Conseil Conc., 27 novembre 1996, n° 96-PB-01
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Saisine présentée par la société Lazier Tourisme concernant des pratiques de prix abusivement bas mises en œuvre à l'occasion d'un marché de transport du personnel du Commissariat à l'énergie atomique à Grenoble
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de M. Jacques Poyer, par M. Barbeau, président, MM. Cortesse, Jenny, vice-présidents.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 18 octobre 1996 sous le numéro PB-0l, par laquelle la société Lazier Tourisme a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques de prix abusivement bas mises en œuvre par la Régie des voies ferrées du Dauphiné (VFD) ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et le représentant de la société Lazier Tourisme entendus ;
Considérant que le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) à Grenoble a lancé un appel d'offres en mai 1996 en vue de procéder à une nouvelle attribution de douze lignes de transport de son personnel sur la région de Grenoble ; qu'à la suite du dépouillement des offres, la Régie des voies ferrées du Dauphiné a été déclarée attributaire de cinq des douze lignes concernées et la société Lazier Tourisme, de deux lignes, un avis d'attribution ayant été publié le 26 juillet 1996 dans les Affiches de Grenoble et du Dauphiné ;
Considérant que la société Lazier Tourisme soutient que la Régie des voies-ferrées du Dauphiné a obtenu l'exploitation des lignes n° 2, 5, 6, 8 et 9 du transport de personnel du CEA Grenoble en proposant des offres de prix excessivement bas destinées à lui permettre d'écarter les entreprises privées concurrentes et que ces pratiques sont constitutives d'une infraction aux dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 19 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " le Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable s'il estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence ou ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants " ; que l'article 10-1 de cette même ordonnance prohibe les " offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits (...)" ;
Considérant, en premier lieu, qu'aucun élément ne permet d'établir que le marché concerné a été attribué postérieurement ou antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant, en second lieu, que les offres de prix proposées par la Régie des voies ferrées du Dauphiné dans le cadre d'un appel d'offres lancé par le CEA Grenoble concernent des transactions interentreprises et ne sont donc pas visées par les dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui prohibent les seules offres ou pratiques de prix de vente aux consommateurs;
Considérant, en troisième lieu, que la société Lazier Tourisme se borne à indiquer que la Régie des voies ferrées du Dauphiné a proposé, pour les lignes de transport de personnel dont elle a été attributaire, des prix inférieurs à ceux qu'elle a elle-même proposés pour ces mêmes lignes, sans apporter d'éléments suffisamment probants permettant de constater que les prix offerts auraient été abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation ni en quoi ils auraient eu pour objet ou pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits alors même que la société Lazier Tourisme a obtenu l'exploitation de deux des lignes attribuées dans le cadre de l'appel d'offres du CEA Grenoble ; qu'il résulte d'ailleurs du tableau de dépouillement de l'appel d'offres en date du 24 mai 1996, produit en séance par le commissaire du Gouvernement, que la société Lazier Tourisme n'était pas, en tout état de cause, la seconde moins-disante pour les lignes n° 6 et 9 ;
Considérant, au surplus, que le tableau de dépouillement des offres établit que des prix très différents peuvent être proposés par des entreprises dont il n'est pas allégué qu'elles bénéficient de subventions ; qu'en ce qui concerne la ligne n° 1, les autocars Brun ont proposé des prix inférieurs de 39 p. 100 à ceux proposés par la société Lazier Tourisme ; qu'il n'est donc pas établi que les prix proposés par la société Lazier Tourisme soient des prix de référence pour le transport de personnel dans la région de Grenoble, d'autant plus que cette société n'apporte aucun élément relatif à la structure de ses coûts ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 19 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,
Décide:
Artide unique La saisine enregistrée sous le numéro P-01 est déclarée irrecevable.