est, par ailleurs, le gérant d'une société Viniconcept évolution, spécialisée dans l'ingénierie des services vinicoles ; que M. Nourrit est aussi l'associé de M. Hémard dans une société Web Alchimie qui a pour objet la promotion des matériels et installations de la filière vinicole et qui a mis en ligne, sous la dénomination Vinisite, un site regroupant différentes entreprises du secteur dont les sociétés Alliance Inox et Viniconcept évolution ;

Considérant que les requérantes invoquent, en premier lieu, "l'entente tacite que constitue la prise de participation dans une société commune entre le mandataire des caves coopératives et le gérant de l'entreprise retenue à l'appel d'offre" ainsi que "l'absence de réalité d'une étude sérieuse des différentes propositions par le mandataire et le flou entourant le choix éclairé de tel offrant plutôt que tel autre", pour en déduire que les conditions de mise en place de l'appel d'offres étaient fictives, le choix d'Alliance Inox ayant été, en réalité, effectué sur la seule considération des liens sociaux unissant MM. Hémard et Nourrit ; qu'elles estiment que ces pratiques ont porté atteinte à la concurrence en limitant l'accès au marché ;

Considérant que les saisissantes soutiennent, en second lieu, que par la création du site internet dénommé Vinisite "regroupant un certain nombre d'entreprises liées entre elles et dont les associés ont des intérêts communs", s'est instaurée une entente entre les différents participants, qui met à l'écart toutes les entreprises non participantes à ce site, M. Hémard ayant, dès lors, tout pouvoir pour désigner le prestataire de son choix parmi les personnes auxquelles il est associé et avec lesquelles il a donc des intérêts financiers communs ; qu'elles en déduisent que la création de Vinisite peut avoir pour effet, à plus ou moins long terme, de répartir les marchés entre les participants au site, sous couvert d'appels d'offres proposés aux entreprises ;

Considérant que l'article L. 462-8 du Code de commerce énonce que le conseil peut rejeter la saisine, "(...) lorsqu'il estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants" ;

Considérant que la Coopérative vinicole des coteaux d'Avignon, maître d'ouvrage de droit privé et la société Ashoenologie, à qui cette coopérative avait confié la maîtrise d'œuvre des travaux, pouvaient décider de conclure le marché avec tout entrepreneur de leur choix, sans être tenues de procéder à une mise en concurrence ; que, selon la thèse des requérantes, la désignation de la société Alliance Inox, à l'issue de l'appel d'offres qui a néanmoins été lancé, ne s'expliquerait que par l'existence d'une concertation entre l'agent de cette dernière société et le gérant de la société Ashoenologie, co-associés dans la société Web Alchimie et, plus largement, entre ces mêmes personnes et les entreprises figurant sur le site mis en ligne par la société Web Alchimie, le recours à une procédure de mise en concurrence, fictive, n'ayant répondu qu'au souci de conférer une apparence d'objectivité au choix de la société Alliance Inox, motivé par d'autres raisons ;

Mais considérant, en premier lieu, que la seule constatation de l'existence, entre le gérant de la société maître d'œuvre et l'agent de l'entreprise attributaire des travaux, de liens d'associés dans une entreprise tierce ne peut suffire à rapporter la preuve de l'entente qu'ils auraient mise en œuvre à l'occasion d'un appel d'offres auquel cette dernière entreprise n'était d'ailleurs pas partie prenante ; qu'au-delà des relations juridiques mentionnées ci-dessus et qui n'appellent pas d'observations particulières, les sociétés requérantes n'allèguent, à l'encontre de MM. Hémard et Nourrit, aucun acte matérialisant la volonté de se concerter en vue de porter atteinte au jeu de la concurrence ;

Considérant, en second lieu, que la création par la société Web Alchimie d'un site internet qui "propose une multitude de services sur Internet et offre une réponse à chacun des acteurs économiques de la filière vinicole" et sur lequel figurent différentes entreprises oeuvrant dans ce secteur d'activité ne peut être regardée comme constitutive en soi d'une entente de répartition des marchés ; que les sociétés saisissantes n'allèguent ni, qu'ayant demandé à participer au Vinisite, elles auraient essuyé un refus discriminatoire ni qu'elles ne disposeraient pas elles-mêmes de la possibilité de créer ou de participer à un site concurrent ; qu'en conséquence, il n'est pas invoqué, en l'espèce, d'indice laissant penser que le site mis en cause pourrait constituer, par lui-même ou par les conditions dans lesquelles il fonctionne, une pratique prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'éléments suffisamment probants à l'appui des faits invoqués dans la saisine, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 462-8 du Code de commerce, précitées ;

Décide :

- Article 1er - La saisine enregistrée sous le numéro F 1319 est rejetée.