Conseil Conc., 5 avril 1994, n° 94-D-23
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques constatées dans le secteur de l'huile d'olive
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport de Mme Anne Lepetit par M. Jenny, vice-président, présidant la séance, MM. Blaise, Gicquel, Pichon, Sargos, Urbain, membres
Le Conseil de la concurrence (section II),
Vu la lettre enregistrée le 30 juillet 1991 sous le numéro F 427, par laquelle le ministre d'État, ministre de l'Économie des Finances et du Budget, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées dans le secteur de la fabrication de l'huile d'olive ; Vu le traité en date du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne modifié, et notamment son article 85 ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application; Vu le règlement n° 26-62 du Conseil de la Communauté européenne en date du 4 avril 1962 modifié, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce de produits agricoles; Vu le règlement n° 136-66 du Conseil de la Communauté européenne en date du 22 septembre 1966, modifié par le règlement n° 1562-78 du 29 juin 1978 portant établissement d'une organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses; Vu la décision n° 92-D-53 du Conseil de la concurrence en date du 30 septembre 1992; Vu les observations présentées par le Syndicat national des mouliniers, la Fédération des coopératives oléicoles et le commissaire du Gouvernement; Vu les autres pièces du dossier; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants du Syndicat national des mouliniers, du Syndicat des mouliniers fabricants d'huile d'olive Ardèche-Gard-Hérault et de la Fédération des coopératives oléicoles ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés,
I. - CONSTATATIONS
A. - Le secteur de l'huile d'olive
1. La production d'huile d'olive
La production française d'huile d'olive, en déclin depuis l'après- guerre, est devenue marginale : de l'ordre de 2 000 tonnes en moyenne annuelle, elle représente moins de 0,2 p. 100 de la production européenne et selon les années, entre 5 et 10 p. 100 de la consommation nationale; plus de 90 p. 100 de l'huile d'olive consommée en France proviennent des pays d'Afrique du Nord et des autres pays européens du bassin méditerranéen.
La culture de l'olivier est concentrée dans une douzaine de départements du Sud-Est, l'Ardèche et la Drôme constituant la limite Nord. Les oléiculteurs sont nombreux (environ 19 000 en 1989 sur 90 000 parcelles) et pour beaucoup d'entre eux, l'olivier constitue une culture d'appoint, leur activité principale étant la viticulture ou la production de fruits et légumes.
Environ 90 p. 100 de la récolte d'olives sont transformés en huile au moulin par procédé mécanique de "trituration" comprenant le lavage et le broyage des olives fraîches, le pressage de la pâte, le filtrage du jus de presse, la centrifugation et la décantation. Il faut triturer en moyenne cinq kilos d'olives pour obtenir un litre d'huile, mais les rendements peuvent différer sensiblement d'une récolte à l'autre, et d'une variété d'olive à l'autre. L'activité de trituration est saisonnière : elle dure deux mois d'hiver après la récolte des olives.
Les moulins à huile étaient un peu moins de 150 en France en 1990 dont :
- quatre-vingt-deux moulins privés (assurant 60 p. 100 de la production);
- une dizaine de moulins communaux;
- quarante-deux moulins organisés en coopératives oléicoles.
Les moulins français sont des entreprises de petite taille; situés à proximité des exploitations oléicoles (dans un rayon de 50 km au plus), ils ont des capacités de traitement limitées. Ils complètent le plus souvent l'activité de trituration qu'ils effectuent pour le compte des oléiculteurs moyennant paiement d'un " prix de trituration " par une activité de vente de produits régionaux: olives de table, huile d'olive, vins, miel, savons... Les entreprises visitées par les enquêteurs en 1989 réalisaient entre 100 000 F et 4,8 millions de francs de chiffre d'affaires. La rentabilité de l'activité de trituration varie fortement d'une campagne à l'autre (les quantités d'olives à traiter peuvent varier de 1 à 10 d'une récolte à l'autre) et diffère sensiblement, alors que les prix pratiqués présentent peu d'écarts et ont progressé régulièrement de 10 centimes par an en moyenne de 1988 à 1991 ; le prix moyen de trituration pratiqué lors de la campagne 1989-1990 était de l'ordre de 1,45 F par kilo d'olives et représentait donc un peu plus de 7 F par litre d'huile.
2. Les organisations professionnelles
a) L'organisation professionnelle des oléiculteurs
14 000 exploitants d'oliviers sont regroupés au sein de l'Union des groupements d'oléiculteurs producteurs d'huile d'olive (UGO) dont le siège social est à Aix-en-Provence à la Maison des agriculteurs.
b) Les organisations professionnelles des mouliniers
Les mouliniers privés et communaux sont tous adhérents du Syndicat national des mouliniers (SNM) dont le service administratif est à la Maison des agriculteurs à Aix-en-Provence. Ce syndicat a pour objet général la défense des intérêts de la profession de moulinier; il a aussi pour but, selon les termes mêmes des statuts, de "maintenir le niveau de la qualité et de normaliser dans la mesure du possible les conditions de vente"; avec 67 cotisants en 1992-1993, le SNM a collecté un montant global de 26 800 F (montant de la cotisation annuelle : 400 F), auquel s'ajoutent 2 000 F de cotisations dues au titre de l'exercice précédent.
Le syndicat des mouliniers fabricants d'huile d'olive Ardèche- Gard-Hérault, regroupe la dizaine de mouliniers de ces trois départements dont la production d'huile représente à peine 10 p. 100 de la production française. Il ne prélève plus de cotisations depuis l'exercice 1989-1990 (1 000 F collectés à l'époque, soit 100 F par adhérent).
c) La Fédération des coopératives oléicoles
Les quarante-sept huileries coopératives (52 en 1994) traitant les olives apportées par leurs adhérents sont regroupées au sein de la Fédération des coopératives oléicoles du midi de la France (FCO) dont le siège est à Aix-en-Provence à la Maison des agriculteurs. La fédération a pour objet général l'étude et la défense des intérêts oléicoles. Les recettes de la FCO pour l'exercice 1992-1993 se sont élevées à 48 908 F dont 21 500 F de cotisations syndicales (montant de la cotisation annuelle : 500 F par coopérative) et 3 150 F d'arriérés de cotisations.
L'Union syndicale interprofessionnelle oléicole (USIO) regroupe les oléiculteurs, les mouliniers et les coopératives; l'Union traite des problèmes généraux de l'oléiculture et a son siège à la Maison des agriculteurs à Aix-en-Provence.
3. Les interventions nationales et communautaires
Le secteur de l'huile d'olive fait l'objet d'une organisation commune de marché (OCM) en application du règlement n° 1562-78 du Conseil du 29 juin 1978. Le but de l'OCM est double : " maintenir le niveau de consommation de ce produit dans la communauté et assurer aux producteurs un revenu équitable pour la quantité d'huile d'olive effectivement produite ". Des aides budgétaires calculées par différence entre des niveaux de prix de l'huile (prix indicatif à la production, prix d'intervention, prix représentatif du marché) déterminés au plan communautaire sont versées:
- aux oléiculteurs, pour leur assurer un " revenu équitable " (aide à la production : elle s'élevait à 70,95 écus par quintal en 1989-1990, soit 5,42 F par litre);
- aux entreprises de conditionnement de l'huile, à la condition qu'elles la répercutent à la baisse dans les prix de revente (aide à la consommation).
L'État intervient régulièrement dans la filière oléicole par des aides budgétaires attribuées suivant un plan d'orientation général ou dans le cadre de contrats de plan passés avec les régions. La période 1988-1991 a fait l'objet d'un " plan de relance " qui a porté pour l'essentiel sur la création de vergers de haute productivité et sur l'amélioration de la qualité et du conditionnement des produits; un volet transformation a porté sur le traitement des effluents; les dotations budgétaires ont dépassé au total 12 millions de francs.
La Société interprofessionnelle des oléagineux, protéagineux et cultures textiles (SIDO), organisme d'intervention économique de caractère privé sous tutelle des pouvoirs publics dont le capital est détenu à parité par les producteurs et par les transformateurs, assure l'application des mesures nationales et des décisions communautaires et notamment constitue et met à jour le cadastre oléicole, agrée les moulins et les entreprises de conditionnement, assure le versement des aides communautaires et des crédits budgétaires.
4. La commercialisation de l'huile d'olive
La production française d'huile d'olive est en partie autoconsommée par les producteurs et distribuée auprès des restaurants et épiceries fines ou vendue sur place au moulin. Le prix moyen du litre d'huile vendu en vrac lors de la campagne 1990-1991 était de 44 F alors que le prix de vente moyen du litre dans la grande distribution (huile importée pour la presque totalité) à la même période était de 30,92 F (source INSEE). Les mouliniers ayant choisi un créneau de prix élevés sont très peu nombreux à solliciter l'aide communautaire à la consommation d'huile d'olive.
B.- Les pratiques relevées
1. L'intervention du Syndicat national des mouliniers (SNM)
A propos de l'assemblée générale du syndicat, M. Roger Michel, président du SNM, a déclaré le 4 octobre 1990: "En discussion générale ne regroupant que les mouliniers, nous fixons pour la campagne à venir les prix de trituration par région de production... Il n'est pas fait mention de ces prix dans les procès-verbaux du conseil d'administration". Il a communiqué, lors d'une audition le 18 décembre 1990, la liste des prix de trituration par département "envisagés" lors de l'assemblée générale du 6 novembre précédent et les prix correspondants des deux campagnes précédentes.
Le chef du service administratif des organisations oléicoles a communiqué à l'enquêteur copie des notes prises lors de l'assemblée générale du SNM tenue le 16 novembre 1988 où figure la liste par département des prix de trituration pour la campagne à venir.
M. Jean Soulas, vice-président du SNM et président du syndicat local Ardèche-Gard-Hérault, a déclaré le 27 novembre 1990 : "J'ai assisté à la réunion du SNM qui s'est tenue le 6 novembre 1990. A cette occasion, le prix de trituration retenu pour le Gard a été de 1,50 F TTC le kilo d'olives. Concernant les autres départements, je crois que les prix de trituration de la campagne précédente ont été majorés en moyenne de dix centimes."
Huit autres mouliniers adhérents interrogés ont confirmé que les prix de trituration étaient bien établis à l'occasion de l'assemblée générale annuelle du syndicat. Tous ont précisé que les prix étaient indicatifs, chaque moulinier restant libre de pratiquer le prix qu'il souhaite; quelques mouliniers ont déclaré appliquer strictement le tarif syndical ou bien s'en inspirer. L'enquête a permis d'établir qu'un adhérent sur trois, le plus souvent exploitant un moulin important, appliquait le tarif retenu pour son département; les prix pratiqués dans les autres moulins sont inférieurs.
2. L'intervention de la Fédération des coopératives oléicoles (FCO)
L'assemblée générale de la FCO se tient le même jour et au même endroit que celle du SNM à la Maison des agriculteurs d'Aix-en-Provence; l'après-midi du même jour, l'assemblée générale de l'Union syndicale interprofessionnelle oléicole (USIO) réunit les mouliniers, les présidents de coopératives et les représentants des oléiculteurs.
M. Denis Floret, président de la FCO depuis 1987, a déclaré le 12 octobre 1990:
" Nous discutons des prix de la trituration au sein de l'USIO une fois par an avant la campagne oléicole. Nous fixons une fourchette de prix indicative... Ces prix sont communiqués verbalement aux adhérents présents à l'assemblée générale."
M. Floret est revenu sur cette déclaration trois mois plus tard.
Deux dirigeants de coopératives ont fait état de la participation de leur organisme professionnel à l'élaboration de prix conseillés et un adhérent du SNM a signalé la participation de la FCO aux réunions de fixation de prix.
Les coopératives s'alignent rarement sur le prix conseillé pour leur département et appliquent le plus souvent un prix inférieur arrêté par le conseil d'administration en cours de campagne en considération des quantités collectées, des coûts, de la concurrence et aussi, selon les termes employés par un adhérent, en fonction des " directives syndicales ".
3. L'intervention du syndicat des mouliniers fabricants d'huile d'olive Ardèche-Gard-Hérault
L'assemblée générale annuelle de ce syndicat se tient dans les jours qui suivent celle du SNM; le procès-verbal de chaque assemblée générale mentionne le prix de trituration conseillé pour les trois départements ainsi que le prix au kilo des olives et le prix au litre de l'huile en vrac et en bidon. Lors de l'assemblée générale du 10 novembre 1987, le président du syndicat " propose de réunir ... une délégation de mouliniers et les présidents des coopératives oléicoles du Languedoc-Roussillon pour essayer de leur faire comprendre la nécessité d'avoir des prix de fabrication identiques face au marché un peu morose ".
Deux mouliniers ont remis une affiche où sont portés les prix de trituration retenus pour la campagne 1989-1990; tous les mouliniers appliquaient les prix conseillés.
C.- La consultation des services de la Commission des Communautés européennes
La Commission des Communautés européennes a été consultée sur l'applicabilité aux pratiques ci-dessus décrites des dispositions du paragraphe 1 de l'article 2 du règlement n° 26-62 du Conseil des communautés européennes. Aux termes de ces dispositions : " L'article 85, paragraphe 1 du traité, est inapplicable aux accords, décisions et pratiques visés à l'article précédent qui font partie intégrante d'une organisation nationale de marché ou qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 39 du traité. Il ne s'applique pas en particulier aux accords, décisions et pratiques d'exploitants agricoles, d'associations d'exploitants agricoles ou d'associations de ces associations ressortissant à un seul État membre, dans la mesure où, sans comporter l'obligation de pratiquer un prix déterminé, ils concernent la production ou la vente de produits agricoles ou l'utilisation d'installations communes de stockage, de traitement ou de transformation de produits agricoles, à moins que la Commission ne constate qu'ainsi la concurrence est exclue ou que les objectifs de l'article 39 du traité sont mis en péril. "
Le directeur général de la concurrence de la Commission des communautés européennes a fait savoir aux autorités françaises par lettre en date du 1er juin 1993 :
" Ces pratiques de concertation... ne font pas partie intégrante d'une organisation nationale de marché étant donné qu'il existe une organisation commune de marché dans le secteur de l'huile d'olive... "
" Les pratiques visées ..., se situent hors du contexte des objectifs de la politique agricole commune dans le secteur de l'huile d'olive ..., et plus encore elles poursuivent des buts étrangers aux objectifs de la PAC dans le secteur de l'huile d'olive. "
Les adhérents des organisations (les syndicats de mouliniers) ayant participé à cette entente " ne sont pas à considérer comme des exploitants agricoles ". En outre, l'exception prévue à la dernière phrase de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 26 " exclut expressément les accords ou pratiques de fixation de prix ".
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL
Sur le droit applicable:
Considérant que le Syndicat national des mouliniers soutient que les dispositions du 1 de l'article 85 du Traité de Rome seraient inapplicables aux pratiques décrites au I de la présente décision; qu'en effet ces pratiques bénéficieraient de l'exemption prévue au paragraphe 1 de l'article 2 du règlement n° 26-62 du Conseil des communautés européennes; que le SNM en déduit que ces pratiques ne peuvent pas être qualifiées au regard des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence communautaire (arrêt Walt Wilhelm de la Cour de justice des communautés européennes en date du 13 février 1969) que les autorités nationales peuvent appliquer le droit interne sous réserve de ne pas porter préjudice à l'application pleine et uniforme du droit communautaire et à l'effet des actes d'exécution de celui-ci; que, suivant cette jurisprudence, le Conseil de la concurrence devrait renoncer à faire application des dispositions du droit français relatives aux pratiques anticoncurrentielles dans le cas où les pratiques en cause seraient exemptées de l'interdiction énoncée à l'article 85, paragraphe 1, du Traité de Rome en application d'un règlement communautaire tel que le règlement n° 26-62;
Mais considérant qu'à supposer que les pratiques du SNM relevées au I de la présente décision aient affecté de façon sensible le commerce entre États membres, ce qui n'est pas établi en l'espèce, elles n'auraient pu bénéficier de l'exemption prévue au paragraphe 1 de l'article 2 du règlement susmentionné; qu'en premier lieu, en effet, ces pratiques ne relèvent pas d'une organisation nationale de marché, laquelle a pris fin avec l'établissement de l'organisation commune de marché de l'huile d'olive; qu'en deuxième lieu elles ne sont pas nécessaires à la réalisation des objectifs de la politique agricole commune qui ont été déterminés par le règlement communautaire établissant l'organisation commune de marché; qu'en troisième lieu elles portent sur des fixations de prix et comme telles sont exclues de l'exception prévue au paragraphe 1 de l'article 2 du règlement n° 26-62; que dès lors ces pratiques peuvent être examinées au regard des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Sur la prescription:
Considérant qu'aux termes de l'article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée: " Le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction "; qu'en l'espèce, la prescription a été interrompue par l'audition du
président du Syndicat national des mouliniers recueillie par procès-verbal du 4 octobre 1990; qu'il en résulte que peuvent seuls être qualifiés par le Conseil les faits intervenus au cours de la période s'écoulant à compter du 4 octobre 1987;
Sur les pratiques des organisations professionnelles:
En ce qui concerne le Syndicat national des mouliniers:
Considérant que la définition de prix de trituration indicatifs par région de production lors des assemblées générales du Syndicat national des mouliniers était de nature à inciter les adhérents de ce syndicat à déterminer leurs propres prix de trituration en considération de celui suggéré par ce syndicat plutôt qu'en tenant compte des critères financiers ou commerciaux propres à leurs entreprises; que la circonstance que le Syndicat national des mouliniers n'aurait pas eu l'intention d'entraver la concurrence ou le fait que seul un tiers des adhérents du syndicat ont effectivement appliqué le prix indicatif établi par le syndicat sont sans portée sur la qualification des faits dès lors qu'il est établi qu'ils pouvaient avoir pour effet de restreindre la concurrence entre les mouliniers; qu'ainsi les pratiques du Syndicat national des mouliniers décrites au I de la présente décision sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
En ce qui concerne le Syndicat des mouliniers fabricants d'huile d'olive Ardèche-Gard-Hérault:
Considérant qu'il résulte des comptes rendus des assemblées générales de ce syndicat pour les années 1987 et 1988, qu'ont été formulées des recommandations concernant les prix de trituration pour les trois départements ainsi que les prix au kilo des olives et de l'huile d'olive en vrac et en bidon; qu'il est établi que ces recommandations ont été respectées; qu'ainsi les pratiques du Syndicat des mouliniers fabricants d'huile d'olive Ardèche-Gard-Hérault décrites au I de la présente décision ont eu pour effet de restreindre la concurrence et sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
En ce qui concerne la Fédération des coopératives oléicoles (FCO):
Considérant que le président de la Fédération des coopératives oléicoles ainsi que deux dirigeants de coopérative ont reconnu que la FCO avait participé à la définition de prix indicatifs de trituration et que ces prix avaient été communiqués aux adhérents de la FCO; que la circonstance que les coopératives n'ont pas suivi les prix recommandés et pratiquaient le plus souvent des prix inférieurs est sans portée sur la qualification des faits dès lors qu'ils pouvaient avoir pour effet de restreindre la concurrence entre les coopératives; qu'ainsi les pratiques de la Fédération des coopératives oléicoles sont prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Sur la contribution au progrès économique:
Considérant que le Syndicat national des mouliniers soutient que les pratiques de concertation sur les prix de trituration pourraient répondre aux conditions posées par le 2 de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en ce qu'elles seraient justifiées par la nécessité d'assurer l'entretien et le renouvellement du matériel technique et de maintenir l'activité des moulins et, partant, des oléiculteurs sur des terroirs de qualité spécifique, les utilisateurs y trouvant un intérêt économique et de progrès;
Mais considérant, qu'à supposer que le maintien de l'activité des moulins existants puisse être considéré comme un progrès économique au sens du 2 de l'article 10 susmentionné, aucun élément figurant au dossier n' indique que les prix de trituration élaborés dans le cadre syndical aient été calculés à un niveau juste suffisant pour assurer le financement des matériels et le maintien de l'activité des moulins au demeurant dans des situations très dissemblables quant à l'état de leur équipement et leur rentabilité financière; qu'il n'est, par ailleurs, nullement établi que le maintien de l'activité des moulins ne pouvait être assuré par un autre moyen que celui d'une fixation de prix indicatifs; que d'ailleurs l'organisation commune du marché de l'huile d'olive ainsi que les plans pluriannuels oléicoles et les contrats de plan État-régions répondent aux objectifs de progrès allégués; qu'il n'est donc pas établi que la concertation des professionnels sur les prix de trituration des olives ait contribué au progrès économique ou à la satisfaction dus consommateurs; que le Syndicat national des mouliniers ne peut dans ces conditions se prévaloir des dispositions du 2 de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Sur les injonctions:
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986: " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières ";
Considérant qu'il convient de prévenir, par voie d'injonction, le retour à de telles pratiques,
Décide :
Article 1er - Il est enjoint au Syndicat national des mouliniers producteurs d'huile d'olive et à la Fédération des coopératives oléicoles de s'abstenir d'élaborer et de diffuser des prix de trituration des olives.
Article 2 - Il est enjoint au Syndicat des mouliniers fabricants d'huile d'olive Ardèche-Gard-Hérault de s'abstenir d'élaborer et de diffuser des prix de trituration des olives, ainsi que les prix de vente des olives et de l'huile d'olive.
Article 3 - Dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, le Syndicat national des mouliniers, la Fédération des coopératives oléicoles et le Syndicat des mouliniers fabricants d'huile d'olive Ardèche-Gard-Hérault adresseront copie de cette décision à leurs adhérents.