Conseil Conc., 9 juin 2000, n° 00-D-32
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Saisine au fond et demande de mesures conservatoires présentées par la société Concurrence
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré, sur le rapport oral de Mme Rocheteau-Weber, par M. Cortesse, vice-président, présidant la séance, Mme Mouillard, MM. Bargue, Bidaud, Piot, membres.
Le Conseil de la concurrence (section I),
Vu la lettre en date du 28 février 2000 enregistrée sous le numéro F 1214, par laquelle la société Concurrence a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre, d'une part par l'Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après AFNIC) et la société Psinet France, et d'autre part, par certaines entreprises exploitant des outils d'aide à la recherche sur Internet, qu'elle estime anticoncurrentielles ; Vu les lettres enregistrées les 10 et 14 mars 2000 sous les numéros M 256 et M 262, par lesquelles la société Concurrence, complétant la saisine au fond n° F 1214, a en outre sollicité le prononcé de mesures conservatoires à l'encontre de l'AFNIC, de la société Psinet France et des sociétés France Télécom Multimédia Services, Objectif Net SA, Yahoo France et Alta Vista Internet Solutions Limited ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants de la société Concurrence, de l'AFNIC et des sociétés Objectif Net, Yahoo France, France Télécom Multimédia Services et Alta Vista Internet Solutions Limited entendus lors de la séance du 24 mai 2000 ; La société Psinet France, régulièrement appelée, n'ayant pas fait pas fait valoir d'observations ; Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du rapporteur général ;
Considérant que la société Concurrence, qui exploite un fonds de commerce de distribution de produits d'électronique grand public, expose qu'elle projette d'ouvrir un site sur Internet en collaboration avec la société Sony France et, le cas échéant, avec d'autres fabricants qui souhaiteraient s'associer à sa démarche, afin de développer une activité de vente en ligne réservée aux revendeurs détaillants auxquels seraient concédés des prix bas, grâce à une politique commerciale autorisant les achats groupés, et à la livraison directe par le fabricant ; que l'originalité de ce site reposerait aussi sur la diffusion d'informations accessibles à tous les publics (professionnels et particuliers), tant sur les prix ainsi faits aux revendeurs que sur les prix de détail fixés par Concurrence pour les mêmes produits également proposés à la vente dans ses propres magasins ; que cette rubrique d'informations dénommée " mur de la concurrence " permettra aussi de faire apparaître les écarts de prix pratiqués par les principaux distributeurs du secteur et de mettre en évidence les ententes sur les prix ;
Considérant que la partie saisissante prétend qu'elle est empêchée d'accéder au monde de l'Internet et d'y exercer des activités, en raison de comportements contraires aux articles 7 et 8 de l'ordonnance susvisée, qu'elle attribue à une volonté de figer les équilibres économiques existant entre les principaux opérateurs du secteur des produits d'électronique grand public ;
Considérant qu'accessoirement à sa saisine au fond, la société Concurrence demande au Conseil de la concurrence, par application de l'article 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de prononcer les mesures conservatoires suivantes :
" Interdire à l'AFNIC d'empêcher Concurrence de s'inscrire dans le domaine.fr avec concurrence.fr, Concurrence acceptant dans un premier temps de passer pour les formalités par la société Psinet ;
Enjoindre à Psinet d'inscrire sur ses serveurs " concurrence.fr " ;
Enjoindre aux moteurs de recherche nomade.fr, voilà.fr, altavista.fr, yahoo.fr, de communiquer des critères objectifs de recherche, d'arrêter de faire croire aux consommateurs que les moteurs de recherche sont objectifs ou exhaustifs ;
Enjoindre à ces moteurs de recherche de prendre toutes mesures utiles, pour qu'ils ne privilégient plus des sites ou des magasins du seul fait qu'ils paieraient des publicités (Fnac et Espaces Sony par ex.) ;
Interdire à ces moteurs qui se présentent comme objectifs, de lier les résultats de la recherche aux publicités payantes, notamment en trouvant et/ou en faisant apparaître en premières places les revendeurs ayant payé ;
Enjoindre à ces moteurs de communiquer les règles écrites de participation publicitaires ;
Enjoindre aux moteurs de signaler dans un ordre objectif et neutre (alphabétique par exemple comme dans un annuaire) l'intégralité des sites marchands, répondant aux questions précisant une marque et/ou une catégorie de produits, ou une référence complète de produit avec sa marque, et notamment pour : (suit une liste de marques et de produits d'électronique grand public) ;
Pour chacun des types d'article suivants, d'indiquer ces produits : (suit une liste de types d'appareils d'électronique grand public) ;
Pour chaque association d'un de ces types de produits avec une marque, indiquer les sites vendant le type de produits et la marque, comme par exemple téléviseurs Sony, camescopes Sony ;
Pour chaque produit désigné par sa marque et sa référence (Sony MZR par exemple), indiquer les sites vendant ses produits, comme le fait le moteur de recherche américain altavista.com. "
Sur le retrait de la demande de mesures conservatoires dirigé à l'encontre de l'AFNIC :
Considérant que par lettres des 20 et 22 mai 2000 adressées au rapporteur général près le conseil, la société Concurrence a indiqué qu'elle retirait sa demande de mesures conservatoires dirigée contre l'AFNIC dans la mesure où cette dernière avait accepté le 24 mars d'enregistrer le site " concurrence.fr " et que ce site est effectivement ouvert depuis le 16 mai ; que les termes de ce désistement partiel ont été confirmés en séance par la requérante ; qu'il doit en être donné acte ;
Sur la saisine au fond :
1 - Sur les pratiques imputées à l'AFNIC et à la société Psinet France
Considérant que la société Concurrence énonce que l'AFNIC, organisme responsable de l'enregistrement des sites Internet dans le domaine national " .fr ", lui a refusé l'attribution du nom de domaine " concurrence.fr " qu'elle réclamait ; qu'en raison de ce refus, la société Psinet France, fournisseur d'accès sur Internet agréé conventionné par l'AFNIC auquel elle s'était adressée, n'a pas donné suite à sa demande d'inscription ; qu'ainsi, l'AFNIC, qui dispose d'un monopole de fait sur la gestion du domaine " .fr ", s'arrogerait sans base légale le pouvoir discrétionnaire d'interdire l'accès d'un opérateur au marché français de l'Internet ; que le refus d'enregistrer le nom de domaine souhaité par la société Concurrence, qui correspond pourtant à une enseigne commerciale ainsi qu'à une marque déposée à l'INPI, constituerait un abus de position dominante au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que, de surcroît, la décision négative opposée par l'AFNIC est en réalité celle des acteurs économiques membres de cette association qui, en prenant part à une délibération destinée à préserver les intérêts de ceux d'entre eux qui exercent les mêmes activités marchandes que la société Concurrence, ont participé à une entente prohibée par l'article 7 de la même ordonnance ;
Considérant que la société Psinet France, informée de la présente procédure par lettre recommandée avec avis de réception, n'a pas adressé d'observations ;
Considérant que le réseau de communication sur Internet appelé World Wide Web comporte six domaines généraux gérés par des organismes nord-américains et 239 domaines dits " nationaux ", gérés par des organismes constitués dans ce but au sein de chaque pays participants ; que l'AFNIC exerce ainsi ses pouvoirs de gestion du domaine " .fr " par délégation de l'Internet Assigned Numbers Authority, autorité centrale en matière de nommage sur Internet sise aux Etats-Unis ; que l'attribution d'un nom de domaine en " .fr " est soumise à l'acceptation par le requérant des règles de nommage arrêtées par le conseil d'administration de l'AFNIC composé, d'une part, des représentants des ministres chargés des télécommunications, de l'industrie et de la recherche et, d'autre part, de représentants des prestataires et utilisateurs d'Internet, sur proposition de comités de concertation permanents regroupant lesdits prestataires et utilisateurs ; que la charte de nommage ainsi élaborée, qui contribue à l'autorégulation d'Internet, et répond, à ce titre, à des préoccupations légitimes, est nécessairement établie selon une méthode empirique et évolue au fil des interrogations soulevées par les demandes d'inscription ;
Considérant qu'à cet égard, en séance, le directeur général de l'AFNIC a fait état des principes de concertation, d'équité et de pragmatisme qui gouvernent les travaux de l'association ;
Considérant que l'AFNIC fait valoir qu'en raison de sa particularité, la demande de la société Concurrence a été soumise à la consultation des 900 membres de l'association ; qu'ils n'ont pas admis que le site de la société Concurrence soit inscrit à la fois au premier niveau de l'arborescence constituée par le domaine " .fr " et sous le nom générique de " concurrence ", dans la mesure où, ce nom faisant référence à un ensemble d'activités exercées par toute une catégorie d'opérateurs, ceux-ci auraient pu se trouver lésés par une telle appropriation ; que, cependant, d'autres noms de domaine jugés équivalents ont été proposés à la requérante, à savoir " concurrence-sa.fr ", nom de premier niveau conforme à la raison sociale de l'intéressée, " concurrence.tm.fr " inscrit dans le sous-domaine " .tm.fr " spécifiquement créé à l'intention des titulaires d'une marque protégée, et enfin, " concurrence.com.fr " inscrit dans le sous domaine " .com.fr " réservé aux sites marchands ;
Considérant que l'AFNIC ajoute qu'en tout état de cause, depuis la saisine, la charte de nommage a été aménagée pour prendre en compte de nouvelles évolutions qui ont permis l'attribution à la requérante du nom de domaine qu'elle souhaitait ; qu'elle conclut à titre principal à l'irrecevabilité de la saisine et au rejet subséquent des mesures conservatoires ;
Considérant que la dimension mondiale du réseau Internet permet de relier un utilisateur à un site Web quel que soit le lieu d'implantation du premier, et quel que soit le domaine sur lequel est hébergé le second ; qu'au moins un ou deux autres domaines notoirement connus des internautes français et étrangers, les domaines " .com " et " .net ", sont susceptibles d'accueillir les sites des sociétés de toutes nationalités ayant une activité commerciale ; qu'en particulier le domaine " .com ", - certes géré depuis les Etats-Unis mais offrant une procédure d'inscription sur Internet, soixante fois plus important que le domaine " .fr " -, héberge de nombreuses entreprises exerçant leurs activités sur le territoire français ;
Considérant qu'en séance, le représentant de la société Concurrence a d'ailleurs reconnu s'être initialement adressé ou avoir sollicité auprès des gestionnaires de ce domaine " .com " l'attribution du nom " concurrence.com " et que cette demande n'a pu être satisfaite au motif qu'en vertu de la règle du " premier arrivé, premier servi " qui préside à l'inscription des sites en " .com ", ce nom avait déjà été attribué à une autre entreprise en activité ; qu'en conséquence de ce refus, il a sollicité de l'AFNIC son inscription dans le domaine " .fr " ;
Considérant, ainsi, qu'il n'est nullement évident que le domaine " .fr " constitue le seul, ou même le principal point d'accès aux marchés brigués par la société Concurrence ; que, face à cette situation, la saisine se borne à la simple allégation selon laquelle l'AFNIC serait en position dominante sur un marché, sans l'appuyer d'aucun élément probant ;
Considérant qu'à supposer même que le domaine " .fr " puisse être considéré comme le marché pertinent sur lequel l'AFNIC occuperait une position dominante, il convient de relever , qu'en vue de l'accession de la société Concurrence au domaine " .fr ", l'AFNIC a proposé à celle-ci trois noms de domaines lui permettant de se faire connaître sous sa raison sociale, son enseigne commerciale ou sa marque ; que ces propositions constituaient autant de solutions alternatives au nom " concurrence.fr " qui apparaissent de nature à permettre, dans des conditions satisfaisantes, l'accès des clients potentiels à son site ;
Considérant qu' il résulte de ce qui précède que la société Concurrence n'apporte aux débats aucun élément susceptible de laisser supposer que les pratiques qu'elle reproche à l'AFNIC puissent être qualifiées d'abus de position dominante au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Considérant, par ailleurs, que la société Concurrence qualifie d'entente anticoncurrentielle la délibération négative des membres de l'AFNIC ainsi que le refus subséquent du fournisseur agréé, la société Psinet ;
Considérant qu'aucun élément ne permet de mettre en cause la nature des objectifs poursuivis par l'AFNIC au regard des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant en effet que, si la cette délibération litigieuse - à laquelle ont pu participer des opérateurs évoluant sur les mêmes marchés que la société Concurrence - est susceptible de constituer une entente, le caractère illicite de cette entente doit, en vertu du texte susvisé, résulter d'un objet, d'un effet ou d'une potentialité d'effet anticoncurrentiel qui lui serait attaché ; qu'à cet égard la partie saisissante ne produit aucun élément qui contribuerait à en établir l'existence ;
Considérant que la société Psinet n'ayant fait que prendre acte de la décision litigieuse, aucun élément ne laisse présumer qu'elle aurait participé à une entente anticoncurrentielle ;
Considérant, en conséquence, qu'en application des dispositions de l'article 19 de la même ordonnance, la saisine au fond de ce premier chef doit être déclarée irrecevable ;
2 - Sur les pratiques imputées aux annuaires et moteurs de recherche de sites sur Internet
Considérant que la société Concurrence avance que les opérateurs offrant des services d'aide à la recherche et à la sélection de sites sur Internet altèrent fortement la transparence nécessaire à l'épanouissement de la concurrence dans le secteur du commerce électronique ; qu'en effet, les utilisateurs sont doublement trompés, d'une part, faute d'être informés du caractère sélectif des listes de sites qui leur sont présentées et des critères de tri ayant défini l'ordre dans lequel ces sites sont affichés et, d'autre part, en raison de la manipulation de codes secrets appelés " méta-tags " à laquelle se livraient les sociétés gestionnaires des annuaires et moteurs de recherche pour mettre en valeur les sites ouverts par certains agents économiques dont elles obtiendraient rémunération ou avantage ; qu'en particulier, ces manipulations seraient effectuées au profit de certaines entreprises commerciales oeuvrant dans le secteur de la distribution de produits d'électronique grand public dans lequel la société Concurrence exerce ses activités ; que les opérateurs de moindre taille, dont Concurrence fait partie, se trouvent gravement lésés par ces discriminations qui les privent d'apparaître à la place à laquelle ils pourraient prétendre sur les listes de sites affichées par les annuaires et moteurs ; que, depuis le 16 mai, date de mise en service du site " concurrence.fr ", tel était le cas de la société Concurrence ;
Considérant que les sociétés France Télécom Multimédia Services, Objectif Net SA, Yahoo France et Alta Vista Internet Solutions Limited concluent pour leur part à l'irrecevabilité de la saisine et au mal fondé des demandes de mesures conservatoires ; qu'elles exposent, par conclusions distinctes mais concordantes, que leurs activités - qui s'appuient selon le cas sur un système entièrement automatisé (moteurs de recherche) ou semi-manuel (annuaires) - consistent à référencer un certain nombre de sites Web et à les répertorier selon des critères objectifs et identiques pour tous, afin de présenter à tout utilisateur qui en fait la demande une sélection plus ou moins étendue de sites dont le contenu parait susceptible de répondre à ses attentes, telles qu'elles peuvent être déduites des termes de sa requête ; que, si chaque annuaire ou moteur de recherche peut disposer de son propre classement thématique pour faciliter les recherches, la requête de l'internaute doit au moins être libellée sous forme de mots-clés susceptibles de figurer dans l'adresse du ou des sites recherchés, le résumé de leur activité ou les pages qui les composent ; que les codes méta ou méta-tags auxquels fait référence la partie saisissante ne sont que la marque informatique des termes qui seront retenus comme mots-clés pour opérer la sélection de sites susceptible de répondre aux attentes de l'utilisateur ;
Considérant, par exemple, pour citer le cas du guide nomade.fr, qu'il ressort des explications fournies qu'un indice plus ou moins important composé étant affecté à la détection d'un mot-clé selon son emplacement et sa fréquence d'apparition dans le titre, le résumé ou le corps du texte, c'est le contenu du site qui détermine, par application de ces paramètres préétablis et identiques pour tous les sites indexés, la place qu'occupera tel site dans l'ordre des résultats affichés sur l'écran ;
Considérant que les parties en défense estiment exercer une activité de guide, par essence subjective pour satisfaire à l'attente des utilisateurs, et jouir à ce titre du droit à la liberté éditoriale qui les autorise à retenir les critères de sélection de leur choix sans procéder à un référencement exhaustif des sites existants ; qu'en séance, elles précisent informer les utilisateurs sur ce point dans les conditions générales de fonctionnement diffusées sur leur propre site ; qu'elles ajoutent qu'en tout état de cause, l'exigence d'une telle exhaustivité constitue un non sens en raison du nombre considérable et de la variété des sites Web ouverts sur l'ensemble des domaines internationaux, qui rendent à la fois impossible et inutile pour l'utilisateur l'affichage à l'écran d'une liste trop longue de résultats ; que, dans ces conditions, aucune pratique anticoncurrentielle ne saurait leur être reprochée sur la seule base des conditions d'exercice ainsi décrites de leur métier ; que nul indice n'est, par ailleurs, apporté par la partie saisissante de l'existence, entre elles ou avec d'autres opérateurs économiques, d'une entente prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'enfin, elles contestent détenir une quelconque position dominante sur le marché mondial des moteurs de recherche, principalement occupé selon elles par les guides nord-américains, et soutiennent qu'aucune pratique abusive de la position qu'elles occupent sur le marché, quelle que soit celle-ci, ne peut leur être sérieusement reprochée ;
Considérant, en premier lieu, que l'utilisateur connecté sur Internet peut accéder directement au site de son choix en inscrivant l'adresse connue ou supposée du site recherché ; que le succès d'une telle démarche est fonction du degré de précision de l'interrogation formulée, l'audience d'un site dépendant ainsi à la fois de la notoriété de l'opérateur et de l'effort publicitaire qu'il consent, ainsi que, dans une certaine mesure, du libellé du nom de site choisi qui peut simplifier la recherche ; qu'à cet égard, comme le relèvent les parties en défense, le développement rapide d'Internet a entraîné la multiplication des articles de presse et de périodiques spécialisés, d'annuaires sur support papier ou sur CD-Rom offrant au public des sélections plus ou moins vastes d'adresses de sites Web de toute nature, et en particulier de sites marchands ; que l'AFNIC indique établir un annuaire diffusé sur Internet sous le nom d'HarmoNic qui recense les sites inscrits dans le domaine " .fr " dont elle est responsable ;
Considérant que, dans ces conditions, la fonction d'annuaire ou moteur de recherche sur Internet ne peut être tenue pour indispensable à la rencontre de la demande émanant du consommateur et l'offre de produits et services vendus sur Internet;
Considérant, en outre, que les opérateurs offrant des services de recherche en ligne sont très nombreux, et que les conditions objectives de la concurrence apparaissent ainsi réunies ;
Considérant que l'exercice de la fonction de guide de recherche sur Internet n'implique d'obligations portant sur le référencement de la totalité des sites Web - à supposer qu'un tel référencement soit techniquement possible - ou sur l'adoption de méthodes particulières de classement des sites, obligations très lourdes qui iraient à l'encontre d'une politique commerciale librement choisie et des intérêts économiques des opérateurs concernés garante de l'exercice effectif de la concurrence ;
Considérant que les principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des annuaires et moteurs de recherche ne constituent pas en eux-mêmes des éléments de nature à laisser présumer une atteinte au droit de la concurrence ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société Concurrence affirme que certains sites sont favorisés " par une entente au moins tacite, ou par des positions individuelles mais dominantes, acceptées par tous, une certaine pratique des moteurs de recherche permet ces effets " ;
Mais considérant que, s'agissant d'opérateurs exerçant leur activité sur le même marché, il est difficile de soutenir que chacun d'entre eux détient individuellement une position dominante sauf s'il s'agissait d'une position dominante collective, ce qui n'est pas allégué ;
Considérant, en troisième lieu, que pour mettre en cause l'insertion dans les sites Web des codes informatiques appelés " méta-tags ", dont le rôle est de conférer à certains termes contenus dans les sites une marque distinctive permettant aux utilisateurs de retrouver ces sites en fonction des mots-clés sélectionnés pour leur recherche, la société Concurrence saisissante fait valoir que " la lecture des sites concurrents pour les pages secrètes démontre que c'est incompréhensible pour un lecteur normal, et quelles manipulations peuvent être opérées par ceux qui en connaissent les règles ";
Mais considérant, d'abord, qu'en ce qui concerne l'allégation d'entente formulée, pour tout élément susceptible de faire l'objet d'une constatation matérielle, la société Concurrence, prétendant pouvoir tirer des recherches effectuées sur les différents annuaires et moteurs de recherche la conclusion que les résultats des recherches sont falsifiés ou orientés dans le but de favoriser, tel ou tel agent économique, reconnaît pourtant dans ses écritures que selon le service interrogé, ces recherches ont abouti à des résultats différents ; que la partie saisissante se borne à indiquer que l'ordre d'apparition des noms d'entreprises "sur la toile", dont elle produit quelques exemples, varie non seulement en fonction des mots clés utilisés pour effectuer la recherche mais également en fonction du moteur de recherches choisi, et à affirmer l'existence de pratiques qu'elle impute à un objectif discriminatoire, sans apporter aux débats d'élément susceptible d'étayer l'affirmation selon laquelle les entreprises gestionnaires d'annuaires et de moteurs de recherche se livreraient à des pratiques contraires au droit de la concurrence ; que la diversité qu'elle invoque ne saurait en elle-même laisser présumer l'existence d'une entente ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu' en application des dispositions de l'article 19 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la saisine au fond de ce second chef, faute d'être étayée par des éléments suffisamment probants, doit également être déclarée irrecevable;
Sur la demande de mesures conservatoires :
Considérant que la saisine au fond enregistrée sous le numéro F 1214 étant déclarée irrecevable, les demandes de mesures conservatoires qui lui sont accessoires, et qui n'ont pas été retirées par la requérante doivent être rejetées,
Décide :
Article 1 - Il est donné acte du retrait par la société Concurrence de la demande de mesures conservatoires formulée à l'encontre de l'AFNIC.
Article 2 - La saisine enregistrée sous le numéro F 1214 est déclarée irrecevable.
Article 3 - Les demandes de mesures conservatoires enregistrées sous les numéros M 256 et M 262 sont rejetées.