Livv
Décisions

Conseil Conc., 25 mars 1987, n° 87-MC-03

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Demande de mesures conservatoires de la société SEDA à l'encontre de la société JVC

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré en commission permanente dans sa séance du 25 mars 1987, où siégeaient: M. Laurent, président ; MM. Béteille, Pineau, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 87-MC-03

25 mars 1987

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en commission permanente le 25 mars 1987,

Vu la demande de mesures conservatoires présentée le 16 mars 1987 à l'encontre de sa société JVC Vidéo France ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, notamment son article 12 ; Les parties et le commissaire du Gouvernement entendus ;

Considérant que les dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n° 86-1243 ne sont applicables que si les pratiques visées par la demande sont susceptibles d'entrer dans le champ d'application de ses articles 7 et 8 ;

Considérant que la société SEDA allègue, d'une part, que la société JVC Vidéo-France lui a enjoint, par lettre en date du 6 février 1987, de mettre fin à ses pratiques de bas prix de revente au consommateur sous peine de se voir refuser la vente et, d'autre part, que cette société lui a opposé certains refus de vente de magnétoscopes ; que, selon la société SEDA, ces pratiques sont visées par l'alinéa 2 de l'article 8 de l'ordonnance ; que la société SEDA a demandé au Conseil de la concurrence de prendre, en application de l'article 12, des mesures conservatoires visant à ordonner à la société JVC Vidéo-France d'annuler les injonctions de sa lettre du 6 février 1987 et de livrer les commandes en cours à ses conditions habituelles de vente ;

Considérant que les pratiques commerciales dont il est fait état ne sont visées par l'alinéa 2 de l'article 8 de l'ordonnance que si elles révèlent l'exploitation abusive, par une entreprise, d'une situation de dépendance dans laquelle se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente ;

Considérant qu'il apparaît en l'état du dossier que si la notoriété de la marque JVC est telle qu'un revendeur de magnétoscopes peut difficilement s'abstenir de l'offrir dans l'assortiment qu'il propose au consommateur; que la part de cette société sur le marché domestique des magnétoscopes est de l'ordre de 9 p. 100 ; que la société JVC Vidéo-France est l'importateur exclusif des produits de la marque JVC ; que la part de la marque JVC dans les ventes de magnétoscopes de la société SEDA est de l'ordre de 75 p. 100; qu'il n'apparaît pas que la société SEDA dispose de solution équivalente aux produits de la société JVC Vidéo-France; que, dans ces conditions, la société SEDA est susceptible de se trouver dans une situation de dépendance vis-à-vis de la société JVC Vidéo-France;

Considérant que la société JVC Vidéo-France estime que ses autres distributeurs sont contraints de s'aligner sur les prix pratiqués par la société SEDA et que cet alignement risque de créer une désaffection du réseau de distribution qui profiterait à la concurrence ; qu'il résulte du dossier que, depuis le 1er janvier 1987, la société JVC a refusé la livraison de certains modèles de magnétoscopes à la société SEDA ; qu'ainsi la menace de refus de vente, suivie partiellement d'effet, opposée par la société JVC à la société SEDA, a pu avoir pour objet ou pour effet de restreindre le jeu de la concurrence par les prix entre ses revendeurs de magnétoscopes; que, dès lors, ces pratiques peuvent être visées par les dispositions du deuxième alinéa de l'article 8 de l'ordonnance;

Considérant qu'il n'est pas établi, vu l'état du dossier, que les pratiques de la société JVC portent une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé et à l'intérêt des consommateurs ; qu'en revanche, en raison de la situation financière de la société SEDA et de la part des ventes de magnétoscopes de la marque JVC dans son chiffre d'affaires, les menaces de refus de vente et les refus de vente de la société JVC Vidéo-France portent, à la société SEDA, une atteinte grave et immédiate à laquelle il convient de remédier d'urgence; que dans cette mesure l'adoption de dispositions conservatoires est justifiée,

Décide

Il est enjoint à la société JVC Vidéo-France de revenir, pour l'exécution des commandes en cours de la société SEDA, à l'état antérieur aux refus de vente susvisés et à sa lettre du 6 février 1987.