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Décisions

Conseil Conc., 28 novembre 2000, n° 00-D-54

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Comportement de l'Institut national de la consommation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de Mme Sévajols, par M. Cortesse, vice-président, présidant la séance en remplacement de la présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, Mmes Flüry-Herard, Mouillard, MM. Bidaud, Ripotot, Robin, membres.

Conseil Conc. n° 00-D-54

28 novembre 2000

Le Conseil de la Concurrence (section III),

Vu la lettre enregistrée le 13 octobre 1993 sous le numéro F 628 par laquelle l'Union Fédérale des Consommateurs (UFC) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par l'Institut National de la Consommation (INC) qu'elle estime anticoncurrentielles ; Vu le livre IV du Code de commerce et le décret n° 86-1039 du 29 décembre 1986 modifié pris pour l'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu la décision n° 99-D-26 du 13 avril 1999, par laquelle le conseil a décidé qu'il était sursis à statuer sur cette saisine ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement, l'UFC et l'INC ; Vu l'avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants de l'UFC et l'INC entendus lors de la séance du 3 octobre 2000 ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. - CONSTATATIONS

1. Le marché concerné et la position de l'INC sur ce marché

L'Institut National de la Consommation (INC) est un établissement public national à caractère industriel et commercial. Aux termes du décret n° 90-381 du 4 mai 1990, l'INC est un centre d'essais, un centre d'information et de documentation, un organisme d'études et de formation qui a pour mission essentielle d'informer les consommateurs.

Dans ce cadre, l'INC exerce à la fois des activités non commerciales et des activités commerciales. Les activités non commerciales sont diverses. Il assiste quotidiennement les associations de consommateurs au plan technique et juridique, il gère un centre de documentation, réalise des émissions de télévision et publie un hebdomadaire destiné principalement aux associations de consommateurs et aux professionnels de la consommation, INC Hebdo. Toutefois, l'INC a pour activité principale la publication de magazines à destination du grand public, le mensuel 50 Millions (puis 60) de consommateurs, les magazines hors série et des numéros pratiques.

Les caractéristiques des publications de l'INC et de l'UFC :

Le secteur de la presse regroupe la presse quotidienne nationale, la presse quotidienne régionale, la presse magazine et la presse spécialisée. Au sein de la presse magazine, on distingue les " news magazines " (l'Express, Le Point...), les hebdomadaires d'actualités générales (Paris-Match, VSD...) et les magazines spécialisés grand public (presse télé, presse féminine, presse auto, presse des jeunes et adolescents...). Les publications de l'INC et de l'UFC appartiennent à cette dernière catégorie.

Entre 1990 et 1993, l'INC a diffusé chaque année vingt et une livraisons destinées au grand public (onze mensuels 50 Millions de consommateurs, cinq numéros hors série et cinq numéros pratiques), alors que l'Union Fédérale des Consommateurs (UFC) a édité trente livraisons par an (onze mensuels Que Choisir, onze mensuels Que Choisir Santé [jusqu'en octobre 1993], quatre numéros hors série et quatre guides pratiques).

Le mensuel Que Choisir, créé en 1961, et le mensuel 50 Millions de consommateurs, créé en 1970 et devenu en décembre 1995, 60 Millions de consommateurs, sont des magazines grand public qui contiennent des essais comparatifs, des enquêtes et des informations sur les problèmes de consommation. Ils sont commercialisés dans les kiosques et par abonnement.

Chaque numéro hors série, numéro pratique ou guide pratique traite d'un problème spécifique de la vie quotidienne tel que les banques, l'automobile ou les litiges de consommation. Ces publications sont également vendues en kiosque et par abonnement.

Les publications de l'INC et de l'UFC sont perçues comme des publications consuméristes généralistes qui ont pour mission de " défendre le consommateur ". Cette perception est liée au statut et à l'image de l'INC et de l'UFC ainsi qu'au contenu des publications qui reprennent les pratiques dénoncées par les organisations de consommateurs : boycott des colorants ou de la viande de veau aux hormones, problèmes des nitrates dans l'eau et des phosphates dans les lessives, par exemple.

Par ailleurs, les mensuels 50 Millions de consommateurs et Que Choisir contiennent des tests comparatifs conformes aux normes AFNOR X 50.005 ainsi que des études juridiques et économiques sur divers problèmes de consommation. Les tests comparatifs, qui ne peuvent être réalisés que par des laboratoires spécialisés, ont un coût élevé.

Enfin, alors que les professionnels du secteur de la presse considèrent que, d'une manière générale, un journal ne peut pas vivre sans publicité, les publications de l'INC et de l'UFC ne contiennent aucune publicité de marque. Ainsi, alors que les magazines sont généralement présents à la fois sur le marché de l'achat d'espace publicitaire et sur celui du lectorat, les publications de l'INC et de l'UFC sont totalement absentes du premier marché. Cette absence de financement par la publicité leur donne la liberté de choisir les produits, les thèmes et les actions en faveur des consommateurs et garantit leur impartialité à l'égard des marques.

Les produits concurrents :

Certaines publications ont des caractéristiques proches de celles de l'INC et de l'UFC. Il s'agit, entre 1997 et 2000, de la revue Testé pour vous éditée par la société Editions Scientifiques et Techniques Consommateurs France (ESTCF) et de la revue Le Particulier pratique éditée par la société Le Particulier.

L'ESTCF est une émanation du mouvement consommateur européen et plus particulièrement de la Confédération de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie (CLCV). Elle a lancé, en septembre 1997, le mensuel Testé pour vous qui n'était commercialisé que par abonnement et a cessé d'être publié au début de l'année 2000.

Le Particulier pratique a pour point commun avec les publications de l'INC et de l'UFC d'être une revue d'information sur les problèmes de consommation, de contenir des essais comparatifs, des études juridiques et économiques et de n'accueillir aucune publicité. Toutefois, elle a pour différence d'être éditée par une entreprise privée, la société Le Particulier SA, qui n'a aucun lien, direct ou indirect, avec le mouvement consommateur, de contenir des tests qui, pour des raisons de coûts, ne suivent pas les mêmes protocoles que ceux suivis par l'INC et l'UFC et, enfin, de n'être commercialisée que par abonnement.

La position des publications de l'INC sur le marché de la presse consumériste :

Si l'on retient l'ensemble des revues à caractéristiques communes qui viennent d'être présentées, un " marché de la presse consumériste " est alors défini, sur lequel il est possible de calculer les parts de marchés de chacun des produits offerts.

Les parts de marchés

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L'INC a détenu plus de 50 % du marché jusqu'en 1993. A partir de 1993, et surtout en 1994, ses parts de marché ont chuté. A partir de 1995, les parts de marché de l'UFC en volume et en valeur sont supérieures à celle de l'INC alors que, si l'on segmente le marché de la presse consumériste selon que les produits sont vendus en kiosque ou par abonnement, l'INC détient plus de 50 % des ventes en kiosque sur toute la période étudiée (1991-1998). En revanche, pour les abonnements, les ventes de l'UFC sont très nettement supérieures à celle de l'INC, sauf pour les numéros pratiques.

Les subventions et les moyens matériels et humains :

L'UFC et l'INC, qui ont des statuts différents, ont également des conditions d'exploitation différentes. Ainsi, l'INC bénéficie de subventions sans commune mesure avec celle versée à l'UFC.

Subventions annuelles en millions de francs

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Ces subventions permettent à l'INC de disposer de moyens beaucoup plus importants que ceux dont dispose l'UFC ou les autres concurrents, qu'il s'agisse des locaux, des moyens en personnels ou en matériel. Ainsi, alors que le nombre de personnes travaillant à l'UFC a été compris entre 45 et 60 de 1992 à 1998, l'INC emploie 138 salariés en 1991, 119 en 1994 et 81 en 1996. Les subventions reçues par l'INC ne sont pas affectées et constituent une ressource non conditionnée, au côté des ressources commerciales, alors que les subventions reçues par l'UFC seraient la contrepartie de prestations spécifiques et indépendantes des activités de publication, comme les actions en justice dans des affaires de consommation.

L'effet de gamme :

Parmi l'ensemble des opérateurs sur ce marché, l'INC est le seul qui dispose, en plus des revues grand public, d'une revue destinée aux associations de consommateurs et aux professionnels intéressés par les questions de consommation, INC Hebdo. Cette revue lui permet d'asseoir sa notoriété dans le domaine de la protection des consommateurs.

L'accès privilégié aux médias :

L'INC bénéficie d'un accès privilégié à la télévision :

En effet, les cahiers des charges des chaînes publiques de télévision prévoient que France 2 et France 3 doivent programmer et faire diffuser des émissions destinées à l'information des consommateurs. Les modalités pratiques sont fixées dans des conventions annuelles conclues entre l'INC et les chaînes publiques. L'INC produit et réalise les émissions prévues dans le cahier des charges. Il s'agit d'émissions d'une durée de deux à trois minutes diffusées plusieurs fois par semaine.

Jusqu'en 1994, l'INC réalisait ces émissions sous sa seule responsabilité. Le temps d'antenne était alors principalement utilisé par l'établissement public, les interventions des associations de consommateurs étant ponctuelles. A partir de 1994, les principales associations de consommateurs agréées et l'INC ont signé une convention pour se répartir le temps d'antenne. Depuis cette date, 75 % des émissions sont attribuées aux organisations de consommateurs et 25 % seulement sont conservées par l'INC.

Son statut et sa notoriété permettent également à l'INC de participer à de nombreuses émissions de télévision ou de radio, dans le cadre de partenariats ou de relations ponctuelles. Ainsi, l'INC participe à certaines rubriques sur France Info, France Inter, France 2, France 3 ou Canal Plus.

Cependant, bien que bénéficiant d'un accès privilégié à la télévision, l'INC n'a pas le monopole de la représentation de la cause consumériste dans les médias. En effet, le cahier des missions et des charges de la troisième chaîne prévoit également un temps d'antenne pour des émissions réalisées à l'initiative des centres techniques régionaux de la consommation. De plus, les médias sont souvent intéressés par les sujets relatifs à la vie quotidienne ou aux problèmes de consommation. Pour les traiter, ils font appel aux associations de consommateurs, aux professionnels ou encore à certains services administratifs comme la DGCCRF. Ainsi, le statut et la notoriété de l'UFC lui permettent aussi de participer à de nombreuses émissions de télévision ou radio.

Les barrières à l'entrée :

Compte tenu du coût des essais et de l'absence de ressources publicitaires, le marché de la presse consumériste est peu attractif. Ainsi, sur les quatre opérateurs présents sur ce marché, trois ne sont pas des entreprises commerciales. L'INC est un établissement public en charge d'une mission d'intérêt général, l'UFC est une association de consommateurs et l'ESTCF est liée à une association de consommateurs, la CSCV. Seule l'entreprise Le Particulier SA est une entreprise commerciale.

La crise morale et financière de l'INC

A partir de 1993, avec la chute des ventes et des parts de marché de ses publications, l'INC connaît une dégradation de sa situation sur le marché de la presse consumériste. En 1993 et 1994, l'INC a traversé une crise financière sans précédent qui oblige à mettre en œuvre une politique de rigueur très stricte afin de rétablir l'équilibre de ses comptes. Depuis cette époque, les coûts de production ont été sensiblement réduits, la situation financière s'est améliorée, mais il semble que l'INC continue à traverser une crise morale qui constitue certainement un handicap concurrentiel face à l'UFC.

Les conclusions du rapport de 1998 du groupe de travail, constitué par le ministre de l'économie pour étudier l'avenir de l'INC, sont sévères : les difficultés de l'INC traduisent une perte de repères tant externes qu'internes, amplifiée par une situation financière précaire qui fragilise l'établissement, lequel, en particulier en matière de publications, n'est plus aussi dominant que dans les années 70 (perte d'audience de ses émissions télévisées, banalisation des thèmes " consommation "). La logique de marché qui s'impose à l'activité éditoriale et la logique de service public, qui résulte de ses statuts, seraient difficilement conciliables en l'état de ses structures.

2. Les pratiques relevées

La publicité illicite à la télévision :

L'UFC a joint à sa saisine des cassettes vidéos reproduisant des exemples d'émissions produites par l'INC. Dans ces émissions, diffusées en mars 1993, l'INC fait de la publicité pour son mensuel 50 Millions de consommateurs, pour ses numéros hors série ou ses numéros pratiques.

L'INC a communiqué au conseil une cassette vidéo sur laquelle sont reproduites trois émissions qu'il a produites. La première a été diffusée en 1989, la seconde en août et septembre 1991 et la troisième en juin 1993. Les deux premières émissions concernent les publications de l'INC et la troisième la revue Que Choisir. Dans la première émission, sont présentés des essais comparatifs sur des céréales publiés dans un numéro du mensuel 50 Millions de consommateurs : la revue apparaît à l'écran. La seconde porte sur une étude du prix de revient kilométrique des automobiles : la revue 50 Millions de consommateurs apparaît à l'écran. Enfin, la troisième porte sur des essais de casques moto publiés dans le mensuel Que Choisir : la revue Que Choisir est montrée à l'écran.

Conformément aux dispositions de l'article 16 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, la saisine de l'UFC a été communiquée le 14 décembre 1993 au Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA). Par courrier daté du 10 février 1994, le CSA a fait part de ses observations et signale qu'il avait déjà été saisi d'une plainte sur le même sujet le 28 septembre 1993 et, qu'à cette occasion, il avait estimé qu'un certain nombre d'émissions de l'INC diffusées sur France 2 et France 3, en application des articles 22 et 23 des cahiers des missions et des charges respectifs des deux chaînes, étaient trop souvent utilisées pour faire la promotion des publications de cet institut. Le CSA précise :

" En octobre 1992, l'observation d'une semaine d'émissions... avait montré que celles qui présentaient à l'époque des essais comparatifs de l'INC étaient ponctuées par une promotion des publications éditées par l'institut et qu'une des émissions de la semaine... avait été entièrement consacrée à la promotion du nouveau guide.

... En conclusion, on constate :

- qu'au début de l'année 1993, 13 émissions ont été visionnées entre le 3 mars et le 2 avril. Toutes font la promotion d'un journal ou d'un guide et de façon parfois très appuyée : 10 présentent 50 Millions de consommateurs, 3 présentent Que Choisir ;

- qu'entre le 30 août 1993 et le 22 septembre 1993, 12 émissions ont été visionnées et 4 émissions seulement renvoient à la lecture de 50 Millions de consommateurs, de façon moins insistante qu'en début d'année... Sur cette période, aucune référence n'a été faite à Que Choisir.

Si les articles 22 et 23 des cahiers des missions et des charges de France 2 et France 3 précisent que "la société programme fait diffuser des émissions destinées à l'information du consommateur", l'article 4 dispose que l'information doit être pluraliste.

Le conseil, interrogé par le ministre de la communication sur la question de l'accès pluraliste des différents organismes de défense du consommateur aux antennes du secteur public de la télévision, se prononçait... pour une information pluraliste des consommateurs largement ouverte aux diverses organisations représentatives chargées de leur défense.

De plus, en application de l'article 8 du décret du 27 mars 1992, le secteur de la presse est un secteur interdit de publicité télévisée, le même décret prohibant dans son article 9 la publicité clandestine.

Le conseil (...) a donc demandé à la présidence de l'INC de mettre fin à ces pratiques et au président de France Télévision de visionner les émissions en cause avant de les programmer et de refuser leur passage à l'antenne si nécessaire.

En conséquence, le conseil considère que l'INC a effectivement utilisé les émissions prévues par les cahiers des missions et des charges des chaînes du secteur public pour faire de la promotion de ses publications et qu'il a certainement dans ces conditions porté préjudice à l'UFC qui édite la revue Que Choisir et qui n'a pas bénéficié de la même promotion audiovisuelle. "

Dans sont audit sur les médias présenté au conseil d'administration de l'INC du 29 juillet 1994, M. Duquesnoy a estimé entre 40 000 et 80 000 exemplaires les manque à gagner de vente par numéro après que les publicités télévisuelles ont cessé :

" L'absence de soutien télévisuel pèse sur les ventes et rend nécessaire un soutien de notoriété (radio, par exemple). Si l'on prend un numéro comme les crèmes hydratantes, il y avait un numéro équivalent sur les crèmes antirides l'année dernière, à la même force, même qualité de couverture, même période, la seule variable différence a été le soutien télévisuel et il a fait 70 000 exemplaires de moins. On peut estimer entre 40 000 et 80 000 exemplaires les manque à gagner de vente par numéro. C'est une estimation, ne me demandez pas de la justifier, mais c'est un ordre de grandeur pour le mensuel si l'on regarde des thèmes comparables d'une année sur l'autre. "

Par ailleurs, dans ses réponses aux observations de l'inspection générale des finances, le directeur de l'INC reconnaît que le niveau des ventes en kiosque en 1992 et 1993 résultait directement de la publicité quasi quotidienne faite dans les émissions de télévision :

" La fluctuation observée a également concerné la période dite faste (1992-1993), et avec beaucoup de secousses d'un mois sur l'autre. Il faut surtout bien avoir présent à l'esprit que ces succès étaient largement le fruit d'une publicité quasi quotidienne par le biais des émissions TV et qui, par l'incitation forte créée par ces messages pour l'achat d'un magazine, permettait de constater presque immédiatement les bons résultats en kiosque. Dès lors que cette pratique a cessé sur injonction du Comité supérieur de l'audiovisuel (après un an où l'INC a traîné les pieds), les ventes ont nettement chuté. "

En ce qui concerne l'incidence de la publicité télévisuelle des publications de l'INC sur les ventes de l'UFC, on relève que les ventes en kiosque du mensuel Que Choisir ont été particulièrement faibles en 1991, 1992, 1994 et 1995. Toutefois, il n'est pas démontré que l'augmentation des ventes en kiosque des publications de l'INC en 1992 et 1993 s'est faite au détriment de celles de l'UFC. De même, à partir de 1994, la chute des ventes en kiosque des publications de l'INC ne semble pas avoir profité à l'UFC, les ventes des publications de l'UFC, en kiosque ou par abonnement, ayant légèrement baissé en 1994.

Le financement des publications de l'INC :

Il n'existe pas de séparation juridique et matérielle entre les activités commerciales et les activités non commerciales de l'INC. De plus, jusqu'en 1994, les éléments de comptabilité analytique étaient complètement inexistants. Les seuls éléments disponibles étaient des tableaux de résultats qui ne permettaient pas d'affecter aux activités commerciales la part des charges affectées " aux missions de service public ", principalement les essais comparatifs.

Pourtant, dès le 20 mars 1986, dans un référé, la Cour des comptes avait demandé que les activités de presse soient séparées nettement des autres activités de cet établissement public administratif. Dans un référé du 20 juillet 1990, la haute juridiction réitérait les observations formulées dans le référé précédent en rappelant que l'INC devait se doter d'une véritable comptabilité analytique en application du décret du 4 mai 1990.

Les recettes et les charges globales de l'INC entre 1988 et 1998 sont reportées ci-après :

EMPLACEMENT TABLEAU

Sur cette période, les ressources propres (essentiellement les ventes de publications) de l'institut n'ont pas été suffisantes pour couvrir l'ensemble de ses charges. Des subventions ont donc été nécessaires. Toutefois, ces seules données sont insuffisantes pour apprécier si les subventions ont été utilisées pour financer les publications de l'INC, puisque l'établissement public exerce aussi des activités de service public et ne disposait pas, jusqu'en 1994, de comptabilité analytique.

Le rapport Price Waterhouse Conseil du 8 septembre 1994 relève l'absence d'éléments comptables suffisants : " L'absence de compte d'exploitation par produit ne permet pas de maîtriser la structure des coûts des produits, ni l'articulation des contributions de chaque produit à la couverture des charges communes de l'établissement... ".

Toutefois, les rédacteurs de ce rapport ont tenté d'apprécier la contribution nette des différentes activités de l'INC au résultat de l'exercice 1993. Ils ont isolé les activités correspondant à une logique commerciale qui regroupe les publications de l'INC. Ils ont affecté à cette activité les charges directes, les charges de personnel contribuant directement à la production et une quote-part des charges de fonctionnement des différents services techniques. Ainsi, ils ont affecté 40 % du montant des essais comparatifs et 20 % des coûts de la documentation et des services économiques et juridiques aux médias. Sur cette base, la marge d'exploitation nette des médias ressort à 9,5 millions de francs pour 1993. Cette marge commerciale est calculée sans prendre en compte 37,5 millions de francs de charges fixes qui n'ont été affectés ni aux activités commerciales ni aux missions consuméristes.

La politique tarifaire de l'INC :

Les prix de vente en kiosque des revues de l'INC et de l'UFC sont reportés ci-après :

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Si l'on prend en compte le fait que les publications de l'INC contiennent un nombre de pages beaucoup plus élevé que celui des publications de l'UFC, les prix de vente en kiosque moyens annuels à la page, pour le mensuel et l'ensemble des publications, ont évolué comme suit :

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Pour les abonnements, l'INC et l'UFC proposent trois options : un abonnement simple pour le mensuel, un abonnement groupé pour le mensuel et les numéros hors série et un abonnement complet pour le mensuel, les numéros hors série et les guides pratiques. La société ESTCF propose des abonnements simples ou des abonnements groupés aux revues Testé pour vous et Budget & Droits. Les prix des abonnements, hors tarifs promotionnels et hors tarifs pratiqués par les collecteurs (France Abonnement, OFUP), ont évolué comme suit :

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Les prix moyens annuels à la page des abonnements simples ont évolué comme suit :

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3. Les griefs notifiés

Trois griefs ont été notifiés à l'INC pour avoir abusé de la position dominante qu'il détient sur le marché de la presse consumériste spécialisée en mettant en œuvre les pratiques suivantes :

- d'avoir, en 1992 et 1993, fait de la publicité illicite pour ses publications dans les émissions de télévision prévues par les cahiers des charges des chaînes publiques ;

- d'avoir financé le déficit de ses publications commerciales, qui se situent sur un marché concurrentiel, par une partie des subventions qu'il reçoit chaque année, cette utilisation des subventions pour financer ses activités commerciales étant facilitée par l'absence de séparation entre les activités commerciales et non commerciales et par les insuffisances de la comptabilité analytique mise en place à partir de 1994 ;

- d'avoir pratiqué, depuis 1990, des prix de vente kiosque et par abonnement inférieurs et à ses coûts de revient et aux prix de vente de son principal concurrent, l'UFC.

II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL,

Sur la délimitation du marché pertinent :

Considérant que l'INC soutient que ses publications sont en concurrence avec l'ensemble de la presse magazine orientée vers les problèmes de consommation ; que le consumérisme est une mode et que de nombreux supports allèguent qu'ils agissent dans l'intérêt des vrais consommateurs ; que de nombreuses publications procèdent à des essais et distribuent des notes et des distinctions (magazines automobile d'informatique, de chasse...) et que le consommateur moyen ne fait certainement pas la différence entre les essais de l'INC, ceux de l'UFC et ceux des autres publications ; qu'il ajoute que pratiquement toutes les publications contiennent aujourd'hui des études juridiques et économiques ; qu'il soutient également que l'absence de publicité n'est pas un critère déterminant, car il n'est pas certain que le consommateur considère que la publicité entache de partialité les présentations comparatives autres que celles de l'INC et de l'UFC ;

Considérant que le statut consumériste des publications de l'INC et de l'UFC, qui sont centrées sur les résultats d'essais comparatifs émanant d'organismes sans but lucratif et dénuées de publicité, est suffisamment marqué pour qu'elles puissent être considérées comme relevant du même marché; qu'en revanche, la nature des autres publications traitant de problèmes de consommation doit être examinée en détail ;

Considérant que les publications de l'INC, de l'UFC et du Particulier ont des caractéristiques spécifiques qui les distinguent nettement des autres publications orientées vers les problèmes de consommation ; qu'en effet, les autres publications ne sont pas exclusivement consuméristes ; qu'elles n'ont pas pour vocation unique d'informer et de défendre le consommateur ; que la méthodologie de certains essais publiés dans les autres revues n'est pas toujours aussi rigoureuse et que, en tout état de cause, elles contiennent de la publicité de marque qui leur procure des moyens financiers non négligeables et peut faire susciter un doute sur leur objectivité ; que l'INC et l'UFC ont des liens étroits avec le mouvement consommateur ; qu'en revanche, bien qu'édité par une entreprise commerciale qui n'a aucun lien, direct ou indirect, avec le mouvement consommateur et malgré des tests comparatifs non conformes aux normes AFNOR, Le Particulier pratique, par sa conception éditoriale centrée sur l'information des consommateurs, son prix de vente, sa politique commerciale et le fait qu'il ne contient aucune publicité, peut être considéré comme substituable aux publications de l'INC et de l'UFC ; qu'ainsi, il existe un marché de la presse consumériste sur lequel les publications de l'INC étaient, à l'époque des faits, en concurrence avec celles de l'UFC et avec la revue Le Particulier pratique ;

Considérant que l'UFC soutient que le marché des ventes par abonnement doit être distingué de celui des ventes en kiosque ; qu'elle fait valoir que les ventes en kiosque et les ventes par abonnement s'adressent à des clientèles différentes, sont commercialisées dans des réseaux et à des prix différents et évoluent de façon autonome ; qu'à l'appui de son argumentation, elle relève que, dans un arrêt du 11 mars 1993, la Cour d'appel de Paris a retenu que la vente de livres par les clubs, en raison des services offerts, constituait un marché spécifique aux motifs que " le produit lui-même qui est en réalité un produit complexe et ne peut être réduit au livre, ses conditions d'utilisation et les méthodes employées pour sa distribution présentent des caractéristiques particulières... " ; qu'elle ajoute que, selon une enquête IPSOS MEDIAS réalisée en juin 1995, le profil (exprimé par son âge, sa fidélité, son inclination à l'achat de numéro) de l'abonné à 50 Millions de consommateurs est différent de celui de l'acheteur au numéro ;

Mais considérant qu'au soutien de son analyse, l'arrêt précité prend en compte, outre le mode de distribution, de nombreux autres critères : régime légal dérogatoire en matière de prix, niveaux de prix sensiblement et durablement différents, présentation particulière des ouvrages qui sont souvent reliés et portent toujours la marque du club distibuteur, démarche spéficique d'adhésion au club, offres de services annexes ou sans rapport avec le livre réservées au adhérents, engagement minimum d'achat pour une période déterminée, vente par correspondance, stratégie coûteuse de recrutement des adhérents, segmentation du marché du livre pour la durée de l'exploitation des titres, stratégie de diffusion spécifique des éditeurs ;

Considérant qu'en l'espèce, il n'est pas contestable que les ventes en kiosque et les ventes par abonnement se distinguent par leurs réseaux de distribution, leurs prix et leurs méthodes de vente, ni que les ventes en kiosque et les ventes par abonnement peuvent évoluer de manière différente ; que les lectorats peuvent avoir des comportements différents ; que, toutefois, les produits commercialisés en kiosque et par abonnement sont rigoureusement identiques et par conséquent susceptibles de substitution; que, de plus, selon le directeur de l'INC : " Pour les deux types de public, les catégories socio-professionnelle concernées correspondent à une cible assez large de classe moyenne et populaire " et qu'il s'agit donc de structures de lectorat proches ; que les différences observées, qui s'expliquent par la préférence ou les habitudes des lecteurs, ne sont pas de nature à remettre en cause l'unité du marché de la presse consumériste;

Sur la position de l'INC sur le marché pertinent :

Considérant que l'UFC soutient que les parts de marché, les subventions, les moyens matériels et humains, les effets de gamme, l'accès aux médias et l'existence de barrières à l'entrée élevées permettent, sans hésitation, de caractériser la position dominante de l'INC sur le marché de la presse consumériste vendue en kiosque et, au moins jusqu'en 1996, sur le marché général de la presse consumériste ;

Considérant que l'INC prétend, à l'inverse, qu'il n'est pas en position dominante si l'on se réfère au seul critère de la part de marché ; qu'il relève que, si sa part de marché a été jusqu'en 1993 supérieure à celle de l'UFC, la part de cette dernière n'a pas cessé de croître depuis 1990 ; qu'à partir de 1995, la part de marché de l'UFC devient, de manière constante, nettement supérieure, non seulement à la sienne, mais encore à la moitié du marché total ; que, de plus, les autres critères ne seraient pas pertinents ; que, s'agissant du statut de l'INC et de ses sources de financement, notamment des subventions reçues, l'INC fait valoir qu'il est chargé de missions de service public dont l'utilité est difficilement contestable et que les subventions d'exploitation, accordées sans priorité d'affectation, sont destinées à permettre l'accomplissement des missions fixées par le décret de 1990 ; qu'il ajoute qu'il n'est nullement établi que les subventions aient été exclusivement utilisées à financer les publications ; que, s'agissant de l'accès privilégié aux médias, l'INC relève qu'à partir de 1994, les associations de consommateurs agréées et l'INC se sont réparti le temps d'antenne et que l'établissement public n'a conservé que 25 % des émissions ; qu'en ce qui concerne ses moyens humains, l'INC indique qu'il n'y a pas d'agents mis à sa disposition et que les agents détachés sont rémunérés sur son budget ; qu'il signale que l'UFC peut tirer profit des services rendus bénévolement par les militants ; qu'enfin, en ce qui concerne les barrières à l'entrée, l'INC relève que, contrairement à l'UFC, il n'a jamais pu adhérer à International Testing en raison notamment de l'hostilité de l'UFC ; que, grâce à son accès aux essais comparatifs mutualisés par International Testing, l'UFC bénéficie d'un tarif préférentiel pour la réalisation de ses propres essais ;

Mais considérant qu'une entreprise est en position dominante si elle est en situation de s'abstraire de la concurrence des autres entreprises sur le marché et que, même si ce critère n'est pas unique, la domination du marché se caractérise, d'abord, par la part de marché détenue ;

Considérant, en premier lieu, que, jusqu'en 1993, la part de marché de la presse consommatrice de l'INC était supérieure à 50 % à celle de l'UFC; qu'en effet, en 1991, 1992 et 1993, la part de marché de l'INC en valeur a été de 59 %, 61 % et 55 % alors que celle de l'UFC était respectivement de 35 %, 34 % et 38 %;

Considérant, en deuxième lieu, quel'INC bénéficiait, à la même époque, d'un accès privilégié à la télévision et d'un temps d'antenne gratuit, en application des cahiers des charges des chaînes publiques ; que l'INC produisait et réalisait les émissions, les modalités pratiques étant fixées dans des conventions annuelles conclues entre l'INC et les chaînes publiques ; qu'il s'agissait d'émissions d'une durée de deux à trois minutes diffusées plusieurs fois par semaine sur France 2 et France 3 ; que, jusqu'en 1994, l'INC a réalisé ces émissions sous sa seule responsabilité ; qu'il utilisait principalement le temps pour ses besoins propres, les interventions des associations de consommateurs étant alors ponctuelles ; qu'abstraction faite du caractère licite ou non de son utilisation tenant à la publicité effectuée pour la revue 50 Millions de consommateurs, ce temps d'antenne permettait à l'institut de se faire connaître et de faire des allusions à ses publications ; que cet accès privilégié constituait un avantage par rapport à ses concurrents dans la mesure où il lui permettait d'accroître sa notoriété et de se présenter comme le porte-parole et le défenseur des consommateurs ; qu'une telle faculté était de nature à renforcer sa position sur le marché de la presse consumériste ;

Considérant, en troisième lieu, que la situation financière de l'INC se caractérise par une absence de contrainte de bilan liée à son statut d'établissement public; qu'en 1990, 1991 et 1992, la subvention annuelle accordée à l'INC a été particulièrement élevée et a dépassé 45 millions de francs auxquels il convient d'ajouter la subvention en nature représentée par l'accès gratuit à la télévision ; que si, comme le rappelle l'INC, les subventions qu'il reçoit sont liées à ses missions de service public, elles sont accordées sans affectation prédéfinie ; qu'elles permettent donc à l'institut d'affecter à ses activités commerciales des moyens beaucoup plus importants que ceux dont disposent l'UFC et les autres concurrents ; que, compte tenu de leurs montants élevés et du fait qu'elles peuvent être utilisées en partie pour financer les publications, elles sont de nature à permettre à l'INC de supporter sur une longue période des pertes de son pôle médias et renforcer sa position sur le marché ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que l'INC était, entre 1990 et 1993, en position dominante sur le marché de la presse consumériste ;

Sur la publicité illicite dans les émissions de télévision :

Considérant que l'UFC soutient qu'il est clairement établi que l'utilisation illicite de la publicité télévisée a permis à l'INC d'accroître de façon artificielle ses ventes en kiosques ; que cette aumentation a été suivie d'une forte chute des ventes lorsque les pratiques ont cessé ; qu'elle relève que le passage à la télévision compte, selon une enquête IPSOS, pour 19 % dans l'acte d'achat pour les acheteurs occasionnels et pour 18 %, en moyenne ; que, selon l'UFC, les tarifs d'un spot de publicité d'une minute trente, dans les tranches horaires des émissions de l'INC, variaient de 88 000 F à 177 000 F ; que, sur cette base, l'INC aurait bénéficié ainsi de 1,4 million de francs de publicité gratuite par semaine, soit près de 53 millions de francs par an ;

Considérant que l'INC ne conteste pas qu'en 1992 et 1993, il a utilisé partiellement le temps d'antenne destiné à l'information des consommateurs pour assurer la promotion de sa revue, en contradiction avec les règles qui interdisent la publicité télévisée en faveur des organes de presse ; que, toutefois, il rappelle que ces publicités ont cessé dès novembre 1993 et que l'UFC a également utilisé certaines émissions de télévision pour faire de la publicité pour ses publications ; qu'il soutient qu'il n'est pas démontré que les publicités télévisées en faveur de sa revue ont eu des effets négatifs directs sur les ventes de la revue Que Choisir éditée par l'UFC et que ces publicités ont eu un objet ou un effet anticoncurrentiel sur le marché de la presse consumériste spécialisée ;

Mais considérant que les ventes des publications de l'INC se sont fortement développées en 1992 et 1993, période au cours de laquelle l'INC faisait de la publicité pour ses publications à la télévision ; qu'en effet, le chiffre d'affaires de ces publications est passé de 83 millions de francs en 1990 à 129 millions en 1992 et à 107 millions en 1993 ; que les ventes moyennes mensuelles de la revue 50 Millions de consommateurs s'élevaient à 226 800 exemplaires en 1991, 268 200 exemplaires en 1992 et 292 000 exemplaires en 1993 ; que cette progression des ventes en 1992 et 1993 a concerné les ventes en kiosque, qui varient en fonction des thèmes traités et de la publicité qui en est faite, alors que les ventes par abonnement ont diminué pratiquement chaque année entre 1991 et 1996 ;

Considérant, par ailleurs, que les ventes des publications de l'INC ont fortement chuté dès la cessation de la publicité dans les émissions télévisées, c'est-à-dire à partir de novembre 1993 ; que cette baisse des ventes a concerné principalement les ventes en kiosque qui sont passées de 170 600 exemplaires en 1992, à 141 000 exemplaires en 1993, et à 84 300 exemplaires en 1994 ; que, dans son audit sur les médias présenté au conseil d'administration de l'INC du 29 juillet 1994, M. Duquesnnoy a estimé entre 40 000 et 80 000 exemplaires les pertes de vente par numéro dues à la fin des publicités télévisuelles ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la publicité télévisuelle de ses publications effectuée en infraction aux dispositions du décret du 27 mars 1992 interdisant la publicité télévisuelle des publications de presse a procuré à l'INC un avantage concurrentiel certain en lui permettant d'augmenter de manière sensible ses ventes en kiosque et d'atteindre ainsi des niveaux de chiffres d'affaires et de parts de marché jamais égalés; que, de plus, l'INC était le seul, sur ce marché, à pouvoir faire de la publicité à la télévision ; qu'en effet, ses concurrents ne disposaient pas de moyens financiers suffisants pour financer de telles campagnes à la télévision et, qu'en tout état de cause, les publicités pour la presse à la télévision étant prohibées, ils n'auraient pas pu légalement y recourir ;

Considérant, ainsi, que la publicité illicite effectuée à la télévision par l'INC a eu pour objet et pour effet de fausser la concurrence sur le marché de la presse consumériste; qu'elle a pu faire obstacle au développement d'une compétition par les seuls mérites; que, même si l'UFC n'a pas enregistré, en valeur absolue, une chute de ses ventes, la pratique en cause a pu limiter ses perspectives de progression ainsi que celles des autres opérateurs et exercer un effet dissuasif sur de nouvelles entrées éventuelles sur le marché; que,mise en œuvre par une entreprise en position dominante, une telle pratique constitue un abus prohibé par l'article L. 420-2 du Code de commerce ;

Sur l'utilisation des subventions pour financer les activités commerciales et sur les pratiques de prix bas :

Considérant que l'UFC soutient que l'INC a sciemment maintenu une opacité comptable et a financé son activité concurrentielle, structurellement déficitaire par des subventions publiques ; que ces subventions ont permis à l'INC de s'abstraire de la concurrence et de fausser le jeu de la concurrence avec l'UFC ;

Considérant que l'INC fait valoir que c'est pour réaliser sa mission générale d'information et de protection des consommateurs qu'il a créé, en 1970, la revue 50 Millions de consommateurs ; que cette publication lui a effectivement permis d'assurer sa mission de service public d'information des consommateurs en diffusant, le plus largement possible, d'une part, les résultats des essais comparatifs et, d'autre part, des conseils de vie pratique relatifs à la protection des consommateurs ; que les activités désignées par le rapporteur comme concurrentielles ou commerciales répondaient en réalité aux missions de service public de l'INC ; qu'il ne saurait donc lui être reproché d'avoir financé une partie des déficits de cette activité par les subventions d'exploitation ; que l'institut relève, en outre, que l'UFC reçoit aussi des subventions et que les effets sur la concurrence des pratiques qui lui sont reprochées ne sont pas démontrés ;

Considérant que l'INC est un établissement public national à caractère industriel et commercial ; qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 90-381 du 4 mai 1990 l'objet de l'institut est de faire pratiquer des essais comparatifs, de gérer un centre d'information et de documentation, ainsi qu'un organisme d'études et de formation sur les problèmes de consommation et de développer l'information des consommateurs ; que cette dernière mission prend notamment la forme de la publication de revues; que l'INC bénéficie de subventions publiques pour accomplir l'ensemble de ses missions d'intérêt général; que les subventions qui lui sont allouées n'ont pas d'affectation particulière et qu'elles sont destinées à lui permettre d'exercer l'ensemble de ses misions de service public y compris l'information des consommateurs ;

Considérant, en outre, qu'il n'est pas démontré que les prix de vente de la revue 50 Millions de consommateurs aient été inférieurs à son coût variable moyen de production et constitueraient de ce fait des prix prédateurs ;

Considérant, dès lors, que les griefs relatifs au financement du déficit des publications commerciales et à la pratique des prix bas, par une utilisation abusive des subventions reçues par l'institut, ne sont pas fondées ;

Sur les sanctions :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2 du code du commerce, le Conseil de la concurrence : " peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos. Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le maximum est de dix millions de francs " ;

Considérant que l'INC, en position dominante sur le marché de la presse consumériste, a abusé de cette position en faisant, en 1992 et 1993, de la publicité pour ses publications dans les émissions de télévision prévues par les cahiers des charges des chaînes publiques ; que cette pratique a eu pour objet et pour effet de fausser la concurrence sur le marché de la presse consumériste ;

Considérant que, pour apprécier la gravité des faits reprochés, il y a lieu de prendre en compte le fait que l'INC est un établissement public qui a sciemment utilisé, pendant plusieurs années, le temps d'antenne destiné à l'information des consommateurs pour faire de la publicité ; que les responsables de l'INC ne pouvaient ignorer l'impact de ces publicités sur les ventes et les parts de marché de l'INC ; qu'au surplus cette pratique était illicite ;

Considérant que, pour évaluer le dommage à l'économie, il convient de rappeler que, selon l'audit présenté au Conseil d'administration de l'INC le 29 juillet 1994, la cessation de la publicité télévisée s'est traduite par une diminution des ventes de la revue en kiosque estimés entre 40 000 et 80 000 exemplaires, le chiffre d'affaires annuel réalisé grâce à la pratique illicite peut être évalué à 37 millions de francs ; que, dès que la pratique illicite a cessé en 1994, la part de marché de l'UFC, principal concurrent de l'INC, a augmenté alors pourtant que l'essentiel de ses ventes se réalise par abonnement, tandis que la part de marché de l'INC diminuait ;

Considérant que l'INC a réalisé en France, au cours de l'exercice 1999, dernier exercice clos disponible, un chiffre d'affaires net de 60 028 457 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci- dessus il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire d'un million de francs,

Décide :

Art. 1er : - Les griefs notifiés à l'INC relatifs à l'utilisation de subventions publiques pour financer le déficit de ses activités commerciales et aux pratiques de prix bas ne sont pas établis.

Art. 2 : - Il est établi que l'INC a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce en abusant de la position dominante qu'il détenait entre 1990 et 1993 sur le marché de la presse consumériste en faisant de la publicité illicite pour ses publications dans les émissions prévues pour l'information des consommateurs par les cahiers des charges des chaînes publiques.

Art. 3 : - Il est infligé à l'Institut national de la consommation une sanction pécuniaire d'un million de francs.