Cass. com., 1 mars 1994, n° 92-15.010
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Rhône-Poulenc Agrochimie (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Geerssen
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
SCP Vier, Barthélémy, Me Ricard.
LA COUR : - Attendu que, par ordonnance du 8 avril 1992 le président du tribunal de grande instance de Paris a autorisé des agents de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, en vertu de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de quinze entreprises dont ceux de la société Rhône-Poulenc Agrochimie département Pepro, 55, avenue René Cassin à Lyon et département Rhodiagri Littorale Parc Club du Millénaire 1025, rue Henri Becquerel et bâtiment 13, avenue Albert Einstein, à Montpellier en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des produits phytosanitaires ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Rhône-Poulenc Agrochimie fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'ordonnance attaquée qui ne mentionne pas la qualité du magistrat qui l'a rendue et ne précise pas davantage que celui-ci aurait agi en vertu d'une délégation spéciale du président du tribunal de grande instance territorialement compétent ne fait pas en elle-même la preuve de sa régularité au regard de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, d'autre part, qu'en ne précisant ni les fonctions auxquelles Mme Delbès était déléguée, ni la durée de la délégation, l'ordonnance a violé les dispositions de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que l'ordonnance énonce avoir été rendue par "Evelyne Delbès, juge délégué par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris en date du 10 septembre 1990" ; qu'une telle mention répond aux exigences de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que la société Rhône-Poulenc Agrochimie fait aussi grief à l'ordonnance d'avoir autorisé les visites et saisies litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que faute de constater que les demandes d'enquête visées à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 figuraient au nombre des actes pouvant faire l'objet d'une délégation permanente de signature, l'ordonnance attaquée est privée de base légale au regard dudit texte ; alors, d'autre part, que l'article 3, alinéa 2 du décret du 23 janvier 1947 autorisant les ministres à déléguer par arrêté leur signature, dispose que l'arrêté de délégation de signature doit désigner les matières qui font l'objet de la délégation ; que cette disposition est considérée comme respectée lorsque la délégation de signature est faite dans les limites des attributions du délégataire à condition que celles-ci aient elles-mêmes été définies par arrêté ; qu'en se référant uniquement à l'arrêté du 3 juin 1991 qui portait délégation de signature à M. Babusiaux, "dans la limite de (ses) attributions", sans préciser si les attributions du service dirigé par celui-ci avaient elles-mêmes été définies par arrêté, l'ordonnance est entachée d'un défaut de base légale au regard des articles 3, alinéa 2 du décret du 23 janvier 1947 et de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que, si les visites et saisies prévues par ce texte ne peuvent être autorisées que dans le cadre des enquêtes demandées soit par le ministre chargé de l'économie soit pas le Conseil de la concurrence, il n'est pas interdit au ministre de déléguer ses pouvoirs conformément aux lois et règlements ; que la délégation permanente de signature du ministre d'Etat, ministre de l'Économie et des finances et du budget donnée par l'arrêté du 3 juin 1991, publié au journal officiel du 4 juin, au profit de M. Christian Babusiaux, directeur général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, pour signer tous actes, arrêtés, décisions ou conventions à l'exclusion des décrets, permet au délégataire de prendre au nom du ministre les décisions qui, dans la limite de ses attributions, relèvent de la compétence de ce ministre, sans que cette délégation implique l'abandon par le ministre de la possibilité d'exercer personnellement ses pouvoirs ; qu'en l'espèce, il n'est pas allégué que l'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'entrait pas dans les attributions de la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, telle que définie par arrêtés, même non publiés, que le président du tribunal de grande instance n'était pas tenu de viser ; que, dès lors, le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le quatrième moyen : - Vu l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu qu'aux termes de ce texte, le président du tribunal qui autorise une visite et saisie domiciliaire désigne un ou plusieurs officiers de police judiciaire chargés d'assister à l'opération et de le tenir informé de son déroulement ;
Attendu qu'en autorisant pour le lieu situé dans le ressort de la juridiction de Paris, M. Coquet, directeur adjoint chargé de la sous-direction des affaires économiques et financières, à désigner tout officier de police judiciaire placé sous ses ordres, pour assister aux visites et rendre compte de leur déroulement, le président du tribunal a méconnu les exigences du texte susvisé;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, l'ordonnance rendue, le 8 avril 1992, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Paris ; dit n'y avoir lieu à renvoi.