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Décisions

Conseil Conc., 8 juillet 1998, n° 98-PB-04

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Saisine ministérielle concernant une opération promotionnelle portant sur des disques, réalisée par un magasin à l'enseigne Mammouth

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport de M. Philippe Komiha, par M. Jenny, vice-président, présidant la séance, M. Cortesse, vice-président, , Mme Boutard-Labarde, MM. Rocca, Sloan, Thiolon, Urbain, membres.

Conseil Conc. n° 98-PB-04

8 juillet 1998

Le Conseil de la concurrence (section III),

Vu la lettre enregistrée le 24 octobre 1997 sous le numéro P-10, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence d'une offre promotionnelle effectuée sur des disques par l'hypermarché Mammouth sis à Montivilliers (76), susceptible d'être prohibée par les dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement entendus ; le président-directeur général de la SA Debard ayant été entendu sur le fondement de l'article 25 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que le magasin à l'enseigne L'Audito au Havre, détaillant indépendant spécialisé dans la distribution des disques, cassettes audio et vidéo, géré par la SA Debard et fils, a dénoncé l'opération à prix coûtants réalisée en novembre 1996 par l'hypermarché Mammouth sis à Montivilliers, au nord du Havre ; que cet hypermarché a diffusé, par insertion dans la presse locale, une publicité comportant la mention "3 jours seulement", qui proposait des baisses de prix sur plusieurs articles dans des rayons divers, dont le rayon disques, pour lequel figurait la mention : "les 20 premiers du top-album à prix coûtants" ; que cette promotion s'est déroulée sur trois jours, soit du lundi 25 novembre au mercredi 27 novembre 1996 ;

Considérant que l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prohibe les "offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits..." et qu'il précise que : "Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de revente en l'état, à l'exception des enregistrements sonores reproduits sur supports matériels" ;

Sur la délimitation du marché pertinent :

Considérant que l'hypermarché Mammouth en cause est situé à cinq kilomètres au nord de l'entrée du Havre ; qu'il a été relevé qu'une baisse du chiffre d'affaires moyen mensuel du magasin L'Audito a coïncidé avec l'ouverture en avril 1995 d'un Espace culturel E. Leclerc situé à dix kilomètres à l'est du centre du Havre ; qu'en 1996, alors que pour L'Audito l'écart de chiffre d'affaires mensuel par rapport à 1994 a été de - 660 000 francs, le chiffre d'affaires moyen réalisé lors des mois courants par cet Espace culturel E. Leclerc a été de 620 000 francs, qui a ainsi bénéficié d'une partie de la clientèle de l'agglomération qui n'a plus à se déplacer nécessairement au centre-ville pour acquérir des disques soit qu'elle vienne spécifiquement pour acheter ces produits, soit qu'elle en acquière à l'occasion de sa venue pour d'autres achats dans les autres magasins du centre commercial ; que la même analyse peut être faite pour le magasin Mammouth situé à onze kilomètres du magasin L'Audito, mais au nord ; qu'il est ainsi constaté qu'il existe des déplacements de clientèle significatifs dans la zone incluant les distributeurs de disques en question ;

Considérant que la promotion concernait des disques classés dans les vingt premiers titres du top-album, sans qu'une distinction entre les nouveautés et les fonds de catalogue soit apparente, ni que les prix pratiqués par le magasin Mammouth pour ces deux catégories de disques soient significativement différents ; que l'enquête a permis de constater que les titres proposés dans cette promotion étaient pour au moins seize d'entre eux également commercialisés par L'Audito ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le marché à prendre en compte est celui de la distribution du disque dans l'agglomération havraise ;

Sur les dispositions de l'article 10-1 :

Considérant que l'hypermarché Mammouth, à l'époque des faits, était intégré au groupe Docks de France et que sa gestion, tant pour ses achats que pour sa comptabilité, relevait du siège ; que, pour sa part, L'Audito est un magasin indépendant ; qu'en 1996 les chiffres d'affaires totaux TTC ont été, respectivement pour le magasin Mammouth et pour L'Audito, de 579 675 000 francs et de 22 000 000 francs, et de 5 542 000 francs contre 19 671 000 francs pour les disques, soit pour Mammouth 1 % de son activité globale, contre 90 % pour L'Audito ; qu'ainsi le magasin Mammouth pouvait s'appuyer sur une structure nationale importante et sur la diversité des produits qu'il commercialise, lui permettant ainsi d'opérer d'éventuelles compensations, d'autant que les disques ne représentent qu'une très faible part de ses ventes ; qu'en comparaison L'Audito est un revendeur indépendant de taille modeste, dont l'activité dépend essentiellement de la vente des disques ; que la promotion portait sur les vingt premiers titres du top-album, soit les meilleures ventes de novembre 1996 ; qu'en conséquence ces circonstances caractérisées par la possibilité d'une situation de déséquilibre entre les deux magasins et l'effet d'attraction des disques concernés justifient, malgré la durée très brève de la pratique, un examen des prix de cette promotion ;

En ce qui concerne le caractère abusivement bas des prix :

Considérant qu'en ce qui concerne les coûts susceptibles de servir de référence pour apprécier le caractère abusivement bas des prix, le Conseil a indiqué, dans son avis n° 97-A-18 du 8 juillet 1997, qu'en tout état de cause seront pris en considération les coûts variables, un prix de vente inférieur au coût variable permettant de présumer un effet d'éviction; que, par ailleurs, le Conseil a indiqué que des prix pourraient être considérés comme abusivement bas par rapport aux coûts moyens totaux, même s'ils étaient supérieurs aux coûts variables, si la pratique de prix bas est accompagnée d'indices suffisamment sérieux, précis et concordants d'une volonté délibérée de capter la clientèle au détriment d'un concurrent;

Considérant que conformément à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, dans l'arrêt AKZO du 3 juillet 1991, la nature fixe ou variable de certains coûts doit être appréciée au regard des circonstances de l'espèce ; qu'en effet dans cet arrêt la Cour a précisé notamment : "Il convient donc d'examiner si les frais de main-d'œuvre ont, en l'espèce, varié en fonction des quantités produites..." et que : "Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que les coûts variables sont ceux qui figurent dans les documents que cette entreprise a soumis à la Cour" ; que, dans sa décision n° 94-MC-10 du 14 septembre 1994 concernant le secteur du béton prêt-à-l'emploi dans le département du Var, le Conseil a défini le coût moyen variable de production à partir de la comptabilité analytique établie mensuellement par chacune des entreprises ; qu'il résulte des deux décisions précitées qu'il convient d'examiner, d'après la comptabilité particulière du distributeur, les coûts dont l'évolution est liée à l'évolution des quantités vendues ;

Considérant, en premier lieu, que le coût d'achat des disques constitue dans la présente espèce un coût variable; que pour neuf des seize titres de la promotion le prix de vente est supérieur au prix d'achat et que pour sept titres le prix de vente est égal au prix d'achat ; qu'ainsi il est établi que les disques de la promotion en cause ont été vendus à un niveau permettant d'assurer la couverture des coûts d'achat ;

Considérant, en deuxième lieu, que le magasin Mammouth a produit un compte d'exploitation analytique global du magasin, pour une année, arrêté au 30 octobre 1996 ; que les ventes, tous produits confondus, ont baissé par rapport à l'exercice précédent de 5,8 millions de francs soit - 1,1 %, tandis que les ventes du rayon disques (CD, cassettes audio et rangement) ont baissé de 5,1 % en 1996 par rapport à 1995 (- 371 000 francs) ; que, en dehors du coût d'achat, les autres charges identifiées au compte d'exploitation du magasin Mammouth sont les frais de personnel, les frais de gestion courante, les frais d'infrastructure et les frais de services centraux ;

Considérant que la baisse des frais de personnel a été de 960 000 francs, soit - 2,7 % ; que les frais de gestion courante ont baissé de 2,7 millions de francs, soit - 13 % ; que ces frais comportent principalement les frais de publicité et de décoration qui pour leur part ont baissé de 20,4 % ; que les frais d'infrastructure, qui ont baissé de 1,7 million de francs, soit - 8,4 %, comportent principalement le loyer et les charges locatives, les amortissements et les taxes et assurances ;

Considérant que le loyer et les charges locatives résultent d'une convention passée avec le bailleur et sont déterminés en fonction des données du marché de l'immobilier commercial dans la zone géographique considérée ; qu'en ce qui concerne les amortissements, leur évolution est fonction du choix opéré par l'entreprise quant à leur durée dans le cadre de la réglementation et que ce coût a baissé de 15 % ; que les taxes, qui incluent notamment les taxes foncières, sont des charges dont les montants résultent des décisions prises par les pouvoirs publics dans le cadre de la réglementation fiscale ; qu'enfin les assurances résultent de contrats dont les montants sont déterminés par la nature et l'importance des risques à couvrir ; que ces deux catégories de charges ont baissé de 10,5 % ; que le montant des frais de services centraux est resté inchangé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la plupart de ces catégories de coûts sont fonction de paramètres étrangers au volume des ventes ; que pour les frais de personnel et de gestion courante il n'est pas possible d'établir une corrélation entre leur évolution et la variation des ventes ; que, d'ailleurs, à partir de l'examen des éléments comptables communiqués, le service d'enquête, après avoir listé les différents postes de charge, soit les frais de personnel, les frais de gestion courante et la totalité des frais de commercialisation, avait indiqué dans un premier temps : "Afin de connaître le coefficient théoriquement requis par rapport au prix d'achat, nous avons rapporté les coûts fixes au montant des achats" ; qu'ainsi les frais de commercialisation, hors le prix d'achat, incluant les frais de personnel et les frais de gestion courante, sont considérés comme des coûts fixes ; que dans un second temps, à l'issue d'une enquête complémentaire, le service d'enquête a indiqué que "Les opérations promotionnelles en cause n'ont pas généré de coût supplémentaire en termes de frais de personnel. Ce point a été confirmé par les responsables des magasins à l'occasion des contrôles" ;

Considérant cependant que le commissaire du Gouvernement, dans ses observations écrites, note : "En premier lieu, le coût d'achat n'est certainement pas le seul coût proportionnel aux quantités vendues. Les charges de personnel, pour une partie au moins (personnel de caisse, personnel de gestion des rayons), certains frais logistiques ou généraux (emballage, étiquetage, stockage...) sont sans aucun doute liés au volume d'activité. Il conviendrait donc d'isoler ces postes et de trouver une clé de répartition permettant d'imputer la part supportée par le rayon disques. En second lieu, il sera relevé qu'en toute hypothèse les coûts dont il vient d'être question figurent au nombre des coûts de commercialisation. Il en est d'ailleurs d'autres, qu'il s'agisse des frais généraux imputables à due proportion au rayon disques ou de frais directement affectés à un rayon (points d'écoute, bacs de présentation, démarque inconnue...)" ;

Considérant néanmoins que si l'on intègre aux coûts variables les frais de personnel, cités par le commissaire du Gouvernement comme faisant partie de coûts de commercialisation même s'ils ne sont pas directement proportionnels aux ventes, il convient, en tout état de cause, d'imputer ces frais de personnel aux disques vendus en promotion au prorata du montant de leurs ventes dans les ventes totales de disques; que ces frais, selon les données comptables recueillies, ont été évalués spécifiquement pour le rayon considéré à 243 354 francs sur l'année, qui, ramenés à la proportion des ventes de disques par rapport au rayon (80 %) et à la durée de la promotion (trois jours), aboutissent à un montant de 1 620 francs ; que le magasin Mammouth ne disposant pas de statistiques de ventes détaillées sur les trois jours de la promotion, son chiffre des ventes de disques pendant la promotion peut être évalué en rapportant sur trois jours ouvrables le chiffre d'affaires disques de novembre 1996 ;

Considérant que le montant des ventes ainsi estimé ressort à 52 000 francs et qu'il en résulte que le coût du personnel afférent à la vente des disques sur la période de la promotion ressort à un taux de 3 % ; qu'en ce qui concerne les autres coûts, soit les frais d'infrastructure, de services centraux et de gestion courante, leur affectation aux disques sur la période de la promotion, au prorata de ce que représente le rayon concerné au sein du magasin, aboutit à un taux de 3,5 % qui, cumulé au coût du personnel, aboutit à un coût total de 6,5 % ;

Considérant que l'examen de la marge entre le prix d'achat et le prix de vente permet de constater que le prix de vente de six des seize disques en cause couvrait les coûts de personnel; qu'en revanche si aucun disque n'a été vendu à un prix inférieur à son coût d'achat, quinze des seize titres ont été vendus à un prix inférieur au coût moyen total, dont dix ne couvraient pas au moins les frais de personnel;

En ce qui concerne la constatation d'une éviction du marché :

Considérant qu'une pratique de prix abusivement bas, à supposer qu'elle soit établie, ne suffit pas à justifier l'application de l'article 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; qu'il convient d'établir si cette pratique a pour objet ou est susceptible d'avoir pour effet d'évincer du marché l'entreprise qui prétend en être victime; que, dans le cas d'espèce, le dossier d'instruction ne contient aucun indice ou document démontrant l'existence d'une volonté d'éviction de L'Audito de la part de l'hypermarché Mammouth de Montivilliers; qu'en conséquence il y a lieu de vérifier si la pratique de prix de l'hypermarché Mammouth n'a pas eu ou ne pouvait avoir un tel effet ;

Considérant, en premier lieu, que les disques pour lesquels le coût du personnel ne serait pas couvert par leur prix de vente concernaient dix titres sur un total de 1 248 références commercialisées par le magasin Mammouth, et 19 000 commercialisées par L'Audito; que, bien que la promotion ait concerné les vingt meilleurs titres du top-album, pour L'Audito, le chiffre d'affaires des disques de la promotion n'a représenté qu'une faible part de son activité, soit 1,9 % de l'activité de son rayon disques sur la semaine de la promotion, 0,5 % en novembre 1996 et 0,03 % sur l'ensemble de l'année; que l'opération de promotion a été de très courte durée, trois jours seulement; que l'estimation de l'éventuelle perte de chiffre d'affaires pour L'Audito, qui serait due à la promotion Mammouth, équivaudrait en novembre 1996 à seulement 2,5 % du chiffre d'affaires réalisé par L'Audito sur les disques de la promotion, et à 0,2 % du chiffre d'affaires réalisé sur l'ensemble de ses ventes de disques;

Considérant que pendant la promotion, d'une part, la fréquentation du magasin Mammouth estimée en nombre de clients a été inférieure à la fréquentation des autres jours, d'autre part, les quantités vendues ont été sensiblement inférieures à celles des mêmes trois jours de l'année précédente ; que le chiffre d'affaires moyen journalier a été de 20 931 francs sur les trois premières semaines de novembre, contre 19 216 francs pendant la semaine de la promotion, soit une baisse de 8,2 % ; que le chiffre d'affaires du rayon disques du mois de la promotion a été de 500 000 francs TTC, contre 560 000 francs pour le même mois de l'année précédente, et 1 064 000 francs dans le mois qui a suivi, soit décembre 1996 ; qu'ainsi il n'est pas établi que les offres de disques en promotion effectuées par le magasin Mammouth ont eu un effet d'entraînement sur l'achat d'autres disques du rayon;

Considérant que, si L'Audito a enregistré en novembre 1996 une baisse d'activité par rapport à la même période de l'année précédente, soit - 13 %, d'une part, son chiffre d'affaires est en baisse constante depuis novembre 1994, avec une accélération de cette baisse depuis avril 1995, d'autre part, les baisses mensuelles d'une année sur l'autre ont été de plus forte amplitude en 1995 qu'en 1996, notamment en novembre avec - 29 %; qu'il en résulte que cette baisse d'activité ne peut être imputée à la promotion réalisée par le magasin Mammouth sur une période de trois jours en novembre 1996;

Considérant que, en novembre 1996, la progression du chiffre d'affaires de L'Audito (+ 2,4 % par rapport à octobre) est comparable à celle des mois de novembre des années précédentes ; que si elle est légèrement moindre par rapport à 1994 (+ 4 %) et 1995 (+ 5,6 %), elle est meilleure qu'en 1992 (- 8 %) et 1993 (- 5 %) ; que l'examen du chiffre d'affaires journalier de L'Audito de novembre 1996 permet de constater, en comparant les mêmes jours d'une semaine à l'autre, qu'il n'y a pas eu de baisse significative de son activité pendant la période de promotion de Mammouth où L'Audito a réalisé un chiffre de 114 000 francs contre 112 000 francs les 18, 19 et 20 novembre et 110 000 francs les 4, 5 et 6 novembre;

Considérant que si, pour les disques, le chiffre d'affaires du magasin Mammouth a augmenté de 107 000 francs en novembre 1996 par rapport au mois précédent contre + 37 000 francs pour L'Audito, en décembre 1996 l'augmentation a été respectivement de 564 000 francs pour Mammouth et 2 016 000 francs pour L'Audito ; qu'à supposer même que les ventes de L'Audito aient été affectées par la promotion de Mammouth, cet effet a été étroitement limité dans le temps; qu'en outre l'examen des comptes de L'Audito permet de constater, pour l'exercice comptable courant du 1er avril 1996 au 30 mars 1997, que le résultat d'exploitation a été de 672 000 francs, en progression de 80 % par rapport à l'exercice précédent, que le résultat courant s'est élevé à 496 000 francs, en hausse de 116 %, et que le résultat net a été multiplié par 4,4 avec un montant de 485 000 francs ;

Considérant que le responsable de L'Audito a reconnu en séance qu'une opération promotionnelle d'une durée de trois jours portant sur un nombre limité de disques telle que celle réalisée par le magasin Mammouth n'a pu avoir un effet d'éviction du marché à son encontre, d'autant que lui-même a proposé des produits en promotion à la même époque, mais que la répétition de telles opérations pourrait avoir un tel effet à long ou moyen terme; qu'en effet, pour un distributeur qui serait confronté à plusieurs reprises et à intervalles suffisamment rapprochés à des ventes à prix bas de la part d'un concurrent, alors que lui-même ne serait pas en mesure de pratiquer de tels prix aussi régulièrement sans remettre en cause l'équilibre de son entreprise, et dès lors qu'il serait établi que les prix en question constituaient des prix abusivement bas, une telle situation pourrait aboutir à son éviction du marché; que cependant, en l'espèce, l'instruction n'a pas établi que le magasin Mammouth dans la zone de chalandise du Havre a pratiqué à plusieurs reprises des prix susceptibles d'être considérés comme abusivement bas sur des disques qui auraient représenté une part prépondérante du marché, et qui auraient suscité la baisse d'activité de L'Audito constatée depuis 1994;

Considérant, au surplus, que si l'hypermarché Mammouth faisait partie du groupe Docks de France, cependant sur la zone de chalandise considérée L'Audito réalise les plus fortes ventes de disques avec 34,5 % des ventes en 1996, contre 9,3 % pour Mammouth ; qu'en ce qui concerne les conditions qu'ils sont en mesure d'obtenir de leurs fournisseurs, l'examen des prix d'achat des disques de la promotion permet de constater que sur seize titres dans cinq cas, L'Audito a obtenu un prix plus favorable que Mammouth, cet avantage pouvant être supérieur à 20 francs (deux cas), que pour trois titres les prix d'achat sont identiques et que, pour huit titres, Mammouth a obtenu un meilleur prix d'achat, cet avantage se situant dans une fourchette de 0,89 francs à 5,22 francs, pour des produits dont la valeur unitaire se situe entre 90 et 105 francs ; qu'ainsi, pour un titre sur deux, L'Audito n'a pas été désavantagé par rapport à Mammouth et que, dans les autres cas, l'écart est limité au plus à 5 % du prix d'achat ; qu'ainsi les conditions d'achat que le magasin Mammouth obtient par l'intermédiaire de sa centrale d'achats n'apparaissent pas comme constituant un facteur de déséquilibre au détriment de L'Audito ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il n'est pas établi que les prix pratiqués sur les disques de la promotion réalisée par le magasin Mammouth de Montivilliers ont eu pour objet ou aient pu avoir pour effet d'évincer du marché le magasin L'Audito du Havre; qu'en conséquence cette opération n'est pas visée par les dispositions de l'article 10-1 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986,

Décide :

Article unique. - Il n'y a pas lieu de poursuivre la procédure.