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Décisions

Conseil Conc., 17 mai 2000, n° 00-D-20

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques relevées lors de marchés d'électrification rurale dans la Somme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de M. Facchin, par M. Jenny, vice-président, présidant la séance, Mme Flüry-Herard, MM. Bargue, Robin, membres.

Conseil Conc. n° 00-D-20

17 mai 2000

Le Conseil de la concurrence (section II),

Vu la lettre en date du 19 avril 1995 par laquelle le ministre de l'économie a saisi le Conseil de la concurrence des pratiques anticoncurrentielles relevées dans les marchés d'électrification rurale dans la Somme ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par les sociétés Sopelec, SOOE, Entreprise industrielle, Cegelec, GTIE, EITF, Santerne et Demouselle et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les sociétés Sopelec, SOOE, Entreprise industrielle, Cegelec, GTIE, EITF, Santerne et Demouselle entendus au cours de la séance du 22 mars 2000 ; Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du rapporteur général adjoint ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :

I. - CONSTATATIONS

A. - Le secteur et les entreprises

1. Les entreprises concernées

Les sociétés EITF (Electricité industrielle et transport de force), Sopelec réseaux, Santerne, SOOE (Somme- Oise électricité), Demouselle et GTIE (Compagnie générale de travaux et d'installations électriques) appartiennent aujourd'hui au groupe Vivendi. La société Demouselle et la société SOOE qui, à l'époque des faits, était une entreprise familiale, sont filiales à 99 % de la société Santerne, laquelle est, ainsi que les sociétés EITF et Sopelec réseaux (cette dernière n'appartenant pas au groupe à l'époque des faits), filiale à 99 % de la Compagnie générale de travaux et d'ingénierie électriques (GTIE), elle-même filiale à 100 % de la Société générale d'entreprise. Le groupe Vivendi détient également une participation de 11 % dans le capital de la société Entreprise industrielle. La majorité du capital de cette dernière (51 %) est détenu par la famille Durand. Enfin, la société Cegelec, filiale à 99 % de la société Alcatel Alsthom, a changé de raison sociale pour Alstom Entreprise depuis son assemblée générale extraordinaire du 16 février 1999.

2. La production et la distribution d'électricité dans la Somme

La production de courant électrique est assurée par EDF et par les deux régies de Péronne et Montdidier, qui disposent respectivement de turbines à gaz et au fuel. Ces deux régies ont conclu une convention d'assistance à la gestion du personnel et à la facturation.

La distribution est assurée, selon les syndicats, soit par EDF, soit par quatre sociétés d'intérêt collectif agricole d'électricité (SICAE), pour Péronne, Montdidier, Rosière-en-Santerre et Roisel-Hattencourt, qui bénéficient de concessions de l'Etat arrivant à échéance en 2001 et dont il n'est actuellement pas prévu qu'elles soient renouvelées.

Les SICAE de la Somme, regroupées au sein d'un groupement d'intérêt économique dit " GIE des SICAE de la Somme ", distribuent le courant électrique à une population d'environ 50 000 personnes et prennent en charge la distribution et l'entretien du réseau dont l'Etat reste propriétaire. Elles possèdent leur propre matériel de distribution, postes de transformation et de régulation ainsi que les lignes de télécommande. Elles tirent leurs ressources de la différence entre le prix de revente du courant électrique qu'elles facturent aux particuliers et le prix d'achat du courant haute tension que leur facture EDF.

3. Les syndicats intercommunaux d'électrification rurale

Le département de la Somme compte 783 communes représentant 559 429 habitants ; 756 d'entre elles, regroupant 301 873 habitants, font partie d'un syndicat d'électrification rurale. Les 47 autres communes du département sont urbaines (plus de 2 000 habitants).

Les syndicats intercommunaux d'électrification rurale (ci-après SIER) assurent, depuis 1920 environ, la création, l'extension et le renforcement des réseaux électriques. La loi du 8 avril 1946 relative à la nationalisation du gaz et de l'électricité ne concernait ni cette activité ni d'ailleurs la distribution du courant électrique exercée en régie par les communes ou les syndicats de communes. L'exécutif de chaque SIER est constitué d'un bureau composé à raison de deux délégués par communes, du président qu'il désigne et d'un secrétariat réduit.

Les SIER ont pour mission d'assurer la satisfaction des besoins nouveaux et de veiller à la conformité des normes techniques de distribution, notamment en ce qui concerne les baisses de tension, la sûreté du réseau, la fréquence et la durée des coupures, etc. Ils financent à 100 % les renforcements de réseaux, les travaux complémentaires, comme par exemple la réfection de l'éclairage public, étant à la charge des communes. Ils financent aussi les extensions de lignes, dans la limite d'une prise en charge forfaitaire qui est fonction de la puissance de l'installation souscrite, par exemple de moins de 36 kVA, de moins de 250 kVA ou de plus de 250 kVA. Le surplus éventuel est financé par l'usager. Les extensions sont toujours traitées de façon prioritaire et les renforcements font l'objet de solutions variantes qui conduisent parfois à diviser le projet initial en plusieurs parties.

Les ressources des SIER proviennent en premier lieu de la taxe sur l'électricité, dont ils fixent le taux au maximum autorisé, soit 8 % de 80 % du total facturé hors taxe, et qui représentait en 1992 30 millions de francs environ. En deuxième lieu, le Fonds national d'amortissement des charges d'électrification, alimenté par les distributeurs, apporte son concours pour les travaux de renforcement en zone rurale exclusivement. Ce concours s'est élevé à 9,264 millions de francs en 1994, contre 18 millions en 1992. En troisième lieu, le département de la Somme subventionne à hauteur de 50 % les extensions et effacements de réseaux (passage de lignes aériennes en réseau souterrain) dans le cadre de sa politique de développement et d'amélioration du cadre de vie. En 1994, sa subvention s'est élevée à 11,5 millions de francs, contre 13 en 1992. En dernier lieu, les particuliers et les communes contribuent également au financement de l'électrification rurale suivant le type de travaux réalisés. En 1992, ces participations ont représenté 8,1 millions de francs, dont 5,6 millions dans les secteurs où la distribution est assurée par EDF et 2,5 millions dans les secteurs où elle est assurée par les SICAE et les régies.

4. La Fédération départementale d'électrification de la Somme

Il existe dans la Somme 16 SIER, regroupés au sein de la Fédération départementale d'électrification de la Somme (FDES) depuis 1969, dont le siège est situé dans les locaux de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt (DDAF). Instance de concertation des communes adhérentes, elle unifie les prestations et les taxes, détermine les besoins, apporte son aide en matière de coordination des travaux et propose la répartition financière des subventions entre syndicats. Elle est dirigée par un président et un bureau composé de quatre délégués par syndicat. Ses ressources proviennent du versement par les SIER de 1 % de la taxe électrique, soit environ 320 000 F par an.

5. L'importance en valeur des travaux d'électrification rurale

En 1992, l'électrification rurale dans la Somme a représenté plus de 23 millions de francs de travaux de renforcement, près de 18 millions de travaux d'extension et près de 7 millions de travaux divers. Le volume d'activité prévisionnel des 18 SIER et régies est compris entre 50 400 000 F et 98 000 000 F par an soit, en cinq ans, de 252 à 490 millions de francs. Chacun des marchés représente un montant annuel qui varie, hors TVA, de 1 400 000 F à 6 900 000 F.

B. - Les faits constatés

1. Pour la période 1988-1993

La date limite de remise des offres pour l'ensemble des marchés de cette période avait été fixée au 7 novembre 1988 et toutes les commissions se sont réunies le 9 novembre suivant dans les locaux où siège le Conseil général de la Somme.

Les entreprises titulaires des différents marchés ont été les suivantes :

L'ensemble de ces marchés ont été attribués pour un prix unique résultant d'une remise uniforme de 17 % sur le bordereau de prix. Les maîtres d'ouvrage avaient en effet décidé que la meilleure offre pour l'un des marchés devrait être obtenue pour la totalité des marchés. Il avait donc été conseillé aux entreprises soumissionnaires d'être présentes sur les lieux où se déroulaient les Commissions d'appel d'offres afin de pouvoir formuler séance tenante de nouvelles propositions si les appels d'offres étaient déclarés infructueux. Les douze marchés où le rabais proposé par le soumissionnaire moins-disant était inférieur à 17 % ont été déclarés infructueux et les entreprises moins-disantes ont été sollicitées pour remettre de nouvelles offres.

Ces douze cas sont résumés au tableau ci-après :

Pour chacun des marchés déclarés infructueux, l'entreprise déjà moins-disante a toujours modifié le rabais qu'elle proposait pour le porter à 17 %, les autres entreprises reconduisant purement et simplement leur offre (28 fois sur 36) ou, dans quelques cas, majorant le rabais proposé d'un point ou, dans un cas, de deux points (Nord-Vimeu : Entreprise industrielle passe de 12 à 13 % et Santerne de 13 à 14 % ; Sud-Vimeu : Santerne passe de 13 à 14 % ; Saint-Valéry : Santerne passe de 14 à 15 % ; Chaulnes : EITF passe de 12 à 13 % ; Montdidier : Entreprise industrielle passe de 11 à 12 % ; Albert-Doullens : EITF passe de 12 à 14 %).

Sur l'"avis de consultation" imprimé, un responsable de la société GTIE a noté, de façon manuscrite, les heures de réunion dans la "salle des commissions du Conseil général" des seules commissions relatives aux marchés de Chaulnes et Molliens, marchés qu'elle détenait déjà avant 1988.

M. Michel Tétu, directeur du service Lignes et Réseaux de la société Santerne a déclaré, le 25 mai 1994 : "Sur le marché de 1988, nous avons constaté a posteriori que tous les marchés avaient été attribués à - 17 %. Pour notre part nous avions fait des propositions inférieures à ce chiffre (- 16 pour les trois syndicats détenus). Les appels d'offres ayant été déclarés infructueux, nous avons formulé des offres à - 17 % qui ont été acceptées."

M. Roger Leclerc, gérant de la SARL Demouselle, a déclaré le 23 juin 1994 : "Sur les appels d'offres de 1988, je me souviens que toutes les commissions avaient été regroupées. Sur le fait que tous les marchés s'étaient passés à 17 %, je ne me rappelle pas la façon dont cela s'était fait."

M. Jean Tosetti, directeur de l'agence Cegelec d'Amiens depuis 1987, a déclaré, le 11 octobre 1994 : "Sur Roisel-Hattencourt, je vous précise qu'avant 1988, Cegelec travaillait sur le seul syndicat d'Hattencourt. Il y a eu regroupement du syndicat d'Hattencourt avec celui de Roisel à l'initiative des collectivités probablement. En 1988, l'appel d'offres a été lancé par ces deux syndicats regroupés en un seul. A l'époque nous avons pensé que notre compétitivité serait meilleure si nous répondions en groupement avec EITF. Je ne me rappelle pas qui a pris l'initiative de ce regroupement. Au niveau de la réalisation des chantiers, il y a eu répartition territoriale du syndicat, Hattencourt pour Cegelec et Roisel pour EITF, chacun réalisant ses propres travaux sur sa zone. Il n'y a pas eu de mise en commun de moyens, ni d'exécution commune. Le partage d'activité n'a pas fait l'objet de péréquation en terme de chiffre d'affaires. Les travaux (ordre de service) étaient attribués à chaque entreprise selon la zone du chantier, directement par la maîtrise d'œuvre. Je ne me souviens pas de l'origine de cette procédure."

2. Pour la période 1993-1998

Pour cette période, les avis ont été publiés dans le Bulletin Officiel des annonces des marchés publics du 28 octobre 1993 et dans Le Moniteur du 29 octobre 1993. Il s'agissait de marchés à commandes annuels avec tacite reconduction pour cinq années selon la procédure de l'appel d'offres ouvert. Ces procédures ont été lancées avant l'intervention du décret n° 93-733 du 27 mars 1993 relatif à la transparence des procédures dans les marchés publics qui modifiait notamment l'article 273 du Code des marchés publics : les marchés à commandes disparaissent au profit des marchés à bons de commandes, dont la durée est par ailleurs désormais limitée en tout état de cause à trois ans. Ces nouvelles dispositions sont devenues applicables aux marchés passés à compter du 18 décembre 1993.

Les SIER et les régies concernées avaient chargé la Direction départementale de l'agriculture et de la forêt de la Somme (DDAF) de la maîtrise d'œuvre.

Les dossiers de consultation des entreprises (DCE) étaient disponibles jusqu'au 19 novembre 1993 et les offres devaient être déposées avant le 30 novembre 1993. Les commissions d'appels d'offres se sont réunies entre le 1er et le 13 décembre 1993.

S'agissant de marchés à commandes, l'acheteur public s'engageait sur des montants d'achats précisés par une fourchette déterminant les chiffres minima et maxima de travaux réalisables. Chaque offreur a formulé sa proposition sous la forme d'un rabais (ou d'une majoration) par rapport aux prix unitaires calculés par la collectivité concernée.

Les offres en pourcentage présentées par les huit entreprises concernées sont résumées au tableau ci-après. Les offres présentées en groupement momentané d'entreprises sont soulignées ; l'offre moins-disante est en caractères gras.

Les marchés ont été attribués aux entreprises ou groupements moins-disants.

3. Avant le lancement des appels d'offres les 28 et 29 octobre 1993

1 Dans l'agenda pour 1993 de M. Scailteux, chef de l'agence de Doullens de la société Entreprise industrielle, on trouve, à la date du 28 avril, à 11 h, le nom de M. "Doit ". Ce dernier est fonctionnaire à la DDAF.

2 Les sociétés Sopelec, SOOE et Demouselle ne sont pas membres du Syndicat des entrepreneurs de réseaux et de constructions électriques (SERCE). Le délégué régional de celui-ci, M. Michel Tétu, a néanmoins adressé une circulaire datée du 4 mai 1993 et relative au "bordereau aérien 5000" à divers organismes ou sociétés parmi lesquelles "M. Leclerc - Demouselle (... et) M. Poirot - Sopelec".

3 Dans le cahier manuscrit des communications téléphoniques de M. Scailteux, chef de l'agence de Doullens de la société Entreprise industrielle, on trouve, à la date du 17 mai 1993, la mention suivante : "Ets Santerne a téléphoné car le 4 mai 1993 M. Testu avait envoyé un courrier en tant que délégué SERCE. Pour savoir s'il y avait des remarques sur le bordereau 5000. Il n'a pas eu de réponse. Il rappelle demain pour connaître vos observations." M. Tétu, responsable du service lignes et réseaux de la société Santerne, est également le représentant régional pour la Picardie du SERCE, le Syndicat des entrepreneurs de réseaux et de constructions électriques.

4 MM. Gérard Deruelle et Patrick Wauters, respectivement directeur et responsable de l'unité Réseaux de la société GTIE, ont déclaré le 12 avril 1994 : "Les nouveaux marchés n'ont pas été présentés à mon entreprise ni par la DDAF ni par les SIER".

5 Dans le cahier manuscrit des communications téléphoniques de M. Scailteux, chef de l'agence de Doullens de la société Entreprise industrielle, on trouve, à la date du 2 septembre 1993, la mention suivante : "Rappeler M. Tétu ->21/59/93/00."

6 Dans un cahier tenu par M. Jean Tosetti, chef de l'agence d'Amiens de la société Cegelec, figurent les notes manuscrites suivantes à la date du 29 septembre 1993 :

" 29/09:

- appel d'offre OUVERT;

- marché quinquennal sur ancienne législation (Marché à commandes).

Risque 1 année.

2 année Avenant.

- coef de transition;

- fourchette;

- appel d'offre infructueux;

- prix différents dans chaque syndicat;

- future structure;

- reste maître d'ouvrage.

Maître d'œuvre ->DDA ou autre.

- dossiers.

15/10 au 19/11.

Réponse le 30/11.

Ouverture le décembre.

Contrôle prix."

7 M. Jean Tosetti a déclaré le 19 avril 1994 : "Le paragraphe daté du 29/09 correspond aux notes prises lors d'une réunion de travail sur l'électrification rurale entre moi et M. Czech visant à passer en revue toutes les hypothèses se rapportant à cette affaire. Il est fait référence aux différences entre l'ancienne et la nouvelle législation, au coefficient de transition à définir, à une fourchette de prix à définir ce qui implique plusieurs simulations ; la référence à appel d'offres infructueux consiste à s'interroger sur notre attitude dans ce cas-là. La référence aux prix différents par syndicats concerne la pondération entre syndicats en partant de l'étude de base. La "future structure" concerne les modifications possibles chez les maîtres d'œuvre ou d'ouvrage. Les dates sont relatives pour le 15/10 au 19/11 aux dates de disponibilité des dossiers, pour le 30/11 à la date de dépôt des offres. L'ouverture des offres était prévue pour décembre. La référence au "contrôle prix" concerne le retour des dossiers avant envoi pour approbation par moi-même." M. Czech est le responsable, au sein de la société Cegelec, des travaux extérieurs dont l'électrification rurale.

8 M. Tosetti a également déclaré, le 11 octobre 1994 : "Sur le document du scellé 4 cote 170 daté du 29/09, je peux préciser qu'il contient effectivement des renseignements obtenus lors de contacts de mes services avec la Direction de l'Agriculture, comme les dates précisées dans le document. Ces contacts constituent une démarche naturelle qui reflète les relations que nous avons avec n'importe lequel de nos clients. Le sens de cette démarche est d'appréhender l'analyse du risque, notamment au niveau des CCAG et CCAP Le reste des mentions constitue des interrogations et leurs conséquences sur les offres que nous avons à remettre. La référence au caractère quinquennal du marché reflète une interrogation en fonction du suivi de la modification législative en cours à cette époque."

9 Dans l'agenda pour 1993 de M. Scailteux, chef de l'agence de Doullens de la société Entreprise industrielle, on trouve, à la date du 1er octobre, à 11 h, le nom de M. "Doit". Ce dernier est fonctionnaire à la DDAF.

10 A propos de ses rendez-vous des 28 avril et 1er octobre 1993 avec M. Doit, M. René Scailteux a déclaré : "Sur les documents saisis le 20 janvier 1994 et notamment mon agenda professionnel, les références aux syndicats constituent des dates de réunions de chantier, d'assemblées générales ou de prises de contact avec les responsables locaux suite à mon arrivée en poste à Doullens, le 1er mars 1993 (M. Doit les 28/4 et 1er/10/93). La rencontre du 1er/10 concernait la perception qu'avait la DDAF de notre société."

11 Dans le cahier manuscrit des communications téléphoniques de M. Scailteux, chef de l'agence de Doullens de la société Entreprise industrielle, on trouve, à la date du 8 octobre 1993, la mention suivante : "Rappeler M. Broutin - Santerne Arras." M. Broutin est le collaborateur de M. Tétu, au service Lignes et Réseaux de la société Santerne.

12 A propos des correspondances et échanges téléphoniques entre MM. Tétu et Broutin et M. Scailteux, ce dernier a déclaré : "M. Tétu nous contacte en tant que délégué Picardie du SERCE sur le bordereau EDF B 5000 pour savoir s'il y avait des remarques à formuler. (...) Les références à Messieurs Tétu et Broutin doivent également concerner a priori la même affaire."

13 Pour sa part, M. Michel Tétu, directeur du service Lignes et Réseaux de la société Santerne, a déclaré, à propos de son appel téléphonique du 17 mai 1993 : "Cet appel fait suite au courrier que j'avais adressé à différentes entreprises le 4/5/93 pour les informer de la constitution de commissions FRTP Nord - Pas-de-Calais et Picardie et solliciter leurs remarques concernant l'application du Bordereau 5000 EDF. L'envoi a été fait en tant que conseiller régional SERCE". A propos des appels téléphoniques des 2 septembre et 8 octobre 1993, il a déclaré (cote 533) : "Je n'ai pas de souvenirs précis de la raison de ces appels mais ils sont sans doute liés à mes délégations SERCE et canalisateurs. "

4. Avant la date limite de remise des offres le 30 novembre 1993

14 Dans un classeur intitulé "24 marchés SIER 1994-1998" a été saisi, auprès de la société GTIE, le document manuscrit suivant, daté du 25 novembre 1993 et rédigé au crayon à papier par M. Wauters, à l'exception de certaines mentions, indiquées en caractères gras, rédigées au stylo à bille noir par M. Selle :

15 Dans le même classeur "24 marchés SIER 1994 - 1998" a été saisi, auprès de la société GTIE, le document manuscrit suivant, également daté du 25 novembre 1993 et rédigé au crayon à papier par M. Wauters, à l'exception de certaines mentions, indiquées en caractères gras, rédigées au stylo à bille noir par M. Selle :

16 Le 29 novembre 1993, les sociétés Entreprise industrielle et EITF ont signé la "convention de groupement momentané d'entreprises solidaires" suivante (les mentions en caractères gras sont manuscrites, apposées par M. Patrick Selle) :

"(...) Il a été préalablement exposé ce qui suit :

La direction départementale de l'agriculture d'Amiens (80) a lancé 18 appels d'offres ouverts, portant sur l'électrification rurale du département de la Somme;

De façon à augmenter leur chance de succès, les sociétés EI et EITF ont décidé de se grouper pour répondre à tous les appels d'offres;

Pour remettre ces offres, les sociétés EI et EITF sont convenues de constituer un groupement momentané d'entreprises solidaires et si elles étaient retenues, d'exécuter le ou les contrats dont elles seraient titulaires, dans le cadre de la convention ci-après :

Article 1 : Présentation - Modification des offres

1) Le mandataire sera EITF pour les collectivités suivantes :

- Sier Peronne;

- Régie Peronne;

- Sier Roisel/Hattencourt;

- Sier Chaulnes;

- Sier Santerre-vallée de la Luce;

- Sier Montdidier;

- Régie Montdidier.

2) Le mandataire sera EI pour les collectivités suivantes :

- Sier Albert/Doullens;

- Sier Nord-Amiens;

- Sier Sud-Amiens;

- Sier Bernaville-Domart-Picquigny;

- Sier Molliens-Dreuil;

- Sier Hornoy/Poix;

- Sier Sud-Vimeu;

- Sier Nord-Vimeu;

- Sier Ponthieu-Marquenterre;

- Sier Crécy-en-Ponthieu;

- Sier Saint-Valery-sur-Somme.

3) Le mandataire a pour mission de déposer dans les délais et formes prescrits par le dossier de consultation des entreprises, des soumissions conformes au modèle imposé par le Maître d'Ouvrage à partir des pièces remises par les deux membres du groupement.

4) Dès la signature de la présente convention, les membres s'interdisent de faire connaître à d'autres personnes que les entreprises membres du groupement les prix qu'ils proposent.

5) Les soumissions déposées par le mandataire, engagent tous les membres, le mandat qui lui est accordé à cet effet, étant irrévocable.

Article 2 : Nature du groupement et solidarité

Les membres déclarent qu'ils n'ont pas l'intention de constituer une société, chacun agissant dans son intérêt propre et conservant son autonomie. Ils ne mettent pas en commun des biens ou leur industrie, en vue de réaliser des bénéfices ou des économies. L'"Affectio societatis" est formellement exclue et la solidarité qui existe entre les membres du groupement vis-à-vis du Maître d'Ouvrage, ne saurait bénéficier aux membres ni aux tiers.

Article 3 : Répartitions des prestations des marchés

Dans le cadre des divers appels d'offres, les membres ont décidé de la répartition des prestations et des travaux suivants :

5. Après la remise des offres le 30 novembre 1993

17 Les SIER organisent des assemblées générales annuelles auxquelles les entreprises soumissionnaires aux appels d'offres sont invitées à participer : cf. par exemple les convocations de la société Entreprise industrielle aux assemblées générales pour 1993 des syndicats d'Hornoy-Poix et de Péronne ou celles de la société GTIE aux assemblées générales pour 1993 des syndicats de Chaulnes et de Molliens-Dreuil.

Ces assemblées générales de 1993 se sont déroulées, pour quatorze des seize SIER, aux mêmes dates que les commissions d'ouverture des plis, juste avant ou après ces dernières, comme il ressort du tableau ci-après. Elles avaient pour objet, entre autres, les travaux et les chantiers envisagés. Ainsi, l'ordre du jour de l'assemblée générale du SIER de Chaulnes comportait un examen des "Programme des travaux" ; et celui de l'assemblée générale du SIER de Molliens-Dreuil (cote 61, Sc. 2, 33) l'examen de l'"Etat des travaux d'extension de réseau", de l'"Etat des travaux de renforcement" et de l'"Etat des travaux d'éclairage public".

18 L'examen des offres remises aux dix-huit appels d'offres lancés simultanément fin octobre 1993 et dépouillés du 1er au 13 décembre suivant, soit quelques jours avant l'entrée en vigueur du décret n° 93-733 du 27 mars 1993 relatif à la transparence des procédures dans les marchés, permet de constater, en premier lieu, que les entreprises ou groupements momentanés d'entreprises qui se sont révélés moins-disants, et à qui ont été attribués les marchés, étaient déjà titulaires des mêmes marchés quinquennaux de 1988. S'agissant du marché de la régie de Montdidier, pour la première fois rattaché à la procédure générale, la société SOOE, moins-disante et attributaire en 1993, avait obtenu le marché à commande particulier (hors électrification rurale) pour la période allant de 1989 à 1992. S'agissant des marchés des SIER d'Albert-Doullens et d'Hornoy-Poix, le moins-disant et attributaire en 1993 est le groupement Entreprise industrielle + EITF, alors qu'en 1988, c'était la seule société Entreprise industrielle. S'agissant du marché du SIER de Péronne, le moins-disant et attributaire en 1993 est le groupement Entreprise industrielle + EITF, alors qu'en 1988, c'était la seule société EITF, qui avait confié des travaux en sous-traitance à la société Entreprise industrielle. S'agissant enfin du marché du SIER de Roisel-Hattencourt, le moins-disant et attributaire en 1993 est le groupement Entreprise industrielle + EITF, alors que c'était le groupement EITF + Cegelec en 1988.

Ainsi, quatorze marchés ont été, en quelque sorte, reconduits : trois pour la société Demouselle (Nord-Vimeu, Sud-Vimeu et Saint-Valéry), trois pour la société Santerne (Crécy-en-Ponthieu, Ponthieu-Marquenterre et Bernaville-Domart-Picquigny), deux pour la société GTIE (Chaulnes et Molliens-Dreuil), deux pour la société Cegelec (Nord-Amiens et Sud-Amiens), deux pour la société SOOE (SIER et régie de Montdidier), un pour la société Sopelec (Santerre-Luce) et un pour le groupement Entreprise industrielle + EITF (Régie de Péronne). Les quatre autres marchés ont vu soit un sous-traitant (la société Entreprise industrielle) de la société EITF devenir co-traitant avec la même société (SIER de Péronne), soit une entreprise seule, la société Entreprise industrielle, rester mandataire mais s'en adjoindre une autre, en groupement, la société EITF (SIER d'Albert-Doullens et Hornoy-Poix) soit enfin le groupement EITF + Entreprise industrielle remplacer le groupement EITF + Cegelec, attributaire en 1988 du marché lancé par le SIER de Roisel-Hattencourt, à la suite du regroupement des SIER de Roisel et d'Hattencourt pour les marchés desquels chacune ces deux dernières entreprises étaient auparavant titulaires.

19 L'examen des offres remises aux dix-huit appels d'offres lancés fin octobre 1993 et dépouillés du 1er au 13 décembre suivant permet de constater, en deuxième lieu, que sur les vingt-six entreprises qui ont déposé au moins une offre, seules ou en groupements, huit seulement ont été déclarées attributaires, avec des rabais compris entre - 19 % et - 21,5 % : le groupement Entreprise industrielle + EITF pour cinq marchés, Santerne pour trois, Demouselle pour trois, Cegelec pour deux, GTIE pour deux, SOOE pour deux et Sopelec pour un. Au total, chacune de ces huit sociétés a donc obtenu en moyenne entre deux et trois marchés. A l'inverse, pour les marchés dont elles n'ont pas été déclarées attributaires, ces sociétés ont proposé des rabais compris entre - 12 % et - 20 % et, 65 fois sur 80, inférieurs à -19 %, comme il ressort du tableau ci-après :

20 En troisième lieu, les marchés attribués à chacune des huit sociétés en cause concernent les zones géographiques qui leur sont le plus proches. Ainsi, la société Cegelec qui est implantée à Amiens remporte deux marchés, ceux de Nord-Amiens et Sud-Amiens ; la société GTIE, basée à Amiens, remporte deux marchés, ceux de Chaulnes et Molliens-Dreuil respectivement situés à l'est et à l'ouest-sud-ouest d'Amiens ; la société Demouselle, implantée à Abbeville, remporte trois marchés, ceux de Sud-Vimeu, Nord-Vimeu et Saint-Valéry, au sud d'Abbeville ; la société SOOE, implantée à Montdidier, remporte deux marchés, ceux du SIER et de la régie de Montdidier ; la société Sopelec, implantée à Corbie, remporte un marché, celui de Santerre-Vallée de la Luce, au sud-est de Corbie.

De même, la société Santerne a son siège à Arras (Pas-de-Calais) mais, ainsi que l'a déclaré le directeur de son service Lignes et Réseaux, M. Michel Tétu, elle dispose à Abbeville d'un important centre de travaux d'où partent l'ensemble des équipes chargées d'effectuer les travaux d'électrification dans la Somme. Elle a remporté trois marchés, ceux de Crécy-en-Ponthieu, Ponthieu-Marquenterre et Bernaville-Domart-Picquigny, au nord d'Abbeville et jouxtant le Pas-de-Calais.

Enfin, le groupement Entreprise industrielle + EITF est implanté sur trois sites : la société EITF a son siège à Proville-Cambrai (Nord) et la société Entreprise industrielle dispose d'une agence à Doullens et d'un centre de travaux à Forges-les-Eaux (Seine-Maritime). Le groupement a remporté cinq marchés, ceux de Péronne (SIER et régie), Roisel-Hattencourt, Hornoy-Poix et Albert-Doullens. La ville de Péronne, au centre des aires des syndicats de Péronne et Roisel, est située à environ 35 kilomètres de Proville. L'aire d'Hornoy-Poix est également située à 35 kilomètres environ de Forges-les-Eaux.

21 Le procès-verbal de notification de l'ordonnance du Président du Tribunal de grande instance d'Amiens, dressé le 20 janvier 1994 dans les locaux de la société GTIE à Amiens, constate : "Nous nous sommes présentés dans les locaux de GTIE 39, rue de Québec à Amiens où nous avons été reçus par M. Généreux Claude, directeur d'agence GTIE Amiens-Industrie qui nous a précisé que les activités concernées par l'intervention étaient traitées par l'unité 24 dont le responsable d'affaires est M. Wauters Patrick dépendant de l'agence de M. Selle à Proville (EITF)."

22 MM. Gérard Deruelle et Patrick Wauters, respectivement directeur et responsable de l'unité Réseaux de la société GTIE, ont déclaré le 12 avril 1994 : "L'agence GTIE Réseaux Amiens est un établissement de l'entreprise GTIE. (...) EITF est une filiale à 100 % de GTIE. En 1992 et jusque mi-1993, M. Latour assurait la direction des deux entreprises. Il a été remplacé à la tête d'EITF par M. Selle. Pour GTIE Amiens, M. Deruelle assure la direction des deux agences GTIE (Réseaux et Industrie) depuis mi-93, aux fins de réorganisation complète des deux agences d'Amiens ; depuis septembre 1993 de la seule unité Réseaux. M. Wauters est arrivé en début 1992 à GTIE Réseaux Amiens en remplacement de M. Bertrand. M. Selle n'a plus de fonctions dans l'agence contrairement à son prédécesseur. Les seuls liens GTIE Réseaux Amiens et EITF sont des relations de logistique (mise à disposition de moyens). (...) L'objectif pour les marchés d'électrification rurale lancés par les SIER pour la période 1993-1998 était de maintenir et de développer l'activité de l'agence GTIE Réseaux d'Amiens en répondant avec l'effort commercial nécessaire sur chacun des marchés. (...) Sur la détermination des coefficients, j'ai demandé à M. Wauters de rechiffrer avec le nouveau bordereau plusieurs affaires-types terminées. Le choix des affaires a été fait par M. Wauters pour quatre types de travaux:

- éffacement de réseau (n° 2420135);

- travaux souterrains (n° 2420137);

- travaux souterrains avec postes de transformation (n° 2410358);

- travaux aériens (n° 2414232).

Une pondération a été introduite sur la base du chiffre d'affaires réalisé pour chaque type de travaux (cf. scellé n° 2 cote 44). La comparaison des bordereaux a permis d'établir un rabais moyen à 19,05 %. Ce coefficient a été arrondi à 20 % comme base de calcul pour la détermination de l'ensemble des offres sur les SIER. Ce coefficient a été modulé par SIER et Régie en fonctions de 9 paramètres qui ont été pondérés en fonction de l'incidence sur les coûts de revient (cf. tableau en annexe au présent procès-verbal). Sur une base 100, pour les SIER de référence, Molliens et Chaulnes, nous avons déterminé les coefficients en fonction du rapport entre le total de l'évaluation par SIER. Les critères pris en compte sont les suivants : proximité (kilométrages et temps de déplacement), la nature des sols (caractéristiques géologiques), les difficultés de terrain (zone rurale ou urbaine, relief, bois, forêt...), connaissance du terrain, connaissance du concessionnaire électrique et de la collectivité concédante (réseaux EDF-GDF, eau), documents en possession (plans de cadastre etc., archives...), type de travaux et types d'investissement (aérien, souterrain), approvisionnements (sables et poteaux bétons, béton...), (...) Sur les pièces saisies le 20 janvier 1994, les cotes 44 et 45 du scellé n° 2 portent des mentions manuscrites de Monsieur Selle, la mention "CA intervalles" fait certainement référence à une pondération en fonction du montant des travaux par SIER. M. Deruelle était absent le 25 novembre 1993. M. Wauters a soumis à approbation à M. Selle son étude de récolement et ses propositions de coefficients. Les mentions portées au crayon de bois sont de M. Wauters, celles portées au stylo noir sont de M. Selle. La référence aux 20 % de rabais n'était que la confirmation d'une décision prise par M. Deruelle précédemment. En soumettant ces documents à M. Selle, M. Wauters avait gardé les habitudes de son ancienne hiérarchie (M. Latour)."

23 MM. Philippe Tridon et René Scailteux, respectivement directeur de travaux dans le service réseaux électriques de la direction régionale Nord-Ouest de la société Entreprise industrielle et chef de zone de l'agence de Doullens de celle-ci, ont déclaré le 1er avril 1994 : "L'ensemble des décisions commerciales sont prises à Sotteville par M. Tridon. Pour les marchés de la Somme, cela a été le cas. M. Scailteux a réalisé le chiffrage des devis de base en fonction des prix des deux bordereaux de 88 et 93. Ces éléments ont été transmis à M. Tridon qui a décidé des coefficients définitifs de réponse sur les appels d'offres. Sur les travaux d'électrification rurale réalisés avec EITF sur la base des marchés 88-93, je ne peux vous préciser la raison pour laquelle un marché était réalisé en co-traitance et l'autre en sous-traitance, n'occupant pas à l'époque ma fonction actuelle. Je n'ai pas retrouvé de convention régissant les rapports entre nos deux entreprises. Sur le SIER, nous faisions 50 % des travaux de renforcement, rien en extension. Pour la Régie, les travaux étaient confiés à l'une ou l'autre des sociétés à la demande du client. Il n'y a pas eu de balance de faite entre nos deux entreprises sur cette répartition de travaux. De même, il y a pas eu de mise en commun de moyens pour la réalisation de chantiers. En 1993, pour les nouveaux marchés, nous avons choisi de répondre en groupement avec EITF sur l'ensemble des SIER et Régies. Ce regroupement est motivé par la volonté de développer notre activité électrification rurale qui passe par une obligation d'investissements matériels importants que nous ne pouvons assurer seul. J'ai pris l'initiative de contacter en ce sens M. Selle, EITF constituant un partenaire naturel compte tenu de notre passé commun sur certaines collectivités. Nous avons choisi de répondre sur tous les marchés afin d'augmenter nos chances d'obtenir de nouveaux contrats. Nous n'avons pas formulé d'offres de principe, chaque proposition avait pour objectif d'obtenir le marché. Compte tenu de nos implantations géographiques respectives, il a été décidé de partager le département en deux zones (est et ouest au niveau de Doullens-Amiens) sur lesquelles nous serions à la fois responsable des études et mandataire du groupement. La répartition des travaux selon les marchés obtenus a été fixée par convention. Le mandataire, du fait de sa position géographique, devait travailler davantage sur les lots qu'il avait étudiés. Les études ont été faites sur la base de rechiffrage de travaux effectués ou à effectuer au titre des marchés 88-93. M. Tridon sur cette base a déterminé un coefficient de base correspondant au SIER de Doullens, lieu d'implantation de l'agence (0,79). Onze propositions ont été réalisées par EI et modulées selon des surcoûts liés aux indemnités de déplacement (région Picardie), des frais de fonctionnement des engins et des véhicules et des heures de route des personnels. La pondération prend en compte l'évolution du métier vers les travaux souterrains. L'aspect lié aux catégories de sols et au caractère urbain ou rural des travaux n'a pas été pris en compte. Une réunion avec M. Selle et M. Scailteux en novembre a donné lieu à présentation des seuls coefficients déterminés par chaque entreprise pour approbation. Il n'a pas été communiqué d'études détaillées à EITF. Les propositions initiales de chacune des entreprises mandataires ont été intégralement reprises. Une seconde réunion en fin de mois a été programmée avec les mêmes personnes pour signatures des pièces d'appel d'offres. Il n'est pas prévu entre nous de mise en commun de moyens, ni de répartition de chiffre d'affaires. La convention n'envisageait pas d'éventuels déséquilibres entre les marchés obtenus par l'une ou l'autre entreprise, sachant que le but était de tout prendre et que la convention était modifiable par avenant. (...) Je précise que pour Hornoy-Poix et Molliens-Dreuil, les calculs de surcoût ont été réalisés sur la base d'un départ d'équipe de l'agence de Forges-les-Eaux (76)."

24 MM. Philippe Tridon et René Scailteux ont ajouté, le 20 juin 1994 : "La convention avec EITF a été formalisée par écrit pour formaliser les relations entre les entreprises. M. Selle et moi-même étant tout à fait d'accord sur ce principe. Cela assure une certaine sécurité pour la pérennité de nos relations. J'ai (M. Tridon) rédigé la convention. M. Selle l'a acceptée sous réserve des modifications portées de façon manuscrite. Ces modifications reprenaient le schéma existant sur le SIER de Péronne. Il n'y pas eu d'études de faites sur les avantages apportés par la convention. Le seul objectif était d'obtenir et de traiter le plus de syndicats possible. Il n'était pas envisagé d'économie d'échelle sur des mises en commun de matériel ou de personnel ou sur de achats groupés de fournitures. La répartition des mandats s'est faite sur un critère strictement géographique. La répartition des travaux a repris l'existant sur les collectivités que nous traitons déjà ensemble. Pour le reste, le principe était que le mandataire réalisait les travaux. Trois exceptions étaient prévues : la régie de Montdidier où nous reprenions le schéma de la régie de Péronne, les syndicats de Sud Amiens et Molliens Dreuil pour lesquels la répartition était partagée à 50/50 % vu la proximité du centre de travaux de Forges-les-Eaux pour l'EI et également pour équilibrer la part de chacun compte tenu du nombre des mandats respectifs de chaque société. La convention liait les entreprises, mais les collectivités pouvaient faire appel à l'une ou l'autre des entreprises quel que soit le contenu de la convention. A ce jour, les collectivités n'ont pas connaissance de la convention."

25 M. Michel Tétu, directeur du service Lignes et Réseaux de la société Santerne, a déclaré le 8 avril 1994 : "Pour les appels d'offres de 1993, j'ai déterminé les coefficients de réponse sur la base du raisonnement suivant : j'ai d'abord demandé un recensement des marchés et une analyse des pièces du marché (cf. pièce scellé n° 2 du 9 novembre 1993). J'ai décidé de répondre à tous les marchés dans le but d'être attributaire d'un maximum de syndicats. Ensuite, j'ai demandé à M. Delannoy de chiffrer cinq catégories de travaux qui représentent l'ensemble de notre activité d'électrification rurale. Une première colonne (cf. document, scellé n° 2 du 22 novembre 1993) reprend des travaux exécutés et chiffrés avec le BPU de 88-93 avec application de la formule de révision. Une deuxième colonne reprend les mêmes affaires chiffrées en prix de revient entreprise (étude entreprise). La troisième colonne reprend le chiffrage au BPU de la consultation. La dernière colonne détermine la variation par catégorie de travaux entre le prix de revient et le chiffrage au nouveau BPU. Il en ressort une moyenne qui constitue la base de calcul pour la détermination des remises de prix. Le même document (cf. scellé n° 2, document du 22 novembre 1993 portant des mentions manuscrites) annoté fait apparaître un rabais de base à 17 % calculé comme suit : base de calcul majoré de la marge bénéficiaire (1,03) et des aléas (1,02). Sur la base de ma remise de prix-type à 17 %, j'ai modulé mes réponses pour chaque SIER et régie en tenant compte de différents facteurs : le premier critère est l'implantation locale (Abbeville). Ensuite, il convient de considérer le secteur géographique et son éloignement du centre de travaux qui conditionne l'application de la convention collective (indemnité de trajet et de transport de 10 km en 10 km jusqu'à 50 km et indemnité de déplacement au-delà). Il faut également prendre en compte la masse prévisionnelle des travaux et leur nature, aérien ou souterrain, en urbain ou en rural, de même que la connaissance du terrain et de son environnement. J'ai choisi de faire un effort particulier sur les trois syndicats où j'étais déjà implanté (20 %). Des efforts ont été consentis sur certains syndicats sur cette nouvelle base de 20 %. Ex. : Albert-Doullens, Saint-Valery, Nord-Amiens, Nord-Vimeu, qui sont contigus à ses trois syndicats. Pour d'autres syndicats (Montdidier SIER et régie, Santerre), l'effort était lié à une activité en réduction dans l'Aisne. Les réponses formulées à moins de 17 % reflètent simplement le coût de revient estimé sur ces zones en fonction des critères précités. J'estime avoir remis pour chaque SIER et régie l'offre la plus compétitive possible."

26 M. Michel Tétu a ajouté le 25 mai 1994 : "Dans le cadre des marchés d'électrification rurale de la Somme, je n'ai pas envisagé de recours à la co-traitance ou à la sous-traitance parce que ni l'importance, ni la technicité des travaux à réaliser ne le justifiait au niveau de l'entreprise."

27 M. Roger Leclerc, gérant de la société Demouselle, a déclaré le 13 avril 1994 : "Pour les marchés 93-98, mon objectif était la recherche d'un maximum de marchés. Potentiellement, j'estime être capable de doubler mon activité électrification rurale. (...) Afin de réaliser cet objectif, j'ai formulé des offres homogènes entre elles qui prennent en compte les contraintes liées à la convention collective et aux coûts d'exploitation par secteur. La connaissance du terrain est un élément important pour l'appréciation du prix remis. De même l'éloignement des chantiers par rapport au siège constitue un handicap important et accroît les coûts. Pour déterminer mes coefficients, j'ai demandé la réalisation d'une étude comparative consistant au rechiffrage de travaux effectués par notre société sur le nouveau bordereau de prix. La comparaison de ces deux prix nus a amené à la conclusion qu'une remise de 18 % sur le nouveau bordereau nous amènerait à un niveau de prix de vente sensiblement identique à celui pratiqué auparavant. Les révisions de prix estimées sont plutôt pénalisantes pour l'entreprise compte tenu de l'application d'indices de révision plutôt inférieurs à la réalité. Le nouveau bordereau qui est plutôt moins favorable pour les travaux souterrains, pourtant en développement, accroît les coûts prévisionnels. Sur cette base de 18 % nous avons déterminé un coefficient pour chaque syndicat et régie en tenant compte des contraintes déjà évoquées ainsi que différents critères comme la masse des travaux prévisionnels et surtout l'éloignement. Un effort a été fait sur les SIER les plus proches et les mieux connus (Nord et Sud-Vimeu, Saint-Valery, Sud-Amiens). D'autres sont pénalisés par leur éloignement (Montdidier, Péronne...) ou par une méconnaissance des conditions générales de travail (ex. : terrains sableux pour le Ponthieu-Marquenterre, distributeurs différents des SICAE pour Crécy (EDF Arras) ou la régie de Péronne). Pour l'évaluation des coefficients, la moyenne s'est faite sur la base de tout type de travaux, sans pondération entre eux dans la mesure où on peut connaître a priori le type de travaux qui sera réalisé."

28 M. Roger Leclerc a ajouté, le 23 juin 1994 : "Pour ce qui concerne le recours à la sous-traitance ou à la co-traitance, il est extrêmement rare pour les travaux d'électrification rurale. Cela n'arrive jamais pour les travaux strictement électriques (aériens ou souterrains). Par contre sont susceptibles d'être sous-traités des travaux de réfection de voirie par enrobés, par exemple, dans des chantiers importants."

29 M. Jean Tosetti, chef de l'agence d'Amiens de la société Cegelec, a déclaré, le 19 avril 1994 : "L'objectif pour les marchés d'électrification rurale de la Somme en 1993 était en préservant les marges pratiquées sur le marché précédent de développer l'activité électrification rurale. Nous estimions possible d'accroître notre activité sur deux syndicats supplémentaires. Pour cela nous avons formulé des offres présentant la même compétitivité économique à nos yeux pour tous les syndicats. Les différences de taux proposés ne correspondent qu'à l'application de critères économiques tels que nous les estimions. Pour le calcul de ces coefficients, notre démarche a été la suivante : compte tenu du changement de bordereau, M. Czech, responsable de l'étude et du secteur concerné, a chiffré tous les travaux correspondants aux ordres de service reçus en 1993 pour les trois syndicats sur la base du nouveau bordereau et de l'ancien. La comparaison nous a permis de déterminer un coefficient de transition entre les deux bordereaux (cf. scellé 3). Ce coefficient est arrêté par moi-même en référence aux chiffrages par syndicat et par nature de travaux. Avant sa détermination, il a fallu également retenir une pondération entre la part des travaux aériens et des travaux souterrains. La répartition a été prise en compte sur la base de 10 % en aérien et 90 % en souterrain pour 94-98. Le coefficient retenu comme référence était de 1,0873. Le rabais s'élevait à 21 % pour ce coefficient. Pour chaque syndicat, nous avons pondéré ce rabais en fonction de cinq éléments : distance, volume prévisionnel, connaissance du réseau et du site, difficultés d'accès et particularités diverses (carrière de sable à Chaulnes...) J'estime avoir remis pour tous les syndicats un prix présentant pour l'entreprise la même compétitivité."

30 M. Gérard Poirot, gérant de l'EURL Sopelec Réseaux, a déclaré le 21 avril 1994 : "Pour les appels d'offres des SIER pour remise d'offres au 30 novembre 1993 nous avons retiré trois dossiers avec la volonté de gagner deux SIER, Sud-Amiens et Santerre. J'ai décidé de répondre sur les SIER où j'avais le plus de possibilité d'emporter les affaires. Les trois SIER choisis étaient ceux qui présentaient une meilleure connaissance, pour nous, des terrains et des réseaux existants. (...) Je confirme que je leur ai demandé de faire des études comparatives et de coûts sur différents schémas de distribution en basse tension, en haute tension (travaux neufs et de renforcement) avec également poste de transformation. Ces études avaient été faites tant en aérien qu'en souterrain. Les comparaisons portaient sur les coûts et les correspondances en prix de vente supposant le nouveau bordereau objet de l'appel d'offres affecté d'un coefficient 1. Cela m'a permis d'extrapoler un coefficient de raccordement, lequel m'a permis de déterminer mes offres. Les offres que j'ai remises en particulier pour Sud-Amiens et Santerre-Luce étaient plus compétitives que l'application du ou des coefficients de raccordement. D'une façon générale, les études à l'instant T, pour toutes les affaires quelles qu'elles soient dans le cadre de remise d'offres, font l'objet de détermination prévisionnelle en coût réel, c'est-à-dire définition des produits et leur prix d'achat et définition des temps estimés pour l'exécution des travaux, définition des paramètres de charges liés aux déplacements (temps et transport) et des charges fixes. A(vec) cela, on tient compte également des incidences liées à la période prévue pour l'exécution et aux natures particulières des terrains où se situeront les travaux."

31 M. Yves Danzé, chef de l'agence de Compiègne de la société SEEE, a déclaré le 27 mai 1994 : "Pour moi, une équipe (5 personnes et le matériel) peut réaliser environ 2 millions de francs de travaux de lignes et réseaux sur une année. (...) Il n'y a pas eu de recherche de co-traitance pour ces marchés, le type de travaux et leur valeur ne justifiant pas pour mon entreprise la recherche de partenaires."

32 M. Alfo Vella, chef du centre de Hénin-Beaumont (62) de la société Satelec, laquelle a proposé une offre (rabais compris entre - 5 % et - 12 %) pour quatorze marchés, a déclaré : "Pour les marchés des SIER et régies de la Somme pour la période 94-98, notre démarche était de rechercher des remplacements aux marchés EDF aériens qui seront en volume décroissant à l'avenir. Nous avions décidé de répondre au plus grand nombre possible de marchés d'électrification rurale de la Somme afin d'obtenir un syndicat. Compte tenu de l'éloignement des chantiers, il était envisagé à terme une implantation locale. Le surcoût lié à l'éloignement peut être estimé à 3 à 5 points. Notre réponse a été calculée sur la base de la connaissance que nous avons du bordereau du Nord et qui apparaît comparable à celui de la Somme. (...) Notre démarche ne nous a pas fait rechercher de partenaires éventuels sur place pour être plus compétitif. (...) Une co-traitance nous aurait notamment apporté une meilleure connaissance des conditions de travail. Néanmoins techniquement et matériellement, nous étions aptes à réaliser l'ensemble des travaux demandés par nous-mêmes."

33 M. Denis de Verre, directeur de la société Forclum à La Bassée (59), laquelle a proposé une offre (rabais compris entre - 1 et - 10 %) pour douze marchés, a déclaré le 20 avril 1994 : "Notre volonté était de décrocher au mieux deux marchés (5 millions de travaux) parmi les syndicats les plus proches ou d'accès le plus aisé compte tenu de notre implantation, de la présence d'équipes sur Boulogne-sur-mer et de la possibilité de bénéficier d'une implantation à Amiens d'une filiale Forclum, la société Candelec. J'ai répondu à chaque consultation sur la Somme depuis 1983, début de ma présence dans la société à La Bassée. (...) Ne connaissant pas le bordereau de la Somme, nous avons chiffré des travaux réalisés sur le Nord avec ce bordereau. Nous avons procédé à une analyse comparative des prix unitaires des deux bordereaux. (...) Cela donnait un coefficient de correspondance entre les deux bordereaux. Ce coefficient s'établissait aux alentours de 1. Pour formuler une offre attractive, nous avons fait un effort modulé en fonction des implantations des syndicats sur lesquels nous répondions. Le coefficient maximum proposé est de 10 %, il nous permettait de conserver un petit résultat d'exploitation. (...) Il n'y a pas eu de recherche de co-traitance ni de sous-traitance pour une éventuelle implantation dans la Somme. Ce type de regroupement n'est pas justifié dans ce domaine d'activité, notamment du fait de la valeur annuelle des marchés, une équipe de 4 personnes pouvant assurer un volume d'activité annuel de 1,5 à 2 millions de francs. (...) J'ai été surpris de l'importance des écarts entre mes offres et les prix d'attribution. J'évalue les surcoûts liés à l'éloignement des chantiers à environ 10 %. (main d'œuvre, transport, temps de déplacement des conducteurs de travaux)."

34 M. Eugène Soufflet, directeur du département Réseaux de la société Norelec à Verquin (62), laquelle a proposé une offre (rabais compris entre 7 et 12 %) pour l'ensemble des marchés, a déclaré, le 25 avril 1994 : "Concernant notre réponse aux marchés des SIER et régies de la Somme en 1993, l'objectif était d'obtenir l'attribution d'un syndicat pour un montant de travaux supérieur ou égal à 3,5 KF, ce qui représente l'activité annuelle d'une équipe soit 7 personnes environ. (...) Cet objectif a été revu après l'intégration du centre de Rennes à Norelec-Réseaux pour restructuration qui vient de se terminer et après le passage du centre de travaux de Compiègne à une activité strictement industrielle. En conséquence, l'implantation locale de Norelec-Réseaux a été abandonnée et les prix ont été faits en considérant que les équipes étaient rattachées à Verquin. Cet éloignement des sites nous obligeait à avoir notre personnel en grand déplacement d'où un surcoût que l'on peut chiffrer à environ 10 % y compris les frais de mise en chantier et aléas. (...) Au cas d'installation sur place, j'estime qu'un rabais de 22 % aurait peut être consenti tout en sauvegardant la rentabilité de l'entreprise, tout au moins sur les SIER préférentiels sur lesquels nous avons répondu à - 12 %. Nos préférences allaient aux syndicats de BDP et Albert-Doullens."

35 M. Marc Roussel, président-directeur général de la société Monchel à Saint-Laurent-Blangy (62), laquelle a proposé une offre (rabais compris entre - 6 et - 10 %) pour l'ensemble des marchés, a déclaré le 15 avril 1994 : "Pour les marchés d'électrification rurale de la Somme, j'ai répondu pour la première fois en 1981. J'avais à cette époque formulé des offres très compétitives et pour certaines moins-disantes. Le document les évoque d'ailleurs comme un "risque".... Néanmoins, j'ai été écarté de l'attribution aux motifs de l'insuffisance de la taille de mon entreprise et de sa non-localisation dans le département de la Somme. Ces remarques m'ont été faites à l'issue des commissions d'appel d'offres pour lesquelles j'attendais les résultats compte tenu du besoin de travail pour l'entreprise à ce moment. Malgré cette éviction j'ai continué à répondre par principe pour montrer mon existence et ma présence. Les remises que je formule tiennent compte de l'éloignement et ne reflètent pas d'agressivité particulière dans la recherche de ces marchés compte tenu du plein emploi actuel de mes équipes de lignes. (...) Pour les marchés de 1993, j'ai demandé à ma secrétaire de téléphoner, vers octobre, pour connaître la date de lancement des prochains appels d'offres en ce domaine. Il lui a été répondu que rien n'était en cours prochainement par (la) DDAF. Par comparaison avec les bordereaux dont j'ai l'expérience sur les départements du Nord et des Ardennes, il s'avérait qu'un rabais de 10 % tenait compte de l'éloignement et d'une rémunération confortable de l'entreprise. Un rabais de 20 % me paraît une offre correcte tant pour le maître de l'ouvrage que pour l'entreprise attributaire au cas d'implantation locale."

A l'issue de l'instruction, trois griefs ont été notifiés : aux sociétés Sopelec Réseaux, SOOE, Entreprise industrielle, Cegelec, GTIE, EITF, Santerne et Demouselle pour être convenues, avec l'aide du Syndicat des entrepreneurs de réseaux et constructions électriques (SERCE), éventuellement au cours de réunions tenues peu avant ou après les commissions d'ouverture des plis et, en tout cas, au moins tacitement, de répartir entre elles, selon des critères géographiques, les 18 marchés d'électrification rurale de la Somme 1993-1998, en proposant un rabais important, seul susceptible d'être moins-disant, sur les seuls marchés qu'elles désiraient emporter, qui étaient ceux des SIER ou des régies pour lesquels elles étaient titulaires des marchés précédents, et en proposant des rabais largement inférieurs, "de couverture", sur les autres marchés ; aux sociétés Entreprise industrielle et EITF pour avoir constitué un groupement conjoint solidaire, qui a présenté des offres pour l'ensemble des 18 marchés concernés, alors même que la convention de groupement, qui n'avait pas été présentée aux maîtres d'ouvrage, prévoyait que les travaux attribués seraient effectivement réalisés par un seul des deux co-traitants pour douze marchés sur dix-huit ; aux sociétés GTIE et EITF, qui appartiennent au même groupe (EITF est filiale à 100 % de GTIE) et se présentent comme totalement indépendantes en termes de politique commerciale, si ce n'est en matière de logistique, pour avoir élaboré leurs offres en commun, de sorte que chacune serve de "couverture" à l'autre ; ces pratiques concertées sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en ce qu'elles avaient pour objet et ont eu pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,

Sur la procédure :

Considérant que les sociétés Santerne, Demouselle, GTIE, Somme Oise Électricité et EITF ont fait valoir que, par ordonnance du 15 avril 1994, le Président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté, comme irrecevables, onze requêtes en référé du préfet de la Somme tendant à voir suspendue l'exécution des contrats de marchés à commandes annuels passés en 1993 par les SIER et que, par jugement du 16 septembre 1994 (ou, pour la société GTIE, par un arrêt du 9 juin 1994), le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté les onze requêtes au fond correspondantes et débouté le préfet de la Somme de ses demandes d'annulation ; qu'aucun recours n'ayant été introduit, ces décisions seraient devenues définitives ce qui, selon la société Santerne, entraînerait que l'adjudication des marchés en cause de 1993 s'est déroulée dans des conditions régulières ;

Mais considérant que la régularité de l'attribution des marchés concernés au regard du droit administratif n'est pas en cause dans la saisine du Conseil de la concurrence et dans la procédure engagée par lui, et que son appréciation ne relève pas de sa compétence ; que les mêmes faits peuvent être soumis simultanément aux juridictions et au Conseil de la concurrence et que, comme il ressort, par exemple, des arrêts de la Cour de cassation, chambre commerciale, PFG - Marbrerie Lescarcelle du 15 octobre 1996 et Ciments Lafarge du 10 décembre 1996, les infractions à l'ordonnance du 1er décembre 1986 sont indépendantes d'autres éventuels manquements ;

Considérant que la société Santerne indique qu'après les opérations de visite et saisies effectuées dans ses locaux, le 20 janvier 1994, en exécution de l'ordonnance du Président du Tribunal de grande instance d'Amiens du 11 janvier précédent, elle a formé un pourvoi contre cette ordonnance et, par ailleurs, demandé au greffe dudit tribunal la communication de la requête de l'administration et des pièces qui l'accompagnaient, par la voie ordinaire puis par sommation interpellative du 9 mars 1994 ; qu'une expédition certifiée conforme de la requête lui aurait été remise, mais non pas les pièces jointes qui auraient été restituées à l'administration ; que cette situation serait contraire aux dispositions de l'article 586 du code de procédure pénale et au principe posé par la Cour de cassation dans son arrêt "Béton de France" du 3 octobre 1995 selon lequel existe un "droit légalement reconnu des parties à avoir accès a posteriori aux pièces du dossier présentées par l'administration, demanderesse à une autorisation de visites et saisies domiciliaires qui leur fait grief " et rappelé dans l'arrêt par lequel la Cour de cassation s'est prononcée, le 10 décembre 1996, sur son pourvoi contre l'ordonnance du Président du Tribunal de grande instance d'Amiens du 11 janvier 1994 ; que les pièces annexées à la requête de l'administration ne figurant pas au dossier ouvert à la consultation au Conseil de la concurrence après la notification de griefs du 5 mars 1998, elle en a demandé communication à la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Lille par lettre recommandée avec avis de réception du 8 avril 1998 "valant mise en demeure" ; que, par lettre du 14 mai 1998, l'administration ne les lui aurait pas communiquées mais lui aurait fait observer qu'elle avait pu consulter l'ensemble du dossier, qui avait été versé lors de la procédure suivie devant la Cour de cassation ; qu'elle ne serait néanmoins pas en mesure de s'assurer que le dossier versé à la Cour de cassation "correspondait bien aux documents qui avaient été remis à l'origine au Président du Tribunal de grande instance d'Amiens en annexe à la requête de la DGCCRF et qui n'auraient jamais dû lui être restitués", ce qui serait "de nature à porter une atteinte manifeste aux droits de la défense" et serait contraire aux dispositions de l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et à celles "de la convention européenne des Droits de l'Homme, et notamment de son article 6 paragraphe 1, qui impose le principe d'un procès équitable et donc celui de l'égalité des armes", le droit à l'accès au dossier ayant été souligné dans les arrêts Kerojarvi c/ Finlande du 19 juillet 1995, Schuler-Szgraggen c/ Suisse du 24 juin 1993 et Lobo Machado c/ Portugal du 1er février 1996 ; qu'en conséquence, elle "formule les plus expresses réserves sur la régularité de la procédure d'enquête et sur les atteintes à ses droits fondamentaux" ;

Considérant que, de même, la société GTIE fait observer que la Cour de cassation a statué le 10 décembre 1996 sur le pourvoi qu'elle avait formé "alors que le greffe de la haute juridiction n'avait pas reçu du greffe du Tribunal de grande instance d'Amiens les pièces du dossier déposées par le demandeur à l'ordonnance, à savoir la DGCCRF" et, s'appuyant sur l'arrêt du 26 avril 1994 de la Cour d'appel de Paris selon lequel les prescriptions de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme s'appliquent aux sanctions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et sur l'arrêt Schuler-Szgraggen c/ Suisse de la Cour européenne, s'estime "en droit de se plaindre légitimement et de réserver ses droits sur le fondement de l'article 6.1 (...) pour n'avoir pu consulter (...) les pièces produites par l'Administration" et "nonobstant les termes de l'arrêt rendu le 10 décembre 1996 [par la Cour de cassation] sur son propre pourvoi (de) réserver tous ses droits concernant la validité des procès-verbaux d'enquête et de saisie dressés par l'Administration" ; que la société Cegelec formule des observations comparables et "demande (...) au Conseil de la concurrence d'ordonner à l'Administration de verser au dossier la plainte mentionnée dans la lettre (...) du Directeur de la DRCCRF d'Amiens au Trésorier payeur général de la région Picardie en date du 16 décembre 1993" ; que la société SOOE a présenté le même moyen ;

Mais considérant, en premier lieu, que le Conseil de la concurrence, qui n'a pas été destinataire des pièces en cause, ne pouvait les joindre au dossier et les présenter à la consultation des parties ; qu'en second lieu, il n'a pas qualité pour porter un jugement sur l'arrêt du 10 décembre 1996 de la Cour de cassation rendu sur le pourvoi de la société GTIE ;

Considérant que la société EITF soutient que l'annulation par la Cour de cassation des opérations de visite et saisie effectuées dans ses locaux rendrait inopposable à son encontre les documents ainsi saisis, que ce soit directement ou indirectement ; que cette annulation entraînerait l'annulation "de l'ensemble des poursuites", le rapport administratif d'enquête constituant "un ensemble indissociable et indivisible" et conservant, même "expurgé", des traces de documents ou déclarations recueillis irrégulièrement ; que seraient, par ailleurs, "contestables" les griefs qui lui ont été notifiés en tant qu'ils s'appuient sur des déclarations et documents recueillis auprès des autres sociétés ; que la société Santerne a présenté le même moyen ;

Mais considérant qu'ont été retirés du dossier les documents saisis ou communiqués irrégulièrement mais aussi les déclarations des responsables entendus à la suite de ces saisies et communications, ainsi que toute référence aux documents en cause lors d'auditions ultérieures des responsables d'autres entreprises et dans le rapport administratif d'enquête ;que ni ce dernier, ni les "traces" de documents ou déclarations recueillis irrégulièrement qui y figurent et qui sont des renvois à des constatations ou des déclarations retirés, n'ont été utilisés pour établir des griefs ;qu'en effet les griefs notifiés s'appuient exclusivement sur des pièces et des déclarations régulièrement saisies ou recueillies, exposées et analysées dans la notification de griefs et le rapport établis par le rapporteur ; que la saisine, y compris le rapport administratif d'enquête, ne lie pas le Conseil de la concurrence, qui est saisi in rem ; que les documents et déclarations sont opposables non seulement aux entreprises auprès desquelles ils ont été régulièrement saisis ou recueillis, mais également aux entreprises concernées par ces documents ou déclarations ;

Considérant que la société Alstom Entreprise, anciennement Cegelec, expose qu'en même temps que la modification de sa raison sociale, le 16 février 1999, elle a fait apport à la société Larystock, depuis dénommée Cegelec Nord & Est, avec effet rétroactif au 1er juillet 1998, de la branche complète et autonome d'activité de sa direction régionale Nord/Est, de laquelle dépendait son agence d'Amiens, concernée par la présente affaire ; que, selon elle, la société Cegelec Nord & Est, qui assurerait la continuité économique et fonctionnelle de l'ancienne direction régionale Nord/Est, aurait dû être destinataire du rapport ;

Mais considérant que la notion de continuité économique et fonctionnelle ne concerne que le cas où une société qui s'est livrée à des pratiques retenues à grief a cessé d'exister ; qu'il n'est pas contesté que la société Alstom Entreprise, anciennement Cegelec, continue d'exister et est donc responsable des pratiques auxquelles elle s'est livrée avant la filialisation de ses directions régionales ; que c'est donc à bon droit qu'elle a été destinataire du rapport, sur lequel elle a d'ailleurs présenté un mémoire en réponse, accompagné de celui de la société Cegelec Nord & Est qu'elle a fait sien ;

Considérant que les procès-verbaux de déclarations visés aux n° 10, 23, 4, 22 et 30 ci-dessus ne comportent pas la mention explicite de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ni l'objet de l'enquête ;que les procès-verbaux de déclarations visés aux n° 12, 24, 27, 28, 25, 13, 26, 7, 29 et 8 ci-dessus ne comportent pas la mention explicite de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et comportent la mention pré-imprimée de ce que l'objet de l'enquête a été indiqué ; mais que les auditions de responsables des sociétés Entreprise industrielle, GTIE, Sopelec Réseaux, Demouselle, Santerne et Cegelec faisaient suite aux opérations de visite et saisie opérées auprès de ces entreprises le 20 janvier 1994, au cours desquelles leur avait été notifiée l'ordonnance du Président du Tribunal de grande instance d'Amiens du 11 janvier 1994 ;que, dès lors, les personnes entendues ne pouvaient se méprendre ni sur le cadre légal dans lequel leurs déclarations ont été recueillies par procès-verbal, ni sur l'objet de l'enquête à propos de laquelle elles étaient entendues ;

Considérant que les procès-verbaux de déclarations visés aux n° 31 à 35 ci-avant ne comportent pas la mention explicite de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et comportent la mention pré-imprimée de ce que l'objet de l'enquête a été indiqué ; mais que les responsables des sociétés SEEE, Satelec, Forclum, Norelec et Monchel ne sont pas visés par la notification de griefs ; que, dès lors, même à supposer qu'ils aient pu se méprendre sur la portée exacte de l'enquête, leurs déclarations ne pouvaient leur faire grief ; que ces procès-verbaux doivent être conservés ;

Sur le premier grief :

Considérant qu'il résulte des documents et constatations décrits au n° 17 ci-dessus que les syndicats ont invité à leurs assemblées générales, tenues juste avant ou après la tenue des commissions d'appel d'offres (dans huit cas) ou dans un délai d'une heure (pour Roisel-Hattencourt) à deux heures trente, les entreprises titulaires des marchés en cours ; que l'instruction a également permis d'établir que des relations avaient été nouées entre des fonctionnaires de la DDAF et la société Cegelec, d'une part, et la société Entreprise industrielle, d'autre part ; que les entreprises concernées estiment que ces contacts, qu'elles ne nient pas, ne prouveraient pas une concertation entre elles et ne pourraient leur être opposés ;

Considérant que les réunions techniques, quasi concomitantes aux commissions d'appel d'offres, sont postérieures à la date limite de remise des offres et ont eu lieu à l'initiative des maîtres d'ouvrage et du maître d'œuvre ; qu'elles ne peuvent permettre d'établir une concertation anticoncurrentielle ;

Considérant que les documents et déclarations visés aux n°s 3, 5 et 11 à 13 ci-dessus établissent que M. Scailteux, chef de l'agence de Doullens de la société Entreprise industrielle, a eu plusieurs communications téléphoniques avec MM. Tétu et Broutin, au moins les 17 mai, 2 septembre et 8 octobre 1993, le premier étant représentant pour la région Picardie du Syndicat des entrepreneurs de réseaux et constructions électriques (SERCE) et responsable du service Lignes et Réseaux de la société Santerne et le second étant son adjoint ; que, si MM. Scailteux et Tétu ont expliqué ces communications téléphoniques par la demande du SERCE d'observations à formuler sur le bordereau EDF B 5000, le document 2 établit que la circulaire du 4 mai 1993 relative à ce même "bordereau aérien 5000" a été envoyée aux entreprises soumissionnaires aux marchés concernés, y compris aux sociétés Sopelec, SOOE et Demouselle, qui n'étaient pas membres du SERCE ; que, d'autre part, ces communications téléphoniques sont intervenues durant la période de préparation des offres relatives aux marchés d'électrification rurale concernés ; que les entreprises concernées avancent que ces communications téléphoniques de MM. Tétu et Broutin avec la société Santerne et la circulaire du 4 mai 1993 n'auraient d'autre objet que le bordereau EDF ;

Considérant qu'aucun élément au dossier ne permet d'établir l'inexactitude d'une telle explication ; que rien n'interdit à une organisation syndicale, dont l'objet est de défendre les intérêts professionnels de ses membres, de traiter sur un même pied les entreprises non adhérentes, concurrentes de ses membres ; que, toutefois, l'affirmation de la société Demouselle selon laquelle toutes les entreprises oeuvrant pour EDF, syndiquées ou non, auraient été destinataires de la circulaire du SERCE du 4 mai 1993 est contredite par la société SOOE qui, non syndiquée, nie en avoir été destinataire et affirme ne l'avoir jamais reçue ;

Considérant qu'il résulte des constatations exposées aux n°s 18 et 19 que les entreprises ou groupements momentanés d'entreprises qui, en 1993, se sont révélés moins-disants, et à qui ont par la suite été attribués les marchés, étaient déjà titulaires des mêmes marchés quinquennaux de 1988 ; que quatorze marchés ont été " reconduits" : trois pour la société Demouselle, trois pour la société Santerne, deux pour la société GTIE, deux pour la société Cegelec, deux pour la société SOOE, un pour la société Sopelec et un pour le groupement Entreprise industrielle + EITF ; que les quatre autres marchés ont vu soit un sous-traitant (la société Entreprise industrielle) de la société EITF devenir co-traitant avec la même société (SIER de Péronne), soit une entreprise seule, la société Entreprise industrielle, rester mandataire mais s'en adjoindre une autre, en groupement, la société EITF, soit enfin le groupement EITF + Entreprise industrielle remplacer le groupement EITF + Cegelec ; qu'ainsi, seules ces huit entreprises, sur les vingt-six qui ont déposé au moins une offre, seules ou en groupements, ont été déclarées attributaires, avec des rabais compris entre - 19 % et - 21,5 % : le groupement Entreprise industrielle + EITF pour cinq marchés, Santerne pour trois, Demouselle pour trois, Cegelec pour deux, GTIE pour deux, SOOE pour deux et Sopelec pour un ; qu'à l'inverse, pour les marchés dont elles n'ont pas été déclarées attributaires, ces sociétés ont proposé des rabais compris entre - 12 % et - 20 % et, 65 fois sur 80, inférieurs à - 19 % ; qu'enfin, sur l'ensemble des offres, la différence entre la proposition moins-disante et sa suivante immédiate se situe dans neuf cas à un point, six fois à deux points et une fois respectivement à 1,5 point, 2,5 points et quatre points ;

Considérant, cependant, que, si la stabilité de la répartition des dix-huit marchés entre les huit entreprises concernées en 1988 et 1993 peut être considérée comme un indice de concertation entre ces entreprises, aucun autre élément du dossier n'est susceptible d'entrer dans un faisceau ayant valeur probante ; qu'en conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens avancés par les parties quant à leur volonté prétendue d'emporter le plus grand nombre de marchés possible en soumissionnant à plusieurs d'entre eux, selon des critères d'efficience économique, il n'est pas établi que les sociétés Sopelec, SOOE, Entreprise industrielle, Cegelec (devenue Alstom Entreprises), GTIE, EITF, Santerne et Demouselle ont participé à l'entente prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 telle qu'elle était formulée dans le grief n° 1 ci-dessuset qu'il y a donc lieu de faire application, sur ce point, de l'article 20 de l'ordonnance précitée ;

Sur le deuxième grief :

Considérant que, pour les marchés de 1993-1998, les deux sociétés EITF et Entreprise industrielle ont formulé des offres conjointes pour ces dix-huit appels d'offres ;

Considérant que la "convention de groupement momentané d'entreprises solidaires" entre les deux sociétés (16) a été signée le 29 novembre 1993, c'est-à-dire la veille de la date limite de remise des offres ; que la répartition des travaux qui y est prévue reconduit purement et simplement la situation des deux entreprises au terme des marchés précédents de 1988-1993 ; qu'ainsi, pour les marchés de Hornoy-Poix et d'Albert-Doullens, elle prévoit que les travaux seront réalisés à 100 % par la société Entreprise industrielle, qui était titulaire des marchés précédents correspondants ; qu'à l'inverse, pour le marché de Roisel-Hattencourt, elle prévoit que les travaux seront réalisés à 100 % par la société EITF, qui était titulaire du marché précédent correspondant ; qu'enfin, pour les deux marchés de Péronne, elle prévoit que les travaux seront réalisés par les deux entreprises, comme cela existait auparavant dans le cadre du groupement pour la régie et de l'accord de sous-traitance pour le syndicat ; que les modifications manuscrites de M. Selle sur ce document portent d'ailleurs sur la répartition des travaux à effectuer dans le SIER de Péronne : prévue au départ à 50 % - 50 % pour l'ensemble des travaux, cette répartition n'est maintenue que pour les travaux de renforcement, alors que EITF réalisera la totalité des travaux d'extension, comme cela existait lors de l'accord de 1988 ; que les travaux d'extension sont d'un montant moindre car ils portent sur la basse tension et nécessitent la fourniture de matériel de faible puissance ;

Considérant que sur les dix-huit syndicats ou régies, la convention prévoit que les travaux de douze d'entre eux seraient réalisés à 100 % par une seule entreprise (six pour l'Entreprise industrielle et quatre pour EITF) et seulement cinq en co-traitance à 50 % - 50 % ; que, par rapport à la situation antérieure, où les deux entreprises n'avaient été titulaires au total que des marchés de cinq syndicats ou régies, les prévisions de la convention portent sur les dix-huit marchés, les treize gains espérés étant attribués, dans dix cas, à une seule des deux entreprises ; que cette convention concernait le volume de travaux, le nombre de marchés, mais également, comme le montrent les déclarations 23 et 24, leur localisation géographique telle qu'elle existait lors des marchés de 1988-1993 ; que, selon MM. Tridon et Scailteux (23), chacun des deux co-traitants avait réalisé les études pour les marchés qui l'intéressaient, chacun d'eux ayant approuvé les "seuls coefficients déterminés par chaque entreprise", qu'"il n'y a pas eu de mise en commun de moyens pour la réalisation de chantiers" et (24) qu'"il n'était pas envisagé d'économies d'échelle sur des mises en commun de matériel ou de personnel, ou sur des achats groupés de fournitures" et qu'"il n'y a pas eu d'études de faite sur les avantages apportés par la convention" ;

Considérant que les sociétés Entreprise industrielle et EITF soutiennent que cette convention était le corollaire du groupement conjoint solidaire qu'elles avaient la liberté de former ou non, qui "s'imposait en raison des synergies développées dans le passé entre les deux entreprises et d'impératifs de sécurité" et qu'elles ont "expressément rappelé dans leurs actes d'engagement" ; qu'"une offre conjointe et solidaire (...) dans chaque cas a été déposée", ce que permettait le règlement d'appel d'offres ; que, si elles n'ont pas communiqué leur convention de groupement aux maîtres d'ouvrage, aucune disposition légale ou réglementaire ne le leur imposait, et que la société Entreprise industrielle l'a "spontanément adressée aux enquêteurs (...) le 29 avril 1994" ; que, si la convention de groupement ne prévoyait un partage entre elles que de six des 18 marchés auxquels elles ont soumissionné, la conclusion d'avenants postérieurs à l'attribution éventuelle d'un ou plusieurs des autres marchés aurait permis qu'elles deux, et non seulement une seule d'entre elles, se voient confier les travaux correspondants ; que les maîtres d'ouvrage pouvaient exiger de l'une ou l'autre entreprise qu'elle exécute les travaux et qu'ils n'avaient pas à avoir connaissance de la convention de groupement qui est sans effet sur eux ; que, par ailleurs, les deux entreprises ne pouvaient, selon elles, se présenter en groupement pour six marchés et être concurrentes dans les douze autres, où la concurrence aurait été "totalement faussée par les informations nécessairement obtenues par chacune d'elles à l'occasion de leur offre conjointe dans les six autres marchés" ; que le fait de constituer un groupement "augmente les probabilités de succès de chacune des entreprises parce qu'il accroît la sécurité du maître d'ouvrage (... qui peut) en cas de défaillance de l'une, voit effectuer les travaux par l'autre" et présenterait un intérêt pour la sécurité de chacune d'elles ;

Mais considérant que, s'il est loisible à des entreprises de soumissionner à un marché public ou privé en groupement conjoint et solidaire dès lors que le règlement de l'appel d'offres le leur permet, elles ne sauraient pour autant conclure entre elles une entente anticoncurrentielle de prix et de répartition de marchés et prétendre échapper aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 au simple motif que leur entente serait matérialisée par une convention de groupement conjoint et solidaire ;

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant au cas d'espèce que l'article 3 de la convention de groupement signé par les sociétés Entreprise industrielle et EITF la veille de la date limite de remise des offres prévoyait, d'une part, que chacune des deux entreprises resterait, si le groupement l'emportait, attributaire des marchés dont elle était précédemment titulaire et, d'autre part, une répartition des travaux concernant les autres marchés ; que l'article 2 de cette même convention prévoyait que les entreprises signataires" ne mettent pas en commun des biens ou leur industrie en vue de réaliser des bénéfices ou des économies" et que, selon les déclarations de leurs responsables, il n'y a pas eu de mise en commun de moyens pour la réalisation des chantiers concernés ; qu'il est également constant qu'aucune étude n'a été effectuée sur les avantages qu'une telle convention apportait aux entreprises signataires et qu'elles n'ont pas collaboré pour élaborer les offres, chacune d'elles ayant déterminé elle-même le rabais à proposer pour les marchés ou travaux dont elle devait être attributaire ; qu'il résulte, d'ailleurs, des déclarations de MM. Tétu, Leclerc, Danzé, Vella et De Verre, respectivement des sociétés Santerne, Demouselle, SEEE, Satelec et Forclum (n° 26, 28, 31, 32 et 33) que la nature et l'importance des travaux d'électrification rurale à mettre en œuvre dans les marchés concernés ne nécessitaient le recours ni à la co-traitance ni à la sous-traitance du double point de vue économique et technique ;

Considérant, en deuxième lieu, que si les sociétés Entreprise industrielle et EITF font valoir que l'objet de leur groupement conjoint solidaire était non pas de favoriser une collaboration entre elles pour la réalisation des travaux mais d'accroître les chances de chacune d'elles en garantissant aux maîtres d'ouvrage qu'en cas de défaillance de l'une d'elles ceux-ci pourraient faire effectuer les travaux par l'autre, une telle explication ne saurait être retenue ; qu'en effet, la société Entreprise industrielle réalisait en 1993 un chiffre d'affaires de près de 6 milliards de francs alors que celui de la société EITF n'était, la même année, que de 36 millions de francs environ ; qu'il ne peut dès lors être raisonnablement soutenu que la constitution d'un groupement conjoint solidaire entre les deux entreprises pour soumissionner à l'ensemble des dix-huit marchés d'électrification rurale de la Somme pour les années 1993-1998, dont la valeur était estimée entre 250 et 500 millions de francs, soit huit à seize fois le chiffre d'affaires annuel de la société EITF, était de nature à accroître les chances de la société Entreprise industrielle de remporter certains marchés en faisant penser aux maîtres d'ouvrage que les travaux confiés au groupement seraient plus sûrement menés à bien que s'ils étaient confiés à la seule société Entreprise industrielle ; qu'ainsi, cette dernière n'avait, du point de vue de la garantie en cas de défaillance, aucun intérêt à constituer un groupement conjoint solidaire avec la société EITF ;

Considérant, enfin, que les sociétés Entreprise industrielle et EITF font valoir qu'en tout état de cause, les maîtres ouvrage ne pourraient avoir été trompés sur la réalité de la concurrence entre elles, puisqu'elles ont choisi, en toute transparence, de répondre à chacun des appels d'offres par le biais d'une offre unique du groupement qu'elles avaient formé ; que, toutefois, les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prohibent les pratiques d'entente ou de concertation ayant pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, que ces pratiques soient notoires ou qu'elles soient mises en œuvre par des entreprises à l'insu de leurs clients ; qu'au surplus, au cas d'espèce, il n'est pas contesté que les deux entreprises n'ont pas informé les maîtres d'ouvrage du contenu de la convention de groupement qu'elles avaient signé, et en particulier de ses articles 2 et 3 ; que, dès lors, il ne peut être soutenu que les pratiques en cause étaient connues des maîtres d'ouvrage ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les circonstances et conditions dans lesquelles s'est constitué et a fonctionné le groupement des sociétés EITF et Entreprise industrielle, et a été conclue entre elles la convention de groupement, qui n'avait d'autre objet que de répartir entre ses deux signataires les marchés concernés et de reconduire les situations qu'ils avaient précédemment acquises, constituent une entente de répartition qui avait pour objet et a eu pour effet d'empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence, contrevenant ainsi aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Sur le troisième grief :

Considérant que les documents 14 et 15 établissent que la société GTIE avait déterminé le rabais moyen arithmétique de quatre marchés, de 19,05 %, et avait établi pour les dix-huit syndicats ou régies une correspondance entre sa distance par rapport à Amiens et le taux de rabais à proposer, et que, cinq jours avant la date limite de remise des offres, M. Selle, directeur d'exploitation de la société EITF, avait signé et daté ces documents et porté des mentions manuscrites indiquant notamment que devait être fourni un "effort commercial de 1 %" environ pour aboutir à un taux moyen de rabais de 20 %, les chiffres notés entre parenthèses pour chacune des quatre "affaires" correspondant à la différence entre ce taux moyen et celui du rabais retenu ; que la déclaration 22 de MM. Deruelle et Wauters, de la société GTIE, établit qu'à cette époque, M. Selle, responsable de la société EITF, filiale à 100 % de la société GTIE, n'avait officiellement aucune fonction dans cette dernière entreprise, mais que M. Wauters "a soumis à l'approbation de M. Selle son étude de récolement (...) En soumettant ces documents à M. Selle, Monsieur Wauters avait gardé les habitudes de son ancienne hiérarchie (Monsieur Latour)" ; que la déclaration 21 établit néanmoins que, le 20 janvier 1994 encore, les activités d'électrification rurale de la société GTIE "étaient traitées par l'unité 24 dont le responsable d'affaires est M. Wauters Patrick dépendant de l'agence de M. Selle à Proville (EITF)" ;

Considérant que M. Latour était le gérant de la SARL EITF depuis le 1er juin 1993 et que M. Selle n'occupait de fonctions qu'au sein de cette société, dont il était est le directeur d'exploitation ; qu'il contrôlait néanmoins l'activité réseau de GTIE-Amiens ;

Considérant que les offres remises par les deux sociétés sont complémentaires et qu'à l'exception du syndicat de Sud-Amiens pour lequel la société GTIE a proposé un rabais de 20 % contre 19 % pour la société EITF (les offres étant inverses pour le syndicat de Nord-Amiens), cette dernière a toujours proposé des rabais inférieurs à ceux proposés par la société GTIE, sauf pour les deux syndicats préalablement détenus par celle-ci, Chaulnes (respectivement 19 et 20 %) et Molliens-Dreuil (respectivement 19 et 20 %) ; que, pour ces deux syndicats, l'offre de la société EITF s'est révélée la seconde moins-disante avec un écart réduit au minimum soit 1 % ;

Considérant que, sur les cinq marchés dont le groupement Entreprise industrielle-EITF a été déclaré attributaire, la société GTIE a proposé des rabais inférieurs : 13 % pour le SIER de Péronne contre 21,5 pour le groupement, 13 % contre 20 % pour la régie du même nom, 14 % contre 21,5 % pour Roisel-Hattencourt, 15 % contre 21 % pour Albert-Doullens et 18 % contre 19 % pour Hornoy-Poix ;

Considérant que la société GTIE, comme la société EITF, avance que la "filialisation de EITF" était "connue de longue date", qu'elle-même et sa filiale "agissent de manière autonome sur un plan technique et commercial" ; que les études de prix n'auraient été que "visées" par M. Selle, directeur de la société EITF, qui, "pour des raisons de restructuration interne du groupe", assurait "une fonction de coordination semblant lui conférer momentanément un pouvoir hiérarchique aux yeux de M. Wauters, salarié de l'agence GTIE Amiens", qui aurait ainsi commis une "erreur humaine" ; qu'ainsi, il n'y aurait pas eu "d'offres communes réalisées par les deux entreprises" : que le document saisi daté du 25 novembre 1993 correspondrait à "une simulation effectuée par M. Wauters en fonction de critères économiques qui étaient propres à l'agence GTIE Amiens (...), puis validée par son véritable supérieur hiérarchique, M Gérard Deruelle", et que les offres des deux sociétés, présentées par chacune d'elles "en fonction de critères qui lui étaient propres", ne seraient ni complémentaires ni de couverture, et auraient été établies pour tenir compte du fait que "EITF (est) basée à Cambrai (et) les principaux rabais (ont) été consentis par GTIE sur des marchés se trouvant à proximité d'Amiens" ; que M. Wauters aurait commis cette "erreur humaine" pour "se sécuriser" parce que "M. Deruelle (...) arrivé à Amiens en juillet 1993 pour prendre en charge la direction et la réorganisation des entreprises GTIE Amiens", puis, ayant en septembre 1993 conservé "la direction de GTIE Réseaux", était absent le 25 novembre 1993, mais non M. Selle qui "n'avait aucune responsabilité dans l'agence GTIE Amiens" mais qui, "embauché récemment (juin 1993) par EITF pour prendre en charge la direction de cette entreprise (...) avait noué pour des raisons logistiques et légitimes - s'agissant de deux structures d'un même groupe - des relations avec l'agence GTIE Amiens" ;

Mais considérant que l'offre de la société GTIE n'a pu être seulement "visée", et de surcroît "par erreur", par M. Selle, alors directeur d'exploitation de la société EITF ; qu'en effet, outre sa signature et la date (25 novembre 1993), M. Selle a apposé sur le document coté 61, Sc. 2, 44 plus qu'un "visa", plusieurs mentions manuscrites impliquant de sa part des appréciations commerciales : "effort commercial de 1 % / choix coefficient = 20 % rabais" ; que, le 20 janvier 1994, le directeur d'agence Amiens-Industrie de la société GTIE déclarait encore que les activités d'électrification rurale de la Somme étaient "traitées par l'unité 24 dont le responsable d'affaires est M. Wauters Patrick dépendant de l'agence de M. Selle à Proville (EITF)" ; qu'au surplus, à supposer même que l'intervention de M. Selle ait été le résultat d'une erreur, il n'en reste pas moins qu'à ladite date, le 25 novembre 1993, soit cinq jours avant la date limite de remise des offres, il avait pris connaissance des rabais qui allaient être finalement proposés par la société GTIE, de sorte que les rabais proposés par le groupement EI-EITF pouvaient tenir compte de cette information privilégiée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés GTIE et EITF, qui appartiennent au même groupe (EITF est filiale à 100 % de GTIE) et se présentent comme totalement indépendantes en termes de politique commerciale, ont échangé des informations préalablement au dépôt de leurs offres, ces pratiques concertées sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en ce qu'elles avaient pour objet et ont eu pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ;

Sur les suites à donner :

Considérant que la société Somme-Oise Electricité avance que, créée en 1961, elle "n'était pas, à l'époque des faits incriminés, une filiale directe ou indirecte de la Compagnie générale des eaux, de la société GTIE, ni même de la société Santerne. Il s'agissait d'une société familiale (...)" ;

Mais considérant que la qualité des détenteurs du capital d'une entreprise est indifférente à la qualification des pratiques retenues à l'encontre de l'entreprise en cause ; que la responsabilité des pratiques constatées à la charge de la société SOOE, qui a poursuivi son activité sans solution de continuité, n'est pas modifiée par le fait que les parts qui appartenaient en majorité à la même famille sont désormais détenues par la société Santerne ;

Sur les sanctions :

Considérant que la société Cegelec a contesté le rappel, dans la notification de griefs, "avant même tout examen des faits reprochés" de ce que les sociétés GTIE, Santerne, Entreprise industrielle et Cegelec avaient déjà "été convaincues de pratiques anticoncurrentielles" ; que ce rappel aurait pour "claire intention" d'"accréditer l'idée selon laquelle si des pratiques anticoncurrentielles ont pu être relevées dans d'autres affaires, alors il en est nécessairement de même dans le présent dossier" ;

Mais considérant que ce rappel des condamnations précédemment intervenues ne fait grief ni à la société Cegelec, ni aux autres sociétés concernées ; qu'au contraire, il assure l'exercice des droits de la défense par le débat contradictoire pouvant ainsi s'instaurer quant à ces précédents ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos" ;

Considérant que la gravité de l'entente de répartition entre les sociétés Entreprise industrielle et EITF et de la concertation sur leurs offres entre les sociétés GTIE et EITF est d'autant plus importante que ces pratiques ont été mises en œuvre lors d'appels d'offres concernant un service public que les maîtres d'ouvrage sont tenus d'assurer en zones rurales ; que l'importance du dommage causé à l'économie par l'entente de répartition de marchés entre les sociétés Entreprise industrielle et EITF et la concertation entre les sociétés GTIE et EITF résulte notamment de ce que les marchés correspondants ont été conclus pour une durée de cinq ans ; qu'en outre le dommage causé à l'économie dépasse le simple enjeu des marchés concernés, qui au total représentaient un montant compris entre 120 et 250 millions de francs, les sociétés en cause étant d'importance nationale (Entreprise industrielle) ou appartenant à un groupe puissant (sociétés EITF et GTIE) ; que la mise en œuvre par de telles entreprises sur les marchés d'un département de pratiques prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 peut avoir pour effet de donner à penser aux entreprises appartenant aux mêmes groupes et aux entreprises indépendantes que ce type de comportement est général et d'inciter les unes à l'adopter pour d'autres marchés et les autres à renoncer à faire des offres sur les marchés d'une certaine importance qu'elles seraient aptes à réaliser mais qui seraient convoités par les filiales de grands groupes ;

Considérant que la société GTIE s'est livrée aux pratiques énoncées dans le grief n° 3 ; qu'elle a réalisé en 1999, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires hors taxe en France de 236 297 305 F ; qu'elle a été convaincue de pratiques anticoncurrentielles dans la décision du Conseil de la concurrence n° 89-D-42 du 12 décembre 1989 (secteur de l'équipement électrique, confirmée partiellement par la Cour d'appel de Paris (arrêts des 19 septembre 1990 et 26 avril 1994) et la Cour de cassation (arrêts des 8 décembre 1992 et 14 mars 1997) ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels appréciés ci- avant, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 425 000 F ;

Considérant que la société Entreprise industrielle s'est livrée aux pratiques énoncées dans le grief n° 2 ; qu'elle a réalisé en 1998, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires hors taxe en France de 123 626 112 F ; qu'elle a joint à son mémoire une copie d'une note interne du 18 octobre 1995 et d'un séminaire de formation 1999 destinés à assurer le respect des règles du droit de la concurrence, et des arrêts de la Cour d'appel de Paris des 12 avril 1996 et 6 mai 1997 qui ont pris en compte ces documents ; qu'elle a été convaincue de pratiques anticoncurrentielles dans l'avis du 5 octobre 1973 de la Commission technique des ententes et des positions dominantes (pose et réfection de réseaux électriques dans le sud-ouest), dans l'avis du 15 mars 1979 de la Commission de la concurrence (électrification rurale dans les Ardennes) et dans les décisions du Conseil de la concurrence n° 89-D-42 du 12 décembre 1989 (secteur de l'équipement électrique), confirmée partiellement par la Cour d'appel de Paris (arrêts des 19 septembre 1990 et 26 avril 1994) et la Cour de cassation (arrêts des 8 décembre 1992 et 14 mars 1997), 89-D-34 du 25 octobre 1989 (secteur des travaux routiers), confirmée partiellement par la Cour d'appel de Paris (arrêts des 4 et 11 juillet 1990 et du 4 juillet 1994), et la Cour de cassation (arrêts des 6 octobre 1992 et 4 juin 1996), 90-D-16 du 16 mai 1990 (travaux d'assainissement de la Communauté urbaine de Lyon et la vallée des Razes), confirmée par la Cour d'appel de Paris (arrêt du 17 janvier 1991) et la Cour de cassation (arrêt du 12 janvier 1993) et 92-D-63 du 24 novembre 1992 (appel d'offres de Venarey-les-Launes) confirmée par la Cour d'appel de Paris (arrêt du 24 juin 1993) et la Cour de cassation (arrêt du 3 mai 1995) ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels appréciés ci-avant, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 450 000 F ;

Considérant que la société EITF s'est livrée aux pratiques constatées dans les griefs n°2 et 3 ; qu'elle a réalisé en 1999, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires hors taxe en France de 27 721 800 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels appréciés ci-avant, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 100 000 F pour le grief n° 2 et une sanction pécuniaire de 50 000 F pour le grief n° 3,

Décide:

Article 1er : Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure s'agissant du grief n° 1.

Article 2 : Il est établi que les sociétés EITF et Entreprise industrielle ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (grief n° 2).

Article 3 : Sont infligées au titre du grief n° 2 les sanctions pécuniaires suivantes :

100 000 F à la société EITF ;

450 000 F à la société Entreprise industrielle.

Article 4 : Il est établi que les sociétés EITF et GTIE ont enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (grief n° 3).

Article 5 : Sont infligées au titre du grief n° 3 les sanctions pécuniaires suivantes :

50 000 F à la société EITF ;

425 000 F à la société GTIE.