Conseil Conc., 8 juillet 1998, n° 98-PB-05
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Saisine ministérielle concernant une opération promotionnelle portant sur des disques, réalisée par un magasin à l'enseigne Auchan
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport de M. Philippe Komiha, par M. Jenny, vice-président, présidant la séance, M. Cortesse, vice-président, , Mme Boutard-Labarde, MM. Rocca, Sloan, Thiolon, Urbain, membres.
Le Conseil de la concurrence (section III),
Vu la lettre enregistrée le 24 octobre 1997 sous le numéro P 11, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence d'une offre promotionnelle effectuée sur des disques par l'hypermarché Auchan sis au Havre (76), susceptible d'être prohibée par les dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement; Vu les autres pièces du dossier; Le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement entendus; le président-directeur général de la SA Debard ayant été entendu sur le fondement de l'article 25 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Considérant que le magasin à l'enseigne L'Audito, au Havre, détaillant indépendant spécialisé dans la distribution des disques, cassettes audio et vidéo, géré par la SA Debard et fils, a dénoncé les prix pratiqués sur des disques à l'occasion d'une promotion en novembre 1996 par l'hypermarché Auchan sis au Havre; que cette enseigne a lancé au plan national une opération appelée "des milliers de cadeaux", en diffusant un catalogue de 60 pages, portant sur divers produits; que deux pages étaient consacrées aux disques et portaient sur des variétés françaises et étrangères, avec huit albums de nouveautés, trois albums de fond de catalogue, quatre coffrets commémoratifs d'artistes français, comportant de sept à douze disques compacts, et quinze coffrets et compilations d'albums dits "mid price", contenant de deux à quatre disques compacts, portant sur des titres assez anciens réédités à prix réduits par les éditeurs, et représentant 302 références; que cette promotion était offerte du 18 novembre au 21 décembre 1996;
Considérant que l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prohibe les "offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits..." et qu'il précise que: "Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de revente en l'état, à l'exception des enregistrements sonores reproduits sur supports matériels";
Sur la délimitation du marché pertinent:
Considérant que l'hypermarché Auchan du Havre est situé à 5 kilomètres au nord de l'Audito; qu'il a été relevé qu'une baisse du chiffre d'affaires moyen mensuel du magasin L'Audito a coïncidé avec l'ouverture, en avril 1995, d'un Espace culturel E. Leclerc situé à 10 kilomètres à l'est du centre du Havre; qu'en 1996, alors que pour L'Audito l'écart de chiffre d'affaires mensuel par rapport à 1994 a été de - 660 000 F, le chiffre d'affaires moyen réalisé lors des mois courants par cet Espace culturel E. Leclerc a été de 620 000 F, qui a ainsi récupéré une partie de la clientèle de l'agglomération qui n'a plus à se déplacer nécessairement au centre-ville pour acquérir des disques soit qu'elle vienne spécifiquement pour acheter ces produits, soit qu'elle en acquière à l'occasion de sa venue pour d'autres achats dans les autres magasins du centre commercial; que la même analyse peut être faite pour le magasin Auchan situé à 5 kilomètres du magasin L'Audito; qu'il est ainsi constaté qu'il existe des déplacements de clientèle significatifs dans la zone incluant les distributeurs de disques en question;
Considérant que la promotion du magasin Auchan concernait des disques de variétés françaises et étrangères et des disques classiques, avec des nouveautés, des coffrets, des fonds de catalogue; que les quinze titres qui ont fait l'objet des vérifications menées par l'administration, proposés dans cette promotion, étaient également présents chez L'Audito;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le marché à prendre en compte est celui de la distribution du disque dans l'agglomération havraise;
Sur les dispositions de l'article 10-1:
Considérant que l'hypermarché Auchan fait partie d'un groupe de la grande distribution généraliste disposant de plusieurs points de vente sur l'ensemble du territoire; qu'en 1996, les chiffres d'affaires TTC ont été, pour l'ensemble de l'activité, de 1,278 milliard pour le magasin Auchan et de 22 000 000 F pour L'Audito, pour les disques de 14 256 000 F pour Auchan soit 1,1 % de son activité globale contre 90 % pour L'Audito avec 19 671 000 F; que le magasin Auchan peut s'appuyer sur une structure nationale importante et sur la diversité des produits qu'il commercialise, lui permettant ainsi d'opérer d'éventuelles compensations entre les différents rayons, d'autant que les disques ne représentent qu'une très faible part de ses ventes; qu'en comparaison L'Audito est un revendeur indépendant de taille modeste, dont l'activité dépend essentiellement de la vente des disques; que la promotion s'est déroulée pendant une période de fortes ventes pour les disques; qu'en conséquence les circonstances caractérisées par la possibilité d'une situation de déséquilibre entre les deux magasins et la durée de la pratique justifient un examen des prix de cette promotion;
En ce qui concerne le caractère abusivement bas des prix:
Considérant qu'en ce qui concerne les coûts susceptibles de servir de référence pour apprécier le caractère abusivement bas des prix, le Conseil a indiqué, dans son avis n° 97-A-18 du 8 juillet 1997, qu'en tout état de cause seront pris en considération les coûts variables, un prix de vente inférieur au coût variable permettant de présumer un effet d'éviction; que par ailleurs le Conseil a indiqué que des prix pourraient être considérés comme abusivement bas par rapport aux coûts moyens totaux, même s'ils étaient supérieurs aux coûts variables, si la pratique de prix bas est accompagnée d'indices suffisamment sérieux, précis et concordants d'une volonté délibérée de capter la clientèle au détriment d'un concurrent;
Considérant que, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, dans l'arrêt AKZO du 3 juillet 1991, la nature fixe ou variable de certains coûts doit être appréciée au regard des circonstances de l'espèce; qu'en effet dans cet arrêt la Cour a précisé notamment: "Il convient donc d'examiner si les frais de main-d'œuvre ont, en l'espèce, varié en fonction des quantités produites..." et que: "Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que les coûts variables sont ceux qui figurent dans les documents que cette entreprise a soumis à la Cour"; que, dans sa décision n° 94-MC-10 du 14 septembre 1994 concernant le secteur du béton prêt-à-l'emploi dans le département du Var, le Conseil a défini le coût moyen variable de production à partir de la comptabilité analytique établie mensuellement par chacune des entreprises; qu'il résulte des deux décisions précitées qu'il convient d'examiner, d'après la comptabilité particulière du distributeur, les coûts dont l'évolution est liée à l'évolution des quantités vendues;
Considérant, en premier lieu, que le coût d'achat des disques constitue dans la présente espèce un coût variable; que, pour onze titres sur quinze de la promotion Auchan, le prix de vente est supérieur au prix d'achat et que, pour quatre titres, il est égal au prix d'achat;
Considérant, en deuxième lieu, que le magasin Auchan a produit un compte d'exploitation analytique global du magasin pour l'année 1996; que les ventes, tous produits confondus, ont baissé de 3,2 % par rapport à l'exercice précédent, tandis que les ventes de disques ont baissé de 17 %; que les frais de personnel n'ont pas augmenté pendant la promotion, alors que sur cette période les ventes de disques ont progressé par rapport au mois précédent de 30 % et que sur l'ensemble de l'année ces frais ont augmenté de 1,1 %; que l'évolution des frais de gestion courante a été la suivante: - 12 % pour les emballages, - 5 % pour l'entretien, + 20 % pour l'énergie, + 3,7 % pour la publicité, + 27,5 % pour le loyer;
Considérant que les frais d'infrastructure comportent principalement le loyer et les charges locatives, les amortissements et les taxes et assurances; que le loyer et les charges locatives résultent d'une convention passée avec le bailleur et sont déterminés en fonction des données du marché de l'immobilier commercial dans la zone géographique considérée; qu'en ce qui concerne les amortissements, leur évolution est fonction du choix opéré par l'entreprise quant à leur durée dans le cadre de la réglementation; que les taxes, qui incluent notamment les taxes foncières, sont des charges dont les montants résultent des décisions prises par les pouvoirs publics dans le cadre de la réglementation fiscale; qu'enfin les assurances résultent de contrats dont les montants sont déterminés par la nature et l'importance des risques à couvrir;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la plupart de ces catégories de coûts sont fonction de paramètres étrangers au volume des ventes; que pour les frais de personnel et de gestion courante il n'est pas possible d'établir une corrélation entre leur évolution et la variation des ventes; que d'ailleurs, à partir de l'examen des éléments comptables communiqués, le service d'enquête, après avoir listé les différents postes de charges, soit les frais de personnel, les frais de gestion courante, les frais d'infrastructure et les frais de services centraux, avait indiqué dans un premier temps: "Afin de connaître le coefficient théoriquement requis par rapport au prix d'achat, nous avons rapporté les coûts fixes au montant des achats"; qu'ainsi les frais de commercialisation, hors le prix d'achat, incluant les frais de personnel, les frais de gestion courante, les frais d'infrastructure et les frais de services centraux sont considérés comme des coûts fixes; que, dans un second temps, à l'issue d'une enquête complémentaire, le service d'enquête a indiqué que: "Les opérations promotionnelles en cause n'ont pas généré de coût supplémentaire en termes de frais de personnel. Ce point a été confirmé par les responsables des magasins à l'occasion des contrôles";
Considérant, cependant, que le commissaire du Gouvernement, dans ses observations écrites, note: "En premier lieu, le coût d'achat n'est certainement pas le seul coût proportionnel aux quantités vendues. Les charges de personnel, pour une partie au moins (personnel de caisse, personnel de gestion des rayons), certains frais logistiques ou généraux (emballage, étiquetage, stockage...) sont sans aucun doute liés au volume d'activité. Il conviendrait donc d'isoler ces postes et de trouver une clé de répartition permettant d'imputer la part supportée par le rayon disques. En second lieu, il sera relevé qu'en toute hypothèse, les coûts dont il vient d'être question figurent au nombre des coûts de commercialisation. Il en est d'ailleurs d'autres, qu'il s'agisse des frais généraux imputables à due proportion au rayon disques ou de frais directement affectés à un rayon (points d'écoute, bacs de présentation, démarque inconnue...)";
Considérant, néanmoins, que si l'on intègre aux coûts variables les frais de personnel, cités par le commissaire du Gouvernement comme faisant partie de coûts de commercialisation même s'ils ne sont pas directement proportionnels aux ventes, il convient, en tout état de cause, d'imputer ces frais de personnel aux disques vendus en promotion au prorata du montant de leurs ventes dans les ventes totales de disques; que le chiffre d'affaires réalisé sur les disques de la promotion a représenté 6,4 % des ventes de disques sur cette période; que le coût du personnel, ainsi affecté à la vente des disques en cause, ressort à 2,6 % du chiffre d'affaires réalisé sur ces mêmes disques;
Considérant qu'en ce qui concerne les autres coûts, soit les frais d'infrastructure, de services centraux et de gestion courante, leur affectation aux disques sur la période de la promotion, au prorata de ce que représente le rayon concerné au sein du magasin, aboutit à un taux de 4,8 % qui, cumulé au coût du personnel, aboutit à un coût total de 7,4 %;
Considérant que l'examen de la marge entre le prix d'achat et le prix de vente permet de constater que le prix de vente de 11 des 15 disques en cause couvrait les coûts de personnel; qu'en revanche, si aucun disque n'a été vendu à un prix inférieur à son coût d'achat, 8 des 15 titres ont été vendus à un prix inférieur au coût moyen total, dont 4 ne couvraient pas au moins les frais de personnel;
En ce qui concerne la constatation d'une éviction du marché:
Considérant qu'une pratique de prix abusivement bas, à supposer qu'elle soit établie, ne suffit pas à justifier l'application de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; qu'il convient d'établir si cette pratique a pour objet ou est susceptible d'avoir pour effet d'évincer du marché l'entreprise qui prétend en être victime; que, dans le cas d'espèce, le dossier d'instruction ne contient aucun indice ou document démontrant l'existence d'une volonté d'éviction de L'Audito au Havre de la part de l'hypermarché Auchan du Havre; qu'en conséquence il y a lieu de vérifier si la pratique de prix de l'hypermarché Auchan n'a pas eu ou ne pouvait avoir un tel effet;
Considérant, en premier lieu, que les disques pour lesquels le coût du personnel ne serait pas couvert par leur prix de vente concernaient seulement quatre des titres de la promotion, sur un total de 12 000 références commercialisées par le magasin Auchan et 19 000 commercialisées par L'Audito; que, tant pour Auchan que pour L'Audito, le chiffre d'affaires des disques en promotion a représenté une faible part de leurs ventes de disques de novembre et décembre 1996, soit respectivement 4,3 % et 2,5 %; que seulement trois des albums proposés figuraient au "top 20" des meilleures ventes de novembre 1996 et n'ont représenté que 1,3 % des ventes de disques d'Auchan pendant la période de la promotion; qu'ainsi il n'est pas établi que les produits visés constituaient des produits porteurs à forte notoriété, qui auraient représenté une part significative de la demande;
Considérant que si, pendant la période de la promotion, les ventes réalisées par L'Audito sur les disques de cette promotion ont été inférieures à celles d'Auchan, dans la proportion de - 34 % en quantité et de - 23 % en valeur, l'instruction n'a pas établi que, sur d'autres périodes, pour les mêmes disques, L'Audito a obtenu de meilleurs résultats par rapport à son concurrent; que, par contre, malgré la promotion, le nombre de disques figurant dans la promotion vendus par L'Audito a été sensiblement plus élevé pendant la durée de cette promotion, soit 851 unités, qu'avant ou après, soit 312 entre le 1er octobre et le 17 novembre 1996, et 649 entre le 22 décembre 1996 et le 31 janvier 1997, alors même que cette dernière période inclut les dates de Noël et du réveillon de fin d'année;
Considérant que, sur vingt-trois des trente-deux jours de la promotion, les ventes d'Auchan ont été inférieures à celles des mêmes jours de l'année précédente, dans une fourchette de - 0,6 % à - 40 %, dont quatorze jours avec une baisse dépassant 15 %; que, pour les neuf autres jours, les hausses constatées s'échelonnent de + 0,6 % à + 24 %, avec seulement deux jours dont la hausse dépasse 15 %; que si, pour les produits en promotion, le chiffre des ventes d'Auchan rapporté au chiffre des ventes de L'Audito aboutit à un ratio d'activité de 1.32, le ratio constaté pour l'ensemble des disques a été en faveur de L'Audito, soit 0.90 en novembre et 0.88 en décembre, de tels ratios ayant déjà été atteints sur d'autres périodes; que, pendant la période de la promotion, les ratios hebdomadaires pour Auchan ont été successivement de 0.79, 0.83, 0.96, 0.90 et 0.81, soit sensiblement en dessous de celui des disques en promotion; qu'ainsi il n'est pas établi que la promotion sur les quinze produits visés a eu un effet d'entraînement sur les ventes d'autres disques au détriment de L'Audito;
Considérant que la progression du chiffre d'affaires des deux magasins été égale sur le bimestre de la promotion par rapport au mois d'octobre, soit + 2 046 000 F pour Auchan et + 2 053 000 F pour L'Audito, tandis qu'en décembre 1996 la progression des ventes de L'Audito a été de + 135 % alors que celle d'Auchan a été de + 129 %; que le chiffre d'affaires journalier de L'Audito de novembre et décembre 1996 n'a pas subi de baisse pendant la promotion Auchan; qu'ainsi, à partir du 30 novembre, sa progression est constante et sensible, d'une part, jour par jour, d'autre part, en comparant les mêmes jours d'une semaine à l'autre; que, par exemple, le dernier samedi avant la promotion, L'Audito a réalisé 130 035 F, tandis que, le samedi 21 décembre, dernier jour de l'opération, il a réalisé 343 680 F; que durant les trois jours qui suivirent la fin de la promotion Auchan, et qui précèdent immédiatement Noël, L'Audito a réalisé des chiffres supérieurs à ceux constatés d'ordinaire le lundi et le mardi, avec un dimanche en sus, alors qu'habituellement il est fermé ce jour; qu'ainsi, à supposer même que les ventes de L'Audito aient été affectées par la promotion du magasin Auchan, cet effet a été étroitement limité dans le temps;
Considérant que, si L'Audito a enregistré en novembre/décembre 1996 une baisse d'activité par rapport à la même période de l'année précédente, soit - 13 % en novembre et - 22 % en décembre, d'une part, son chiffre d'affaires est en baisse constante depuis novembre 1994, avec une accélération de cette baisse depuis avril 1995, d'autre part, les baisses mensuelles d'une année sur l'autre ont été de plus forte amplitude en 1995 qu'en 1996, notamment en novembre et décembre 1995; qu'il en résulte que cette baisse d'activité ne peut être imputée à la promotion réalisée par le magasin Auchan;
Considérant au surplus que l'examen des comptes de L'Audito permet de constater, pour l'exercice comptable courant du 1er avril 1996 au 30 mars 1997, que le résultat d'exploitation a été de 672 000 F, en progression de 80 % par rapport à l'exercice précédent, que le résultat courant s'est élevé à 496 000 F, en hausse de 116 %, et que le résultat net a été multiplié par 4,4 avec un montant de 485 000 F;
Considérant que le responsable de L'Audito a reconnu en séance qu'une promotion d'une durée d'un mois portant sur un nombre limité de disques telle que celle réalisée par le magasin Auchan n'a pu avoir un effet d'éviction du marché à son encontre, d'autant que lui-même a proposé des produits en promotion à la même époque, mais que la répétition de telles opérations pourrait avoir un tel effet à long ou moyen terme; qu'en effet, pour un distributeur qui serait confronté à plusieurs reprises et à intervalles suffisamment rapprochés à des ventes à prix bas de la part d'un concurrent, alors que lui-même ne serait pas en mesure de pratiquer de tels prix aussi régulièrement sans remettre en cause l'équilibre de son entreprise, et dès lors qu'il serait établi que les prix en question constituaient des prix abusivement bas, une telle situation pourrait aboutir à son éviction du marché; que, cependant, en l'espèce, l'instruction n'a pas établi que le magasin Auchan, dans la zone de chalandise du Havre, a pratiqué à plusieurs reprises des prix susceptibles d'être considérés comme abusivement bas sur des disques qui auraient représenté une part prépondérante du marché, et qui auraient suscité la baisse d'activité de L'Audito constatée depuis 1994;
Considérant, au surplus, que si l'hypermarché Auchan du Havre fait partie d'un groupe de la grande distribution généraliste, cependant sur la zone de chalandise considérée L'Audito réalise les plus fortes ventes de disques avec 34,5 % des ventes en 1996 contre 23,9 % pour Auchan; qu'en ce qui concerne les conditions qu'ils sont en mesure d'obtenir de leurs fournisseurs, l'examen des prix d'achat des disques de la promotion permet de constater que, sur quinze titres, dans six cas L'Audito a obtenu un prix plus favorable que Auchan, que, pour deux titres, les prix d'achat sont identiques et que, pour sept titres, Auchan a obtenu un meilleur prix d'achat; qu'ainsi, pour un titre sur deux, L'Audito n'a pas été désavantagé par rapport à Auchan et que les conditions d'achat que le magasin Auchan obtient par l'intermédiaire de sa centrale d'achats n'apparaissent pas comme constituant un facteur de déséquilibre au détriment de L'Audito;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il n'est pas établi que les prix pratiqués sur les disques de la promotion réalisée par le magasin Auchan du Havre ont eu pour objet ou aient pu avoir pour effet d'évincer du marché le magasin L'Audito du Havre; qu'en conséquence cette opération n'est pas visée par les dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986,
Décide:
Article unique. - Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.