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Décisions

Cass. crim., 22 mars 2001, n° 00-30.068

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

DGCCRF

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Samuel

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Celice, Blanquain t Soltner, Me Ricard

TGI Rouen, prés., du 26 nov. 1999

26 novembre 1999

LA COUR : Statuant sur les pourvois formés par X, Y, et Z contre ordonnance du Tribunal de grande instance de Rouen, en date du 26 novembre 1999, qui a autorisé l'administration de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes à effectuer des visites et des saisies de documents, en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu les mémoires produits, le mémoire ampliatif comportant trois moyens annexés au présent arrêt ; - Attendu que, par ordonnance du 26 novembre 1999, le président du Tribunal de grande instance de Rouen a, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, autorisé des agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à effectuer des visites et des saisies de documents dans les locaux de quatre entreprises, parmi lesquelles les sociétés collecte propreté Normandie à Notre-Dame de Gravenchon, Union des services publics Normandie à Rouen et Z au Petit Quevilly, en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles prohibées par les points 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance précitée présumées commises à l'occasion de marchés publics et privés dans le secteur de l'enlèvement et du traitement des déchets dans le département de la Seine-Maritime, et a donné commission rogatoire au président du Tribunal de grande instance du Havre pour qu'il contrôle les opérations devant se dérouler dans le ressort de sa juridiction ;

Sur le premier moyen de cassation commun aux demanderesses : - Attendu que les sociétés collecte propreté Normandie, Union des services publics Normandie et Ipodec Normandie font grief à l'ordonnance d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, que le juge ne peut autoriser des visites et saisies dont l'objet n'est assorti de limitation ni quant aux marchés concernés, ni quant aux périodes auxquelles ils ont été passés, de sorte qu'en autorisant les enquêteurs à rapporter la preuve de pratiques illicites "dans le secteur de l'enlèvement et du traitement des déchets", sans autre précision, le président du Tribunal de grande instance, qui a autorisé ainsi ces agents à étendre leurs investigations à tout type de marché passé en quelque lieu du territoire national, et à quelque époque que ce fût, a excédé ses pouvoirs et a violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Attendu que le juge a autorisé des visites domiciliaires "afin d'apporter la preuve que les pratiques, telles que mentionnées et énoncées dans l'ordonnance, à l'occasion de marchés publics et privés dans le secteur de l'enlèvement et du traitement des déchets dans le département de la Seine-Maritime, entrent dans le champ de celles prohibées par les points 2 et 4 de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986" ;

Attendu qu'en cet état, l'ordonnance attaquée n'encourt pas les griefs allégués ; Qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation commun aux demanderesses : - Attendu que les sociétés Y, Union des Services Publics Normandie et Z reprochent aussi à l'ordonnance d'avoir statué comme elle a fait alors, selon le moyen : 1 ) que la requête en autorisation de perquisitions doit être présentée par un agent nominativement habilité par le ministre chargé de l'économie, nul ne pouvant donner mandat pour saisir le président du tribunal à un fonctionnaire qui n'est pas nominativement habilité ; que l'ordonnance attaquée mentionne que Mme Bourguignon, qui a présenté la requête, est inspecteur principal et fonctionnaire de catégorie A, agissant en vertu d'un mandat délivré par M. Maisonhaute, que faute d'avoir constaté que Mme Bourguignon était nominativement habilitée par le ministre chargé de l'économie, l'ordonnance est privée de base légale au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; 2 ) que les fonctionnaires habilités agissent dans le ressort territorial du service auquel ils sont affectés; qu'un mandat conféré par un supérieur hiérarchique ne peut modifier l'étendue de la compétence territoriale de l'agent concerné, que l'ordonnance attaquée constate que Mme Bourguignon est domiciliée à Paris et qu'elle a reçu mandat pour présenter la requête litigieuse au président du Tribunal de grande instance de Rouen, soit dans le département de Basse-Normandie ; que faute d'avoir constaté que le service auquel est affectée Mme Bourguignon a une assise territoriale comprenant ces deux départements, l'ordonnance est privée de base légale au regard des articles 45 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de l'article 5 de l'arrêté du 22 janvier 1993 ;

Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée que Mme Bourguignon, inspecteur principal à Paris, a été mandatée par M. Maisonhaute, auteur de la requête, chef de la brigade inter-régionale d'enquêtes Ile-de-France, Haute et Basse-Normandie, aux seules fins de le représenter devant le président du Tribunal de grande instance de Rouen ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que c'est en la personne de l'auteur de la requête que devaient être réunies les qualités exigées par les articles 45 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;- D'où il suit que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche, l'ordonnance mentionnant l'existence de l'habilitation de Mme Bourguignon, ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation commun aux demanderesses : - Attendu que les sociétés Collecte Propreté Normandie, Union des Services Publics Normandie et Z font encore grief à l'ordonnance d'avoir statué comme elle a fait alors, selon le moyen :1 ) que le président du Tribunal de grande instance n'ayant aucune compétence pour exercer son contrôle sur la régularité des opérations une fois celles-ci achevées, viole l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ensemble l'article 66 de la Constitution de 1958 et le principe du droit à un recours effectif devant un juge posé par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales l'ordonnance attaquée qui mentionne dans la partie de son dispositif destinée à faire connaître leurs droits aux entreprises visées par la mesure qu'elle autorise, que celles-ci pourront saisir le juge, par voie de requête, de toute contestation relative au déroulement des opérations, sans préciser que cette requête devra être déposée, sous peine d'irrecevabilité, au cours des opérations et dans tous les cas avant que celles-ci ne prennent fin ; 2 ) que viole encore les textes susvisés l'ordonnance attaquée qui induit en erreur les entreprises visées sur l'étendue de leurs droits en leur indiquant qu'elles auront le droit de saisir le juge de toute contestation relative à l'adéquation des pièces saisies au champ de l'autorisation, cette contestation, eu égard à son objet, ne pouvant par hypothèse être portée devant le juge avant que les opérations ne soient achevées ;

Attendu que, le président n'ayant pas l'obligation dans son ordonnance d'indiquer les conditions et modalités de sa saisine relative au déroulement des visites et saisies, le moyen est inopérant ;

Et attendu que l'ordonnance attaquée est régulière en la forme ;

Rejette les pourvois.