Conseil Conc., 15 mars 1994, n° 94-D-16
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques relevées dans le secteur de l'enseignement de la conduite des véhicules dans la région de Haguenau-Bischwiller (Bas-Rhin)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de M. Jean-Pierre Bonthoux par MM. Barbeau, président, Jenny, Cortesse, vice-présidents.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 27 novembre 1990 sous le numéro F 360 par laquelle le ministre de l'économie et des finances a saisi le Conseil de la concurrence de la situation de la concurrence dans le secteur de l'enseignement de la conduite des véhicules dans la région de Haguenau-Bischwiller (Bas-Rhin); Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application; Vu les lettres du président du Conseil de la concurrence en date du 21 octobre 1993 notifiant aux parties intéressées et au commissaire du Gouvernement sa décision de porter l'affaire devant la commission permanente, conformément aux dispositions de l'article 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; Vu les observations présentées par les entreprises Benard, Esch, Hemberger, Jund, Mauduit, Outre-Forêt, Saint-Christophe, Michel, les SARL Centre d'éducation routière Llerena, ECF-Union, Patrick, Veltz et par le commissaire du Gouvernement; Vu les autres pièces du dossier; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants de l'auto-école Jund, des SARL Centre d'éducation routière LIerena et Patrick entendus, et les représentants des entreprises Esch, Hemberger, Jung, Mauduit, Nadine, Outre-Forêt, Saint-Christophe, de la SA Eschenlauer et des SARL ECF-Union et Veltz ayant été régulièrement convoqués, Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - Le marché
Les candidats à l'examen du permis de conduire recherchent habituellement des auto-écoles proches de leur domicile ou de leur lieu de travail, les candidats lycéens ou étudiants fréquentent volontiers des auto-écoles proches de leurs établissements d'enseignement. Toutefois, eu égard à la dépense entraînée, il n'est pas rare que la clientèle soit attirée par des auto-écoles relativement plus éloignées, dès lors qu'elles proposent des conditions de prix attractives. La zone de chalandise des auto-écoles est par ailleurs d'autant plus vaste qu'occasionnellement elles viennent chercher leurs clients à domicile. Enfin, en proposant à prix forfaitaire pour un nombre d'heures donné ou illimité pour l'apprentissage du code de la route, un volume horaire pour l'apprentissage de la pratique de la conduite et un nombre variable de présentations aux épreuves du code et de la conduite, certaines auto-écoles contribuent à accroître la mobilité des clientèles entre les localités et les quartiers des villes.
B. - Structure et réglementation de la profession
La profession d'enseignant de la conduite automobile est exercée en règle générale par des exploitants individuels qui s'y consacrent à titre exclusif. Même si des associations d'entreprises ont été constituées, le secteur a conservé un caractère artisanal.
L'exploitation d'une auto-école est subordonnée à un agrément délivré par le préfet après enquête administrative et à la possession d'un certificat d'aptitude professionnelle et pédagogique.
Antérieurement à 1986, les auto-écoles ont été soumises à différents systèmes de réglementation des prix. De 1982 à 1984, les hausses tarifaires autorisées étaient limitées en valeur relative. En 1985, selon les prestations, les hausses tarifaires autorisées ont été exprimées en valeur absolue ou en valeur relative. L'engagement de lutte contre l'inflation n° 86-114 relatif à l'enseignement de la conduite prévoyait que les cours pratiques pouvaient être, sur la base des prix pratiqués au 31 décembre 1985, majorés de 1,50 F pour le permis B et de 1,70 F pour les autres permis. Pour toutes formes de préparation au permis proposées aux élèves pour un tarif global ou forfaitaire, les prix hors taxes pouvaient être augmentés de 0,70 p. 100. Enfin, les prix de toutes les autres prestations pouvaient être déterminés sous la responsabilité de l'exploitant. Un avenant à l'engagement de lutte contre l'inflation n° 86-164 a libéré le 13 octobre 1986 les prix de l'ensemble des prestations de services proposées par les auto-écoles.
C. - Les pratiques constatées dans le département du Bas-Rhin
Le département du Bas-Rhin compte environ 150 établissements d'enseignement de la conduite automobile et plusieurs centres d'examen des permis de conduire. Seize établissements exercent leur activité sur le centre de Haguenau et cinq sur celui de Bischwiller.
Le 1l janvier 1989, l'exploitant de l'auto-école Auto-moto d'Haguenau signalait à la direction départementale de la concurrence de Strasbourg les pratiques anticoncurrentielles de certaines auto-écoles du secteur de Haguenau-Bischwiller (annexe n° 1, pièce A, du rapport administratif). Il indiquait notamment que depuis la libération des prix, la concurrence vive dans ce secteur d'activité avait entraîné une baisse du niveau des prix pratiqués, qu'en conséquence certains exploitants s'étaient réunis pour mettre un terme à cette baisse et qu'enfin des pressions avaient été exercées à son égard en vue de le dissuader de pratiquer des prix inférieurs à ceux fixés en commun. L'enquête diligentée par les services compétents a permis d'établir qu'à l'initiative de M. Jacques Jund, exploitant d'auto-école à Bischwiller, s'étaient tenues et 19 novembre 1988, 21 janvier et 4 mars 1989 quatre réunions d'exploitants d'auto-école exerçant dans le ressort des centres d'examen de Haguenau et de Bischwiller au cours desquelles avaient été abordés, outre divers sujets d'ordre général concernant l'exercice de la profession, les problèmes liés aux écarts importants des prix des prestations entre les différents établissements de la région. Les quatre réunions avaient eu lieu dans le même restaurant. Leur matérialité était confirmée par le propriétaire de l'établissement (annexe n° 2, pièce L) et n'était contestée par aucune des parties en cause.
Les déclarations des divers participants permettaient d'établir qu'étaient présents aux quatre réunions les représentants des auto-écoles Jund et Dell ; à trois réunions, les représentants des auto-écoles Mauduit, Michel, Saint-Christophe et de la SARL Veltz; à deux réunions, les représentants des auto-écoles Auto- moto, Esch, de la SA Eschenlauer et des SARL ECF-Union et Patrick; à une réunion, les représentants des auto-écoles Bernard, Hemberger, Outre-Forêt et Thierry's. L'auto-école Nadine n'a participé à aucune réunion mais était représentée par M. Michel Veltz. Ont été abordés lors de ces rencontres, outre le manque d'inspecteurs et de places pour les examens ou les transferts d'élèves, les questions de tarification des prestations. M. Weller (auto-école Auto-moto) indiquait que la première réunion avait notamment pour objet d'entamer une réflexion sur l'élaboration d'une grille tarifaire pour l'ensemble des prestations et sur la fixation d'un seuil plancher (annexe 1, pièce D). M. Jund (auto-école Jund) reconnaissait que la question du niveau des prix avait été abordée en raison de leur relative stagnation malgré un régime de liberté retrouvé (annexe 3, pièce A). Il indiquait que la majorité des participants était d'accord pour revoir les prix à la hausse. Mme Baumert (SARL Patrick) indiquait elle aussi que le problème du niveau des prix des prestations avait été abordé et que, compte tenu de l'urgence en la matière, il avait été convenu de se rencontrer à nouveau très rapidement (annexe 4, pièce A). M. Jung (auto-école Bernard) admettait qu'il avait été question de problèmes tarifaires et qu'il avait été conseillé d'augmenter ces tarifs dans le cadre d'indications d'ordre général (observations écrites).
Mme Dell (auto-école Dell) indiquait que la première réunion avait eu lieu à l'initiative de M. Jund, qui "avait trouvé qu'il y avait une trop grande disparité dans les prix des auto-écoles de la région ", confirmait que les réunions suivantes avaient eu pour objet de discuter des prix des prestations et qu'il avait été décidé notamment que le prix minimal des leçons de conduite devait être de 125 F (annexe 17, pièce A). Mme Jung (auto-école Bernard) reconnaissait que l'une des décisions prises au cours des réunions était d'augmenter le forfait code à 950 F (annexe 16, pièce A). Mme Friess (SARL ECF-Union) confirmait que le but des réunions avait été de "fixer des tarifs communs aux auto-écoles de la région" (annexe 14, pièce A). M. Michel Veltz (SARL Veltz) admettait que les réunions avait porté sur les prix trop bas pratiqués dans la région et que " tout le monde était d'accord pour les augmenter" (annexe 12, pièce A). Mme Mauduit (auto-école Mauduit) reconnaissait que la question des tarifs avait été abordée (annexe 7, pièce A). M. Eschenlauer (SA Eschenlauer) indiquait pour sa part qu'il avait été question d'une riposte collective à la promotion de l'auto-école Auto-moto sur le forfait code (annexe 9, pièce A). M. Weller précisait qu'au cours de la deuxième réunion seules les questions tarifaires avaient été évoquées et des minima avaient été fixés: une heure de conduite moto: 120 F, une heure de conduite permis B (auto): 120 F, forfait code: 930 F, présentation à la théorie: 170 à 175F, présentation à la pratique: 180 F. Ils devaient entrer en vigueur à partir du 1er décembre 1988. Il était par ailleurs convenu de nouvelles rencontres pour procéder à des hausses ultérieures (annexe 1, pièce D).
M. Weller, ayant refusé de mettre en place ces tarifs, indiquait avoir subi des pressions dès le début du mois de décembre 1988, exprimées notamment par Mme Llerena, pressions qui n'ont fait que croître à partir de la mise en place par son entreprise, à compter du 1er janvier 1989, d'un forfait code promotionnel au prix de 500 F. Mme Llerena lui avait alors indiqué que, s'il ne retirait pas l'affichage de sa promotion, les autres établissements proposeraient un forfait code à 450 F à titre de représailles. Il avait pu constater dès le lendemain la mise en place de ces forfaits à 450 F dans un certain nombre d'établissements (annexe 1, pièce D).
Mme Baumert (SARL Patrick) précisait que, s'agissant du tarif horaire permis B, il avait été convenu de se rapprocher de 130-140 F, tout en laissant aux établissements pratiquant les prix les plus bas une durée d'adaptation plus importante, et à propos des frais d'inscription et du forfait code, il avait été demandé aux exploitants dont les prix étaient éloignés des tarifs les plus élevés de s'aligner sur les tarifs pratiqués par les autres établissements (annexe 4, pièce A). Mme Jung (auto-école Bernard) précisait qu'il avait été décidé, compte tenu d'un écart de 350 F entre les différents établissements, d'aligner le forfait code sur le tarif le plus élevé de 950 F (annexe 16, pièce A). M. Schmidt (auto-école Thierry's) précisait que le problème des auto-écoles pratiquant des prix trop bas avait été évoqué, qu'il avait notamment été convenu que le prix satisfaisant de l'heure de conduite permis B devait se situer entre 120 et 130 F, puis monter progressivement à 140 F, et que le prix plancher du forfait code devait évoluer dans une fourchette comprise entre 930 et 960 F (annexe 6, pièce A). A la suite de ces réunions, des évolutions sensibles pouvaient être constatées sur les prix des différentes prestations.
L'heure de conduite permis B
Entre le 20 novembre 1988 et le 20 janvier 1989, les auto-écoles Mauduit, Michel, Nadine, Outre-Forêt, Thierry's, la SA Eschenlauer et la SARL Veltz, ayant participé à ces réunions et dont les tarifs de l'heure de conduite permis B étaient inférieurs à 120 F, augmentaient leurs prix pour atteindre ce seuil (annexe 2, pièces Cl et C 2).
Au mois de mars 1989, une deuxième série d'augmentations pouvait être constatée concernant, d'une part, l'un des établissements ayant déjà procédé à l'augmentation de décembre: l'auto-école Thierry's, d'autre part, sept entreprises dont les prix étaient déjà supérieurs à 120 F de l'heure et qui s'alignaient sur un tarif horaire permis B situé entre 125 et 127,50 F: les auto-écoles Bernard, Dell, Esch, Hemberger, Jund et les SARL Centre d'éducation routière Llerena et Patrick (annexe 2, pièces C 3). L'auto-école Thierry's indiquait avoir procédé aux augmentations précitées en raison des pressions exercées à son égard du fait de ses tarifs parmi les plus bas de la région.
L'heure de conduite moto:
En décembre 1988, sur les six établissements assurant l'enseignement du permis moto, trois procédaient à une augmentation de tarif horaire pour atteindre 120 F: l'auto-école Thierry's, la SA Eschenlauer et la SARL Patrick. L'auto-école Esch augmentait son prix pour atteindre 118 F (annexe 2, pièces Dl et D2).
Les frais de présentation aux épreuves théoriques et pratiques des permis A et B
Un premier train de hausse des tarifs de l'ordre de 10 à 50 F pour des prestations d'un montant variant entre 120 et 150 F pour les épreuves théoriques et de 130 à 200 F pour les épreuves pratiques, a pu être constaté à la suite de la réunion du 19 novembre 1988 de la part de neuf établissements : les auto-écoles Bernard, Jund, Mauduit, Saint-Christophe, Thierry's, la SA Eschenlauer et les SARL Centre d'éducation routière Llerena, ECF-Union et Patrick (annexe 2, pièces El et E2; annexe 2, pièces Fl et F2; annexe 2, pièces GI et G2; annexe 2, pièces H I et H 2). M. Schmidt (auto-école Thierry's) indiquait à cet égard avoir subi des pressions pour facturer la présentation à la conduite, auparavant gratuite dans son établissement (annexe 6, pièce A).
En mars 1989, deux établissements, ayant un niveau de prix supérieur aux précédents, procédaient à leur tour à une augmentation de leur tarif: les auto-écoles Esch et Hemberger.
Le forfait code:
Cinq établissements qui pratiquaient des prix nettement inférieurs au minimum proposé lors des réunions (930 F) ont ajusté leur tarif pour atteindre ou approcher ce seuil: les auto-écoles Bernard, Jund, Mauduit, Thierry's et la SARL Centre d'éducation routière Llerena. La SARL ECF-Union procédait à une augmentation de 700 à 750 F. Par ailleurs, à la suite de l'offre promotionnelle de l'auto-école Auto-moto d'un forfait code à 500 F, cinq établissements dont deux ayant très récemment augmenté leurs tarifs procédaient à une baisse de moitié de leurs prix pour afficher des forfaits code à 450 F: les auto-écoles Esch, Nadine, Thierry's et les SARL Centre d'éducation routière Llerena et Patrick (annexe 2, pièce 1-3). M. Brunagel (auto-école Bernard) déclarait à cet égard qu'à la seconde réunion, le problème de la baisse du forfait code entre 400 et 500 F à la suite de la promotion d'Auto-moto avait été abordé (annexe 18, pièce A). M. Eschenlauer (SA Eschenlauer) indiquait pour sa part que ne souhaitant pas "se dresser avec les autres contre Auto-moto sur ce problème ", il avait préféré quitter la réunion (annexe 9, pièce A).
Les frais d'inscription:
Entre le 1er décembre 1988 et le 1er [...] 1989, les frais d'inscription aux épreuves subissaient une augmentation importante de la part de neuf établissements: les auto-écoles Bernard, Esch, Mauduit, Michel, Saint-Christophe, Thierry's, la SA Eschenlauer et les SARL Centre d'éducation routière Llerena et ECF- Union, pour atteindre le seuil de 175 F.
SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECÉDENT, LE CONSEIL
En ce qui concerne la prescription
Considérant que les faits dont a été saisi le Conseil de la concurrence et dont l'origine remonte à novembre 1988 ont fait l'objet d'actes réguliers tendant à leur recherche, leur constatation et leur sanction au cours de l'enquête diligentée par les services de la direction régionale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Strasbourg jusqu'en novembre 1989 et que le Conseil en a été saisi par le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, par lettre, enregistrée le 27 novembre 1990; qu'en conséquence, ces faits ne sont pas couverts par la prescription prévue par les dispositions de l'article 27 de l'ordonnance susvisée et peuvent être valablement qualifiés au regard des dispositions de ladite ordonnance;
Sur la procédure:
En ce qui concerne les délais:
Considérant qu'il n'est pas démontré que le délai qui s'est écoulé entre les auditions effectuées au cours de l'enquête et la notification des griefs aurait porté atteinte aux droits de la défense; que pour les mêmes raisons, il ne peut être soutenu que les parties n'ont pu voir leur cause entendue dans un délai raisonnable au sens de la convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales; qu'en tout état de cause le moyen soulevé par la SARL Centre d'éducation routière Llerena est inopérant;
En ce qui concerne le principe du contradictoire:
Considérant que la SARL Centre d'éducation routière Llerena estime qu'en l'absence d'audition par les rapporteurs successifs, il ne saurait être articulé ni maintenu contre elle de griefs;
Considérant cependant qu'en l'absence d'obligation légale en la matière, la circonstance que les responsables de cette entreprise n'ont pas été entendus au cours de l'instruction est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors qu'en l'espèce, il est constant que les parties ont eu la faculté de répondre aux griefs notifiés en déposant des observations écrites après consultation de l'intégralité des pièces du dossier, auquel elles ont eu accès préalablement pendant un délai de deux mois conformément aux dispositions de l'article 21 de l'ordonnance précitée; qu'elles ont eu en outre, la possibilité de développer leurs observations oralement lors de la séance du Conseil ; qu'il s'ensuit que la procédure a été pleinement contradictoire et les droits de la défense entièrement respectés;
Sur les pratiques constatées:
Considérant que si le concours de volontés constitutif d'un comportement contraire aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance précitée ne peut se déduire de la seule participation à l'une des réunions incriminées, sont au contraire des indices suffisants et convergents de concertation de la part des entreprises, le fait d'avoir participé à l'une de ces réunions et celui d'avoir manifesté son adhésion à l'action collective en adoptant le prix convenu pour diverses prestations ;
Considérant par ailleurs que l'argument invoqué par la SARL Centre d'éducation routière Llerena et par M. Jund (auto-école Jund) selon lequel les réunions en question avaient pour unique objet la création d'une amicale entre les exploitants d'auto-école de la région est démenti par les divers témoignages des participants; que dès la première réunion l'harmonisation tarifaire a été évoquée et a été l'objet des réunions ultérieures ; qu'enfin aucune "amicale " n'a été créée à l'issue de ces réunions;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les exploitants et gérants d'auto-école suivantes ont participé ou ont été représentés à l'une des réunions au cours desquelles ont été soit discutées, soit adoptées des augmentations de prix Bernard, Dell, Esch, Hemberger, Jund, Mauduit, Michel, Nadine, Outre-Forêt, Saint-Christophe, Thierry's, la SA Eschenlauer et les SARL Centre d'éducation routière Llerena, ECF-Union, Patrick et Veltz; Considérant qu'il résulte des constatations effectuées au I de la présente décision que les entreprises Bernard, Dell, Esch, Hemberger, Jund, Mauduit, Michel, Nadine, Outre-Forêt, Thierry's, la SA Eschenlauer et les SARL Centre d'éducation routière Llerena, Patrick et Veltz ont adopté, entre le 20 novembre 1988 et le 20 janvier 1989, puis en mars 1989, des prix de l'heure de conduite auto compris dans la fourchette de 120 à 130 F préconisée au cours de ces réunions;
Considérant qu'il résulte des constatations effectuées au I de la présente décision que les entreprises Esch, Hemberger, Thierry's, la SA Eschenlauer et les SARL Centre d'éducation routière Llerena et Patrick ont adopté, en décembre 1988, des prix de l'heure de conduite moto compris dans la fourchette de 118 à 125 F, pour se rapprocher du tarif de 120 F de l'heure préconisé au cours de ces réunions;
Considérant qu'il résulte des constatations effectuées au I de la présente décision que les entreprises Bernard, Hemberger, Mauduit, Jund, ECF-Union, Saint-Christophe, Esch, Thierry's, la SA Eschenlauer et les SARL Centre d'éducation routière Llerena et Patrick ont procédé, à la suite de la réunion du 19 novembre 1988, à des augmentations de 10 à 25 p. 100 des frais de présentation aux épreuves théoriques et pratiques des permis A et B, conformément aux indications données lors de cette réunion;
Considérant que les entreprises Bernard, Jund, Mauduit, Thierry's et les SARL Centre d'éducation routière Llerena et ECF-Union ont ajusté, courant décembre 1988, leur tarif en matière de forfait code pour se rapprocher du seuil de 930 F défini lors des réunions;
Considérant qu'en agissant ainsi les entreprises Bernard, Esch, Hemberger, Jund, Mauduit, Nadine, Outre- Forêt, Saint Christophe, la SA Eschenlauer et les SARL Centre d'éducation routière Llerena, ECF-Union, Patrick et Veltz ont mis en œuvre des pratiques visées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et que, contrairement aux observations présentées par M. Jung (auto-école Bernard), le fait que les discussions tarifaires incriminées n'aient pas fait l'objet de prescriptions écrites impératives est sans influence sur la qualification de cette pratique, dès lors qu'elle pouvait avoir pour objet ou pour effet de restreindre le libre jeu de la concurrence entre les entreprises concernées;
Considérant que le fait pour les auto-écoles Esch, Nadine, Thierry's et les SARL Centre d'éducation routière Llerena et Patrick d'avoir ramené leur forfait code à 450 F à la suite de l'offre promotionnelle du 1er janvier 1989 de l'auto-école Auto-moto ne constitue pas en soi une pratique anticoncurrentielle; qu'il n'existe pas par ailleurs d'indices suffisants d'une concertation préalable à la fixation des nouveaux tarifs; qu'en conséquence le grief d'entente en vue de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence en favorisant artificiellement leur baisse ne peut être retenu;
Considérant que l'argument avancé par la SARL Centre d'éducation routière Llerena selon lequel l'obligation d'affichage extérieur des prix des prestations, en assurant la transparence tarifaire des auto-écoles, explique les ajustements très rapides des prix des différents établissements et celui des entreprises Hemberger, Mauduit, Outre-Forêt, Saint-Christophe et des SARL ECF-Union et Patrick, selon lequel les hausses en question sont intervenues dans le cadre normal et régulier de la fixation annuelle ou pluriannuelle des prix, ne peuvent être accueillis dès lors que leurs auteurs, soit ont reconnu s'être laissés influencer pour en fixer les dates d'effet, soit les ont effectivement pratiquées immédiatement après les rencontres incriminées ;
Sur les sanctions:
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986: "Le Conseil de la concurrence peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximal de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos ";
Considérant que la gravité des pratiques mises en œuvre par les entreprises Bernard, Dell, Esch, Hemberger, Jund, Mauduit, Michel, Nadine, Outre-Forêt, Saint-Christophe, Thierry's, la SA Eschenlauer et les SARL Centre d'éducation routière Llerena, ECF-Union, Patrick et Veltz s'apprécie par l'ampleur de la concertation collective, qui a associé les trois quarts des entreprises présentes sur le marché local ; que ces pratiques ont eu pour objet et pour effet de faire obstacle à la libre fixation des prix en favorisant des hausses artificielles préjudiciables au consommateur; qu'enfin le dommage à l'économie résultant de telles pratiques est d'autant plus important que les prestations offertes sont indispensables pour toutes les personnes, généralement jeunes, candidates au permis de conduire les véhicules automobiles
Considérant que l'auto-école Thierry's a cessé volontairement son activité depuis le 31 août 1990 ; qu'en conséquence les griefs retenus à son encontre ne peuvent plus donner lieu au prononcé de sanctions; Considérant que l'auto-école Michel a fusionné depuis le 31 décembre 1990 avec l'auto-école Veltz, qui en a repris les moyens matériels et humains et assuré la continuité économique; qu'en conséquence les griefs retenus à l'encontre de l'auto-école Michel seront assumés par l'auto-école Veltz;
Considérant en revanche, que l'auto-école Dell a été acquise en avril 1992 par l'auto-école Patrick qui en a repris les seuls moyens matériels ; qu'en conséquence les griefs retenus à l'encontre de l'auto-école Dell ne peuvent plus donner lieu au prononcé de sanctions;
Considérant que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'entreprise Bernard au cours de l'année 1992, dernier exercice clos disponible est de 298 300 F; qu'en fonction de l'ensemble des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 3 000 F; Considérant que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par la SARL ECF-Union au cours de l'année 1992, dernier exercice clos disponible est de 2 584 713 F; qu'en fonction de l'ensemble des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette société une sanction pécuniaire de 25 000 F;
Considérant que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'entreprise Esch au cours de l'année 1992, dernier exercice clos disponible est de 1 223 658 F; qu'en fonction de l'ensemble des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 12 000 F;
Considérant que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par la SA Eschenlauer au cours de l'année 1992, dernier exercice clos disponible est de 913 710 F; qu'en fonction de l'ensemble des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette société une sanction pécuniaire de 10 000 F;
Considérant que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'entre- prise Hemberger au cours de l'année 1992, dernier exercice clos disponible est de 274 196 F; qu'en fonction de l'ensemble des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 2 500 F;
Considérant que le responsable de l'auto-école Jund a été à l'initiative de ces réunions et a pris une part prépondérante dans la direction des débats et la définition des seuils tarifaires; que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'entreprise Jund au cours de l'année 1992, dernier exercice clos disponible est de 967 845 F; qu'en fonction de l'ensemble des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 30 000 F.
Considérant que la SARL Centre d'éducation routière Llerena prétend qu'est seul à prendre en compte le chiffre d'affaires au moment des faits de son secteur auto-école; Considérant cependant que d'une part, l'article 13 de l'ordonnance susvisée prévoit que le chiffre d'affaires à prendre en compte est celui du dernier exercice clos; que d'autre part, la SARL Centre d'éducation routière Llerena regroupe des activités d'auto-école, de formation continue et de transport qui mettent en œuvre des techniques et des matériels identiques, voisins ou complémentaires par des personnels de même qualification eu égard aux prestations spécifiquement fournies en l'espèce;
Considérant que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par la SARL Centre d'éducation routière Llerena au cours de l'année 1992, dernier exercice clos disponible est de 12 358 425 F; qu'en fonction de l'ensemble des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette société une sanction pécuniaire de 80 000 F;
Considérant que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'entreprise Mauduit au cours de l'année 1992, dernier exercice clos disponible est de 707 836 F; qu'en fonction de l'ensemble des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 7 000 F;
Considérant que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'entreprise Nadine au cours de l'année 1992, dernier exercice clos disponible est de 437 821 F; qu'en fonction de l'ensemble des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 4 500 F;
Considérant que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'entreprise Outre-Forêt au cours de l'année 1992, dernier exercice clos disponible est de 839 499 F; qu'en fonction de l'ensemble des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à l'entreprise Outre-Forêt une sanction pécuniaire de 8 500 F;
Considérant que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par la SARL Patrick au cours de l'année 1992, dernier exercice clos disponible est de 2 161 506 F; qu'en fonction de l'ensemble des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette société une sanction pécuniaire de 21 000 F;
Considérant que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par l'entreprise Saint-Christophe au cours de l'année 1992, dernier exercice clos disponible est de 358 949 F; qu'en fonction de l'ensemble des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 3 500 F;
Considérant que le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par la SARL Veltz au cours de l'année 1992, dernier exercice clos disponible est de 489 408 F; qu'en fonction de l'ensemble des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette société une sanction pécuniaire de 5 000 F,
Décide:
Article unique
Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes:
3 000 F à M. Jung Bernard (auto-école Bernard);
12 000 F à M. Esch Gilbert (auto-école Esch);
2 500 F à M. Hemberger (auto-école Hemberger);
30 000 F à M. Jund Jacques (auto-école Jund);
7 000 F à M. Mauduit Jean-Paul (auto-école Mauduit);
4 500 F à Mme Veltz Nadine (auto-école Nadine);
8 500 F à M. Aman Marc (auto-école Outre-Forêt);
3 500 F à M. Brunagel Bernard (auto-école Saint-Christophe);
80 000 F à la SARL Centre d'éducation routière Llerena;
25 000 F à la SARL ECF-Union auto-école;
5 000 F à la SARL Veltz auto-école;
21 000 F à la SARL Patrick auto-école;
10000 F à la SA Eschenlauer auto-école.