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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. corr., 26 septembre 1990, n° 1181-90

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Ministère Public, Cancava

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pinsseau

Conseillers :

MM. Guglielmi, Moitié

Avocats :

Mes Marcou, Coste

CA Montpellier n° 1181-90

26 septembre 1990

La COUR,

Suivant jugement contradictoire en date du 27 Juin 1989, le Tribunal de Police de Narbonne a déclaré D Michel coupable de la contravention de défaut de payement de cotisations d'assurance vieillesse et d'invalidité-décès pour le 2e semestre de l'année 1988, l'a condamné à la peine de 800 F d'amende, a déclaré recevable la constitution de partie civile de la Cancava, condamné de ce fait le prévenu à lui verser les sommes requises à la citation au titre des cotisations impayées et des majorations de retard, ordonné enfin la publication de la décision en extrait dans le quotidien Midi-Libre édition de Narbonne ainsi que son affichage sous la même forme dans le hall d'entrée de la caisse locale d'assurance vieillesse, le tout aux frais du prévenu sans que ceux-ci outre passent 1 % du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du Code de la Sécurité Sociale ;

Suivant déclaration en date du 3 Juillet 1989, Me Saumade, Avocat, agissant au nom du prévenu a formé appel principal contre cette décision ; le même jour, le Ministère Public a relevé appel incident ;

Le prévenu n'a pas comparu mais était représenté par Maître Marcou, son Conseil,

La Cancava était représentée par Maître Coste, Avocat, son Conseil ;

Ouï les conseils des parties en leurs explications et conclusions, le Ministère Public en ses réquisitions ;

Vu les pièces de la procédure,

Attendu que Me Marcou, au nom de l'appelant, dépose des conclusions tendant à ce qu'il plaise à la Cour saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes en interprétation préjudicielle en suite de la plainte déposée le 5 décembre 1989 par le Comité de Défense des Commerçants et Artisans (CDCA) auprès du Président des Communautés Européennes à l'encontre de plusieurs organismes poursuivants parmi lesquels la Cancava ; qu'il prie la Cour de condamner cette dernière aux dépens ; qu'il fait valoir au soutien de cette demande que cette plainte constitue une question préjudicielle qui fait obligation à la Cour de surseoir à statuer sur le fond de la demande, dès lors qu'aux termes de l'article 177 du Traité de la Communauté Européenne Économique, elle statue en dernier ressort dans son ordre juridictionnel interne et qu'elle s'en trouve dispensée si la question posée a déjà été évoquée par la juridiction européenne et si la juridiction nationale a fait une exacte application de la décision rendue ;

Attendu que le Conseil de la Cancava s'oppose à la demande de sursis de l'appelant, fait valoir que les décisions de la juridiction d'appel sont susceptibles de recours en sorte qu'il ne lui appartient pas de saisir la Cour de Justice des Communautés européennes et qu'il n'y a pas lieu à application en l'espèce des dispositions de l'article 177 du Traité de la CEE ; qu'il concluait à la confirmation du jugement déféré ;

Attendu que Monsieur le Procureur Général s'en remet à la justice quant à l'application de l'article 177 du Traité de la CEE ;

Attendu que les appels, réguliers en la forme, doivent être déclarés recevables ;

Attendu qu'aux termes de l'article 177 du Traité de la CEE, les juridictions dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, sont tenues de saisir la Cour de Justice lorsqu'est soulevée devant elles une question d'interprétation ou de validité du droit communautaire ;

Attendu qu'aux termes de l'article 567 du Code de Procédure Pénale, les décisions des Cours d'appel rendues en dernier ressort sont susceptibles d'être annulées en cas de violation de la loi sur pourvoi en cassation ; qu'un tel recours prévu par la loi interne est l'un de ceux que vise l'article 177 du Traité de la CEE.

Attendu qu'à raison de la nature des décisions qu'elle rend ainsi sous le contrôle de la Cour de cassation, la Cour d'appel considère qu'elle n'est pas tenue de saisir la Cour de Justice de la question préjudicielle qui reste pour elle une simple faculté ;

Attendu que les organismes de sécurité sociale chargés du fonctionnement et de la gestion du régime des professions artisanales se sont vu conférer par le législateur, eu égard au but d'intérêt général et au régime exorbitant du droit commun auquel ils sont soumis, une mission de service public et un statut particulier qui ne sauraient en rien les assimiler à des entreprises soumises à la loi du marché et au principe de libre concurrence ; qu'en conséquence, les articles 85 et 86 du Traité de la CEE ne sauraient être applicables à de tels organismes et qu'il n'y a pas lieu dans ces conditions de saisir la Cour de Justice des Communautés ;

Attendu que l'appelant ne développe aucun autre moyen au soutien de son appel ; que le jugement critiqué est dûment motivé, que les dispositions n'en sont pas contraires à l'ordre public ; qu'il échet de le confirmer tant au plan pénal qu'au plan civil en émendant toutefois la mesure d'affichage prescrite par le premier Juge et qui, eu égard aux circonstances particulières de la cause, n'apparaît pas nécessaire ;

Attendu que l'appelant qui succombe en son recours, sera condamné aux dépens de l'appel ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière de Police, En la forme, Dit les appels recevables ; Au fond, Dit n'y avoir lieu à saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes en interprétation préjudicielle ; Confirme le jugement déféré en ses dispositions pénales et civiles. Emendant toutefois, dit n'y avoir lieu à mesure d'affichage prévue dans les locaux de la Caisse d'assurance- vieillesse ; Condamne D Michel aux dépens d'appel ; Le tout par application des textes visés au jugement et des articles 512 et suivants du code de procédure pénale.