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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 23 mai 2000, n° ECOC0000214X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Électricité de France

Défendeur :

Climespace (Sté), Gaz de France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Kamara

Conseillers :

Mme Bregeon, M. Remenieras

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Gibou-Pignot-Grapotte-Benetreau, SCP d'Auriac-Guizard

Avocats :

Mes Lazarus, Calvet, Saint Esteben.

CA Paris n° ECOC0000214X

23 mai 2000

Par lettres des 23 juin 1994 et 19 juin 1995, la société Climespace et le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances ont saisi le Conseil de la concurrence (le conseil) de pratiques commerciales mises en œuvre par Électricité de France (EDF) et Gaz de France (GDF), établissements publics, relatives au choix des énergies nécessaires aux applications thermiques à l'occasion d'opérations de constructions immobilières à Paris.

Par décision en date du 20 juillet 1999, le conseil a :

* estimé établi qu'EDF et GDF ont enfreint les dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

* infligé les sanctions pécuniaires suivantes :

- 30 000 000 F à EDF,

- 2 000 000 F à GDF,

* dit que dans un délai de deux mois à compter de sa notification, EDF et GDF feront publier, à frais communs et au prorata des sanctions prononcées, la partie II de sa décision dans le quotidien Le Monde, précédée de la mention " Décision du Conseil de la concurrence du 20 juillet 1999 relative à des pratiques constatées dans le secteur des applications thermiques de l'énergie ".

LA COUR

Vu le recours en annulation ou réformation formé le 8 décembre 1999 par EDF à l'encontre de cette décision et l'intervention volontaire de GDF,

Vu le mémoire déposé le 10 janvier 2000, par lequel EDF, demande à la cour :

* à titre principal, d'annuler en toutes ses dispositions la décision en raison des irrégularités de la procédure, à savoir :

- la durée anormale de la procédure et ses conséquences sur l'exercice des droits de sa défense,

- l'absence de preuve par les pièces du dossier que les personnes interrogées lors de l'enquête administrative ont été clairement informées de son objet,

- le fait que les lettres de convocation des personnes interrogées par le rapporteur n'ont pas été jointes au rapport alors que les procès-verbaux d'audition, auxquels leur audition a donné lieu, sont des pièces sur lesquelles le rapport s'est fondé,

- la prescription des faits liés à l'opération immobilière réalisée par le promoteur Kaufman and Broad dénommée Washington Plaza (grief n° 5),

- le fait que les parties n'ont pas été informées du changement de rapporteur lors de l'audience du conseil,

- l'insuffisance de motivation des griefs retenus par le conseil ;

* à titre subsidiaire, de :

** réformer la décision en disant que le conseil a retenu à tort que quatre griefs (n° 2, 3, 5 et 6) étaient constitutifs d'abus de position dominante et qu'un autre grief (n° 10) était constitutif d'une entente prohibée, aux motifs que :

- les faits sont présentés de manière orientée,

- chacune des opérations immobilières en cause constitue un marché pertinent,

- elle n'occupe pas de position dominante sur le marché de la fourniture d'énergie destinée à la climatisation,

- la clause d'exclusivité d'approvisionnement en électricité est dépourvue d'objet et d'effet anticoncurrentiels,

- son aide à l'innovation est licite,

- il est illogique de considérer comme illicite une clause d'exclusivité en faveur d'EDF et de GDF en affirmant qu'elle serait licite si elle était conclue par chacune de ces deux sociétés, indépendamment,

** annuler la sanction pécuniaire et l'injonction de publication prononcées en méconnaissance du principe du contradictoire,

** supprimer les sanctions en raison de leur caractère disproportionné au regard des critères de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

* à titre très subsidiaire, de " ramener à zéro francs " la sanction pécuniaire en raison des événements ayant affecté sa situation depuis la date de la décision déférée,

* dans tous les cas, d'ordonner le remboursement de la sanction pécuniaire de 30 000 000 F, avec intérêts au taux légal à compter de son paiement, ainsi que la publication de l'arrêt à intervenir dans Le Monde dans les deux mois de sa signification au ministre chargé de l'économie et à Climespace, à frais partagés par moitié entre eux, et de les condamner à lui verser chacun la somme de 200 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les observations en date du 10 janvier 2000 présentées par GDF,

Vu les observations déposées le 8 février 2000 par Climespace, tendant au rejet de ce recours et à la condamnation d'EDF à lui verser la somme de 250 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les observations écrites du ministre chargé de l'économie ainsi que celles du Conseil de la concurrence, en date du 25 février 2000, tendant au rejet du recours,

Vu les écritures en réplique déposées par EDF le 16 mars 2000,

Le Ministère Public ayant été entendu en ses observations tendant au rejet du recours et EDF ayant eu la possibilité de répondre à l'ensemble des observations écrites et orales présentées à son encontre,

Sur ce,

I - Sur la procédure :

Considérant qu'EDF observe que les pratiques en cause ont été mises en œuvre de 1990 à 1993, qu'elles ont fait l'objet d'une enquête de la direction de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de mars 1994 à février 1995, clôturée par un rapport administratif du 7 avril 1995, et qu'un délai de cinq ans s'est écoulé entre la première saisine du conseil et la décision critiquée ; qu'elle soutient que la lenteur anormale de la procédure l'a privée d'un procès équitable et lui a causé un préjudice, la décision du conseil étant intervenue dans une période délicate de transposition de la directive européenne 96-62-CE du 19 décembre 1996 ; que la requérante ajoute que cette durée a eu une influence sur la solution du litige et en déduit que la décision doit être annulée en sa globalité ;

Considérant, cependant, qu'à supposer ce délai excessif au regard de la complexité de l'affaire, la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour le conseil de se prononcer dans un délai raisonnable, résultant de l'article 6 alinéa 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, n'est pas l'annulation de la procédure ou sa réformation, mais la réparation du préjudice résultant éventuellement d'un tel délai ;

Considérant qu'EDF demande que soient écartés des débats trois procès-verbaux de l'enquête administrative aux motifs, d'une part, qu'il n'est pas démontré que les personnes interrogées, MM. Prinzié, directeur adjoint des travaux et équipements de la bibliothèque nationale de France (BNF), Gerlach, directeur des travaux de Kaufman and Broad, et Vigouroux, responsable du développement du centre EDF-GDF Paris-Rive Gauche, ont été clairement informées de l'objet de l'enquête et n'ont donc pas été " capables de mesurer la portée des informations " et documents communiqués aux enquêteurs, d'autre part, que les questions posées ne sont pas mentionnées ;

Qu'elle demande également que soient écartés des débats les procès-verbaux d'audition dressés par le rapporteur du conseil dans la mesure où ceux-ci ne contiennent aucune mention relative à l'information des personnes interrogées sur l'objet de l'enquête et où les lettres de convocation ne sont pas jointes à son rapport, alors qu'elles étaient de nature à donner cette information et auraient permis de vérifier si les droits de la défense ont été respectés ;

Que la requérante en déduit que " tous les actes de procédure et raisonnements subséquents " doivent être écartés, ce qui, selon elle, ne peut qu'entraîner l'annulation des griefs retenus à son encontre ;

Qu'elle sollicite, en outre, l'annulation de la décision en raison du remplacement du rapporteur initialement désigné, le jour de l'audience du conseil, sans aucune lettre de nomination par le président du conseil ;

Mais considérant que le conseil produit une copie de la décision du 15 juillet 1999 désignant Mme Luc comme rapporteur pour suppléer, lors de sa séance du 20 juillet, le rapporteur chargé d'instruire le dossier, en sorte qu'est ainsi justifiée la régularité de sa désignation ;

Que les copies des lettres de convocation adressées par le rapporteur chargé de l'industrie ont été communiquées devant la cour et ont donc pu être consultées par EDF ; que l'objet de l'enquête y est clairement précisé puisque le rapporteur indique transmettre, à chacun des destinataires, une copie des lettres de saisine de Climespace et du ministre ;

Que, si la mention pré-imprimée " nous lui avons justifié notre qualité et indiqué l'objet de notre enquête " figurant dans les procès-verbaux de l'enquête administrative ne permet pas, en soi, de vérifier que les exigences légales et réglementaires ont été respectées, dès lors qu'il n'est pas précisé de façon concrète l'étendue et l'objet de celle-ci, EDF ne peut remettre en cause la régularité des procès-verbaux concernant des tiers qui n'ont jamais discuté avoir été valablement informés de l'objet et de la nature des investigations effectuées ;

Que, dans sa correspondance du 4 octobre 1994 à M. Vigouroux, préalablement à son audition du 4 novembre 1994, la DGCCRF indique qu'elle réalise une enquête sur la politique commerciale d'EDF sur le marché de la climatisation, en s'attachant à analyser ses propositions commerciales lorsqu'elle se trouve confrontée à la concurrence directe de Climespace, de sorte qu'EDF ne peut être admise à alléguer un manquement des enquêteurs à l'obligation de loyauté ;

Qu'enfin, aucune disposition légale ou réglementaire n'exige la transcription des questions dans les procès-verbaux d'audition ;

Considérant, au surplus, que la nullité des actes de procédure pour vice de forme est gouvernée par les dispositions des articles 112 et suivants du nouveau Code de procédure civile ; que les nullités présentement invoquées n'ont pas été soulevées devant le conseil en sorte qu'elles se trouvent couvertes, EDF ayant, postérieurement aux actes critiqués, fait valoir des défenses au fond ;

Considérant qu'EDF se prévaut de la prescription des faits retenus à son encontre par le rapporteur dans le grief n° 5, " consistant à avoir, dans le cadre de l'opération immobilière réalisée à Paris par le promoteur Kaufman and Broad et dénommée Washington Plaza, subordonné l'octroi d'aides financières à l'installation d'applications thermiques consommatrices d'électricité et la mise en place d'installations de télécomptage, à l'engagement par le client final de s'approvisionner exclusivement et directement auprès d'EDF pendant une durée d'au moins six ans et sous peine de pénalités financières " ;

Qu'EDF s'arrête toutefois à tort aux actes préparatoires puisque la pratique en cause résulte en réalité de la convention signée le 13 août 1991 par elle avec le maître de l'ouvrage ; que la saisine de Climespace est intervenue le 23 juin 1994, dans un délai inférieur aux trois ans prévus par l'article 27 de ladite ordonnance du 1er décembre 1986, un procès-verbal d'audition de son dirigeant, acte interruptif de la prescription, ayant au surplus été établi par la DGCCRF, le 8 mars 1994 ;

Considérant qu'EDF ne peut sérieusement soutenir que la décision déférée est insuffisamment motivée, alors que chacun des griefs notifiés a été examiné et qu'il a été répondu à tous les moyens développés, la décision comportant d'ailleurs trente sept pages ; que sa critique, à cet égard, doit s'analyser en une remise en cause des motifs par lesquels le conseil a estimé fondés certains des griefs qui lui avaient été notifiés par son rapporteur ;

II - Sur le fond :

Considérant que les pratiques litigieuses concernent le choix des énergies, destinées notamment aux applications thermiques, à l'occasion de la construction de la BNF, de l'aménagement de la zone de Bercy, de la construction d'un immeuble de bureau (Washington Plaza) 29 rue de Berri et de celle d'un bâtiment 11 rue du Cirque, à Paris, de mai 1990 à décembre 1993 ;

Considérant qu'EDF reproche au conseil de n'avoir pas tenu compte de l'ensemble des critères lui ayant permis d'obtenir le marché de la BNF ; que, néanmoins, les critères techniques, la fiabilité des systèmes de climatisation ainsi que leur coût et la chronologie des négociations n'ont pas à être examinés puisque seuls sont en cause les comportements d'EDF qualifiés de pratiques anticoncurrentielles par les plaignants ;

Considérant que, faisant l'exacte analyse des faits, le conseil a justement défini les marchés pertinents comme étant, d'une part, ceux de fourniture de l'énergie destinée à assurer le chauffage et de fourniture de l'énergie destinée à assurer la climatisation et, d'autre part, le marché de l'électricité (outre celui du gaz), en précisant que ces marchés ont une dimension nationale puisqu'EDF est présente sur l'ensemble du territoire national et que les opérateurs fournissant une offre supplémentaire ont une dimension nationale et ne bénéficient d'aucun monopole dans leurs zones de concession ; qu'il a, en outre, déduit avec pertinence de l'utilisation, pour fabriquer du froid, de la seule électricité produite par elle, qu'EDF occupait, au moment des faits, une position dominante sur le marché de la fourniture d'énergie à la climatisation ;

Que l'argumentation d'EDF sur l'existence d'un marché pertinent par opération immobilière et en fonction de l'utilisateur final (bâtiments du secteur tertiaire ou du secteur résidentiel) ne repose sur aucun élément et ne peut être admise dans la mesure où la concurrence jouait sur chacun des produits objet des marchés retenus, caractérisés par une rencontre de l'offre et de la demande opérée entre les diverses énergies disponibles au stade du choix de l'équipement puis au stade de l'expression des besoins quotidiens de chaud ou de froid ;

Considérant, en ce qui concerne la clause d'exclusivité d'approvisionnement en électricité insérée dans les contrats de la BNF, que, pour démontrer l'objet et l'effet anticoncurrentiels de cette pratique, le conseil relève notamment que les pénalités encourues, en cas de non respect par la BNF de ses engagements, ne sont pas dégressives, ce qui permet à EDF de maintenir pendant vingt ans la position acquise par elle dans le système de chauffage et de climatisation, en empêchant l'accès de concurrents potentiels tout en lui laissant amortir le montant des subventions accordées pour les équipements en cause ; que les moyens avancés par EDF, pris du " retour sur investissement ", de la durée de vie des équipements de climatisation, de la possibilité d'obtenir en justice sur le fondement de l'article 1152 du Code civil la réduction du montant des pénalités ou d'une réforme législative susceptible de permettre à la BNF de résilier le contrat, ne sont pas de nature à supprimer l'effet dissuasif de cette clause, en sorte que celle-ci a pour objet et pour effet, réel ou potentiel, de fermer le marché pendant la durée d'exclusivité consentie ; que,dès lors, le conseil a qualifié à bon droit cette pratique d'abus de position dominante;

Considérant, en ce qui concerne les aides accordées par EDF à la BNF, qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter aux conditions tarifaires de vente de l'électricité puisque les aides en cause visaient exclusivement la mise en place d'installations d'une centrale autonome de froid ; qu'elles étaient constituées par une aide à l'investissement, une réduction du coût d'une infrastructure ainsi qu'une prise en charge de frais de maintenance et de renouvellement ;

Qu'il est constant que des négociations ont eu lieu entre la BNF et Climespace tendant à la vente à cette dernière de l'énergie frigorifique excédentaire produite ou à la cession à elle de l'exploitation de la centrale afin qu'elle vende ensuite à la BNF l'énergie frigorifique nécessaire ; qu'au cours de son audition du 18 janvier 1996 par le rapporteur du conseil, le représentant d'EDF, M. Charbault, a déclaré qu'" à partir du moment où Climespace aurait profité de la centrale et des aides à l'investissement consenties par EDF pour alimenter son propre réseau concurrençant l'électricité, cela entraînait forcément la renégociation des contrats prévus avec la BNF comme nous l'avons fait connaître à la BNF " ;

Que, faisant l'exacte interprétation des propos ainsi tenus, le conseil en a déduit que l'octroi des aides était subordonné à l'exploitation par la BNF de sa centrale ainsi qu'à son approvisionnement exclusif et qu'EDF s'est de la sorte immiscée dans les conditions d'exploitation de cette centrale, faussant le jeu de la concurrence au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant, en ce qui concerne les opérations de construction des immeubles de la rue de Berri et de la rue du Cirque, qu'EDF conteste avoir octroyé aux promoteurs des avantages, consistant en aides financières et installation d'un système de " télécomptage ", en contrepartie d'un engagement d'approvisionnement exclusif en électricité pendant au moins six ans ; que la requérante fait valoir qu'un dispositif de " télécomptage " n'a d'intérêt que pour la gestion de consommations importantes, que " seule une solution tout électrique " permettait en l'espèce d'aboutir à une consommation suffisante et que les conventions conclues ne contenaient aucune clause d'exclusivité ; qu'elle ajoute avoir participé financièrement aux deux opérations immobilières au titre de l'aide aux projets innovants susceptibles de contribuer aux économies d'énergie, en contrepartie d'un engagement d'utilisation des équipements mis en place pour assurer l'alimentation en électricité ;

Que, toutefois, dans sa réponse à la notification des griefs, EDF a reconnu l'existence de la clause d'approvisionnement exclusif en soutenant que celle-ci avait pour contrepartie financière sa contribution aux travaux d'installation ; que l'engagement ainsi imposé aux clients résulte, au demeurant, tant de la convention du 13 août 1991 conclue avec la société Kaufman and Broad que de la lettre envoyée à cette dernière par EDF le 24 janvier 1991 et du fax adressé par elle le 12 mars 1991 au maître de l'ouvrage de la rue du Cirque, dont les termes sont fidèlement repris par la décision critiquée (cf pages 11 et 12) ;

Qu'EDF invoque vainement l'article 6 de la susdite convention du 13 août 1991 dans la mesure où celui se borne à imposer le remboursement " prorata temporis " de l'aide perçue " au cas où le client ne respecterait pas " l'obligation d'utiliser les équipements électriques partiellement financés avec cette aide, ce qui implique, à l'évidence, un approvisionnement en électricité ;

Que, faisant l'exacte analyse des faits, le conseil a relevé le lien de subordination existant entre l'engagement d'approvisionnement exclusif et la mise en place des systèmes de " télécomptage " ainsi que l'octroi des aides financières ; que, sans remettre en cause le principe de ces dernières, il a justement estimé que la condition en subordonnant l'octroi, émanant d'un opérateur en position dominante sur les marchés de l'électricité, de la fourniture d'énergie destinée à la climatisation et de la fourniture d'énergie destinées au chauffage des bâtiments, seul susceptible de pouvoir accorder ces aides, avait pour objet et effet de faire obstacle à l'utilisation d'une énergie concurrente et était constitutive de pratiques prohibées par l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant, en ce qui concerne l'existence d'une clause d'exclusivité de fourniture en faveur d'EDF et de GDF, figurant dans le contrat signé avec la société Zeus à l'occasion de l'aménagement de la ZAC de Bercy, qu'EDF se plaint d'une contradiction du conseil qui, après avoir décidé que cette pratique ne pouvait être qualifiée au regard de l'article 8 précité (pages 32 et 33), l'a retenue sur le fondement de l'article 7 de l'ordonnance précitée (pages 34 à 36) ;

Que, cependant, en page 54 de l'exposé de ses moyens, la requérante " ne conteste pas qu'une même pratique puisse, le cas échéant, être qualifiée au titre de l'article 7 et de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " ;

Qu'en l'espèce, le grief retenu en définitive consiste dans le fait d'avoir mis en œuvre une entente aux fins de se répartir les marchés d'approvisionnements en énergies, en baissant artificiellement les prix de la fourniture d'électricité et de gaz par des aides financières conditionnées à un engagement d'approvisionnement exclusif, pendant une durée de dix ans, dans la convention signée avec la société Zeus ;

Que l'existence de la concertation entre EDF et GDF n'étant pas discutée, il n'est pas sérieusement contestable qu'elle a eu pour objet et pour effet d'exclure les concurrents potentiels en limitant la compétition à ces deux établissements et le choix du consommateur final aux deux seules énergies produites par eux ;

Que GDF n'ayant formé aucun recours, les moyens figurant dans ses écritures ne peuvent être examinés qu'en ce qu'ils viennent au soutien de celui d'EDF ; que force est de constater que cet intervenant volontaire critique essentiellement les motifs par lesquels le conseil l'a condamné pour abus de position dominante et se borne à reprendre le moyen avancé par EDF sur l'entente retenue à leur encontre, auquel il vient d'être répondu ;

III - Sur les sanctions :

Considérant qu'EDF sollicite l'annulation des sanctions prononcées à son encontre au motif que le principe de contradiction n'a pas été respecté, le rapport ne contenant aucun élément relatif à la gravité des pratiques reprochées, au dommage à l'économie et à la situation de l'entreprise dans la mesure où il se bornait à conclure que les griefs étaient intégralement maintenus ;

Que, néanmoins, le rapport contenait, dans ses développements, tous les éléments d'appréciation retenus par le conseil au sujet des sanctions, de sorte que le moyen n'est pas fondé ;

Considérant que, pour en demander la réduction ou la suppression, EDF se prévaut du caractère disproportionné du montant de la sanction pécuniaire et de l'injonction de publication, au regard des critères de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, en raison de l'absence de gravité des pratiques reprochées, de l'absence de dommage à l'économie et de sa situation ;

Qu'en l'espèce, cependant, la gravité des faits résulte de la description par le conseil des pratiques sanctionnées ainsi que de la puissance économique et de la place prépondérante d'EDF, le dommage à l'économie étant, en outre, concrètement caractérisé par lui par la description de l'effet des pratiques dans le secteur affecté, notamment l'obstacle apporté à la mise en place ou au développement de nouveaux réseaux d'énergies concurrentes à l'occasion des chantiers exceptionnels constitués par la construction de la BNF et l'aménagement de la ZAC de Bercy ;

Qu'après avoir examiné, à la date où il statuait, la situation de l'entreprise en fonction de son chiffre d'affaires, le conseil a fixé le montant de la sanction pécuniaire en faisant l'exacte application des dispositions de l'article 13 précité, " l'événement climatique " survenu postérieurement, à savoir " les tempêtes des 26 et 28 décembre 1999 ", n'étant pas de nature à conférer à celle-ci un caractère disproportionné en l'absence de communication d'élément sur le coût de remise en état de son réseau ;

Considérant que les pratiques sanctionnées mettent en jeu les intérêts des consommateurs ainsi que le relève le conseil, en sorte qu'est également justifiée la publication de sa décision dans la journal qu'il désigne ;

Considérant, en définitive, que le recours ne peut être admis et qu'EDF doit être déboutée de l'intégralité de ses prétentions ;

Considérant que l'équité commande de ne pas attribuer de somme à Climespace au titre de ses frais non compris dans les dépens ;

Par ces motifs : Rejette le recours d'Électricité de France, Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties, Condamne Électricité de France aux dépens.