Livv
Décisions

CA Orléans, ch. civ. sect. 2, 27 novembre 1990, n° 1736-88

ORLÉANS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Les Jardins du Lauragais (SARL)

Défendeur :

Établissements Horticoles Georges Truffaut

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tay

Conseillers :

M. Bureau, Melle Cherbonnel

Avoués :

Mes Parrain, Duthoit

Avocats :

Mes Farne, Clément.

TGI Blois, du 1er juill. 1988

1 juillet 1988

Statuant sur l'appel interjeté par la SARL Les Jardins du Lauragais du jugement du Tribunal de Commerce de Blois du 1er juillet 1988 qui, après avoir retenu sa compétence, a mis les époux D'Arnoux hors de cause, a prononcé aux torts des époux Lafaille et de la Société Les Jardins du Lauragais la résiliation du contrat de franchise passé entre cette société et la société anonyme Etablissements Horticoles Georges Truffaut (par la suite dénommée Société Truffaut), a condamné les époux Lafaille et la société Les Jardins du Lauragais à payer à la société Truffaut la somme de 117.672,51 F avec intérêt depuis le 12 novembre 1987, à titre de redevances, fournitures et intérêts de retard et avant dire droit a organisé une expertise afin de définir les éléments nécessaires à la fixation du préjudice financier causé à la Société Truffaut du fait de la résiliation du contrat de franchise, a condamné la société Truffaut à payer aux époux D'Arnoux la somme de 5.000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et solidairement les époux Lafaille ainsi que la société Les Jardins du Lauragais à payer à la société Truffaut une somme d'un pareil montant à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Le 1er octobre 1981, la société Truffaut concluait avec la société Les Jardins du Lauragais, en cours de formation, représentée par son futur gérant, le sieur D'Arnoux, un contrat de franchise en vu de la création et de l'exploitation à Saint Orens de Gameville (Haute-Garonne) d'un commerce dit " Jardinerie-Marché Truffaut ".

La société franchisée s'était notamment engagée à aviser la Société Truffaut de tout changement qui ferait perdre aux époux D'Arnoux et à leur fils, Régis, la majorité du capital ou conduirait à l'entrée dans la société d'un nouvel associé.

Les époux Lafaille acquéraient, en 1985, avec l'agrément de la société Truffaut, l'ensemble des parts sociales de la société Les Jardins du Lauragais.

Le 21 mai 1986, Me Dagot, Notaire à Toulouse, avisait la société Truffaut de la cession de la totalité des parts de la SARL franchisée par les époux Lafaille à la société Sodirev.

Le 9 juin suivant, la société Les Jardins du Lauragais notifiait à la société Truffaut résilier le contrat de franchise.

Par acte du 12 novembre 1986 la société Truffaut faisait assigner outre la société Les Jardins du Lauragais, les époux D'Arnoux et les époux Lafaille afin d'entendre prononcer à leurs torts la résiliation du contrat de franchise, de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 117.672,51 F à titre de marchandises, redevances et intérêts de retard ainsi que celle de 646.999,39 F à titre de dommages intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation outre le paiement de la somme de 20.000 F à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Par la décision déférée, le Tribunal, après s'être déclaré compétent rationae loci, a estimé que les stipulations du contrat de franchise qui lui était soumis ne contrevenaient pas aux dispositions des articles 1129 et 1591 du code civil ni à celles de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 car la Société Truffaut ne fixait pas arbitrairement les prix, ceux-ci étant établis par la centrale d'achats Centrasif et ne fournissait à la franchisée que des marges indicatives ; que les fautes contractuelles imputées aux époux Lafaille et à la SARL franchisée étaient établies ainsi que la créance d'un montant de 117.672,51 F de la société Truffaut de même que, dans son principe, le préjudice financier de cette société, conséquence de la résiliation du contrat.

L'appel de la société Les Jardins du Lauragais est dirigé contre la société Truffaut et les époux Lafaille.

Pour obtenir l'infirmation du jugement, la société appelante reprend ses moyens fondés sur les dispositions des articles 1129 et 1591 du code civil ainsi que 7 et 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, tirés de la nullité du contrat de franchise du 1er octobre 1981, dès lors que les prix et la définition des articles, objets de la convention, n'étaient ni déterminés, ni déterminables et que les stipulations de l'article 5-35 du contrat faisaient peser sur la franchisée l'obligation de respecter la marge fixée par la société franchiseuse.

A titre subsidiaire, la société Les Jardins du Lauragais avance que les stipulations de l'article 10 du contrat de franchise qui prévoient la remise à la société Truffaut, à l'époque de la cessation du contrat, notamment en cas de résiliation, de tous les matériels et produits portant le sigle Marché Truffaut ou créés par Truffaut, font obstacle, dans la mesure où elle s'est conformée à ces stipulations, à sa demande de paiement de marchandises. L'appelant soutient également que la société Truffaut ne justifie pas du préjudice qu'elle entend voir réparer du chef de la résiliation au demeurant non fautive car prévue au contrat.

La société Les Jardins du Lauragais poursuit la condamnation de la société Truffaut d'avoir à lui payer la somme de 10.000 F à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Cette dernière société conclut, sous réserve des dispositions organisant une mesure d'instruction sur l'importance de son préjudice, à la confirmation du jugement. Elle soutient que le contrat n'encourt pas les critiques qui lui sont faites, " la chose " de celui-ci étant parfaitement définie quant à son espèce, les produits touchant à l'horticulture, et la fixation du prix de ceux-ci lui échappant car déterminée par la centrale d'achat Centrasif.

La Société Truffaut rappelle qu'il a été jugé que la communication de prix indicatifs de la part du franchiseur n'est pas, en soi, une pratique anticoncurrentielle et ce d'autant plus qu'ainsi qu'il l'était précisé au contrat, la communication des marges n'était faite qu'à titre indicatif.

La société Truffaut conclut à la confirmation du jugement en ce que le Tribunal a prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts des époux Lafaille et de la SARL Les Jardins du Lauragais et les a condamnés à lui payer la somme de 117.672,51 F avec intérêts au taux légal depuis le 12 novembre 1987. Soutenant que son préjudice est certain, la société Les Jardins du Lauragais bénéficiait d'une exclusivité territoriale, la société franchisante intimée, se fondant sur la redevance qui lui était contractuellement dûe et sur ses propres études financières, poursuit à nouveau la condamnation des époux Lafaille et de la société Les Jardins du Lauragais d'avoir à lui payer, à titre de dommages-intérêts, la somme de 646.999,99 F outre celle de 10.000 F à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Les époux Lafaille régulièrement assignés et réassignés, n'ont pas constitué avoué.

Sur ce,

Sur la nullité du contrat pour pratique anticoncurrentielle

Attendu que l'appelante se prévaut des stipulations de l'article 5-35 du contrat pour soutenir que celles-ci contrairement aux dispositions de l'article 7 - 2èment de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prohibant toute pratique faisant obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement " leur hausse ou leur baisse ".

Attendu que l'article 5-35 du contrat de franchise est ainsi rédigé... " le partenaire (c'est-à-dire la société franchisée) s'oblige à respecter autant que faire se peut les marges conseillées à titre indicatif par Truffaut... "

Attendu que l'appelante, si elle stigmatise les termes employés pour la rédaction de ces stipulations, ne démontre pas, ni même n'allègue, qu'il y ait eu entre la société Truffaut et elle-même voire les autres franchisés de pratiques concertées en vue de l'application effective de ces prix indicatifsqui en eux-mêmes ne sont pas constitutifs d'une restriction de la concurrence de la part du franchiseur ;

Attendu dès lors que cette clause ne saurait entraîner la nullité du contrat ;

Sur la nullité du contrat pour indétermination de son objet et de son prix

Attendu que sont par là visées les stipulations des articles 5-34 et 6-2 du contrat qui imposent à la société Les Jardins du Lauragais de " vendre (à l'exclusion de tout autre produit) la totalité de l'assortiment prévu pour sa jardinerie tel qu'il est défini dans la convention d'approvisionnement ", ledit approvisionnement à redéfinir chaque année d'un commun accord et de " s'approvisionner exclusivement à travers la Centrasif pour les produits stipulés dans la convention d'approvisionnement " ;

Attendu que le caractère déterminable ou non et des articles que la société Les Jardins du Lauragais se devait d'acquérir auprès de la Centrasif et du prix de ceux-ci ne ressort pas du contrat signé entre les parties le 1er octobre 1981 et communiqué à la Cour, mais de la Convention d'Approvisionnement Centrasif ainsi qu'il ressort de la lecture non seulement des articles 5-34 et 6-2 du contrat de franchise mais encore 6-1, 6-3 de ce même contrat ; qu'il est précisé à plusieurs reprises que cette convention a été communiquée au franchisé (Art. 6-1) qu'elle est annexée au contrat de franchise (Art. 6-3) ; qu'il y a lieu, afin d'apprécier la pertinence des moyens des parties, de les inviter à fournir cette convention ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire. Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 17 décembre 1990 afin de permettre et à la société Les Jardins du Lauragais et à la société Truffaut de produire la Convention d'Approvisionnement communiquée préalablement à la signature du contrat de franchise du 1er octobre 1981 et qui est censée y être annexée. Réserve les dépens.

Président : M. Tay ; Conseillers : M. Bureau, Melle Cherbonnel ; Avoués : Mes Parrain, Duthoit ; Avocats : Mes Farne, Clément.