Conseil Conc., 7 novembre 2000, n° 00-MC-17
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Demande de mesures conservatoires présentée par la société Wappup.com
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport oral de M. Bourhis, par M. Jenny, vice-président, présidant la séance, Mme Pasturel, M. Cortesse, vice-présidents.
Le Conseil de la concurrence (Commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 17 mai 2000 sous les numéros F 1236 et M 270, par laquelle la société Wappup.com a saisi le Conseil de la concurrence de certaines pratiques de la société France Télécom et de ses filiales spécialisées dans la téléphonie mobile qu'elle estime anticoncurrentielles et a sollicité le prononcé de mesures conservatoires ; Vu la lettre enregistrée le 6 juin 2000 par laquelle la société Wappup.com a déclaré suspendre sa demande de mesures conservatoires ; Vu le mémoire complémentaire à la saisine enregistré le 27 juillet 2000 par lequel la société Wappup.com a déclaré étendre le champ de sa saisine à l'encontre de la Société française du radiotéléphone (SFR) et demandé le prononcé de mesures conservatoires à l'encontre de France Télécom ainsi que de ses filiales et de la société SFR ; Vu le livre IV du Code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu les observations présentées par les sociétés France Télécom Mobiles SA et SFR ; Vu l'avis n° 00-948 adopté par l'Autorité de régulation des télécommunications, le 15 septembre 2000, à la demande du conseil, sur le fondement des dispositions de l'article L. 36-10 du Code des postes et télécommunications ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Wappup.com, France Télécom Mobiles et SFR entendus lors des séances des 4 et 6 octobre 2000 ; Les représentants des sociétés Motorola et Nokia entendus conformément à l'article L. 463-7 du Code de commerce ;
I. - Sur la saisine au fond
Considérant que la société Wappup.com a saisi le Conseil de la concurrence, par lettres des 17 mai et 27 juillet 2000, des pratiques mises en œuvre par les sociétés France Télécom et SFR dans le cadre du développement de la technologie WAP ; qu'elle soutient que les conditions de développement de cette nouvelle technologie par ces deux opérateurs seraient contraires aux dispositions du titre II du livre IV du Code de commerce ;
Considérant que la société Wappup.com soutient que France Télécom et SFR, en distribuant des terminaux téléphoniques verrouillés sur leur passerelle et leur portail respectifs, i-Itinéris pour France Télécom et Vizzavi pour SFR, limitent le jeu de la concurrence sur les marchés de la fourniture d'accès à Internet mobile et de l'édition de contenus sur Internet mobile ; que, par ailleurs, les opérateurs de téléphonie mobile offrant des services WAP ("Wireless Application Protocol ") ont, avec l'accord de certains constructeurs, volontairement inhibé la fonction " Over The Air Provisioning " (OTAP) permettant le téléchargement à distance des paramètres des passerelles (" gateway ") sur les navigateurs (" browsers ") installés sur leurs terminaux au lieu de paramétrage manuel plus fastidieux ; que cette pratique est constitutive d'une entente anticoncurrentielle entre les opérateurs et les constructeurs de terminaux concernés ; qu'en outre, France Télécom Mobiles et SFR abusent de la situation de dépendance dans laquelle se trouveraient les constructeurs de terminaux à leur égard ; que France Télécom Mobiles abuse de la position dominante qu'elle détiendrait sur le marché de la téléphonie mobile ; que les sociétés France Télécom Mobiles et SFR abusent de la position dominante qu'elles détiennent collectivement sur le même marché ;
Considérant que la technologie WAP est le résultat de travaux du Wap Forum, lequel est un "consortium", comparable au World Wide Web Consortium (W3C), créé en 1997 à l'initiative des sociétés Ericsson, Motorola, Nokia et Unwired Planet (devenue Phone.com) qui regroupe les principaux acteurs industriels du secteur et opérateurs de télécommunications ; que le WAP, qui est présenté comme un protocole "universel" visant à permettre à des utilisateurs de terminaux mobiles comme les téléphones portables ou les assistants personnels d'accéder à des documents circulant par des réseaux sans fil, définit la manière dont les utilisateurs de mobiles accèdent à des services Internet et la manière dont doivent être structurés les documents selon un langage dérivant du HTML et du XML et dénommé Wireless Markup Language (WML) ; qu'au stade actuel de son développement, le WAP, qui s'appuie sur la technologie GSM, ne permet une transmission de données qu'à une vitesse de 9,6 Kbits/seconde, alors que la deuxième génération, basée sur la technologie GPRS, prévue à la fin de l'année 2000 et au début de l'année 2001, devrait permettre des transmissions de données à une vitesse d'environ 144 Kbits/secondes ; qu'enfin, la troisième génération, prévue à l'horizon 2003, basée sur la technologie UMTS, devrait permettre la transmission de données à une vitesse de l'ordre de 2000 Kbits/seconde ;
Considérant que la relation entre le détenteur d'un terminal, abonné au service Wap d'un opérateur de téléphonie mobile, et le site Internet sélectionné est établie actuellement par l'intermédiaire du réseau mobile GSM de l'opérateur concerné puis de la boucle locale à laquelle sont connectées les plates-formes des fournisseurs d'accès à l'Internet mobile constituées de batteries de modems ("Remote Access Server" - RAS ) et d'un serveur ; que le lien entre la plate- forme d'accès à Internet et les opérateurs IP est assuré par des liaisons spécialisées identiques à l'Internet fixe ; que l'Internet mobile GSM requiert toutefois l'utilisation d'une passerelle ("Gateway") afin de traduire les requêtes Wireless Transfert Protocol (WTP) en requêtes Hyper Text Transfert Protocol (HTTP) ; que la page d'accueil du fournisseur d'accès, qui se trouve liée à la passerelle, permet ensuite à l'utilisateur d'accéder à un portail et à des services ; que, s'agissant de transfert de données, l'utilisation de passerelles ne serait toutefois plus indispensable avec l'avènement du GPRS ;
Considérant que, selon les constructeurs et selon les modèles, une seule ou plusieurs passerelles peuvent être programmées sur les terminaux ; que, pour tous les terminaux commercialisés en France par les opérateurs de téléphone mobile, le programme de leur propre passerelle donnant directement accès à leur portail et au bouquet de services Internet qu'ils proposent a été installé en usine ; que, lorsque le terminal a été, en outre, verrouillé à la demande de l'opérateur, les paramètres d'une autre passerelle ne peuvent être introduits, à la place ou en sus de la passerelle initialement programmée, qu'après un déverrouillage du terminal ; que, jusqu'à une période récente, la programmation d'autres passerelles sur le terminal, après "déverrouillage", était, dans la plupart des cas, réalisée manuellement par le détenteur du terminal ; que, selon France Télécom, cette manœuvre, qui suppose de rentrer une dizaine de paramètres, est "relativement complexe pour un consommateur moyen devant agir seul" ; que deux constructeurs, les sociétés Nokia et Ericsson, ont développé une fonctionnalité OTAP permettant la programmation à distance d'une passerelle par "Short Message Services" (SMS), selon une procédure "propriétaire", c'est-à-dire "non normalisée" par le wapforum, ; que, selon France Télécom et certains constructeurs, une telle solution présenterait, en l'absence de sécurisation normalisée, des risques liés à l'apparition de virus ;
Considérant que la société France Télécom offre, depuis le 17 mai 2000, par l'intermédiaire de France Télécom Mobiles, filiale de France Télécom, détentrice d'une licence d'opérateur mobile, un bouquet de services sur Internet dénommé i-services, accessible par la technologie WAP ; que cet opérateur est également fournisseur d'accès à Internet mobile par i-Itinéris et éditeur de contenus qu'il offre sur différents sites gérés directement, comme le site Alapage.com, ou d'autres sites référencés comme les sites créés par divers établissements bancaires ; que la société France Télécom Mobiles commercialise des " packs " de terminaux de différents constructeurs sélectionnés, en décembre 1999, à l'issue d'une consultation organisée au vu d'un cahier des charges "produit" adressé aux différents constructeurs au cours du mois de septembre précédent ; qu'un cahier des charges complémentaire, consacré au WAP, a été adressé, en janvier 2000, aux constructeurs ; que ce cahier des charges demandait aux constructeurs retenus, selon France Télécom Mobiles, de " coupler la procédure de verrouillage envisagée dans le cahier des charges produit à une procédure de déverrouillage" ; que les constructeurs sélectionnés ont accepté de " verrouiller " (ou "waplocker") leurs terminaux et de prévoir une procédure de déverrouillage ; que la plupart des terminaux commercialisés en " packs " par France Télécom Mobiles sont, au moment de leur mise sur le marché, " verrouillés " sur la passerelle et le portail i-services de France Télécom Mobiles ; que le déverrouillage du terminal et la programmation d'une autre passerelle permettant d'accéder à un autre portail est possible manuellement selon la procédure ci-dessus décrite ; qu'en outre un utilisateur, qui se trouve guidé vers le portail i-services à partir de la page d'accueil, peut cependant afficher un portail concurrent en tapant l'adresse URL de ce portail dans la rubrique " favoris " ;
Considérant que la société SFR offre également, depuis le 19 juin 2000, deux packs comportant chacun un modèle de terminal de marque Motorola doté de la technologie WAP ; qu'à la différence des terminaux commercialisés par France Télécom Mobiles, ceux distribués par la société SFR présentent un " menu déroulant " qui permet d'accéder directement, après programmation de l'adresse URL, à un autre portail que le portail Vizzavi proposé par SFR ; qu'en revanche, comme le démontre le constat d'huissier réalisé à la demande de France Télécom, le 27 juin 2000, les terminaux commercialisés actuellement par la société SFR sont incompatibles avec des passerelles autres que celle pré-programmée par l'opérateur détenteur d'une licence de téléphonie ; que les responsables de la société SFR on toutefois déclaré, lors de leur audition, le 22 août 2000 : " les commandes fermes passées (....) pour une livraison à la fin du troisième trimestre auprès de 2 fournisseurs de terminaux prévoient que l'on peut programmer une autre passerelle que celle de la société SFR " ; que, dans ses observations écrites, la société SFR a confirmé : " depuis quelques mois, une standardisation de fait permet théoriquement d'assurer la compatibilité des terminaux avec les passerelles existantes sur le marché. SFR commercialisera de nouveaux coffrets au cours du quatrième trimestre contenant des terminaux avec lesquels il sera possible de programmer une autre passerelle que celle de SFR " ;
En ce qui concerne les pratiques relevées
Considérant qu'il n'entre pas dans la compétence du Conseil de la concurrence de relever des infractions à l'article L. 122-1 du Code de la consommation relatif aux ventes jumelées ; qu'il n'entre pas davantage dans la compétence du Conseil de la concurrence de se prononcer sur l'éventuel non-respect, par les opérateurs de téléphonie mobile, des dispositions de leur cahier des charges et du droit des télécommunications ;
En ce qui concerne la pratique de " verrouillage " des terminaux commercialisés par France Télécom et SFR
Considérant que l'offre de service WAP s'appuie sur des prestations techniques distinctes, qui englobent, d'une part, la téléphonie mobile et, d'autre part, Internet mobile : l'acheminement de la communication sur le réseau de l'opérateur de téléphonie mobile puis sur le réseau local auquel est raccordé le fournisseur d'accès à Internet mobile et enfin l'accès au portail puis au service Internet par le fournisseur d'accès et de contenus ; que l'Internet mobile permet également l'envoi et la réception d'e-mails par le détenteur d'un terminal wap ;
Considérant que les sociétés France Télécom et SFR interviennent à plusieurs niveaux dans la fourniture du service WAP ; qu'au niveau de la boucle locale, à laquelle sont reliés les modems des fournisseurs d'accès, France Télécom détient toujours, dans l'attente du dégroupage ou de la mise en œuvre de solutions alternatives, comme la boucle locale radio, un quasi-monopole dans l'accès aux clients finals gràce au réseau public téléphonique filaire ; qu'en ce qui concerne la téléphonie mobile, France Télécom Mobiles détenait, au 30 juin 2000, environ 48 % des clients et la société SFR, environ 36 % des clients, ce pendant que les licences étaient attribuées aux opérateurs en fonction des ressources du spectre disponibles, lesquelles sont limitées ; que, sur le marché de la fourniture d'accès à Internet mobile la concurrence s'exerce entre les opérateurs de téléphonie mobile qui disposent de leur propre service et des fournisseurs d'accès indépendants des opérateurs de téléphonie mobile disposant de leur propre passerelle comme les sociétés Internet Telecom, VNUNET ou Wappup.com ; que, sur le marché de la fourniture de contenu, la concurrence s'exerce également entre des prestataires indépendants des opérateurs de téléphonie et ces mêmes opérateurs, qui disposent de leurs propres portails et de leurs propres sites ; que ces marchés revêtent une dimension essentiellement nationale en raison notamment de la langue ;
Considérant que France Télécom Mobiles et SFR ont mis chacun en place un service WAP au cours du premier semestre 2000 ; qu'il n'est pas contesté que les terminaux commercialisés en packs par ces deux opérateurs sont "verrouillés", c'est-à-dire dirigent l'internaute utilisant la fonctionnalité wap sur son terminal vers la passerelle de l'opérateur sauf à ce que l'internaute ait procédé, lorsque cela est possible, aux opérations de déverrouillage puis de reprogrammation d'une autre passerelle ;
Considérant que, selon la société Motorola, environ 85 % des téléphones dotés de la technologie WAP sont actuellement vendus aux consommateurs en " packs " par les opérateurs, liant une offre de terminal à un prix inférieur à celui du terminal vendu seul à la souscription d'un abonnement ou d'une offre " pré-payée " ; que, s'agissant de la commercialisation de ces " packs ", les opérateurs disposent de leur propre réseau de distribution intégré ; qu'ainsi, France Télécom Mobiles propose ses produits dans environ 800 agences réparties sur l'ensemble du territoire national ainsi que par l'intermédiaire d'une chaîne de distribution spécialisée dénommée Mobistore ; que la société SFR dispose quant à elle d'un réseau de distribution composé d'Espaces SFR ; qu'à côté de ces réseaux, l'offre de téléphonie mobile en packs aux consommateurs est atomisée et émane principalement de grands "multispécialistes" comme la Fnac et Darty, de la grande distribution alimentaire ou de chaînes de magasins spécialisés ;
Considérant que des témoignages versés au dossier font état de la difficulté qu'éprouveraient certains des fournisseurs d'accès indépendants à fournir l'accès à Internet mobile en raison du verrouillage des terminaux commercialisés par les opérateurs de téléphonie mobile ; qu'en effet ce verrouillage aurait pour effet de rendre artificiellement difficile pour l'utilisateur l'accès aux passerelles et aux portails des fournisseurs d'accès spécialisés concurrents des opérateurs de téléphonie mobile ; qu'ainsi, sauf à distribuer eux-mêmes des terminaux ou à pouvoir conclure des accords avec des distributeurs acceptant de recourir aux services de tels prestataires, l'accès au marché des fournisseurs d'accès à Internet mobile se trouve grandement conditionné par le comportement des opérateurs de téléphonie mobile, compte tenu notamment de la proportion de téléphones mobiles vendus en " packs " ;
Considérant, dès lors, qu'il ne peut être exclu, sous réserve d'une instruction au fond, que les clauses relatives au "waplockage" des terminaux, introduites dans les cahiers des charges qui les lient aux constructeurs par les sociétés France Télécom Mobiles et SFR, aient pour objet et pour effet de limiter l'accès au marché de la fourniture d'accès à Internet mobile par des fournisseurs d'accès concurrents et de restreindre l'accès au marché des contenus et qu'en imposant ces clauses ou en commercialisant des appareils non dotés de la technologie Over the Air Provisioning (OTAP) ces opérateurs ont mis en œuvre des pratiques prohibées par les dispositions des articles L. 420-1 ou L. 420-2 du livre IV du Code de commerce ;
II. - Sur la demande de mesures conservatoires
Considérant qu'accessoirement à la saisine au fond, la société Wappup.com demande qu'il soit enjoint aux sociétés France Télécom et à SFR, dans l'attente d'une décision au fond, de cesser de "commercialiser directement ou indirectement les appareils verrouillés tant sur le portail que le fournisseur d'accès internet (FAI) ou la "passerelle" (gateway) des opérateurs et/ou de leur filiale" ; que la société Wappup.com déclare que, par verrouillage, on entend, notamment, l'impossibilité d'accéder au menu " paramétrage " du logiciel de navigation et/ou l'impossibilité de modifier par quelques manœuvres simples les paramètres de connexion à Internet mobile et/ou de rendre impossible ou difficile le paramétrage du téléphone au moyen de la technologie "Over The Air" (OTA) ou de toute technologie équivalente ; qu'au cours de la séance, la société Wappup.com a précisé qu'elle demandait au Conseil de la concurrence d'enjoindre aux sociétés France Télécom et SFR de cesser de commercialiser des terminaux non dotés de la technologie OTA ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-1 du Code de commerce, des mesures conservatoires " ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante " ; que les mesures susceptibles d'être prises à ce titre " doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence " ; que la mise en œuvre de ce texte suppose la constatation de faits constitutifs de troubles illicites, auxquels il conviendrait de mettre fin sans tarder, ou susceptibles de causer un préjudice imminent et certain au secteur concerné, aux entreprises victimes des pratiques ou encore aux consommateurs, préjudice qu'il faudrait alors prévenir, dans l'attente d'une décision au fond ;
Mais considérant, en premier lieu, que, le 23 mai 2000, le Tribunal de commerce de Paris, saisi en référé, a fait " interdiction, sous astreinte de cinq cent F par infraction constatée à compter du 13 juin 2000 à France Télécom, France Télécom Mobiles Services et France Télécom Mobiles Distribution de commercialiser des téléphones mobiles qui, d'une part, n'indiqueraient pas clairement la préprogrammation du numéro du fournisseur d'accès internet de France Télécom et, d'autre part, ne comporterait pas la possibilité, clairement indiquée, de remplacer ce numéro par celui d'un autre fournisseur d'accès internet au gré de l'utilisateur moyennant quelques manœuvres simples " ; que, par un arrêt en date du 13 juillet 2000, la Cour d'appel de Paris a décidé que la mesure de référé prononcée s'appliquerait jusqu'à la décision au fond du Conseil de la concurrence ; que la cour a estimé que les mesures de référé ordonnées par le premier juge étaient "suffisantes pour assurer une protection suffisante du marché et de la concurrence loyale" ; que l'arrêt précise, en outre, que les différents constats d'huissier révèlent que le déverrouillage, à l'exclusion du reparamétrage, peut être obtenu " en une quinzaine de minutes " à l'aide de "quelques manœuvres simple " décrites dans ces constats ; que le " déverrouillage " d'un appareil wap en pack "Itinéris", effectué en séance et par la société Wappup.com à sa demande, a duré environ cinq minutes ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des constatations effectuées en séance qu'il est possible d'accéder au portail de la société Wappup.com par l'intermédiaire du portail i-services en tapant son adresse URL dans le menu "mes favoris" ; qu'il est également possible d'accéder au même portail gràce au " menu déroulant " visible sur les terminaux commercialisés par la société SFR, sans accéder au portail Vizzavi ; qu'il est ainsi possible aux détenteurs de téléphones wap SFR de programmer par défaut un autre portail que Vizzavi ; que la société France Télécom Mobiles a déclaré en séance qu'elle s'engageait à offrir aux utilisateurs de terminaux wap "verrouillés", avant la fin de l'année 2000, les mêmes fonctionnalités d'accès aux portails auxquelles la société SFR s'est engagée devant la Commission européenne dans le cadre de la concentration Vodaphone-Airtouch-Vivendi ;
Considérant, en troisième lieu , que les téléphones wap de marque Motorola commercialisés par France Télécom Mobiles ne sont pas " verrouillés " ; que, par ailleurs, France Télécom a déclaré, en séance, avoir commercialisé environ 100 000 terminaux wap de marque Nokia au cours de l'année 2000, lesquels disposent de cinq profils configurables, permettant au consommateur d'appeler la passerelle de son choix ; que la société Mitsubishi a indiqué, lors de son audition par le rapporteur, le 11 septembre 2000 : "A l'automne, la société Mitsubishi Electric Europe offrira des terminaux wap non verrouillés" ; que la société France Télécom Mobiles a déclaré en séance que le cahier des charges relatif aux commandes de terminaux wap à venir n'imposerait pas, contrairement à celui en vigueur lors de la passation des commandes passées de l'année 2000, le verrouillage des terminaux sur sa propre passerelle ; que la société SFR a déclaré, dans ses observations écrites : "depuis quelques mois, une standardisation de fait permet théoriquement d'assurer la compatibilité des terminaux avec les passerelles existantes sur le marché. SFR commercialisera de nouveaux coffrets au cours du quatrième trimestre contenant des terminaux avec lesquels il sera possible de programmer une autre passerelle que celle de SFR" ;
Considérant, en quatrième lieu, que la société France Télécom Mobiles a déclaré commercialiser des terminaux Be4 Alcatel dotés de la technologie OTAP, dès le mois d'octobre 2000 ("600 000 coffrets mis sur le marché jusqu'à la fin de l'année") ; que la société Motorola, fournisseur des sociétés France Télécom Mobiles et SFR en téléphones wap, a également déclaré développer "très prochainement" une solution OTAP, sans attendre la "validation" de cette fonction par le Wapforum ; qu'il n'appartient pas en tout état de cause au Conseil de la concurrence d'imposer aux constructeurs de terminaux de recourir à une technologie qu'ils estimeraient inadaptée, en particulier pour des raisons de sécurité ;
Considérant, en cinquième lieu, que la société Wappup.com, qui indique que son portail a été "lancé sur les mobiles le 30 juin 2000", et qui allègue un danger grave et immédiat, verse au dossier un compte d'exploitation provisoire arrêté à fin juillet 2000 faisant apparaître un résultat déficitaire de 5 418 809 F pour un chiffre d'affaires de 0 F ; que la société Wappup.com n'apporte aucun élément probant tendant à démontrer qu'elle aurait procédé à des investissements publicitaires de nature à encourager les utilisateurs de terminaux dotés de la technologie wap à se diriger vers son portail ; qu'il est d'autant moins établi que l'absence de chiffre d'affaires de la société Wappup.com pendant le mois de juillet 2000 serait due aux pratiques des sociétés France Télécom Mobiles et SFR que, selon un article du journal Les Echos en date du 21 août 2000 produit aux débats, le dirigeant d'une autre jeune société indépendante qui développe des sites WAP, la société Waptoo, indique avoir enregistré "250 000 pages vues par mois sur son portail mobile" ; que, par ailleurs, la lettre en date du 22 mai 2000 de la société Dassault Développements indiquant que "dans le cas où le verrouillage serait supprimé en France et où la concurrence redeviendrait libre sur les portails d'accueil internet mobile, nous serions heureux de vous rencontrer à nouveau pour rediscuter d'un projet d'investissement dans Wappup", versée au débat contradictoire par la société Wappup.com, n'est pas suffisante pour établir qu'elle se trouverait dans l'impossibilité de trouver d'autres sources de financement, compte tenu, d'une part, de la mesure prise par le juge des référés le 23 mai 2000 et étendue dans le temps par la Cour d'appel de Paris jusqu'à la décision au fond du Conseil de la concurrence et, d'autre part, du fait que la société Wappup.com n'apporte aucun élément établissant qu'elle serait dans l'impossibilité de se tourner vers d'autres investisseurs;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que les pratiques dénoncées par la société Wappupp.com dans sa saisine et sa demande de mesures conservatoires soient constitutives d'un danger grave et immédiat pour elle ; qu'il n'est pas davantage établi que ces mêmes pratiques soient constitutives d'un danger grave et immédiat pour l'économie générale, pour le secteur intéressé ou pour l'intérêt des consommateurs ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de mesures conservatoires présentée par la société Wappup.com,
Décide
Article unique. - La demande de mesures conservatoires présentée par la société Wappup.com est rejetée.