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Conseil Conc., 6 avril 1994, n° 94-D-24

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Secteur de la location de véhicules sans chauffeur

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Cès par MM. Barbeau, président, Jenny, Cortesse, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 94-D-24

6 avril 1994

Le Conseil de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre enregistrée le 2 mars 1994 sous les numéros F 662 et M 122 par laquelle la société Avanti a saisi le Conseil de la concurrence d'une demande dirigée contre les pratiques des sociétés Eurodollar France, SAPN ADA, ADA, Lo'casion ADA et LVO ADA et a sollicité le prononcé de mesures conservatoires ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu les observations présentées pour les sociétés Eurodollar France et ADA et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Avanti, Eurodollar France et ADA entendus ;

Considérant que, dans sa lettre du 28 février 1994, la société Avanti, qui a pour activité la location de véhicules sans chauffeur en Corse, fait valoir qu'elle est devenue franchisée du réseau Eurodollar à compter du 1er janvier 1993 ; qu'en septembre 1993, la société Eurodollar France a été reprise par la société Le Nouveau Jour dont le capital est détenu à 55 p. 100 par le groupe G 7-ADA et à 45 p. 100 par les coprésidents de la société ADA Location de voitures ; qu'à partir de cette période, la société Avanti n'a pu obtenir de son franchiseur les documents commerciaux et les tarifs nécessaires à l'exercice de son activité ; que le fichier de réservation centrale du réseau de franchise Eurodollar qui lui procurait l'essentiel de sa clientèle n'a plus été tenu à jour et qu'elle n'a donc plus pu l'exploiter ; que ses clients ont par ailleurs reçu un courrier émanant du groupe ADA leur signifiant qu'Eurodollar s'étant associé à ADA qui en est devenu "le correspondant exclusif sur le territoire français", les formules commerciales d'Eurodollar anciennement proposées n'avaient plus cours mais qu'il serait "heureux de continuer à les compter parmi (ses) clients en (leur) proposant les meilleures formules tarifaires du système ADA" ; qu'aux dires de la société Avanti, le groupe ADA détournerait systématiquement la clientèle du réseau Eurodollar au profit des franchisés du réseau ADA ; qu'enfin, la société Avanti n'aurait pu profiter des contrats d'achat de voitures que le franchiseur conclut avec les constructeurs de voitures et se trouverait dans l'obligation de proroger ses contrats de location de voitures pour poursuivre l'exercice de son activité ; qu'elle soutient, en conséquence, qu'elle serait dans la dépendance économique des sociétés ADA et Eurodollar qui en abuseraient ; qu'elle demande qu'il soit mis fin aux pratiques auxquelles se livrent les sociétés Eurodollar France, SAPN ADA, ADA, Lo'casion ADA et LVO ADA, qu'elle estime anticoncurrentielles ; qu'elle sollicite en outre du Conseil de la concurrence le prononcé de mesures conservatoires sur le fondement des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée, et notamment qu'il soit enjoint aux sociétés Eurodollar et ADA de cesser toute confusion entre elles et tout détournement de la clientèle d'Eurodollar au profit du groupe ADA et de "rétablir au profit d'Eurodollar les relations commerciales détournées au profit d'ADA" ;

Considérant que la saisine présentée par la société Avanti intitulée "requête au fond et à fins de mesures conservatoires", dans laquelle sont exposées les pratiques des sociétés Eurodollar et ADA auxquelles il est demandé au Conseil de la concurrence de mettre fin, doit être regardée comme satisfaisant aux conditions posées à l'article 2 du décret du 29 décembre 1986 ;

Considérant que l'application des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 est subordonnée, notamment, à la constatation de comportements susceptibles de se rattacher aux pratiques visées par les articles 7 et 8 ; que l'article 8 prohibe, lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché "l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises : ... 2. De l'état de dépendance économique dans lequel se trouve, à son égard, une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente" ; qu'aux termes de l'article 19 de la même ordonnance : "Le Conseil de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable s'il estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence ou ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants" ;

Considérant qu'il n'est pas allégué par la société Avanti etqu'il ne ressort pas des éléments versés au dossier que le fonctionnement du marché de la location de voitures sans chauffeur en Corse serait affecté par les pratiques dont elle s'estime victime; que le Conseil de la concurrence n'est, dès lors, pas compétent pour statuer sur un litige ne portant que sur les relations contractuelles entre un franchiseur et l'un de ses franchisés, litige soumis, par ailleurs, aux juridictions compétentes;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la saisies au fond n'est pas recevable et que, par voie de conséquence, la demande de mesures conservatoires ne peut qu'être rejetée,

Décide :

Article 1er : La saisine enregistrée sous le numéro F 662 est déclarée irrecevable.

Article 2 : La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro M 122 est rejetée.