Conseil Conc., 7 avril 1992, n° 92-D-27
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la saisine présentée par M. Reberga, pharmacien à Mazamet (Tarn)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré en section, sur le rapport de M. Claude Duboz, dans sa séance du 7 avril 1992 où siégeaient M. Pineau, vice-président, présidant la séance ; MM. Blaise, Cortesse, Gaillard, Sargos, membres.
Le Conseil de la concurrence,
Vu la lettre enregistrée le 8 août 1990 sous le n° F332, par laquelle M. Reberga, pharmacien à Mazamet, a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le syndicat des pharmaciens du Tarn, consistant dans l'organisation d'un tour mensuel de livraison de médicaments à certains pensionnaires de la maison de retraite publique de Mazamet et qu'il estime anticoncurrentielles ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application; Vu le code de la santé publique ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement entendus, M. Reberga ayant été régulièrement convoqué; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
La saisine de M. Reberga, pharmacien d'officine, concerne le marché des produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques dans l'agglomération de Mazamet, qui, pour 22 000 habitants, comporte dix-huit officines de pharmacie.
A la date de la saisine, la maison de retraite publique du centre hospitalier de Mazamet hébergeait près de 100 personnes âgées dont une trentaine de pensionnaires qui, bien que ne relevant pas de la section dite " de cure médicale ", ne pouvaient ou ne voulaient pas effectuer eux-mêmes leurs achats de produits pharmaceutiques ou parapharmaceutiques.
Pour assurer ces achats, dont le montant moyen global était de l'ordre de 25 000 F par mois, la direction de la maison de retraite a recouru aux familles de personnes hébergées, ou à ceux des pensionnaires qui pouvaient sortir de l'établissement, voire à des commissionnaires.
Devant les lacunes de ces diverses formules, une autre organisation a été mise en place utilisant les services des officines et consistant dans un tour de livraison par les pharmaciens de Mazamet : l'entrée dans ce tour mensuel a été offerte à toutes les pharmacies de l'agglomération et reste ouverte à toute officine qui en fait la demande. M. Reberga qui après avoir participé à ce système à sa création en mars 1987 s'en est retiré en décembre 1989 en invoquant une atteinte aux règles déontologiques, le dénonce comme réalisant un "partage de clientèle par exclusivité d'achat dans le temps" ; il demande en conséquence le prononcé de sanctions à l'encontre du syndicat des pharmaciens du Tarn pour avoir contrevenu aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relatives à la répartition des marchés, en prêtant son concours à l'organisation de ce système de livraison.
L'enquête administrative indique que " le système (du tour de livraison) paraît donc avoir pour origine une demande émanant de la maison de retraite, planifiée et appliquée par la fédération des syndicats pharmaceutiques de France ". Le syndicat des pharmaciens du Tarn auquel adhérait à l'époque des faits la quasi-totalité des pharmaciens de l'agglomération est en effet membre de cette fédération. L'enquête et l'instruction ont permis de vérifier, d'une part, que la volonté des dirigeants de la maison de retraite était de pouvoir assurer quotidiennement l'approvisionnement en produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques des pensionnaires concernés sans risquer d'encourir le reproche de compérage, d'autre part, que le système du tour ne concernait que des pensionnaires renonçant à exercer leur liberté de choix d'une officine et que le regroupement des ordonnances était effectué à titre gratuit par la surveillante de la maison de retraite.
II - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT,
LE CONSEIL
Considérant que le Conseil de la concurrence n'est pas compétent pour connaître de l'application des dispositions des articles L. 589 et R. 5015-26 du Code de la santé publique relatifs à l'interdiction pour les pharmaciens de solliciter des commandes auprès du public par des procédés et moyens contraires à la dignité de la profession, ainsi que des dispositions de l'article R. 5015-30 dudit code énonçant le principe du libre choix du pharmacien par les malades;
Considérant que la fourniture de produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques à certains pensionnaires de la maison de retraite publique ne constitue pas un marché distinct du marché des médicaments dans la zone d'agglomération de Mazamet ; qu'il est constant que les pensionnaires de l'établissement conservent leur liberté de choix ; qu'ainsi le marché n'est pas affecté par le système mis en place ;
Considérant au surplus qu'il ressort des éléments de fait consignés dans la première partie de la présente décision, et notamment des constatations effectuées lors de l'enquête administrative, que le recours à un tour de livraison a correspondu à une initiative de la direction de la maison de retraite ; que l'organisation du tour mensuel repose sur son accord et fonctionne grâce au soutien permanent et bénévole du personnel de l'établissement ; que la maison de retraite, qui a agi dans le souci d'assurer les besoins des personnes hébergées, conserve la possibilité à tout moment de s'adresser à d'autres pharmacies et de changer de mode d'approvisionnement ;
Considérant enfin que l'organisation du tour mensuel de livraison ouvert à tous les pharmaciens exerçant dans l'agglomération de Mazamet a d'abord inclus l'officine de M. Reberga qui a renoncé de son propre chef à faire partie de ce système ; qu'il n'est pas établi que ledit système comporte des pratiques d'exclusion ou de sanction ;
Considérant en conséquence que les pratiques n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,
Décide :
Article unique
Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.