Conseil Conc., 12 mars 1997, n° 97-PB-01
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Saisine présentée par la société Cathild Industrie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport oral de M. Thierry Jallet, par M. Jenny, vice-président, présidant la séance en remplacement de M. Barbeau, président, empêché, M. Cortesse, vice-président, , M. Sargos, membre.
Le Conseil de la concurrence (commission permanente),
Vu la lettre enregistrée le 29 janvier 1997 sous les numéros PB-02 et M198, par laquelle la société Cathild Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques de prix mises en œuvre par la société de droit italien Nardi, pratiques qu'elle qualifie de prix abusivement bas, la société Cathild Industrie ayant par ailleurs sollicité le prononcé de mesures conservatoires ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence, et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et le représentant de la société Cathild Industrie entendus ;
Considérant que la chambre de commerce et d'industrie de Rodez-Villefranche- Espalion a lancé le 7 octobre 1996 un appel d'offres ouvert pour la construction d'une unité de séchage du bois ; que cet appel d'offres était décomposé en trois lots, concernant respectivement des prestations de terrassement, la fourniture d'une chaudière à déchets humides de bois et la fourniture de onze cellules de séchage du bois, également qualifiées de séchoirs à bois ; que parmi les entreprises ayant soumissionné pour la fourniture desdits séchoirs, figuraient les sociétés Cathild Industrie et Nardi ; qu'à l'issue de l'ouverture des plis intervenue le 19 décembre 1996, le maître d'ouvrage, souhaitant qu'il soit adjoint de nouveaux équipements aux cellules de séchage, aurait demandé aux sociétés Cathild Industrie et Nardi, dont les offres étaient les moins-disantes, de compléter celles-ci et de faire une nouvelle proposition tarifaire ; que par lettre du 10 janvier 1997, la chambre de commerce et d'industrie de Rodez-Villefranche-Espalion a fait savoir à la société Cathild Industrie que, son offre n'étant pas la moins-disante, le marché avait été attribué à la société Nardi pour un montant global de 3 425 000 F HT ;
Considérant que la société saisissante soutient que la société Nardi a obtenu la fourniture des onze séchoirs à bois demandés par la chambre de commerce et d'industrie précitée en proposant à cette dernière un prix excessivement bas destiné à lui permettre d'évincer ses concurrents dont Cathild Industrie, et que cette pratique est contraire aux dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prohibe les " offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ces produits..... " ; qu'aux termes de l'article 19 de cette même ordonnance : " Le Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable s'il estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence ou ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants " ;
Considérant que la chambre de commerce et d'industrie de Rodez-Villefranche-Espalion a décidé de construire une unité de séchage du bois afin que les scieries et transformateurs du bois puissent utiliser les services de cette unité ; que les prestations de séchage seront assurées par des préposés de la chambre de commerce et d'industrie précitée, laquelle facturera ces prestations aux entreprises sur la base des volumes traités ; qu'en l'espèce, la chambre de commerce et d'industrie de Rodez-Villefranche-Espalion agira comme une entreprise fournissant des prestations à d'autres entreprises;; qu'en conséquence, l'offre de prix proposée par la société Nardi dans le cadre de l'appel d'offres lancé par ladite chambre de commerce et d'industrie concerne des transactions entre entreprises et n'est donc pas visée par les dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui prohibent les seules offres ou pratiques de prix de vente aux consommateurs ;
Considérant au surplus, que la société Cathild Industrie soutient que le prix proposé lors de sa deuxième offre (3 494 000 F HT) était un prix " plancher " qui ne lui permettait de dégager une marge sur achat que de 11,22 % ; que cette marge lui permettait seulement de couvrir les frais commerciaux de l'opération, d'environ 9 % ; qu'à la différence de son offre de prix, celle proposée par la société Nardi (3 425 000 F HT) aurait intégré d'autres prestations que la fourniture et l'installation des séchoirs à bois ; que le coût de ces prestations complémentaires s'élèverait à 150 000 F HT ;
Mais considérant que la société Cathild Industrie n'apporte aucun élément à l'appui de son argumentation ; qu'à supposer, en effet, que la société Nardi ait effectivement proposé des prestations complémentaires pour un montant de 150 000 F HT, qu'il conviendrait de déduire de son offre globale, le prix pratiqué pour les seules fourniture et installation des séchoirs à bois, soit 3 275 000 F HT, n'aurait été inférieur que de 6,27 % à celui proposé par la société Cathild Industrie ; que si un tel écart pourrait être significatif dans le cas d'entreprises aux coûts d'exploitation similaires, il n'est pas établi qu'il en soit ainsi entre les sociétés Cathild Industrie et Nardi ; que sur ce point, la société saisissante se borne à affirmer que les coûts de main d'œuvre de la société Nardi, de même que ceux relatifs aux achats d'aluminium, seraient comparables aux siens ; que par ailleurs, elle ne fait pas mention des autres coûts ; qu'en revanche, le représentant de la société Cathild Industrie a déclaré en séance qu'à la différence de cette entreprise, la société Nardi ne faisait pas de recherche et de développement, qu'elle n'avait pas de service après vente, se bornant en cas de panne à envoyer des pièces détachées à ses clients et qu'enfin, elle ne disposait pas d'un service commercial à temps plein, la commercialisation de ses produits étant simplement assurée par des agents commissionnés; que, dès lors que les deux sociétés sont organisées sur des bases différentes, rien ne permet de présumer qu'elles supportent les mêmes coûts, alors que par ailleurs, les fluctuations monétaires rendent difficiles les comparaisons; qu'en conséquence, la société Cathild Industrie n'apporte aucun élément suffisamment probant permettant d'établir que le prix offert par la société Nardi aurait été abusivement bas par rapport à ses coûts de production, de transformation et de commercialisation;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 19 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que par voie de conséquence, la demande de mesures conservatoires ne peut qu'être rejetée,
Décide
Article 1er.- La saisine enregistrée sous le numéro P 02 est déclarée irrecevable.
Article 2.- La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro M 198 est rejetée.