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Décisions

Conseil Conc., 29 janvier 1997, n° 97-D-05

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Saisine et demande de mesures consevatoires présentées par Mme Alize

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de Mme Nathalie Massias, par M. Barbeau, président, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 97-D-05

29 janvier 1997

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 4 novembre 1996, sous les numéros F 913 et M 189, par laquelle Mme Alize a saisi le Conseil de la concurrence d'une décision de la commission permanente du Conseil général de la Réunion en date du 8 novembre 1995 et a sollicité le prononcé de mesures conservatoires; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application; Vu les observations présentées par le département de la Réunion et par le commissaire du Gouvernement; Vu les autres pièces du dossier; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement entendus, Mme Alize et le président du Conseil général de la Réunion ayant été régulièrement convoqués;

Considérant que, par décision en date du 8 novembre 1995, la commission permanente du Conseil général de la Réunion a décidé d'accorder une aide à l'exportation d'ananas Victoria, s'élevant à 1,50 F par kilogramme d'ananas exporté et plafonnée à 200 tonnes par exploitant ou groupement, et de confier la gestion des dossiers de demandes d'aides à la société d'intérêt collectif agricole (SICA) Victoria, créée le 13 février 1995 et dont l'objet est " la mise en marché sur le territoire métropolitain et plus généralement dans tous les pays, des fruits, fleurs, plantes d'ornement de la Réunion et tous autres produits transformés ou non d'origine agricole et de faire en général toutes opérations se rapportant directement ou indirectement à cet objet " ; qu'à la suite de cette décision, une convention a été conclue le 28 décembre 1995 entre le département de la Réunion et la SICA Victoria qui stipule que : " Tout producteur ou groupement de producteurs d'ananas Victoria peut postuler l'aide s'il livre à la SICA Victoria " ;

Considérant que Mme Alize, qui exploite la ferme Alize à Saint-Pierre de la Réunion et faisait partie, à l'époque des faits, des apporteurs de capital et administrateurs de la SICA Victoria, a exporté vers la métropole 392 856 kilos d'ananas Victoria, entre les mois de novembre 1995 et mars 1996, sans les livrer à la SICA Victoria; que, malgré sa demande, elle n'a pas obtenu du département de la Réunion le versement de la somme de 547 441 F, correspondant au montant de l'aide qu'elle estimait lui être due ;

Considérant que Mme Alize soutient que la décision de la commission permanente du Conseil général de la Réunion en date du 8 novembre 1995 est prohibée par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en ce que le versement de l'aide accordée par le département aux producteurs d'ananas Victoria est subordonné à l'adhésion à la SICA Victoria, ce qui crée une distorsion de concurrence entre producteurs, ceux exportant directement se trouvant privés de l'aide et contraints de pratiquer des prix plus élevés ; qu'elle sollicite en outre le prononcé de mesures conservatoires, en faisant valoir l'urgence et l'atteinte grave et immédiate que cette décision porte à "l'économie du marché de l'ananas" et demande que l'aide soit versée à tous les exportateurs d'ananas Victoria ;

Mais considérant que l'application des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 est subordonnée à la constatation de comportements qui apparaissent susceptibles d'entrer dans le champ d'application des articles 7 ou 8 de cette même ordonnance, auxquels il faudrait mettre fin sans délai pour faire cesser un trouble grave et immédiat, et que, en vertu de l'article 19 de la même ordonnance, le Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable s'il estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence ou ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants; qu'aux termes de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 : "Les règles définies à la présente ordonnance s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public" ;

Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée: " "La commission permanente" est composée du président, de quatre à dix vice-présidents et éventuellement d'un ou plusieurs membres. Le Conseil général peut déléguer l'exercice d'une partie de ses attributions à la "commission permanente", à l'exception de celles visées aux articles 50, 51 et 52 de la présente loi... "; qu'aux termes de l'article 48 de la même loi : " ... Sous réserve du respect de la liberté du commerce et de l'industrie, du principe de l'égalité des citoyens devant la loi ainsi que des règles de l'aménagement du territoire définies par la loi approuvant le plan, le département peut intervenir en matière économique et sociale dans les conditions prévues au présent article... " ; qu'en prenant la décision contestée, la commission permanente du Conseil général de la Réunion ne s'est pas livrée à une activité de production, de distribution ou de services mais a établi une aide à l'exportation des ananas Victoria et fixé les modalités d'obtention de cette aide; que, en conséquence, il n'appartient pas au Conseil de la concurrence de se prononcer sur la décision de la commission permanente du Conseil général de la Réunion, en date du 8 novembre 1995, qui relève de la seule juridiction administrative;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la saisine au fond n'est pas recevable et que, par voie de conséquence, la demande de mesures conservatoires ne peut qu'être rejetée,

Décide :

Article 1er - La saisine enregistrée sous le numéro F 913 est déclarée irrecevable.

Article 2 - La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro M 189 est rejetée