Conseil Conc., 18 juin 1996, n° 96-D-44
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Pratiques relevées dans le secteur de la publicité
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport de Mme Champalaune, par M. Cortesse, vice-président, présidant la séance ; MM. Callu, Rocca, membres.
Le Conseil de la concurrence (section I),
Vu la décision enregistrée le 17 janvier 1990 sous le numéro F 298 par laquelle le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de la situation de la concurrence dans le secteur de la publicité ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour son application ; Vu l'avis n° 87-A-12 du Conseil de la concurrence relatif au secteur de la publicité en date du 18 décembre 1987 ; Vu les décisions nos 92-DSA-03 à 92-DSA-15 du président du Conseil de la concurrence en date du 9 juin 1992 ; Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 1re chambre, section concurrence, en date du 20 décembre 1994 ; Vu la lettre du président du Conseil de la concurrence en date du 24 mars 1995 ; Vu la décision n° 95-DSA-03 du président du Conseil de la concurrence en date du 23 mars 1995 ; Vu les observations du commissaire du Gouvernement et celles présentées par les sociétés Carat, Concerto Média, Euro RSCG, Initiative Média, Médiapolis, Optimédia, Information et publicité Groupe, Groupe Express, Publicat et Publiprint ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Carat, Concerto Média, Euro RSCG (Havas Advertising), Initiative Média, Médiapolis, Optimédia et Information et Publicité Groupe entendus, Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :
I. - CONSTATATIONS
A. - La chaîne publicitaire
La chaîne publicitaire comporte cinq intervenants : les supports, offreurs d'espace, qui commercialisent généralement celui-ci par la voie de régies publicitaires, les agences conseil en publicité, qui exercent des fonctions de création des messages et de recommandation sur le choix des insertions à réaliser dans les différents médias (activité dite de média planning), les acheteurs d'espace, qui se sont spécialisés dans l'achat d'espace et exercent en outre une fonction de préconisation des supports et d'optimisation des plans médias, et enfin les annonceurs.
L'enquête menée à la demande du Conseil de la concurrence à la suite de sa décision de se saisir d'office de la situation de la concurrence dans le secteur de la publicté en date du 17 janvier 1990 a porté sur les conditions d'exercice de la fonction d'achat d'espace, pendant la période 1988-1991.
Les données chiffrées et celles relatives à la structure des entreprises se réfèrent à ces mêmes années.
1. Les supports
En 1990, les grands médias (presse, télévision, affichage, radio et cinéma) recueillaient des investissements publicitaires s'élevant à plus de 43 milliards de francs, dont 45 p. 100 étaient réalisés dans la presse, 32 p. 100 dans la télévision, 14 p. 100 dans l'affichage, 8 p. 100 dans la radio et, enfin, 1 p. 100 dans le cinéma.
a) La presse
En baisse depuis le début des années quatre-vingt où elle représentait encore 61 p. 100 des investissements publicitaires, la presse restait néanmoins en 1990 le média bénéficiant de la part la plus importante de ceux-ci (45 p. 100).
La typologie habituellement utilisée dans ce secteur permet de distinguer :
- la presse quotidienne nationale, comprenant, d'une part, une quinzaine de titres en information générale parmi lesquels Le Figaro, Le Monde, Libération ... et, d'autre part, des titres d'information spécialisés tels que L'Equipe ou Les Echos, quotidiens dont la diffusion peut atteindre 500 000 exemplaires ou plus par jour ;
- la presse quotidienne régionale, qui compte environ soixante-dix titres, parmi lesquels Ouest-France, Le Dauphiné libéré..., dont la diffusion peut atteindre 700 000 exemplaires par jour ;
- la presse magazine, qui offre plus de deux cents titres consacrés aux domaines les plus variés, parmi lesquels L'Express, Le Point, Le Nouvel Observateur, Paris Match, VSD, Elle, Marie-France, Femme actuelle, Télé 7 jours, Télérama..., certains titres tirant à plus de 3 millions d'exemplaires.
Par ailleurs, d'autres formes de presse, comme la presse technique et professionnelle (Le Moniteur, Usine nouvelle...) ou la presse gratuite, connaissaient à l'époque des faits une forte croissance.
L'origine des ressources publicitaires de la presse écrite varie en fonction des différentes catégories de titres, ce qui affecte le mode de commercialisation des espaces dans ce secteur : à titre d'exemple, les petites annonces génèrent 80 p. 100 des recettes de la presse quotidienne régionale et ne font pas partie des achats d'espace réalisés par les centrales spécialisées dans cette activité, ces dernières étant en revanche beaucoup plus actives dans le secteur de la presse magazine, qui ne tire que 10 p. 100 de ses recettes desdites petites annonces.
b) La télévision
Bénéficiant d'une évolution contraire à celle de la presse, la télévision, considérée comme le média le plus performant par les publicitaires et annonceurs grâce à son large taux de couverture de la population et à la bonne mémorisation des messages publicitaires qu'elle véhicule, recueillait en 1990 31,6 p. 100 des investissements publicitaires contre seulement 14,5 p. 100 en 1978.
Dans ces conditions, les annonceurs et les intermédiaires attachent naturellement un prix particulier aux "écrans les plus puissants", c'est-à-dire aux heures d'écoute qui assurent la meilleure couverture de la population ou d'une population donnée et privilégient par suite le "prime time" (le temps d'antenne de 18 à 22 heures) au détriment du "day time" (le reste de la journée). Il en résulte que, depuis 1988, la chaîne ayant le taux d'audience le plus élevé bénéficie, d'une part, de recettes publicitaires supérieure à cette part d'audience comme le démontre le tableau ci-après (source SECODIP).
EMPLACEMENT TABLEAU
En 1990, quatre chaînes (TF1, A 2, La Cinq et M6) tiraient la plus grande partie de leurs ressources des investissements publicitaires.
TF1, qui a toujours représenté la plus forte audience, obtenait en 1990 près de 52 p. 100 des achats d'espace publicitaire sur les chaînes de télévision pour une part d'audience s'élevant à 42,6 p. 100. La chaîne a ainsi acquis une part des achats d'espace publicitaire télévisuel supérieure à sa part d'audience, conformément au mécanisme évoqué ci-dessus résultant du fait qu'elle peut proposer aux annonceurs des écrans à des moments de temps d'antenne qui rassemblent plus de 50 p. 100 des téléspectateurs.
La part d'audience des deux chaînes publiques a connu une évolution divergente entre 1987 et 1990. Alors qu'Antenne 2 (devenue France 2 en 1992) perdait plus de 10 points d'audience (22,9 p. 100 contre 33 p. 100), FR3 (devenue France 3 en 1992) en gagnait presque deux (11,5 p. 100 contre 9,8 p. 100). Au total, cette évolution faisait apparaître un recul des chaînes publiques par rapport à TF1 puisque, en trois ans, de 1987 à 1990, elles sont passées d'un taux d'audience égal (43 p. 100) à un taux inférieur de 8 points à celui enregistré par TF1. S'agissant de la part des achats d'espace publicitaire télévisuel, celle d'Antenne 2 a diminué de 12 points, tandis que celle de FR3 progressait faiblement (6,6 p. 100 contre 6,1 p. 100).
La part d'audience de La Cinq, après avoir augmenté de 1987 (7,6 p. 100) à 1989 (12,8 p. 100), a fléchi en 1990 (11,5 p. 100). Avec plus de 10 p. 100 d'audience, La Cinq était devenue, en quatre ans, comparable à FR3. Dans le même temps, sa part de marché en matière de vente d'espace publicitaire télévisuel s'était stabilisée autour de 17 p. 100. La Cinq a été mise en liquidation judiciaire en 1992.
Après des débuts modestes (1,6 p. 100 d'audience en 1987), M6 a multiplié par plus de quatre son audience en quatre ans (6,9 p. 100 en 1990). Sa part dans les achats d'espace publicitaire télévisuel a connu la même évolution (de 1,9 p. 100 en 1987 à 7,6 p. 100 en 1990). M6 restait déficitaire en 1990, mais sa situation s'est améliorée à partir de 1992.
c) La radio
Le secteur de la radio connaît, depuis 1984, une double évolution. En premier lieu, les radios traditionnelles à couverture nationale émettent désormais également sur la bande FM. En second lieu, les annonceurs peuvent désormais disposer d'une couverture nationale pour leurs messages grâce au développement des réseaux de radios locales.
Les Français, selon le CESP, écoutent la radio, en moyenne deux heures par jour. Cette audience se répartit entre un secteur public (Radio France) qui, en raison de la législation, n'offre que peu d'espace publicitaire et quatre stations privées, qui représentaient au moment des faits 80 p. 100 de l'audience et constituaient les principaux offreurs d'espace sur ce média :
RTL, contrôlée par une société de droit luxembourgeois, la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion (CLT), et qui occupe le premier rang des radios privées en termes d'audience, malgré une érosion notamment due à la multiplication des vecteurs d'audience qui a fait passer sa part du marché publicitaire de 39,9 p. 100 en 1988 à 35,1 p. 100 en 1990 ;
Europe n° 1 Communication, holding de droit monégasque dépendant du groupe Hachette, qui contrôle directement ou indirectement l'activité des différentes sociétés qui participent à l'activité de radiodiffusion du groupe (Europe n° 1, Europe n° 2) et Régie n° 1 qui assure sa régie publicitaire. Europe n° 1 occupe le deuxième rang français en termes d'audience comme en part de ventes d'espace publicitaire radiophonique, même si elle est confrontée pour les mêmes raisons que RTL à une baisse de son audience, qui se répercute sur sa part du marché publicitaire, passée de 34,1 p. 100 en 1987 à 29,9 p. 100 en 1990 ;
RMC, également exploitée par une société de droit monégasque, est passée de 6,30 p. 100 à 4,7 p. 100 de part d'audience de 1988 à 1990, cette chute, liée à une zone de diffusion trop restreinte, ayant également affecté sa part dans les ventes d'espace publicitaire passée de 17,3 p. 100 à 14,5 p. 100 ;
NRJ, société anonyme créée en 1981, est la première des radios FM : sa part d'audience est passée de 11,3 p. 100 en 1988 à 7,8 p. 100 en 1990, mais sa part dans les ventes d'espace publicitaire radiophonique est passée de 11,4 p. 100 en 1988 à 13,7 p. 100 en 1990.
d) L'affichage
Ce média, ancien, occupe une place stable dans les investissements publicitaires "grands médias" puisqu'il en recevait 13,9 p. 100 en 1989 contre 13,5 p. 100 en 1978.
On distingue principalement deux types d'affichage : l'affichage temporaire, qui consiste en la mise à disposition de panneaux pour les campagnes des annonceurs sur des périodes le plus souvent de sept jours, et l'affichage dit de "longue conservation" pour lequel des panneaux, souvent peints, sont loués pour des périodes d'un an et plus, essentiellement par des professionnels locaux, afin d'orienter le public vers un commerce ou une opération immobilière. La répartition des investissements publicitaires par type d'affichage, qui figure ci-après, fait apparaître qu'environ 60 p. 100 des investissements consacrés à ce média se portent sur l'affichage urbain dans les villes de plus de 100 000 habitants.
EMPLACEMENT TABLEAU
L'affichage publicitaire est contrôlé à hauteur de 85 p. 100 par quatre opérateurs dont deux indépendants (Dauphin OTA et Decaux), les deux autres étant contrôlés par Havas (société Avenir) et Publicis (société Giraudy).
e) Le cinéma
Les ventes d'espace publicitaire cinématographique représentent une part marginale des investissements publicitaires dans les grands médias. Cette part ne cesse de décroître, puisqu'elle est passée de 1,9 p. 100 en 1978 à 1,5 p. 100 en 1984 et à moins de 1 p. 100 en 1989 (425 millions de francs). 58 p. 100 du total de ces ventes sont assurées par la régie Médiavision, dont Havas et Publicis détiennent chacun un quart du capital.
2. Les régies
Les supports vendent leur espace publicitaire directement ou par l'intermédiaire d'une régie, laquelle agit le plus souvent en qualité de mandataire du support. Détenant alors l'exclusivité de la commercialisation de l'espace du support, la régie est l'interface obligatoire entre le support et l'intermédiaire.
Trois types de régie se sont développés :
La régie extérieure indépendante de l'éditeur, chargée par lui de collecter la publicité. Selon l'INSEE, on dénombrait en France en 1989 plus de 800 régies extérieures aux supports représentant un chiffre d'affaires de près de 10 milliards de francs ;
La régie mixte, dont l'éditeur possède une fraction plus ou moins importante du capital ;
La régie intégrée, constituée en filiale du support, qui constitue une formule choisie par des supports tels que :
- dans la télévision, TF1, avec TF1 Publicité, France 2 (ex-Antenne 2) avec Espace 2 Publicité, ainsi que France 3 (ex-FR3) avec Espace 3 Publicité, par M6 Télévision avec M6 Publicité. La société La Cinq avait créé une filiale à 100 p. 100, Régie 5, qui assurait sa régie exclusive ;
- dans la radio, RTL avec information et publicité, Europe 1 avec Régie 1, et NRJ avec 15-34 Régie exclusive de NRJ ;
- dans la presse, Publicat, qui est une société filiale de Télérama, et Publiprint qui est la régie publicitaire du groupe Hersant.
3. Les agences en publicité
L'INSEE recensait en 1989 plus de 1 500 agences dont certaines appartenaient à des groupes importants vcomme Euro RSCG, Publicis Conseil, BDDP, Young & Rubicam. Le secteur emploie plus de 14 000 personnes. Parmi les entreprises les plus importantes, dont les dix premières sont recensées dans le tableau reproduit ci-dessous, Eurocom, filiale du groupe Havas, selon sa dénomination au moment de l'instruction (devenue en 1991 Euro RSCG, puis le 1er février 1996 Havas Advertising), détenait en 1991 une part de marché estimée à environ 35 p. 100 du chiffre d'affaires de l'ensemble des agences, le groupe Publicis environ 11 p. 100, plusieurs groupes ou agences atteignant près de 5 p. 100.
EMPLACEMENT TABLEAU
Les principaux groupes français, fortement implantés sur le marché national, demeurant, malgré une dimension importante atteinte au plan international, d'une taille nettement inférieure à celle des grandes entreprises japonaises (Dentsu) ou américaines (Young & Rubicam) ou encore anglaises (Saatchi & Saatchi).
4. Les centrales d'achat
La fonction d'achat d'espace s'est progressivement dissociée du reste de l'activité publicitaire, sous l'effet du développement d'entreprises qui se sont spécialisées, à l'initiative de Gilbert Gross, à la tête du groupe Carat, le plus important dans ce domaine. La liste des vingt premières centrales d'achat en France en 1990 figure dans le tableau ci-dessous.
EMPLACEMENT TABLEAU
a) Le groupe Carat
La première centrale d'achat indépendante, la SGGMD (Société Gilbert Gross Michel Doliner), fondée en 1969, deviendra en 1987, après une restructuration, Carat Espace. A la suite de prises de participation du groupe anglais WCRS en 1988 et 1989, Carat Espace, société anonyme au capital de 14 002 800 F, non cotée en bourse, est devenue une filiale de la société holding de droit britannique Aegis Group Plc (ex WCRS). Elle a pris en 1993 la dénomination de Carat France (ci-après dénommée société Carat). Autour de cette société s'articule en France un réseau de filiales, qui se répartissent en deux grandes catégories : filiales commerciales et filiales de prestations. Au nombre des principales filiales commerciales actives, qui achètent l'espace auprès des différents supports, figurent notamment les sociétés SPFD, SEPFA, Mass Média, Affiplus et Média Center International.
b) Le groupe Eurocom
Le groupe Havas a, dès 1975, développé ses activités d'achat d'espace. Il détient 43 p. 100 du capital d'Eurocom, troisième groupe français d'achat d'espace en 1989 avec 14,5 p. 100 de part de marché. En 1991, Eurocom a fusionné avec RSCG pour former le groupe Euro RSCG, qui, depuis le 1er février 1996, a pris le nom de Havas Advertising. Les achats d'espace publicitaire du groupe sont effectués par trois centrales : Médiapolis, Concerto Média et Affi Conseil.
c) Le groupe PMS
Pour faire pièce au développement des centrales indépendantes, les agences ont également créé leurs propres structures d'achat d'espace, afin de conserver ou de reconquérir cette fonction auprès de leurs clients.
Lintas a ainsi fondé dès 1975 sa propre centrale d'achat, Initiative Média, puis créé en 1986 avec Mac Can Erickson une société en nom collectif Publimédia Service (PMS) spécialisée dans l'achat d'espace. En 1988, l'ensemble ainsi constitué s'est rapproché du groupe français Publicis, lequel a créé, en 1990, sa propre centrale, filiale à 100 p. 100, Optimédia. Cette dernière a été absorbée le 1er janvier 1995 par la société Publicis Centre Média.
PMS a pour fonction de négocier annuellement pour le compte de ses actionnaires ou de leurs filiales des accords cadres avec les différents supports mais n'achète pas directement de l'espace publicitaire. En 1990, parmi les principales centrales profitant, dans le cadre de PMS, de cette globalisation des achats figuraient les sociétés Optimédia (groupe Publicis) et Initiative Média (filiale de Lintas).
d) Le groupe TMPF
TMPF (The Media Partnership France) est un regroupement d'agences créé au début de l'année 1990. Sept agences sont actionnaires à parité de la structure commune : cinq américaines : J. Walter Thompson, Ogilvy & Mather, Grey, DDB-Needham et CLM-BBDO ; deux françaises : RSCG et BDDP. Cette dernière assure, en tant que mandataire, les fonctions de négociation avec les supports et de vérification des factures. Les actionnaires, à l'exception d'Ogilvy & Mather, sont regroupés en sous-centrales.
Si l'on prend comme référence les tarifs dits "brut tarif" affichés par les médias, c'est-à-dire avant négociation, quatre groupes représentent en 1990 près des deux tiers de l'achat d'espace : Carat (19 p. 100), PMS (16 p. 100), TMPF (16 p. 100), Eurocom (13 p. 100).
L'évolution du marché se traduit par un fort mouvement de concentration des acheteurs. Ainsi que le démontre le tableau ci-dessous, la part des quatre premières centrales dans le total d'achat d'espace est passée de 52 p. 100 en 1985 à plus de 60 p. 100 en 1989.
EMPLACEMENT TABLEAU
5. Les annonceurs
Ainsi qu'il résulte des tableaux ci-après, les annonceurs ont consacré en 1990 70,2 milliards de francs aux investissements publicitaires (source : Institut de recherche et d'études publicitaires [IREP]). Les grands médias (presse, télévision, cinéma, affichage, radio) ont recueilli 62 p. 100 de cette somme, contre 38 p. 100 pour le hors-média (promotion, publicité directe, salons). A la même date, près de 15 p. 100 du montant total des dépenses publicitaires sur grands médias, soit environ 6 milliards de francs, étaient le fait de quinze annonceurs.
EMPLACEMENT TABLEAU
Pour procéder à leurs achats d'espace, les annonceurs peuvent soit s'adresser directement aux supports, soit recourir, ce qu'ils font le plus fréquemment, aux intermédiaires spécialisés. Seuls les annonceurs consacrant à la publicité des investissements particulièrement importants sont en mesure de se passer des intermédiaires, en se dotant soit de services médias internes, chargés de contrôler et d'évaluer les prestations fournies par les divers intervenants du secteur publicitaire, soit d'un service intégré ou d'une filiale spécialisée dédiés à l'achat direct de leurs espaces publicitaires.
B. - Les caractéristiques générales de fonctionnement du secteur
Avant l'entrée en vigueur de la loi n° 93-122 du 19 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, qui détermine avec précision les relations juridiques des différents intervenants du secteur et leurs conditions de rémunération, les conditions d'achat et de vente des espaces publicitaires étaient les suivantes :
- les annonceurs étaient liés par contrat à des intermédiaires dont le rôle économique et la situation juridique n'étaient pas toujours clairement précisés ;
- des avantages étaient consentis aux acheteurs par les supports, sous forme de réductions importantes du prix tarif brut, à la suite de négociations dont les résultats n'étaient pas communiqués aux annonceurs ;
- des avoirs étaient établis, en fonction du montant des ordres d'achat, au bénéfice de l'acheteur par le vendeur, en application des accords intervenus entre le support et l'acheteur, et dissociés de la facture relative à ces ordres.
Le Conseil de la concurrence, dans son avis 87-A-12 du 18 décembre 1987 relatif à la situation de la concurrence dans le secteur de la publicité, avait observé que la combinaison de ces trois éléments était à l'origine d'une opacité tarifaire en ce sens que les supports ignoraient le prix de l'espace publicitaire payé par les annonceurs aux intermédiaires et que les annonceurs ignoraient pour leur part le prix réel de vente de l'espace publicitaire payé aux supports par les intermédiaires. L'instruction réalisée dans la présente affaire a mis en évidence que ce mode de fonctionnement a perduré pendant la période couverte par l'enquête administrative.
1. Un cadre juridique et un rôle économique des intermédiaires ambigus
Le cadre juridique
L'examen d'un certain nombre de contrats d'achat d'espace émanant des principaux opérateurs du marché fait apparaître que ces contrats étaient rédigés de telle sorte que l'annonceur était fondé à considérer qu'il rémunérait soit les services d'un mandataire agissant en son nom et achetant pour son compte aux supports l'espace publicitaire, soit les services d'un intermédiaire qui le ferait bénéficier des ristournes ou remises consenties par le vendeur.
a) Carat
Le contrat en date du 31 mars 1987 liant la centrale d'achat Mass Média (du groupe Carat) à la société Moët-Hennessy (annexe VII-1, tome B 2, pièces 1324 et suiv.) contient les clauses suivantes :
"Art. 3. - La rémunération de Mass Média est constituée par des honoraires fixés au taux uniforme de 3,5 p. 100 sur le net (...). Le net s'entend des tarifs bruts des supports, diminués des conditions de négociation consenties par eux. Les pages gratuites, repasses, ne donnent pas lieu à honoraires.
"Ces taux resteront identiques pendant toute la durée du présent contrat.
"Les honoraires recouvrent :
- l'ensemble des travaux administratifs et techniques relatifs à l'achat d'espace (négociations, réservation auprès des supports, suivi des campagnes, facturation, contrôle, pige quantitative et qualitative, réclamations et règlement des litiges)."
La même formulation figure dans le contrat conclu avec la société Gillette France le 26 septembre 1989 (annexe VII-1, tome B 3, pièces 1334 et suiv.) :
"Art. 5. - La rémunération de Mass Média est constituée par des honoraires fixés au taux uniforme de 3 p. 100 sur le net, hors affichage 4 x 3, ce dernier étant traité à 6,5 p. 100 sur le net. Le net s'entend des tarifs bruts des supports diminués des conditions de négociations consenties. Les pages gratuites, repasses, ne donnent pas lieu à honoraires.
"Ces taux resteront identiques pendant toute la durée du présent contrat.
"Les honoraires recouvrent :
- l'ensemble des travaux administratifs et techniques relatifs à l'achat d'espace (négociations, réservations auprès des supports, suivi des campagnes, facturation, contrôle, pige quantitative et qualitative et règlement des litiges) ;
- le conseil média à la demande des sociétés du groupe. Dans le cas de travaux exceptionnels, le temps ordinateur ainsi que l'achat d'études spécifiques donneront lieu à facturation complémentaire au prix coûtant ;
- la gestion globale des investissements publicitaires par société et au niveau groupe client."
De même, la rédaction retenue dans le contrat passé par la société Carat Espace le 27 octobre 1989 avec la société France Rail Publicité (annexe VII-1, tome B 2, pièces 1339 et suiv.) dispose :
"Après réservation des espaces par France Rail et avant confirmation par Carat au régies publicitaires conformément aux dispositions de l'article 4 du présent contrat, France Rail et Carat s'entendent sur le mode d'évaluation des montants bruts hors taxes des achats d'espace servant de base de calcul des remises définies à l'article 6.
"Ces montants bruts hors taxes seront calculés une fois retirés :
"- les différents abattements consentis par les supports, au titre des ordres transmis par France Rail (abattements saisonniers, dégressifs tarifaires tels que dégressifs de fréquence ou de volume d'insertions ou de passages, etc., conditions particulières de lancement et autres offres promotionnelles...) ;
"- les conditions spéciales auxquelles la SNCF peut prétendre, telles qu'abattements pour publicité dite collective, etc. ;
"- les abattements consentis par les régies publicitaires avant mise en application d'une hausse de tarifs, tels que le maintien de l'ancien tarif pour des achats d'espaces effectués avant une date donnée, que ces abattements figurent aux conditions générales de vente de support ou qu'ils aient pu être obtenus après négociation.
"Par contre, les montants bruts incluent les majorations nécessaires à une exécution conforme aux réservations effectuées."
Enfin, le contrat conclu entre la société International Sales & Import Corporation BV et la société SEPFA Internationale du groupe Carat le 31 octobre 1988 (annexe VII-1, tome B 2, pièces 1379 et suiv.) comporte des clauses de même nature :
"Exécution des campagnes publicitaires.
"1. L'agent de pubicité est chargé, à ce titre, de l'exécution des campagnes de publicité, décidées et acceptées par l'annonceur.
"Par là il est entendu :
"- la fourniture des devis estimatifs des dépenses ;
"- la négociation des prix avec les supports ;
"- la transmission des ordres aux supports ;
"- les plannings d'exécution.
"2. L'agent de publicité est chargé de l'achat de divers emplacements, surface ou temps, notamment dans les cinq formes principales de publicité :
"- affichage ; presse (périodiques, quotidiens) ; radio ; cinéma ; télévision.
"L'agent devra surveiller et intervenir le cas échéant auprès des supports de presse dans le cas où ces derniers augmenteraient leurs tarifs sans réelles justifications.
"L'annonceur se réserve la possibilité d'intervenir directement dans ces divers domaines."
b) Eurocom
Certains contrats d'achat d'espace des sociétés du groupe Eurocom comportent également des clauses aux termes desquelles il apparaît que sont rémunérés les services d'un intermédiaire agissant au nom de l'annonceur et achetant aux supports de façon transparente l'espace publicitaire.
Le contrat conclu entre la société HDM (Havas Dentsu Marsteller, qui était une agence du groupe Eurocom au moment de l'instruction) et la société SEITA le 9 février 1990 (annexe VII-2, tome B 2, pièces 1389 et suiv.) contient les éléments suivants :
"La SEITA confie à HDM à titre de commissionnaire exclusif la totalité de ses achats d'espace, dans les médias autorisés par la loi, pour l'ensemble des campagnes publicitaires concernant ses différents produits."
Le contrat en date du 10 janvier 1986 liant la société Continent à la société Concerto Média, centrale d'achat du groupe Eurocom (annexe VII-2, tome B 2, pièces 1409 et suiv.) prévoit que cette dernière, mandataire de la société Continent, s'engage à répercuter au mandant le taux de remise obtenu des supports :
"Art. 2. - Mandat :
"Concerto passera les ordres aux différents supports, cela en conformité avec les devis et plans présentés par Concerto, et acceptés par Continent.
"La signature du devis le transforme en une commande ferme engageant définitivement Continent auprès de Concerto.
"En cas de modifications imposées par les supports par rapport au plan initial, Concerto en informera préalablement Continent, et devra obtenir son accord.
"Art. 3. - Rémunération.
"Les ordres d'achat d'espace seront facturés sur la base des devis préalablement acceptés et valorisés au prix tarif brut, déduction faite des conditions de remises décrites dans l'avenant n° 1 ci-annexé.
"Il a été convenu que Concerto percevrait, au titre de sa rémunération, une commission de 3 p. 100 sur le chiffre d'affaires brut négocié facturé, hors taxes, à l'exception de l'affichage sur lequel Concerto ne percevra pas de rémunération."
Des dispositions analogues figurent dans le contrat conclu entre la société Médiapolis et son client la société Union Laitière Normande le 14 février 1990 (annexe VII-2, tome B 2, pièces 1415 et suiv.) :
"Devis :
"L'agence établira, pour chaque campagne publicitaire, un devis en deux exemplaires dont l'original devra être retourné revêtu de la signature pour accord de l'ULN ;
"Aucune campagne ne pourra être exécutée sans l'approbation préalable par l'ULN de ce devis.
"Le devis établi par l'agence mentionnera les prix globaux bruts et nets. L'agence restituera à l'ULN, sur le calcul du devis, les ristournes, réductions et avantages obtenus pour son compte auprès des supports, et ci-après dénommés négociations, ainsi que la commission allouée par ceux-ci.
"Le décompte s'établira de la façon suivante :
"Tarif brut des supports - négociations = brut négocié - commission support = net négocié + rémunération agence = net/net négocié."
Les contrats conclus par l'agence Ecom du groupe Eurocom avec, d'une part, la société General Foods France et, d'autre part, la société Reckitt et Colman comportent des clauses extrêmement précises sur l'élaboration du prix facturé à l'annonceur par l'intermédiaire :
Contrat conclu le 31 mars 1978 avec la société General Foods France (annexe VII-2, tome B 2, pièces 1440 et suiv.) :
"Art. 10. - Achats d'espace :
"L'achat d'espace (télévision, cinéma, radio, affichage, presse) est effectué par l'agence qui agit en qualité de ducroire vis-à-vis de tous les supports publicitaires.
"Les contrats d'insertion soumis aux conditions générales des différents supports font l'objet de devis soumis préalablement à l'approbation de GFF. En ce qui concerne les médias soumis à la Régie française de publicité (radio, télévision), GFF pourra être appelée à signer les conditions générales de vente en vigueur à la RFP qui prévoient les procédures spéciales à suivre, quelles que soient les conditions prévues par ailleurs dans le présent contrat pour les autres médias.
"Les achats d'espace seront facturés par l'agence à GFF au prix net facturé par le support compte tenu notamment de tous les avantages financiers (commissions, ristournes, conditions de paiement) dont a bénéficié l'agence."
Contrat conclu le 2 janvier 1987 avec la société Reckitt et Colman (annexe VII-2, tome B 2, pièces 1442 et suiv.) :
"La facturation de l'espace par l'agence tiendra compte de toutes commissions, remises, ristournes, ristournes de fin d'année, rabais et dégressifs, directs ou indirects, consentis par les différents supports à l'agence sur ses achats d'espace, globaux ou non, pour lesquels entrera pour tout ou partie un achat d'espace pour le compte de l'annonceur. Les sommes concernées seront alors rétrocédées à l'annonceur ainsi que la rémunération correspondante déjà versée à l'agence. La rémunération d'agence sera calculée après déduction des sommes précédemment citées."
c) PMS
Le "contrat type annonceur" ou contrat type de la centrale Initiative Média (groupe PMS, annexe VII-3, tome B 2, pièce 1459 et suiv.) prévoit expressément qu'Initiative Média ristournera à l'annonceur toutes les remises qu'elle aura négociées auprès des supports :
"Initiative Média Paris reçoit les factures émises par les supports pour les messages diffusés et les paie après les avoir contrôlées.
"Initiative Média Paris facture mensuellement...
"La facture est établie au prix net de l'espace acheté (toutes ristournes et commission d'agence déduites, exception faite des dégressifs de fin d'ordre éventuels qui seront crédités en fin d'exercice calendaire) auquel s'ajoutent les honoraires d'initiative Média Paris et la TVA au taux en vigueur."
De la même manière, l'agence américaine Lintas, dont Initiative Média est la centrale mandataire, est liée à ses annonceurs par des contrats dont les stipulations sont les suivantes :
Contrat conclu le 30 juin 1987 avec la société Alfa Roméo (annexe VII-3, tome B 2, pièces 1463 et suiv.) :
"Mandat.
"Dans les limites de la tâche précisées ci-dessus, et sous réserve des approbations mentionnées aux alinéas 1 a et 1 b ci-dessus, la société donne mandat à l'agence pour négocier tous les contrats relatifs à l'achat d'espace et de temps d'antenne pour la diffusion de la publicité dans les médias, à la fourniture et à la réalisation des matériels publicitaires, à l'acquisition de prestations ou de droits de tiers (par exemple, modèles, comédiens, etc.), ainsi que de tout ce qui sera nécessaire pour l'exécution de la tâche. L'agence s'oblige à tout mettre en œuvre pour obtenir les tarifs et les conditions les plus avantageux pour la société."
Contrat conclu le 18 décembre 1987 avec la société Crédit Foncier (annexe VII-3, tome B 2, pièces 1476 et suiv.) :
"V. - Mandat.
"Dans les conditions du présent contrat, l'agence passera toutes les commandes nécessaires à son exécution au nom et pour le compte de l'annonceur, dans le cadre de la mission qui lui sera confiée.
"Toutefois, dans le cas où l'agence serait amenée, compte tenu de la pratique existant dans la profession, à passer lesdites commandes en son propre nom, elle agirait cependant pour le compte de l'annonceur."
Il en est de même pour la société Publicis dont la plupart des contrats contiennent des stipulations semblables à celles du contrat conclu avec la société Alsacienne de brasserie le 2 janvier 1976 (annexe VII-3, tome B 2, pièces 1485 et suiv.) :
"L'agence fera bénéficier son client de tous les dégressifs, rabais et de ses efforts de négociation faits au profit du client pour réduire le coût de son espace publicitaire ; la facturation étant faite au prix net, commission et dégressifs déduits."
En outre, les mentions relatives aux acomptes versés par la société Publicis aux supports sont de nature à renforcer le client dans la croyance que l'agence est son mandataire :
"Le client couvre par ailleurs l'agence de tous les acomptes qu'elle peut être amenée à verser aux supports (notamment TV)."
Le contrat passé entre les sociétés Publicis et Dim le 4 mars 1976 (annexe VII-3, tome B 2, pièces 1497 et suiv.) contient des dispositions comparables :
"L'agence fait bénéficier le client, outre la commission, de tous les dégressifs, rabais et de ses efforts de négociation faits au profit du client pour réduire le coût de son espace publicitaire.
"La facturation est faite au prix net, commission réduite, plus 15 p. 100 du montant brut des factures des supports."
De même, les termes de l'accord de collaboration passé entre les sociétés Publicis et Castorama (annexe VII-3, tome B 2, pièces 1508 et suiv.) fondent le client à considérer que l'agence perçoit uniquement la surfacturation prévue audit contrat :
"L'agence fera bénéficier son client de tous les dégressifs, rabais et de ses efforts de négociation faits au profit du client pour réduire le coût de son espace publicitaire. La facturation sera faite au prix net commission déduite plus un pourcentage du montant brut des factures des supports.
"Cette rémunération est destinée à couvrir les services décrits au paragraphe ci-dessus (...)."
Il en est de même dans le contrat conclu le 7 juin 1988 avec la société Columbia (annexe VII-3, tome B 2, pièces 1522 et suiv.) :
"Publicis négocie pour Columbia les meilleures conditions d'espace en tenant compte des critères de qualité indispensables pour assurer la bonne visibilité des campagnes développées.
"Publicis fera pression de tout son poids spécifique et de celui de Columbia, tout en préservant les bonnes relations nécessaires dans ce métier, afin d'essayer de maintenir ou même d'améliorer le niveau des négociations.
"La totalité des négociations obtenues pour le compte de Columbia est intégralement rétrocédée à Columbia. L'espace est facturé à Columbia au prix net facturé par les supports, après déduction de toutes négociations, rabais et dégressifs et de la commission professionnelle réservée aux agences.
"A ce prix net, Publicis ajoute un pourcentage dit de frais de service appliqué comme il est dit ci-dessous au paragraphe 3.1.2 (c)."
d) TMPF
La rédaction des contrats d'achat d'espace des agences mandantes de TMPF fonde l'annonceur à croire qu'il rémunère les services d'un mandataire agissant en son nom et achetant pour son compte aux supports l'espace publicitaire.
S'agissant de la société RSCG, le contrat type est ainsi rédigé (annexe VII-4, tome B 2, pièces 1531 et suiv.) :
"Objet de l'accord.
"L'annonceur confie au prestataire la réalisation de plans média détaillés et sur devis, la négociation et l'achat (aux meilleures conditions pour le compte de l'annonceur) des périodes d'espace et de temps nécessaires à la réalisation de ses campagnes de publicité."
Le contrat en date du 5 janvier 1989 liant les sociétés Maison Bouygues et RSCG (annexe VII-4, tome B 2, pièces 1535 et suiv.) précise :
"Les achats d'espace seront facturés par l'agence à Maison Bouygues aux prix nets facturés par le support, compte tenu notamment de tous les avantages financiers (commissions, ristournes, dégressifs instantanés ou cumulatifs fin de période) dont a bénéficié ou bénéficiera l'agence. Les délais de facturation seront au plus tôt après exécution des ordres."
Une lettre en date du 31 octobre 1989 (annexe VII-4, tome B 2, pièces 1548 et suiv.) précise les termes du contrat passé entre les sociétés RSCG et Withehall, et notamment les conditions auxquelles la centrale Liberté Média (du groupe TMPF) achètera l'espace et ristournera les remises :
"Le montant des achats d'espace réalisés par Liberté Média fera l'objet de factures (et avoirs éventuels) qui devront nous être adressées chaque fin de mois. Celles-ci devront être établies de manière à faire ressortir clairement le détail des prix : prix tarif hors remise, dégressifs, réductions, remises en nature ou en espèces différées ou non, et/ou tous avantages découlant d'accords particuliers, notamment entre Liberté Média et les régies publicitaires.
"Le prix d'achat net ainsi facturé sera réglé par notre société dans ses délais habituels de 60 jours fin de mois, le 15 du mois suivant.
"D'autre part, Liberté Média adressera à notre société un récapitulatif mensuel des achats facturés faisant ressortir le prix total d'achat net d'espace par produit.
"La rémunération de vos services sera égale à 2,65 p. 100 du prix d'achat net de l'espace. Elle sera facturée chaque fin de mois sur les achats correspondants et vous sera également réglée dans le délai de 60 jours fin de mois, le 15 du mois suivant.
"Le montant des avoirs viendra en diminution de l'assiette de calcul de votre rémunération.
"Les ristournes que Liberté Média obtiendra des régies publicitaires seront intégralement distribuées à notre société au prorata du chiffre d'affaires traité pour notre compte."
Le contrat de la société Rolex international applicable en France et négocié en 1985 (annexe VII-4, tome B 2, pièces 1553 et suiv.) contient les mêmes clauses.
Les contrats passés par la société Horizon Média et les sociétés Brother et Shiseido sont ainsi rédigés :
Contrat conclu le 15 septembre 1989 avec la société Brother (annexe VII-4, tome B 2, pièces 1557 et suiv.) :
"L'achat d'espace proprement dit sous-traité par l'agence à la centrale d'achat Horizons Média fait l'objet d'un devis préalablement communiqué à l'annonceur. Le montant net négocié (ou net/net) figurant sur le devis est majoré de la TVA.
"En ce qui concerne l'affichage, les devis tiennent compte des frais de sélection et de contrôle spécifiques à ce média. L'agence s'engage à faire bénéficier l'annonceur de toutes les négociations qu'elle obtient au titre de l'achat d'espace qu'elle effectue pour le compte de l'annonceur.
"En particulier, l'agence s'efforcera d'obtenir pour le compte de l'annonceur autant de parutions en échange marchandises que possible, afin de promouvoir l'offre Brother auprès des différents types de presse."
Contrat conclu le 15 décembre 1987 avec la société Shiseido (annexe VII-4, tome B 2, pièces 1566 et suiv.) :
"Achat d'espace :
"Exécution de l'achat d'espace :
"- la négociation auprès des supports des meilleures conditions possibles (tarifs et emplacements) ;
"- l'émission de devis ;
"- l'émission des ordres pour les supports sélectionnés, après accord sur les devis."
Les contrats de l'agence BDDP contiennent des clauses types qui ne sont modifiées que si le client en fait la demande. Le contrat Virgin France (annexe VII-4, tome B 2, pièces 1576 et suiv.) contient les clauses suivantes :
"Les services énumérés aux clauses 3.2/3.3/3.4 ci-dessus font l'objet de devis préalables estimant leurs montants nets. L'exécution n'intervenant qu'après approbation de l'annonceur.
"Toutes les commandes nécessaires à l'exécution du présent contrat sont passées par l'agence au nom, pour le compte et en tant que mandataire de l'annonceur."
D'autres contrats de l'agence BDDP présentent des clauses identiques ou similaires à celles-ci, comme notamment le contrat conclu avec la société Mc Cain (annexe VII-4, tome B 2, pièces 1585 et suiv.).
La pratique économique
En présence de clauses contractuelles telles que celles citées ci-dessus, les annonceurs étaient conduits à penser qu'ils rémunéraient les services d'un intermédiaire agissant pour leur compte et négociant à leur profit l'espace acheté, c'est-à-dire au meilleur coût pour eux. Or, malgré ces clauses, les centrales d'achat se comportaient comme des négociants, revendiquant d'ailleurs cette qualité ainsi qu'en témoignent les auditions de leurs représentants.
La pratique économique était en effet la suivante : les intermédiaires, en particulier les centrales, négociaient avec les supports, généralement en début d'année, de manière de plus en plus globalisée, différentes remises dépendant notamment des quantités achetées dans l'année. Agences ou centrales d'achat, ces intermédiaires achetaient de l'espace au coup par coup et non plus de façon ferme en début d'année comme le faisaient les premiers opérateurs spécialisés au début des années soixante-dix. Ils revendaient ensuite ces espaces aux annonceurs et, quelles que fussent les stipulations du contrat, n'informaient pas ces derniers de la totalité des avantages obtenus.
Ce mode de fonctionnement des intermédiaires a été décrit par M. Bernard Dumoncel, administrateur de la société CGP, centrale d'achat d'espace publicitaire intégrée du groupe l'Oréal, lors de son audition en date du 6 février 1992 (annexe VI-37, tome B 2, pièces 1320 et suiv.) :
"Si l'Oréal ne disposait pas de CGP, elle ferait comme la majorité des annonceurs : elle confierait un budget global d'achat à la centrale avec un plan média préalable. Ensuite, la centrale (en fonction des taux de ristournes qu'elle obtiendra des supports, et sans que le client en soit informé) optimisera, financièrement pour elle, ce plan. Elle assurera ensuite à l'annonceur qu'il est le plus efficace possible (sans lui préciser, bien sûr, qu'il est plus rentable pour elle) et le fera, en dernier ressort, valider par ce dernier."
2. Des ristournes importantes et variées
a) Des ristournes diverses
Les ristournes prenaient, à l'époque des faits examinés par le conseil, différentes formes, mais avaient une forte incidence sur le prix réel de l'espace. Les remises accordées par les supports aux acheteurs d'espace étaient négociées soit annuellement, soit ponctuellement.
1° Les remises négociées annuellement
La commission d'agence :
Traditionnellement, les supports rémunéraient par une commission assise sur le montant d'espace vendu la prestation d'apporteur d'affaires des intermédiaires en publicité ;
Cette rémunération dénommée "commission d'agence" était constituée d'un abattement de 15 p. 100 sur le prix de vente affiché par le support.
Les dégressifs :
Il s'agit de ristournes quantitatives, conditionnelles ou inconditionnelles, accordées par les supports en fonction des volumes d'achat d'espace effectués par les intermédiaires. Elles étaient généralement matérialisées par un système de grilles et calculées sur la base du tarif brut.
Les négociations :
Les négociations, appelées couramment "négos", étaient des remises généralement inconditionnelles, c'est-à-dire qui n'étaient accompagnées d'aucun engagement formel de réaliser un certain volume d'affaires.
Les remises de part de marché :
Ces remises, destinées à préserver la part de marché du support, étaient conditionnées par des achats au moins égaux en proportion à la part que représentait le support sur son marché.
Les commissions :
A la fin de l'année n, ou au début de l'année n + 1, les supports versaient à leurs clients, centrales, agences ou annonceurs, des ristournes dont tout ou partie était négocié et dont le pourcentage était déterminé dès le début de l'année n. Elles étaient généralement calculées sur le montant "net/net" des achats de l'année, c'est-à-dire après déduction de la commission d'agence et des dégressifs.
Les commissions de préconisation :
Ces commissions étaient représentées par des avoirs de fin d'année ; elles rémunéraient les centrales ainsi que les agences qui n'achetaient pas d'espace, soit la grande majorité d'entre elles, pour la préconisation du support qu'elles avaient faite dans leur activité de média-planneur.
2° Les négociations ponctuelles
En cours d'année, les agences et les centrales tentaient d'obtenir des avantages supplémentaires. Ces avantages étaient de nature à accroître sensiblement le taux global des ristournes accordées. Ces négociations ponctuelles prenaient la forme de ristournes exceptionnelles mais aussi de "gratuits" dits de "planning" dans les médias audiovisuels et de "bouclage" dans la presse, c'est-à-dire des "dons" d'espaces invendus à la date où les ordres cessent d'être acceptés.
La pratique de remises globales regroupant les différentes remises décrites ci-dessus semblait s'être généralisée sur le marché à partir de la fin de l'année 1990.
b) Un montant variable parfois très élevé
Globalisés, ces avantages pouvaient permettre aux acheteurs de bénéficier d'un taux de remise allant de 20 p. 100 à 25 p. 100 dans les médias dits "non négociables" comme la télévision, à plus de 70 p. 100 dans des médias tels que la presse.
Les fourchettes de taux de remise globaux pratiqués, au moment de l'instruction, média par média pour les principaux opérateurs du marché sont reproduites dans le tableau ci-dessous.
EMPLACEMENT TABLEAU
c) La pratique de la remise au premier franc
L'intérêt de ces remises pour les bénéficiaires était encore accru par la pratique dite de la "remise au premier franc", qui consistait à calculer le montant des remises accordées à partir du premier franc de chiffre d'affaires réalisé.
3. Des pratiques comptables qui ne correspondaient pas à la situation juridique des intermédiaires et qui dissimulaient la réalité des transactions entre supports et acheteurs d'espace
L'examen de la comptabilité des intermédiaires spécialisés dans l'achat d'espace fait apparaître deux anomalies au regard de leur situation juridique par rapport aux annonceurs.
D'une part, les remises perçues par les acheteurs d'espace étaient comptabilisées dans des comptes de négoce et non dans ceux prévus pour l'enregistrement des commissions, ce qui est conforme à la réalité du fonctionnement économique de ces entreprises, mais est en contradiction avec les clauses des contrats qui en faisaient généralement les mandataires des annonceurs.
D'autre part, l'instruction a mis en évidence que les modes de facturation et d'établissement des pièces comptables constatés dans ce secteur ne permettaient pas aux annonceurs de vérifier le respect des engagements pris contractuellement par les intermédiaires, en ce qui concerne la rétrocession des avantages consentis par les supports. En effet, les supports ne communiquaient pas aux annonceurs les factures de leurs campagnes publicitaires adressées aux intermédiaires, lesquelles en toute hypothèse ne traduisaient que partiellement la réalité des transactions. En effet, une fraction des ristournes inconditionnelles était versée sous forme d'"avoirs parallèles concomitants" aux factures, pour celles accordées immédiatement, ou d'"avoirs en cours d'année" ou "en fin d'année", globalisant des remises inconditionnelles ne figurant pas sur les factures d'achat émises en cours d'année ou résultant de l'obtention de surcommissions ou de dégressifs, quelle qu'ait été la date à laquelle la tranche de chiffre d'affaires correspondante avait été réalisée.
La tentative de la société M6 d'introduire un nouveau système de tarification de l'achat d'espace en fonction de la réalité de la diffusion des messages publicitaires, évoquée par Mme Catherine Lenoble, directrice générale adjointe de la société M6 Publicité, dans son audition du 8 novembre 1990, a d'ailleurs rencontré l'hostilité des intermédiaires notamment parce que, selon les termes de Mme Lenoble : "Ce système présentait l'inconvénient de porter à la connaissance de l'annonceur le prix négocié... Pour cette raison, nous en sommes restés à une référence au prix brut tarif alors que les conditions générales de vente prévoyaient une référence au prix négocié" (annexe VI-7, tome B 2, pièces 1174 et suivantes).
C. - Les pratiques et les faits constatés :
1. Sur les pratiques bilatérales relevées entre offreurs et acheteurs d'espace publicitaire
Il résulte de l'instruction que les supports les plus représentatifs des différents médias ont conclu des accords avec des intermédiaires, déterminant pour une année donnée les conditions de vente de l'espace affecté à la publicité. La nature des remises ainsi accordées et leurs conditions de facturation permettaient, dans certains cas, de maintenir les annonceurs dans l'ignorance du véritable prix de l'espace publicitaire payé par les intermédiaires.
a) En ce qui concerne les chaînes de télévision
Les responsables des supports ont décrit, lors de l'enquête, les conditions générales dans lesquelles s'effectuaient les négociations relatives à l'achat et à la vente de l'espace publicitaire. Ces déclarations éclairent les faits révélés par l'instruction.
(a) TF1 Publicité :
Lors de son audition du 12 novembre 1991, M. Patrick Le Lay, président-directeur général de la société TF1 Publicité, a caractérisé les relations confidentielles existant entre les supports et les acheteurs d'espace en ces termes : "Il existe des conditions de volume : ce sont des relations bi-univoques entre les centrales d'achat et TF1 Publicité" (annexe VI-1, tome B 2, pièce 1152).
(i) TF1 Publicité et Carat :
Aux termes d'une convention cadre triennale portant sur le niveau des remises consenties ainsi que sur leurs modalités de règlement et de facturation, et dont les conditions figurent dans deux documents établis le 8 février 1989 par M. Givadinovitch, alors président-directeur général de la société TF1 Publicité, à l'attention de M. Gross, la société TF1 Publicité a accordé à la société Carat différentes remises dont deux, la prime d'été et la remise exceptionnelle, présentent un caractère inconditionnel. Il est ainsi prévu que "L'abattement de 10 p. 100 sera appliqué comme par le passé sur le tarif d'été... L'ensemble de ces avantages sera calculé en fin de période, c'est-à-dire en fin d'année 1989, 1990 et 1991, et sera réglé en montant équivalent d'espaces publicitaires sur TF1 basé sur le tarif en vigueur pour les campagnes 1990, 1991 et 1992" (annexe IX, tome B 3, pièces 1665 et 1666) et que "Comme l'année passée, et compte tenu de l'effort tout particulier de votre groupe pour promouvoir l'essor de TF1, il est convenu qu'il bénéficiera d'une remise confidentielle et exceptionnelle de 3,5 p. 100 sur le chiffre d'affaires net, commission d'agence déduite pour l'exercice 1989, 1990 et 1991" (annexe IX, tome B 3, pièce 1667).
Or, la prime d'été et la "remise confidentielle et exceptionnelle" pour 1990 n'étaient pas mentionnées sur les factures figurant au dossier pour différents annonceurs représentés par la société Carat (annexe IX, tome B 3, pièces 1676 à 1696). Bien qu'il s'agisse de remises inconditionnelles, il apparaît qu'elles ont été versées en fin d'exercice le 28 juin 1991, par avoir, avec les autres remises conditionnelles négociées entre la régie et l'acheteur, ainsi que l'établit une lettre, en date du 28 juin 1991, dans laquelle le directeur général de la société TF1 Publicité recense l'ensemble des avantages consentis pour l'année 1990 à la société Carat TV : "En conclusion le total des remises que nous vous consentons au titre de l'exercice 1990 s'élève à prime de volume 90 : 38,661 MF ; remise exceptionnelle : 78,080 MF ; prime d'été : 11 877 MF ; prime de day-time : 27 431 MF. Elle est réglée en montant d'équivalent espace publicitaire comme prévu dans notre lettre du 8 février 1989" (annexe IX, tome B 3, pièce 1672). Pour l'année, ces remises ont représenté 43 p. 100 du total des remises consenties par la société TF1 Publicité à la société Carat.
(ii) TF1 Publicité et Eurocom :
Renouvelant une précédente convention, les sociétés TF1 Publicité et Eurocom sont convenues du niveau des ristournes consenties et de leurs modalités de règlement et de facturation, aux termes d'un accord, conclu pour un an, reproduit dans une lettre échangée le 17 avril 1990 entre M. Givadinovitch et M. de Pouzilhac, président-directeur général de la société Eurocom. En vertu de cet accord qui stipule : "Comme par le passé, un abattement de 10 p. 100 sera appliqué sur le tarif d'été, soit du 14 juillet au 26 août" (annexe IX, tome B 3, pièces 1697 et 1698), la société Eurocom bénéficie notamment d'une prime d'été qui présente un caractère inconditionnel.
Accompagnant les avoirs annuels relatifs aux différentes remises négociées entre la régie et l'acheteur, la prime d'été 1990, dont le montant n'était pas mentionné sur les factures d'achat d'espace réalisé par la société Eurocom, a été réglée à celle-ci par avoir en date du 21 mai 1991, avec les autres remises (annexe précitée, pièce 1702), comme il ressort d'une lettre en date du 2 mai 1991, envoyée par le représentant de TF1 Publicité, M. Givadinovitch, à la société Eurocom : "Le total de vos remises correspondant à l'exercice 1990 s'élève à : prime volume : 23,095 MF ; prime de day-time : 9,773 MF ; prime d'été : 4,806 MF ; prime d'exclusivité : 0,227 MF. Elle est réglée en montant d'équivalent d'espace publicitaire, comme prévu dans ma lettre du 17 avril 1990" (annexe précitée, pièces 1699 à 1701). Cette remise inconditionnelle représentait plus de 6 p. 100 du total des remises consenties par la société TF1 à la société Eurocom.
(iii) TF1 Publicité, Initiative Média et Optimédia :
La société TF1 Publicité et la centrale PMS, qui compte notamment parmi ses adhérents les sociétés Initiative Média et Optimédia, sont convenues du niveau des ristournes consenties ainsi que des modalités de règlement et de facturation aux termes d'un accord, conclu pour un an et reproduit dans une lettre en date du 9 février 1990 adressée par Mme Marie-José Forissier et par M. Pierre Mantout, pour la centrale PMS, à M. Givadinovitch, de TF1. Une "rémunération spécifique de 10 p. 100" pour les mois de juillet et août (annexe IX, tome B 3, pièces 1705 à 1707), qui constitue une remise de caractère inconditionnel, est consentie à PMS. Un document émanant de la société TF1 Publicité, qui recense, par société, le montant des différentes ristournes versées, établit que la société TF1 Publicité adresse des avoirs annuels relatifs aux différentes remises négociées entre la régie et les sociétés du groupe PMS en fin d'exercice. Selon ce document et au titre de la prime d'été 1990, les sociétés Initiative Média et Optimédia ont reçu respectivement 2 808 000 F et 978 000 F (annexe précitée, pièce 1713 pour Initiative Média et pièce 1715 pour Optimédia). Ces sommes, pourtant afférentes à une remise inconditionnelle, ont été versées, ainsi que l'établit une lettre du 4 avril 1991, avec les autres remises conditionnelles.
(b) Espace 2 Publicité et Espace 3 Publicité :
Les dirigeants des sociétés assurant la régie publicitaire des chaînes publiques ont également souligné le caractère confidentiel des négociations menées entre supports et acheteurs. Ainsi, Mme Chabrier et M. Chatelain, respectivement directeur général des sociétés Espace 2 et Espace 3 Publicité et directeur général de la RFP A 2, entendus le 4 octobre 1990, indiquaient : "Il existe pour nos deux sociétés un tarif et des conditions tarifaires de réfaction des prix. En outre, pour les principaux clients, il existe des négociations séparées qui sont annuelles. Elles ne sont pas basées sur les mêmes principes d'allocation que les conditions générales de vente... Les barèmes ne sont ni publiés ni communiqués" (annexe VI-2, tome B 2, pièces 1155 et 1156).
Entendue le 12 novembre 1991, Mme Christiane Doré, alors président-directeur général des régies publicitaires des sociétés Antenne 2 et FR3, a confirmé ces propos : "Toutes les négociations sont faites dans le cadre de relations bi-univoques entre la centrale et le support... Aucune centrale ne connaît les conditions faites à ses concurrents. Les accroissements de parts de marché donnent lieu à un avoir valorisé en espaces gracieux. Il existe des avoirs spécifiques aux centrales, des ristournes annuelles : un chèque établi à l'ordre de la centrale ou bien une diminution lors de la facturation" (annexe VI, tome B 2, pièces 1163, 1164 et 1165).
(i) Espace 2 Publicité, Espace 3 Publicité et Carat :
Les régies publicitaires des sociétés Antenne 2 et FR3 et la société Carat sont convenues du niveau des remises consenties ainsi que de leurs modalités de règlement et de facturation, aux termes d'un accord conclu le 23 mars 1990 pour un an, formalisé dans une lettre en date du 23 mars 1990 de Mme Doré, président-directeur général des régies publicitaires des sociétés Antenne 2 et FR3, à M. Gross (annexe IX, tome B 3, pièces 1720 à 1721). En vertu de cet accord, lequel dispose que : "En tant que centrale d'achat Carat TV bénéficiera d'une prime de fidélité variant avec le chiffre d'affaires selon le barème suivant... Pour A 2 Publicité : 4 p. 100 pour un chiffre d'affaires net inférieur ou égal à 450 MF... Pour Espace 3 : 5 p. 100 pour un chiffre d'affaires net inférieur ou égal à 170 MF", les sociétés Espace 2 et Espace 3 consentent à la société Carat une prime de fidélité de caractère inconditionnel, applicable au premier franc de chiffre d'affaires réalisé.
Or, il résulte des pièces du dossier que les régies publicitaires des sociétés Antenne 2 et FR3 adressent à la société Carat des avoirs annuels relatifs aux différentes remises négociées entre la régie et l'acheteur et, ce, en fin d'exercice. A ce titre, deux "primes de fidélité" de 16 899 762,20 F et de 5 040 500 F ont été réglées à la société Carat, le 31 décembre 1990 (annexe IX, tome B 3, pièces 1726 et 1727). Elles ont été versées en une seule fois alors que leur montant était chiffrable, en application des termes de la lettre du 23 mars 1990, dès le premier franc d'achat d'espace. Ces "primes de fidélité" représentent plus de 30 p. 100 du total des remises consenties par ces régies à la société Carat.
Par ailleurs, un examen de la comptabilité de ces régies a fait apparaître que celles-ci rétrocédaient sous forme d'avoir parallèle concomitant à la facture un certain nombre de remises. Parmi différents avoirs figurant au dossier au titre de ristournes diverses (annexe IX, tome B 3, pièces 1725 à 1732), peut être notamment cité un avoir de 31 222,86 F, n° 90-3584, dissocié de toute facturation (pièces 1729-1730), dont a bénéficié l'agence Média Center International (groupe Carat), au titre des achats réalisés pour son client, la société Peaudouce.
(ii) Espace 2 Publicité, Espace 3 Publicité, Initiative Média et Optimédia :
Les régies publicitaires des sociétés Antenne 2 et FR3 et les sociétés PMS (dont sont adhérentes les sociétés Initiative Média et Optimédia) sont convenues du niveau des ristournes consenties ainsi que des modalités de règlement et de facturation, ainsi que l'établit un courrier en date du 1er juin 1990 de Mme Marie-José Forissier et M. Pierre Mantout pour la société PMS à Mme Doré, alors président-directeur général des régies publicitaires des sociétés Antenne 2 et FR3 Le dispositif retenu pour l'année 1990 est le suivant : "Le niveau d'abattement correspondant au volume globalement atteint sur A 2 et FR3 par le groupe PMS sera appliqué à chacun de ses partenaires (Groupes Initiative Média, Idémédia, Universal Média, Optimédia). Il sera le suivant : pour un volume tarif brut inférieur à 450 MF, taux applicable au premier franc : 3 p. 100 ; pour un volume tarif brut de 450 MF en cas d'engagement ferme : 5 p. 100. Ce barème a été fixé compte tenu de l'estimation actuelle de notre potentiel. D'ores et déjà nous prenons l'engagement d'un volume minimal de 450 MF" (annexe IX, tome B 3, pièces 1739 et 1740).
Malgré le caractère inconditionnel de certaines de ces remises accordées au premier franc de chiffre d'affaires réalisé, une partie de celles-ci sont rétrocédées sous forme d'avoir parallèle concomitant à la facture comme le fait apparaître l'examen de la comptabilité de ces régies. La société Optimédia a ainsi perçu un avoir dissocié relatif à la facturation de son client Dim SA (avoir n° 2367 du 31 décembre 1990, annexe IX, tome B 3, pièce 1742). De même, les factures adressées à la société Initiative Média ne font pas état de la remise inconditionnelle de 3 p. 100 résultant de l'accord conclu pour 1990, ainsi que l'atteste la facture n° 904732 figurant en annexe IX, tome B 3, pièce 1743.
(c) Régie 5 :
Interrogé le 21 juin 1990, M. Chioua, chef comptable des sociétés La Cinq et Régie 5, a déclaré : "Les avantages accordés aux annonceurs à l'année ne sont pas obligatoirement mentionnés sur la facture d'achat ; les avantages accordés aux intermédiaires se décomposent en un dégressif immédiat versé par avoir concomitant à la facturation et une surcommission fin d'année soumise à la réalisation d'objectifs" (annexe VI-5, tome B 3, pièces 1166 et suivantes).
(i) Régie 5 et Carat :
Les sociétés Régie 5 et Carat sont convenues du niveau des ristournes consenties ainsi que des modalités de règlement et de facturation dont les termes sont consignés dans une lettre de M. Boiteux, alors directeur général de la société Régie 5, adressée à M. Gross, en date du 16 mai 1990 (annexe IX, tome B 3, pièce 1744) : "Les surcommissions qui te seront consenties, au titre de 1990, s'établissent à 20 p. 100 sur le montant net/net facturé au titre des différentes sociétés de ton groupe. - 12 p. 100 étant immédiatement déduits sur facture de chaque société, le réajustement à 20 p. 100 se faisant en régularisation fin d'ordre". Cet accord fait explicitement apparaître une dissociation dans le temps du versement des remises, pourtant inconditionnelles, consenties par la société Régie 5 à la société Carat, qui se manifeste par la rétrocession, sous forme d'avoir parallèle concomitant à la facture, d'un certain nombre de remises, ainsi que l'examen de la comptabilité de la société Régie 5 a permis de l'établir. A titre d'exemple, il apparaît que, pour le compte de la société Palmolive Colgate, un "rattrapage sur avances surcoms 90" relatif à la facture n° 70015 du 31 janvier 1991 d'un montant de 60 032,36 F a été réglé à la société Carat TV, alors que la facture ne comporte aucune mention relative à ces surcommissions (annexe IX, tome B 3, pièces 1746 et 1747). Il en est de même pour l'annonceur BSN Alsacienne (avoir et facture du 31 janvier 1991, annexe précitée, pièces 1748 et 1749).
(ii) Régie 5 et Eurocom :
Les sociétés Eurocom et Régie 5 sont convenues du niveau des ristournes consenties ainsi que des modalités de règlement et de facturation aux termes d'un accord conclu pour un an et reproduit dans une lettre, en date du 11 mai 1990, adressée par M. Boiteux, directeur général de la société Régie 5, à M. Grandjean et à Mme Bertay de la société Eurocom. La société Eurocom se voit consentir une remise inconditionnelle calculée comme suit : "Jusqu'à 230 000 000 de CA Tarif, il sera consenti 13 p. 100 de surcommission sur le montant net/net perçu par La 5" (annexe IX, tome B 3, pièces 1753 et 1754). En ce qui concerne les modalités de règlement, il est prévu que : "5 p. 100 seront déduits sur facture ; la régularisation intervenant en fin d'exercice".
La mise en pratique de cet accord, et spécialement de la facturation dissociée, a été confirmée par M. Chioua, lequel a ajouté à ses déclarations précitées, en ce qui concerne la société Eurocom : "Eurocom, par exemple, bénéficie de 13 p. 100 d'avantage annuel négocié. 5 p. 100 sont versés par avoir immédiat et 8 p. 100 par avoir "complémentaire de fin d'année" après vérification que les objectifs prévus ont été atteints" (annexe VI-5, tome B 2, pièce 1166).
L'examen de la comptabilité de la société Régie 5 a permis de vérifier l'existence de la pratique de dissociation des remises par avoir immédiat et par avoir complémentaire, parallèlement à l'émission de factures. En ce qui concerne les avoirs immédiats, la société Médiapolis a bénéficié le 31 décembre 1990 d'une ristourne d'un montant de 12 512,95 F, pour le compte de son client la société HDM, agence du groupe Eurocom, sur la base d'un document portant la mention : "document de référence 4295" (c'est-à-dire la facture émise le même jour) "5 p. 100 de dégressif immédiat", s'agissant des achats d'espace réalisés pour son client la société Rhône-Poulenc (annexe IV, tome B 3, pièces 1755 et 1856). La société Concerto Média a, quant à elle, perçu un "dégressif immédiat" n° 53513 relatif à la facture 4764, d'un montant de 27 883,04 F relatif à des achats de son agence Bélier conseil pour le compte de son client Kaysersberg (annexe précitée, pièces 1757 et 1758). En ce qui concerne les avoirs de fin d'année, la société Médiapolis a ainsi bénéficié de "régularisations sur négociation, avoir de négociation 1990 selon accord du 27 février 1990", pour 2 206 761,14 F (annexe précitée, pièces 1759 et 1760), pour des achats d'espace réalisés pour son client la société Jacob's/Suchard France. La société Concerto Média a bénéficié d'un avoir représentant un "dégressif de fin d'ordre" sur l'année 1990 de 6 777 085,04 F (annexe précitée, pièce 1761).
(iii) Régie 5, Initiative Média et Optimédia :
Les sociétés Régie 5 et PMS sont convenues du niveau des remises consenties ainsi que de leurs modalités de règlement et de facturation, aux termes d'un accord conclu pour un an et reproduit dans une lettre, en date du 2 avril 1990, de M. Boiteux, directeur général de la société Régie 5, à Mme Forissier et à M. Mantout de la société PMS. Parmi les bénéficiaires au sein de la centrale PMS, de cet accord qui stipule que : "(...) Sur le CA net/net de toute négociation et commission d'agence : déduction sur facture d'un dégressif immédiat de 5 p. 100" (annexe IX, tome B 3, pièces 1762 et 1763) figurent notamment les sociétés Initiative Média et Publicis/FCB.
L'examen de la comptabilité de la régie confirme la déclaration précitée de M. Chioua puisqu'il apparaît que la régie rétrocédait, sous forme d'avoir parallèle concomitant à la facture, le dégressif de 5 p. 100, pourtant prévu sur facture comme l'indiquent les termes mêmes de l'accord précité du 2 avril 1990. La société Optimédia, laquelle a, à partir du 7 janvier 1990, procédé aux achats d'espace pour le compte de la société Publicis, a ainsi reçu, sous la forme d'un avoir en date du 17 mai 1991, un dégressif de fin d'ordre, au titre de l'année 1990, de 2 704 545 F hors taxes (annexe IX, tome B 3, pièce 1764).
(d) M6 Publicité :
Entendus le 5 novembre 1990, Mme Lenoble, directrice générale adjointe de la société M6 Publicité, et M. Boucher, directeur financier de cette même société, ont déclaré : "Certains clients bénéficient d'une facturation dissociée de leurs avantages tarifaires. D'autres, au contraire, voient l'intégralité des avantages qui leur sont consentis figurer sur la facture (...). Nous ne dissocions que pour répondre à une demande expresse des clients qui souhaitent ne pas voir figurer l'intégralité des remises sur la facture d'achat-vente" (annexe VI-6, tome B 3, pièces 1170 et suiv.).
Entendu le 19 novembre 1991, M. Nicolas de Tavernost, directeur général de la société M6 Publicité, a confirmé le caractère confidentiel des relations avec les intermédiaires en ces termes : "Les conditions de négociation accordées à une centrale ne sont jamais connues des autres centrales. Il s'agit de conditions bilatérales non connues des tiers" et a apporté les précisions suivantes : "A propos des avoirs : l'avoir peut figurer en totalité sur la facture. Dans d'autres cas, une partie seulement de l'avoir y figure et le reste fait l'objet d'un savoir parallèle établi au cours du même mois sur un document séparé" (annexe VI-8, tome B 3, pièces 1178 et suiv.).
(i) M6 Publicité et Carat :
Les sociétés M6 Publicité et Carat sont convenues du niveau des ristournes consenties ainsi que des modalités de règlement et de facturation, aux termes d'une lettre en date du 13 février 1990 adressée par Mme Lenoble, directeur général de la société M6 Publicité, à M. Gross (annexe IX, tome B 3, pièces 1766 et 1767) qui comporte notamment les précisions suivantes : "(...) Votre groupe bénéficiera sur M6 en 1990 des mêmes conditions qu'en 1989 : abattement forfaitaire immédiat de 25 p. 100 au premier franc, dégressif de fin d'année égal à 5 p. 100 du montant négocié de vos achats, commission d'agence déduite, les campagnes collectives bénéficieront d'un abattement de 25 p. 100 avant application des conditions financières de votre groupe."
Cette convention, déjà en vigueur en 1989, fait bénéficier la société Carat de remises pour partie inconditionnelles et qui sont rétrocédées par la régie de la société M6 sous forme d'avoir parallèle concomitant à la facture, comme le démontrent l'examen d'un cahier manuscrit tenu par un comptable de cette société, ainsi que les pièces figurant au dossier. Trois avoirs de 1 857 668,21 F intitulés "avoir campagnes Carat", n° 901262, n° 901790 et n° 405 ont ainsi été réglés à la société Carat TV les 10 mai, 10 juin et 10 septembre 1990 (annexe IX, tome B 3, pièces 1769, 1770 et 1771), représentant un "complément de négociation au titre de l'année 1989".
(ii) M6 Publicité et Eurocom :
Selon les termes d'un document établi par la Société M6 (annexe IX, tome B 3, pièces 1772 et 1773), la société Eurocom bénéficie des conditions suivantes : "20 p. 100 d'abattement de 0 à 100 MF, calculé sur le brut tarif au premier franc et 5 p. 100 de surcommission du net/net sur l'ensemble du groupe. Ces remises sont portées à 25 p. 100 de collective plus 15 p. 100 de négociation pour certains clients de Concerto Média, à 24 p. 100 pour Médiapolis pour son client Suchard, à 25 p. 100 plus 10 p. 100 pour son client loto, à 10 p. 100 plus 20 p. 100 pour son client France Télécom". Par ailleurs, le groupe Eurocom figure parmi les bénéficiaires de la pratique de facturation dissociée reconnue par les responsables de la société M6 dans leurs déclarations précitées. Les dissociations sont recensées dans le cahier manuscrit du comptable de M6 évoqué ci-dessus, qui reprend, entrepise par entreprise, les niveaux de ristournes consentis et les modes de dissociation retenus (annexe précitée, pièces 1775 et 1768). Pour les sociétés Médiapolis et Concerto Média, les mentions figurant sur ce cahier sont les suivantes :
"Médiapolis :
"Loto : 25 p. 100 sur facture ; 20 p. 100 sur avoir ;
"France Télécom : 10 p. 100 sur facture ; 20 p. 100 sur avoir ;
"Autres budgets : 20 p. 100 sur avoir.
"Concerto Média :
"20 p. 100 sur facture ; 15 p. 100 sur avoir après collective ;
"et 25 p. 100 d'abattement collectif."
(iii) M6 Publicité et Optimédia :
Selon les termes du document établi par la société M6 précité, la société M6 Publicité et les sociétés du groupe PMS (et parmi elles la société Optimédia) sont convenues, pour l'année 1990, du niveau des ristournes ainsi que des modalités de règlement et de facturation (annexe IX, tome B 3, pièce 1776). Un abattement inconditionnel de 20 p. 100 calculé sur le brut tarif au premier franc, et qui fait l'objet d'une ventilation pour une partie sur avoir, est ainsi consenti par la société M6. Au titre de son client Renault, la société Optimédia a obtenu pour sa part 25 p. 100, dont la moitié sur la surcommission inconditionnelle de fin d'année.
Le cahier d'un comptable de la société M6, déjà cité, indique, en ce qui concerne la société Optimédia (annexe IX, tome B 3, pièce 1778) : "Optimédia 1990 : 20 p. 100 sur avoir ; Renault : 23 p. 100 sur avoir". Le nom de la société Optimédia figure, par ailleurs, dans la "liste des sociétés bénéficiant de remises dissociées en 1990" de la part de la socété M6, produite au cours de l'instruction par cette société (annexe IX, tome B 3, pièce 1774).
b) En ce qui concerne les radios
Les responsables de certains supports ont décrit lors de l'enquête les conditions générales dans lesquelles étaient effectuées les négociations relatives à l'achat et à la vente de l'espace publicitaire sur ce média. Ces déclarations éclairent les faits révélés par l'instruction.
(a) Information et Publicité :
Lors de leur audition en date du 31 janvier 1991 (procès-verbal en date du 13 février 1991, annexe VI-9, tome B 2, pièce 1183), Mme Jimenez, directeur général de la société Presse 31, et M. Vieljeux, directeur commercial de la société Information et Publicité en charge des sociétés RTL et Téléstar, ont expliqué en ces termes les conditions de facturation appliquées par cette régie :
"Nous constatons avec vous que la facturation d'IP aux centrales comprend différents avoirs. Ceux-ci correspondent à plusieurs cas de figure.
"Il s'agit en premier lieu d'avoirs de régularisation qui ont pour objet de constater l'acquisition d'une remise, soit que le client ait passé un seuil quantitatif soit que les premières factures de l'année aient été émises à un taux de remise intermédiaire en attendant la fin des négociations.
"En ce qui concerne les modalités de facturation des remises, rabais et ristournes que nous accordons et qui ne sont pas liés à la réalisation d'une condition, nous accordons des régularisations de conditions soit en fin de mois, soit en fin de trimestre, soit en fin de semestre à la demande des intermédiaires.
"Ces demandes des intermédiaires obéissent à plusieurs motivations :
"- des raisons de pure confidentialité, puisque les demandes émanent des directions générales des centrales qui ne souhaitent pas que la mention sur une facture de l'intégralité des conditions permette de reconstituer leur taux de "négo" ;
"- des raisons liées à la politique des centrales qui ventilent l'avantage uniforme que nous leur accordons différemment en fonction des clients."
(i) Information et Publicité et Carat :
Les sociétés Information et Publicité et Carat sont convenues du niveau des remises consenties ainsi que des modalités de règlement et de facturation, aux termes d'un accord conclu pour un an et reproduit dans une lettre en date du 30 novembre 1989 adressée par M. Guy Gervais, directeur général de la société Information et Publicité, à M. Gross. Aux termes de ce document, la société Information et Publicité consent à la société Carat "un taux d'abattement général sur le tarif RTL de 50 p. 100. Abattement complémentaire de 5 p. 100 sur le chiffre d'affaires net réalisé en juillet/août de chaque année" (annexe IX, tome B 3, pièce 1779).
Les documents élaborés par la société Information et Publicité au cours de l'instruction ont fait apparaître que le mode de facturation adopté, en ce qui concerne la société Carat, prévoyait le versement d'"avoirs de régularisation des conditions spéciales (exemple But - BSN)" ainsi que des "avoirs de surcommissions sur le CA global Carat des mois de juillet et août" (annexe IX, tome B 3, pièce 1782). Cette dissociation des factures et des avoirs a bien été mise en œuvre, ainsi que le confirme l'examen de la comptabilité de la société Information et Publicité. La société SPFD (appartenant au groupe Carat) a notamment perçu, le 2 juillet 1990, une remise inconditionnelle sous forme d'une "régularisation d'abattement sur le premier trimestre 1990" représentant un montant de 1 856 465 F (annexe IX, tome B 3, pièce 1784). Elle a également perçu, le 28 novembre 1990, une "régularisation d'abattement de 32 à 52 p. 100 sur campagnes de janvier à octobre 1990 pour 247 708,31 F" (annexe IX, tome B 3, pièce 1785).
(ii) Information et Publicité, Eurocom, Concerto Média et Médiapolis :
Les sociétés Information et Publicité et Eurocom sont convenues du niveau des ristournes consenties ainsi que des modalités de règlement et de facturation, aux termes d'un accord, conclu pour un an, et reproduit dans une lettre en date du 2 mars 1990, adressée par M. Gounouf, directeur de la gestion commerciale de la société Information et Publicité, à Mme Bertay et M. Grandjean du groupe Eurocom (annexe IX, tome B 3, pièces 1786-1787).
Cet accord prévoit des abattements au profit des sociétés Concerto Média et Médiapolis sur le tarif brut, dont une partie est inconditionnelle. Par ailleurs, une surcommission de 5 p. 100 sur le net/net est prévue en faveur du groupe Eurocom.
Ces conditions sont reprises dans un document à en-tête de la société Information et Publicité établi par celle-ci au cours de l'instruction (annexe IX, tome B 3, pièce 1788) et intitulé :
"Conditions de facturation clients 1990 :
"Eurocom : surcommission groupe Eurocom par avoir de 5 p. 100 sur le chiffre d'affaires net/net du groupe ;
"Médiapolis : mensuellement : facturation au taux de 35 p. 100 + un avoir de 6 p. 100 (annonceur par annonceur) ;
"Concerto Média : avoirs de régularisation du mois de janvier, application d'une facturation au taux de 35 p. 100 (d'avoir) + un avoir de 8 p. 100."
L'examen de la comptabilité de la société Information et Publicité fait apparaître que cette dernière rétrocédait également sous forme d'avoir parallèle concomitant à la facture un certain nombre de remises. La société Concerto Média a ainsi perçu un "prix négocié" de 103 529,45 F par avoir n° 9011.169024 (annexe IX, tome B 3, pièce 1792) établi le 4 décembre 1990, parallèlement à la facture du 26 novembre 1990, établie pour son client Bertrand Faure Etablissements (annexe IX, tome B 3, pièces 1793-1794).
(iii) Information et Publicité, Initiative Média et Optimédia :
La société Information et Publicité et la société Initiative Média ont conclu un accord, le 27 avril 1990, prévoyant différents abattements allant de 36 p. 100 à 45 p. 100 en fonction des annonceurs et précisant, en ce qui concerne les conditions de facturation : "pour les budgets à 45 p. 100 d'abattement : 39 p. 100 sur facture + 6 p. 100 sous forme d'avoir" (annexe IX, tome B 3, pièces 1795-1796). Une fiche établie par la société Information et Publicité indique que la société Initiative Média bénéficie d'"avoirs sur facture de 5 p. 100" (annexe IX, tome B 3, pièce 1797).
La société Optimédia bénéficie pour sa part, aux termes d'un accord reproduit dans une lettre, en date du 23 février 1990, adressée par M. de Clermont Tonnerre, de la société Information et Publicité, à M. Irrmann, de la société Optimédia, d'un abattement inconditionnel de 44 p. 100 sur la tranche de chiffre d'affaires réalisé de 0 à 38 millions de francs pour son client Renault (annexe IX, tome B 3, pièce 1800). Des lettres ultérieures confirment ou précisent cet accord (annexe précitée, pièces 1801-1802). Une fiche élaborée par la société Information et Publicité indique, toujours pour ce client, que les modalités de facturation prévoient 3 p. 100 de ristourne par avoir dissocié (annexe précitée, pièce 1803).
(iv) Information et Publicité et TMPF :
A la suite de différents échanges de courriers (annexe IX, tome B 3, pièces 1805, 1807 et 1808), les sociétés Information et Publicité et TMPF se sont mises d'accord sur les remises consenties pour l'année 1990 dont certaines sont inconditionnelles. Une lettre en date du 21 mars 1990 adressée à la société TMPF prévoit notamment une remise de 40 p. 100 pour un volume de chiffre d'affaires allant de 0 à 240 millions de francs (annexe précitée, pièce 1805).
La société Information et Publicité a recensé, sous forme de fiches par intermédiaire, les conditions de facturation accordées à ses clients. La fiche relative aux conditions de facturation prévues pour 1990 indique, en ce qui concerne la société TMPF, "facture au taux de - 35 p. 100 et - 8 p. 100 par avoir" (annexe précitée, pièce 1804). Cette fiche conforte les déclarations précitées de Mme Jimenez et de M. Vieljeux (annexe VI-9, tome B 2, pièce 1183 et suiv.).
(b) Régie 1 :
Entendu le 13 novembre 1990, le directeur financier de la société Régie 1, M. Marconnet, déclarait : "Les remises dissociées sont de deux types : les remises qui constatent par une facture d'avoir l'acquisition d'un avantage non acquis jusqu'alors (passage de seuils), les remises qui correspondent à un avantage dont le principe est acquis et le montant est déterminable. Trois cas de figure se présentent :
"- dissociation d'une partie des remises par avoir séparé pour chaque facture ;
"- dissociation globalisée par trimestre ;
"- dissociation globalisée à l'année" (annexe VI-11, tome B 2, pièce 1193)."
(i) Régie 1 et Carat :
Les sociétés Régie 1 et Carat sont convenues du niveau des ristournes consenties ainsi que des modalités de règlement et de facturation. Cet accord, consigné pour l'année 1989 dans un document intitulé "Conditions SPFD", précise notamment que les périodes creuses (P.C.) font l'objet d'un abattement spécial de 20 p. 100, un abattement supplémentaire de 3 p. 100 étant prévu pour des annonceurs spécifiques comme les sociétés BSN et Coca-Cola (annexe IX, tome B 3, pièces 1812 à 1817). La société Carat a bénéficié, au titre de cette remise pour périodes creuses, durant l'année visée à l'accord, de "redressements de conditions juillet-août 89" (annexe IX, tome B 3, pièce 1822) pour son client la société Volkswagen, ainsi que de "redressements de conditions de 3 p. 100 sur 1989" pour la société BSN (annexe précitée, pièce 1823).
(ii) Régie 1, Eurocom et Concerto Média :
Les sociétés Régie 1 et Eurocom sont convenues du niveau de ristournes consenties ainsi que des modalités de règlement et de facturation aux termes d'un accord conclu pour un an, reproduit pour l'année 1989 dans une lettre en date du 10 mai 1989 concernant les ristournes accordées à la société Concerto Média adressée par M. Jean-Luc Viaud de la société Régie 1 à Mme Danièle Bertay de la société Concerto Média. La société Régie 1 y consent notamment à la société Eurocom un "taux global de réajustement" en fin d'année selon une grille qui débute à 37,5 p. 100 pour la première tranche de chiffre d'affaires de 0 à 60 MF. Le mode de règlement de cette remise inconditionnelle est déterminé comme suit : "Comme nous en sommes convenus la facturation initiale de tous les budgets du groupe sera faite à - 30 p. 100" (annexe IX, tome B 3, pièces 1836 et 1837).
(c) NRJ :
Entendu le 12 décembre 1991, M. Malvezin, directeur général de la régie NRJ, soulignait : "Toutes les négociations, remises... sont toujours bilatérales entre le support et l'acheteur quel qu'il soit" (annexe VI-14, tome B 2, pièce 1205).
(i) 15-34 Régie Exclusive de NRJ et Carat :
Les sociétés 15-34 Régie Exclusive de NRJ et Carat sont convenues du niveau des ristournes consenties ainsi que des modalités de règlement et de facturation aux termes d'un accord conclu pour un an reproduit dans une lettre en date du 18 juillet 1990 adressée par M. Malvezin, directeur commercial de la régie, à M. Gilbert Gross. La société Carat bénéficie de la part de ce support d'une remise inconditionnelle déterminée comme suit : "Tous vos annonceurs (...) bénéficieront de "52 p. 100 + 6 p. 100 de bonus = 58 p. 100 sur facture sur le brut" ; - 15 p. 100 de commission d'agence ; - 8 p. 100 (fin d'ordre)" (annexe IX, tome B 3, pièces 1856 et 1857). Il ressort des termes de cette convention que la société Carat bénéficie d'une remise de 8 p. 100 versée globalement en fin d'année, alors qu'elle est chiffrable dès le premier franc d'achat d'espace, sur la période considérée, effectué par la société Carat. Cette dissociation existe depuis 1989, la lettre précitée du 18 juillet 1990 n'étant qu'une confirmation d'accords du 22 mai 1989. Ces remises sont versées par avoirs confidentiels, comme en témoignent les pièces 1858 à 1969 figurant en annexe IX, tome B 3, qui ne comportent aucune mention relative à l'annonceur susceptible d'en être bénéficiaire.
(ii) 15-34 Régie Exclusive de NRJ et Concerto Média (Eurocom) :
Aux termes d'un accord "de relations privilégiées : réf. BM AB 377 du 24 mars 1987 au 31 décembre 1988", renouvelé par une lettre, en date du 6 septembre 1989, adressée par M. Malvezin, directeur commercial de la société 15-34 Régie Exclusive de NRJ, à Mme Bertay, président de la société Concerto Média, ces sociétés sont convenues du niveau des ristournes ainsi que de leurs modalités de facturation qui sont fixés comme suit : "surcommission sur le chiffre d'affaires net/net hors taxes au premier franc, facturé par 15-34 du 1er mars au 31 décembre 1987 : de 0 à 8 000 000 F HT : 6 p. 100 (...). Ces surcommissions seront exceptionnellement rétrocédées par 15-34 par avoir d'1/3 sur les factures Concerto Média, en janvier, février et mars 1988" (annexe IX, tome B 3, pièces 1870-1873).
Des avoirs de versement de ces surcommissions figurent au dossier en annexe précitée, pièces 1882 à 1888, et ne comportent aucune mention relative à l'annonceur susceptible d'en être bénéficiaire.
c) S'agissant de l'affichage publicitaire
(1) Les faits.
(a) Dauphin OTA :
(i) Dauphin OTA et Carat :
Les sociétés Dauphin OTA et Carat sont convenues du niveau des ristournes consenties ainsi que des modalités de règlement et de facturation aux termes d'un accord, conclu pour un an, reproduit dans une lettre en date du 13 février 1990 adressée par M. Delahault de la société Dauphin OTA à M. Frély de la société Carat Affichage. Cet accord prévoit que : "Le groupe Carat bénéficiera sur factures au premier franc d'un abattement de 42 p. 100, soit 38 + 4, les 4 p. 100 étant versés sous forme d'avance sur le dégressif de fin d'année.
(...) Nous sommes d'accord pour faire bénéficier le groupe Pernod-Ricard d'un abattement exceptionnel sur factures et au premier franc de 42 + 2, soit 44 p. 100 et ce, quels que soient les produits et les mois concernés" (annexe IX, tome B 3, pièces 1908 à 1910). Il reconduit, après actualisation des données chiffrées, le dispositif retenu pour les années 1989 et 1988 (annexe IX, tome B 3, pièces 1911 à 1915).
Malgré les termes de l'accord, une partie des remises ne figure pas sur les factures. Ainsi, une facture en date du 24 septembre 1990, concernant des achats d'espace pour le groupe Pernod-Ricard, est accompagnée d'un avoir parallèle de 2 p. 100 émis le même jour (annexe IX, tome B 3, pièces 1918-1919).
(ii) Dauphin OTA et Concerto Média (Eurocom) :
Les sociétés Dauphin OTA et Concerto Média (groupe Eurocom) sont convenues du niveau des remises consenties ainsi que de leurs modalités de règlement et de facturation, aux termes d'un accord, conclu pour un an, reproduit dans une lettre en date du 26 mars 1990 adressée par M. Delahault de la société Dauphin OTA à Mme Bertay de la société Concerto Média. Des remises inconditionnelles, dont un abattement sur factures de 36,25 p. 100 et un dégressif de fin d'année selon une grille qui fixe pour un chiffre d'affaires inférieur à 15 MF une remise s'élevant à 36,25 p. 100 (annexe IX, tome B 3, pièces 1926 à 1928), sont consenties à Concerto Média. Les pièces du dossier font apparaître que ces remises peuvent faire l'objet d'avoirs. Ainsi, le 6 mars 1991, la société Concerto Média a perçu, par avoirs, des surcommissions sur le chiffre d'affaires 1990 (annexe IX, tome B 3, pièces 1929-1930).
(iii) Dauphin OTA, Initiative Média et Optimédia :
Les sociétés Dauphin OTA, d'une part, Initiative Média et Optimédia, d'autre part, sont convenues du niveau de ristournes ainsi que de leurs modalités de règlement et de facturation, aux termes d'accords conclus pour un an et reproduits dans des lettres adressées par M. Delahault, directeur général adjoint de la société Dauphin, à M. Irrmann de la société Optimédia le 2 mars 1990 et à M. Charry, de la société Initiative Média, le 20 mars 1990 (annexe IX, tome B 3, pièces 1935 à 1940).
En ce qui concerne la société Optimédia, l'accord indique : "Nous vous proposons d'entrée de jeu, et au premier franc, de vous consentir un abattement sur factures de 42 p. 100". En outre, la lettre du 2 mars 1990 comporte un post-scriptum qui précise : "Pour célébrer l'année I, étant convaincus du plein partenariat entre nos deux groupes, nous vous offrons la garantie d'obtenir en fin d'année le haut de grille, soit 45 p. 100". Une partie de cette ristourne (45 - 42 = 3 p. 100) est donc versée par avoir dissocié en fin d'exercice. D'ailleurs, au moment de la négociation, le chiffre d'affaires déjà réalisé par les sociétés du groupe PMS, auquel appartient la société Optimédia, atteignait 111,9 MF, correspondant, selon la grille de dégressif de fin d'année, à une remise de 43 p. 100. Des remises ont été consenties sous formes d'avoirs parallèles concomitants comme l'établissent les factures communiquées par M. Machurot, directeur général de la société Dauphin OTA, qui constituent des avoirs datés du jour de la facturation, d'un montant de 4,5 p. 100 du brut tarif pour la société Optimédia (annexe IX, tome B 3, pièces 1942 et 1943). Enfin, l'accord conclu avec la société Initiative Média prévoit "une grille de dégressif de fin d'ordre "applicable au premier franc" à partir d'un seuil fixé à 4 MF. Cette remise supplémentaire accordée à la société Initiative Média est prévue dans l'accord dans un paragraphe distinct de celui concernant les abattements sur facture. Deux avoirs (annexe IX, tome B 3, pièces 1944-1945), adressés par la société Dauphin à la société Initiative Média au titre des "surcommissions 1990", figurent au dossier.
(b) Affichage Giraudy :
(i) Affichage Giraudy et Carat :
Les sociétés Affichage Giraudy et Carat sont convenues du niveau des ristournes consenties ainsi que des modalités de règlement et de facturation aux termes d'un accord, conclu pour trois ans, reproduit dans une lettre en date du 7 février 1989 adressée par M. Thill de la société Affichage Giraudy à M. Guy Frély de la société Affichage International (groupe Carat). Les remises commerciales consenties sont versées, soit sous forme d'avoirs dissociés durant l'année, soit en fin d'exercice, selon les termes mêmes de l'accord, qui précisent :
"Périodes pleines :
"Mars, avril, mai, juin, septembre, octobre, novembre et première quinzaine de décembre : sur facture, un abattement sur nos tarifs de 41,15 p. 100. Un dégressif supplémentaire de fin d'année de 10 p. 100 sur le net encaissé sera payable l'année qui suit la fin de chaque exercice fiscal" (annexe IX, tome B 3, pièces 1947-1948).
Entendus lors de l'instruction (procès-verbal figurant en annexe VI-18, tome B 2, pièces 1220 et suiv.), les responsables de la société Affichage Giraudy ont décrit le fonctionnement de leurs relations commerciales avec la société Carat en ces termes : "Nous constatons ensemble que pour les factures émises par la société Giraudy pour le compte du client Carat Affichage aux mois de janvier et février 1990, il est procédé de la façon suivante :
"En ce qui concerne la "longue conservation" :
"- les factures sont établies sur la base du tarif avec mention de la commission d'agence 15 p. 100 ;
"- le même jour est établi un avoir de 24,7 p. 100 du montant net de la facture de vente ;
"- l'ensemble de ces conditions de remises constitue la remise permanente pour toute l'année consentie à Carat en application de nos accords dont copie vous a été remise (lettres des 7 février et 1er décembre 1989).
"En ce qui concerne l'affichage temporaire :
"- les factures sont établies sur la base du tarif avec mention de la commission d'agence 15 ;
"- le même jour est établi un avoir de 38 p. 100 du montant brut de la facture de vente ;
"- l'ensemble de ces conditions de remise constitue la remise permanente pour toute l'année consentie à Carat en application de nos accords dont copie vous a été remise (lettre du 1er décembre 1989).
"Cette pratique est en vigueur depuis longtemps dans la société pour ce qui concerne les factures faites au siège social, c'est-à-dire les ventes réalisées avec les annonceurs, les agences et les centrales parisiennes".
La société Affichage Giraudy indique avoir versé une somme de 3 868 438,48 F à la société Carat au titre de ces remises (annexe IX, tome B 3, pièce 1950).
(ii) Affichage Giraudy et Eurocom :
Les sociétés Affichage Giraudy et Eurocom sont convenues du niveau des ristournes consenties ainsi que des modalités de règlement et de facturation, aux termes d'un accord conclu pour un an et reproduit dans des lettres en date du 4 décembre 1987, 29 novembre 1988 et 2 février 1990 adressées par M. Thill, directeur général de la société Affichage Giraudy, à M. Francis Aubart de la société Affi Conseil, filiale de la société Eurocom, spécialisée dans le secteur de l'affichage. Aux termes de ces lettres, la société Affichage Giraudy confirme : "que sur la totalité du chiffre d'affaires annuel (c'est-à-dire après déduction de la négociation, de la commission d'agence et des frais annexes), nous vous réservons un dégressif de (6 p. 100 en 1987 et 1988, 9 p. 100 en 1990) payable l'année suivante après acceptation de l'état qui vous sera adressé et selon vos propres conditions de règlement" (annexe IX, tome B 3, pièces 1951 à 1958). Ces accords sont repris dans une fiche recensant les conditions accordées par la société Giraudy à la société Eurocom (annexe précitée, pièce 1959).
Les factures adressées par la société Eurocom à la société Giraudy afférentes à ces commissions annuelles ne comportent aucune mention relative à l'annonceur, et les copies de chèques ou traites figurant au dossier établissent le paiement par la société Giraudy de ces surcommissions à la société Eurocom (annexe précitée, pièces 1960 à 1970).
(iii) Affichage Giraudy et Optimédia :
Les sociétés Affichage Giraudy et PMS sont convenues du niveau de ristournes ainsi que des modalités de règlement et de facturation aux termes d'un accord conclu pour un an et reproduit dans une lettre adressée, le 31 janvier 1990, par M. Thill, directeur général de la société Affichage Giraudy, à M. Irrmann de la société PMS. La convention prévoit : "un quota 1990 arrêté à 110 000 MF brut pour un abattement global de 45 p. 100 (comprenant la commission d'agence de 15 p. 100)" ainsi qu'"un dégressif supplémentaire sur le CA brut depuis le premier franc". Il apparaît qu'en application de cette convention des remises sont versées en fin d'exercice même si leur montant était chiffrable en cours d'exercice (annexe IX, tome B 3, pièces 1971-1972). Par ailleurs, les pièces cotées 1974-1975, annexe IX, tome B 3, mettent en évidence les avoirs de fin d'ordre établis pour chaque adhérent du groupe PMS, conformément à ce qui est effectué pour la facturation, ainsi que les chiffres d'affaires réalisés en 1990 par ces mêmes adhérents avec la société Affichage Giraudy. Pour la société Optimédia, ces chiffres sont les suivants :
CA brut 1990 : 66,1 MF ;
Avoir n° 47 du 8 avril 1991 de : 6 397 625,56 F TTC.
Le montant de cet avoir est supérieur au dégressif supplémentaire de 3 p. 100 accordé en fonction du chiffre d'affaires réalisé, faisant ainsi apparaître qu'une partie des remises inconditionnelles est réglée par avoir dissocié.
(c) Avenir et Havas-Média :
(i) Avenir-Havas-Média et Carat :
Les sociétés Avenir-Havas-Média et Carat sont convenues du niveau des ristournes consenties ainsi que de leurs modalités de règlement et de facturation aux termes d'un accord, conclu pour deux ans, reproduit dans une lettre, en date du 26 janvier 1990, adressée par M. Chambon de la société Avenir Publicité (groupe Avenir-Havas-Média) à M. Frély de la société Carat Affichage (annexe IX, tome B 3, pièces 1976-1977). La convention précise notamment que : "... 4° Pernod-Ricard : pour cet annonceur exclusivement un dégressif supplémentaire de 3 p. 100 sur le net/net te sera accordé". Les pièces du dossier établissent la mise en œuvre de cet accord puisque la société Carat a bénéficié, notamment pour la campagne enregistrée sous le numéro V92 727 137 27/V92 7280 G 728 du 28 mai 1990, d'un avoir prévu à la rubrique "négociation par avoir séparé" de la fiche de facturation du 15 mai 1990 (annexe IX, tome B 3, pièce 1980) concernant un achat d'espace pour un annonceur explicitement mentionné à l'accord, s'agissant de la société Pernod-Ricard, et d'un montant de 3 p. 100 correspondant également aux termes de la convention.
(ii) Avenir-Havas-Média et Eurocom :
Les sociétés Avenir-Havas-Média et Eurocom sont convenues d'un niveau de ristournes ainsi que de leurs modalités de règlement et de facturation, aux termes d'un accord conclu pour un an, reproduit dans une lettre en date du 27 décembre 1989 adressée par M. Chambon, de la société Avenir-Havas-Média, à M. Aubart de la société Affi Conseil (membre du groupe Eurocom) et qui stipule : "J'ai bien noté qu'en 1990 Concerto conservait la maîtrise de ses achats mais qu'une surcommission de 5 p. 100 sur le net devrait être réservée à Eurocom" (annexe IX, tome B 3, pièces 1997-1999).
Les pièces du dossier, et notamment les factures et avoirs concernant le client Night & Day (annexe précitée, pièces 2003 à 2006), font apparaître que la société Eurocom, par l'intermédiaire de sa filiale, la société Affi Conseil, a bénéficié d'une surcommission de 6 p. 100 qui ne figure pas sur la facture.
(iii) Avenir-Havas-Média et Optimédia :
Les sociétés Avenir-Havas-Média et PMS sont convenues du niveau des ristournes consenties ainsi que de leurs modalités de règlement et de facturation aux termes d'un accord conclu pour un an et reproduit dans une lettre, en date du 23 février 1990, adressée par M. Pierre Mantout du groupe Idémédia (PMS) à M. Chambon de la société Avenir Publicité (groupe Avenir-Havas-Média), et qui stipule : "Nos accords contractuels ont été entérinés par un abattement de - 45 p. 100 net.
"Afin de sauvegarder la confidentialité de ces accords, nous souhaitons appliquer en cours d'ordre un taux de :
"- 38 p. 100 net pour Idémédia Conseil ;
"- 43 p. 100 pour Idémidia, Achat Média Service (AMS), Créa Média, Empir Média (FCB), Jep Continentale, Média International Achat (MIA), Mediapower International (MPI), O'Média, Objectif Média (ECM + Objectif)" (pièce 2017 figurant en annexe IX, tome B 3).
Les remises commerciales accordées par la société Avenir-Havas-Média aux membres de PMS ne figurent donc pas intégralement aux termes de l'accord précité sur les factures et sont versées sous forme d'avoirs parallèles concomitants. La société Optimédia a ainsi perçu des avoirs dissociés portant le montant de la ristourne qui lui est accordée, outre la commission d'agence, à 32 p. 100 du tarif brut alors que les factures ne font état que d'un montant de 28 p. 100, les fiches de facturation faisant par ailleurs apparaître le taux de 32 p. 100 au lieu de celui de 28 p. 100 figurant sur lesdites factures (annexe IX, tome B 3, pièces 2018 à 2051).
d) S'agissant de l'espace publicitaire de la presse
MM. Cabart, Dessinges et Vendroux, respectivement directeur général de la Fédération nationale de la presse française, président de la commission juridique et président de la commission publicité de la même fédération, ont, dans leur déclaration en date du 12 mars 1992 (annexe VI-28, pièces 1270-1271), exposé le mode de fonctionnement du marché de l'espace publicitaire dans ce secteur : "Il y a eu effectivement une alliance tacite entre la presse magazine (ainsi que la radio et l'affichage) et les centrales : on augmentait les tarifs au fur et à mesure que croissaient les exigences des centrales. Souvent, on dissociait les avoirs des factures, ce qui ne manquait pas de créer une certaine "opacité". Mais, en contrepartie, les centrales garantissaient un chiffre d'affaires minimal justifiant ces ristournes. Il n'en est plus rien aujourd'hui, les abattements sur tarifs étant imposés unilatéralement".
Par ailleurs, les déclarations des responsables de certains supports permettent d'éclairer les faits mis à jour lors de l'instruction.
(a) Publiprint :
Entendu le 12 octobre 1989, M. Cyrille Duval, président-directeur général de la société Publiprint, a déclaré : "En ce qui concerne la facturation, les remises inconditionnelles accordées aux centrales sont fractionnées à leur demande sur différentes pièces comptables de telle sorte que le prix mentionné sur la facture d'achat d'espace soit supérieur au prix payé in fine par la centrale". Ces déclarations concernent l'ensemble des activités de la société Publiprint, filiale du groupe Hersant regroupant toutes les activités presse (annexe VI-24, pièces 1251-1252).
(i) Publiprint et Carat :
Les pièces 2059 à 2062, figurant en annexe IX, tome B 3, font apparaître que la société Publiprint ne faisait pas figurer sur les factures destinées aux annonceurs les ristournes inconditionelles dont bénéficiait la société Carat. Ainsi, le 31 janvier 1990, la société Publiprint a adressé une facture de 47 200 F hors taxes à la société Frantour. Cette facture est annulée le 20 novembre 1990 au motif qu'elle aurait dû être adressée à la société Carat. A la même date, une facture est bien envoyée à cette dernière société pour cet achat d'espace, mais la facture mentionne cette fois un prix de l'espace inférieur (33 040 F, hors taxes). Par ailleurs, la pièce 2063, figurant en annexe IX, tome B 3, déterminant les conditions de vente au "groupe G. Gross" (selon la dénomination figurant dans l'en-tête du document), appuyée par les tableaux récapitulatifs (pièces 2065-2066, annexe précitée) établis par la société Publiprint au cours de l'instruction, fait apparaître qu'une remise inconditionnelle de 5 p. 100 due à l'application décalée du tarif est accordée en plus de la remise sur tarif.
(ii) Publiprint, Concerto Média et Eurocom :
En ce qui concerne Concerto Média :
Les sociétés Publiprint et Concerto Média sont convenues du niveau de remises consenties ainsi que de leurs modalités de règlement et de facturation aux termes d'un accord conclu pour un an, reproduit dans une lettre en date du 31 mai 1990, adressée par Mme Bertay de la société Concerto Média (du groupe Eurocom) à M. Garrigues de la société Le Figaro et qui stipule notamment : "Pour les guides du Figaro, un immédiat de - 30 p. 100 sur ordre avec un avoir semestriel de 5 p. 100 portant le taux à - 35 p. 100" (annexe IX, tome B 3, pièce 2078). Il s'agit de la reconduction des conditions consenties en 1989, comme en atteste la lettre du 21 juin 1989 adressée par la société Publiprint à la société Concerto Média (annexe IX, tome B 3, pièces 2079-2080). Cette remise spécifique n'est subordonnée à aucune condition de réalisation d'objectif, ni en 1989 ni en 1990. Aux termes des déclarations précitées de M. Duval, les remises inconditionnelles, telles que celles consenties à la société Concerto Média, font l'objet d'avoirs dissociés des factures, dont un exemple figure en annexe IX, tome B 3, pièce 2083, au titre des surcommissions 1989.
En ce qui concerne Eurocom :
Une fiche élaborée par la société Publiprint, résumant les conditions tarifaires accordées aux différentes centrales d'achat d'espace publicitaire, fait apparaître que la société Eurocom bénéficiait d'une "bonification de 4,5 p. 100 sur le chiffre d'affaires (minoré de la commission d'agence)" (pièce 2067 figurant en annexe IX, tome B 3). Cet accord est repris dans une lettre de M. Garrigues, directeur de la publicité commerciale au Figaro, à M. Duval, en date du 20 février 1990 (annexe IX, tome B 3, pièce 2068), la lecture de cette lettre établissant que cette surcommission est une reprise des conditions consenties pour l'année 1989. Cette surcommission n'est pas portée sur les factures comme en témoigne l'avoir de régularisation du 31 décembre 1989 de 2 092 981 F hors taxes adressé par la société Publiprint à la société Eurocom au titre des "surcommissions 1989" (annexe IX, tome B 3, pièce 2073). D'autres avoirs ou factures de régularisation au profit de la société Médiapolis (groupe Eurocom) figurent également au dossier.
(iii) Publiprint, Initiative Média et Optimédia (PMS) :
Les sociétés Publiprint et PMS sont convenues du niveau des remises consenties ainsi que de leurs modalités de règlement et de facturation, aux termes d'un accord conclu pour un an et reproduit dans une lettre en date du 26 avril 1990 (annexe IX, tome B 3, pièce 2084) adressée par M. Mantout de la société Groupe Idemedia à M. Duval de la société Publiprint et qui stipule : "Nos accords contractuels pour cette année 1990 ont été entérinés par un abattement de - 30 p. 100. Afin de sauvegarder la confidentialité de ces accords, nous souhaitons appliquer en cours d'ordre un taux de - 23 p. 100 pour Idemedia Conseil et - 28 p. 100 pour Idemedia, AMS, Crea-Media, Empir Media (FCB), Jep Continentale, MIA, MPI, O' Média, Objectif Média (ECM + Objectif) (...)". Les termes de cette convention prévoient donc que des remises inconditionnelles ne seront pas mentionnées sur les factures en cours d'année et seront versées sous forme d'avoirs parallèles. Ces accords de 1990 reconduisent, sous réserve de l'actualisation des données chiffrées, des pratiques déjà existantes, au vu des pièces 2085 à 2090 jointes en annexe IX, tome B 3, années pour lesquelles figurent au dossier des avoirs dissociés (annexe IX, tome B 3, pièces 2092 à 2097) au titre de bonifications, surcommissions ou négociations.
(iv) Publiprint et TMPF :
Les sociétés Publiprint et TMPF sont convenues d'un mode de facturation qui permet de ne faire apparaître sur les factures qu'une partie du montant des ristournes commerciales consenties, le solde étant versé concomitamment sous forme d'avoirs parallèles. La fiche établie par la société Publiprint prévoit en effet, en ce qui concerne la centrale RSCG (TMPF), et pour l'année 1990 : "facturation à - 25 p. 100 et régularisation à - 35 p. 100 en fin d'exercice" (annexe IX, tome B 3, pièce 2098). Cette fiche confirme les déclarations de M. Duval citées supra, aux termes desquelles les remises inconditionnelles accordées aux centrales sont fractionnées dans différentes pièces comptables. Cette dissociation des pièces comptables est établie par les pièces 2099 à 2106, jointes en annexe IX, tome B 3, qui font apparaître l'existence de factures et d'avoirs de régularisation permettant d'abaisser in fine le montant du coût de l'achat d'espace pour l'intermédiaire, conformément aux déclarations de M. Duval.
(b) Publicat :
Lors de son audition en date du 13 janvier 1992, M. Breuil, président-directeur de la société Publicat, a déclaré (annexe VI-26, pièces 1260-1261) : "Mis à part les avoirs techniques, les autres avoirs correspondent aux versements des "négos". Ils ne sont pas émis concomitamment à la facture, mais font l'objet d'une régularisation en une fois à la fin de l'année.
"Un cas unique est à souligner, la remise de dégressif de l'avoir est reversée à la structure "Holding Eurocom" alors que c'est la centrale "Concerto Média" qui a réalisé l'achat".
(i) Publicat et Carat :
Aux termes d'une lettre en date du 29 novembre 1990 adressée par M. Gayet de la société Télérama à Mme Gans de la société Mass Média (groupe Carat), la société Publicat consent au groupe Carat une ristourne inconditionnelle de 35 p. 100 sur le prix tarif (annexe IX, tome B 3, pièce 2107). Selon les déclarations précitées de M. Breuil, ce type de remise fait l'objet de versements par avoirs dissociés des factures en fin d'ordre.
(ii) Publicat et Eurocom :
Les conditions consenties par la société Publicat à la société Eurocom pour 1990 sont reproduites dans une lettre en date du 23 juillet 1990 (annexe IX, tome B 3, pièce 2113) adressée par Mme Parmentier, directrice de la publicité de la société Publicat (Télérama), à M. Soubrane, directeur des achats média de la société Eurocom, qui prévoit : "Selon nos différents entretiens, je vous confirme nos accords, tout à fait exceptionnels et confidentiels pour l'année 1990, à savoir :
"- 2 p. 100 jusqu'à 4 308 000 F ;
"- 3 p. 100 de 4 308 000 F à 5 750 850 F ;
"- 4 p. 100 au-delà de 5 750 850 F,
"sur le chiffre d'affaires HT, commission et dégressifs déduits (...)."
Les pièces du dossier font apparaître que la société Médiapolis (centrale d'achats d'Eurocom) a bénéficié de différents avoirs dissociés émis par la société Publicat pour des achats effectués pendant l'année 1990 (pièces 2114 à 2122 jointes en annexe IX, tome B 3). Aux termes des déclarations précitées de M. Breuil, ces avoirs correspondent aux remises confidentielles consenties par le support.
(iii) Publicat et TMPF :
Les sociétés Publicat et TMPF sont convenues du niveau des remises consenties ainsi que de leurs modalités de règlement et de facturation aux termes d'un accord conclu pour un an, reproduit dans une lettre en date du 14 mars 1990 (annexe IX, tome B, pièce 2128) adressée par M. Breuil, directeur général de la société Publicat, à M. Knobler, président-directeur général de la société TMPF, et qui stipule : "Il est donc bien entendu que sur le tarif officiel de publicité de Télérama (...), vous bénéficierez d'un dégressif de 35 p. 100 si le chiffre d'affaires annuel, dégressif et commission d'agence déduits, est au moins égal à celui de 1989 plus 5 p. 100 (selon relevé joint). Dans le cas où il serait inférieur à cette somme, j'ai bien noté que vous vous engagiez à rétrocéder 2 p. 100 de ce chiffre d'affaires en fin d'année." Il apparaît donc que la société Publicat consent au minimum une ristourne de 33 p. 100 (35 p. 100 - 2 p. 100) à la société TMPF, quel que soit le chiffre d'affaires réalisé avec cette centrale, cette remise inconditionnelle étant par ailleurs versée de manière dissociée aux termes des déclarations précitées de M. Breuil.
(c) Groupe Express :
(i) Groupe Express, Eurocom, Concerto Média et Médiapolis :
Les sociétés L'Express et Eurocom sont convenues du niveau de ristournes consenties ainsi que des modalités de règlement et de facturation, aux termes d'un accord conclu pour un an, reproduit dans une lettre en date du 13 juin 1990 (annexe IX, tome B 3, pièces 2137-2138) adressée par M. Clayeux, directeur de la publicité de la société L'Express, à Mme Bertay et M. Grandjean de la société Eurocom, et qui stipule : "J'ai le plaisir de vous confirmer nos nouveaux accords 1990 concernant les investissements réalisés en publicité commerciale par Concerto Média et Médiapolis dans les titres du groupe Express :
"Pour L'Express Métro, L'Express Paris et Lire :
"Remise immédiate sur facture de 26 p. 100 calculée sur le tarif hors taxes format utile et réajustée à 30 p. 100 semestriellement.
"(...)
"3. Pour l'ensemble des titres cités au paragraphe 1, en plus de la remise immédiate, vous bénéficierez d'une grille de surcommission calculée sur le chiffre d'affaires hors taxes net/net, à savoir : jusqu'à 71 000 KF HT : 33 p. 100."
Il apparaît donc que la société L'Express accorde à Eurocom une remise inconditionnelle s'élevant au total à 33 p. 100, mais qui n'est reportée sur la facture qu'à hauteur de 26 p. 100.
2. Les autres pratiques relevées
a) Il existerait entre Carat et Eurocom une entente destinée à se répartir le marché de l'espace publicitaire
Révélée par l'audition de MM. Dru et Boulet et l'agence BDDP, une entente conclue entre la société Eurocom et la société Carat aurait été mise en œuvre au moment du choix de l'agence chargée de la promotion de la société M6, aux fins d'évincer l'agence BDDP.
MM. Dru et Boulet ont déclaré (annexe IX, tome B 3, pièces 2202 et suiv.) :
"Jusqu'en 1984 nous dirigions Young & Rubicam en France. C'est durant cette période que nous avons participé à la création de la première centrale d'agence défensive : Horizon Média, en 1979.
"Dans ce cadre, nous avons été contactés en 1980 par Euromarché pour un appel d'offres sur leur achat d'espace. Euromarché était un client historique de Gilbert Gross.
"M. Gross a demandé alors, notre offre étant meilleure que la sienne, à voir M. Boulet.
"L'entrevue s'est déroulée dans le bureau de Gilbert Gross en présence du président d'Eurocom. Tous deux nous ont accusé de casser le marché. Ils ont fait état d'un accord de non-agression entre eux et Publicis dans lequel ils nous ont demandé d'entrer.
"Le principe était simple, ne pas attaquer réellement les budgets exploités par les autres. Lorsqu'un client d'une autre centrale estime que celle-ci ne lui rétrocède pas suffisamment de remise, si elle s'adresse à un autre acheteur partie à l'entente, celui-ci doit immédiatement contacter son concurrent pour lui demander quel prix il doit indiquer au client. C'est cette pratique qui explique la faible mobilité intercentrale des budgets.
"Plus tard, en 1987, nous avons de nouveau été approchés. A la suite de la privatisation des chaînes de télévision, nous prévoyions que l'influence des centrales s'étendrait à ce secteur jusqu'alors préservé.
"Nous avons donc créé avec six autres agences un front uni regroupé dans une SA dénommée Grand Média.
"Nous avons alors subi les mêmes interventions de Gilbert Gross qualifiant notre entreprise d'initiative malheureuse, il nous a tout d'abord menacé avant de nous proposer là encore un pacte de non-agression.
"Nous avons de nouveau refusé, mais comme nous l'avait promis M. Gross, nous avons été victimes de rétorsions de la part des parties à l'entente. Ainsi, M6 avait confié sa promotion à BDDP vers cette époque. Très peu de temps après (six mois), les dirigeants de la chaîne nous ont retiré officieusement le budget avant de nous retirer officiellement le budget à la fin de l'année.
"Les responsables de M6 que nous avons interrogés nous ont affirmé que c'est sur intervention de Gilbert Gross qu'ils avaient dû nous évincer. En outre, il leur a été recommandé de prendre une agence du groupe Havas-Eurocom, en l'occurrence l'agence Australie".
M. de Tavernost, directeur général de la société M6 Publicité, a donné les précisions suivantes quant à l'éviction de la société BDDP intervenue fin 1988 au profit d'une agence du groupe Eurocom, l'agence Australie (annexe IX, tome B 3, pièces 2206 et suiv.) :
"Lors du lancement de la chaîne en mars 1987, l'agence Ecom appartenant au groupe Havas a été chargée de notre communication, dans le même temps, Australie était chargée de la communication de Manchette Télévision, notre régie.
"En septembre 1987, nous avons remis le budget de la chaîne en compétition, c'est l'agence BDDP qui a obtenu le contrat pour un an.
"A la fin 1988, nous avons créé M6 Publicité, filiale à 100 p. 100 de la chaîne et avons confié la communication publicitaire en confiant à Australie l'intégralité des budgets de la chaîne.
"Certes, je ne nie pas que le choix de BDDP en remplacement d'Ecom ait été considéré comme un geste inamical par Carat-Eurocom. Cela s'explique d'autant mieux que BDDP venait de fonder la centrale Grand Média qui voulait se situer comme le concurrent principal du groupe Carat et du groupe Eurocom. Carat et Eurocom nous ont indiqué leur sentiment à ce sujet.
De son côté, BDDP a considéré que le non-renouvellement de ce budget était un acte de défiance vis-à-vis d'elle-même et de Grand Média, ce qui s'est traduit par des relations d'affaires réduites entre M6 et BDDP jusqu'à fin 89.
"Australie est toujours titulaire du budget et jusqu'à présent a donné satisfaction à la chaîne et la régie par déclinaison de sa proposition initiale à mi-88 : "la petite chaîne qui monte"...".
Mis en cause, M. Gross reconnaît, dans son audition figurant en annexe IX, tome B 3, pièces 2197 et suiv., avoir pris connaissance de l'obtention par l'agence BDDP du budget publicitaire de la société M6 "avec déplaisir", selon ses propres termes :
"...J'entretiens notoirement des relations inamicales avec ces personnes, c'est donc avec déplaisir que j'ai appris qu'ils avaient obtenu le budget de M6. Il se peut que j'en ai fait part à M. de Tavernost comme je lui en ferais part aujourd'hui si l'hypothèse se présentait".
Le dossier fait par ailleurs apparaître l'existence d'échanges d'informations entre la société Carat et la société Eurocom sur les conditions qui leur sont consenties par les supports. Ainsi, parmi les documents commerciaux relatifs aux négociations pour l'année 1990 de la société Eurocom avec la société M6 Publicité, figure une note en date du 23 février 1990, écrite par Mme Lenoble, directrice générale adjointe de la société M6 Publicité, lors des négociations avec M. de Pouzilhac, président-directeur général de la société Eurocom. Cette note (annexe IX, tome B 3, pièce 2210) contient notamment les éléments suivants :
"En accord avec NT je lui confirme qu'il a bien les meilleures cond. du marché et que le différentiel avec GG est bien de 1 p. 100. Faire vérifier par P. de P. lors de son golf hebdo avec GG ! Sceptique, me parle de L'Oréal : lui ai dit que cela avait tjrs représenté un cas spécifique ils verront lors de leur déjeuner".
NT sont les initiales de M. Nicolas de Tavernost (président-directeur général de la société M6 Publicité), P. de P. correspondent à celles de M. Pierre de Plas (vice-président-directeur général de la société Eurocom) et GG sont celles de M. Gilbert Gross.
M. Gross a contesté s'être jamais livré à de tels échanges d'informations :
"En ce qui concerne les échanges d'informations auxquels je me livrerais avec mes partenaires au golf, j'affirme que cela n'a jamais été le cas et qu'eux-mêmes ne m'ont ni demandé ni fourni d'information" (procès-verbal précité).
b) Carat exige et obtient que les supports lui consentent les meilleures conditions du marché
D'après les données statistiques disponibles, les sociétés du groupe Carat achètent plus de 20 p. 100 de l'espace brut des supports, qui appartiennent à la télévision, la radio et l'affichage et qui ont une audience nationale. Une analyse média par média apporte les précisions suivantes quant à la place de la société Carat sur ces marchés :
- en matière de télévision, la société Carat est toujours le premier acheteur quel que soit le support. Il achète en 1990 plus de 27 p. 100 de l'espace de chaque support. La société Carat a investi, cette même année, 1,379 milliard de francs sur TF1 ;
- en matière d'affichage, la société Carat est toujours le premier acheteur quel que soit le support. Il achète en 1990 plus de 24 p. 100 de l'espace de chaque support ;
- en matière de radio, la société Carat est toujours le premier acheteur quel que soit le support. Il achète en 1990 plus de 21 p. 100 de l'espace de chaque support.
En revanche, en matière de presse, si la société Carat occupe une place éminente, elle n'est pas toujours le premier acheteur. Elle achète en 1990 plus de 10 p. 100 de l'espace de chaque support mais n'est l'acheteur le plus important que pour la presse magazine, avec plus de 23 p. 100 de l'achat d'espace de chaque support.
La société Carat attribue l'accroissement de sa part de marché à la qualité des outils de média-planning développés depuis 1987. Elle se considère comme la société "leader" en matière de conseil en achat d'espace, comme l'a confirmé M. Gross lors de son audition par les rapporteurs : "C'est la qualité de sa prévision qui explique le succès de Carat. Il donne l'exemple d'un annonceur qui, un mois avant, désire passer sur La Cinq, M6 ou toute autre chaîne. Carat pourra lui dire quels seront les meilleurs emplacements. Et Carat sait qu'il a raison. L'annonceur sait aussi que Carat lui apporte plus par la connaissance anticipée de l'audience la meilleure". Lors de la même audition, M. Gross a déclaré : "Le qualitatif dépasse tout le reste" (annexe VI-30, tome B 2, pièce 1276).
En sa qualité d'acheteur le plus important du marché, la société Carat exige et obtient des supports qu'ils lui consentent "les meilleures conditions du marché". Cet avantage est désigné dans la profession comme "le différentiel de Gilbert Gross". Ces conditions préférentielles sont reconnues par d'importants supports, comme il ressort des déclarations reproduites ci-dessous :
Mme Christiane Doré, président-directeur général des régies des sociétés Antenne 2 et FR3, a précisé : "...avoir beaucoup travaillé pour casser le poids qu'elle juge excessif de Carat, qui exige toujours un différentiel de 7 p. 100 par rapport aux autres centrales..." (annexe VI-4, tome B 2, pièces 1163 et suiv.).
M. Duval, président-directeur général de la société Publiprint, a indiqué : "La hiérarchie est toujours respectée. Le plus gros acheteur a toujours le meilleur taux de négociation (Gross bien avant 1987 avait un gros différentiel)..." (annexe VI-25, tome B 2, pièces 1255 et suiv.).
M. Gervais, directeur général de la société RTL, a déclaré par procès-verbal (annexe VI-10, tome B 2, pièce 1190) : "Carat a les meilleures conditions accordées par RTL à une centrale."
Par ailleurs, les autres centrales d'achat d'espace connaissent également l'existence de ce différentiel, ce qui affecte les négociations menées avec les supports, ainsi qu'en témoignent les déclarations de Mme Gisèle Peyou, directrice de la société Régie-Libération, qui évoque en ces termes les relations avec la centrale TMPF : "(...) La négociation des accords-cadres de l'année 1990 a été tendue, particulièrement avec TMP dont la seule exigence était d'avoir les mêmes conditions que Gilbert Gross (...)" (annexe VI-23, tome B 2, pièce 1249).
Enfin, l'examen des relations commerciales entre les sociétés Carat et M6 Publicité confirme l'exigence formulée par la société Carat de détenir les meilleures conditions du marché. Trois pièces nos 901262, 901790 et 405 qui constituent des avoirs d'un montant total de 5 573 004,63 F adressés au groupe Gross, ne pouvant être rattachés à aucun accord négocié annuellement, ont ainsi été mises à jour, lors de l'analyse de la comptabilité de la société M6 Publicité, régisseur de publicité et filiale de la société M6. Ces trois avoirs d'un montant de 1 857 668 F chacun portaient l'intitulé : "avoir sur campagne Carat TV" (annexe IX, tome B 3, pièces 1769 à 1771).
Interrogés sur la nature de ces pièces comptables, Mme Lenoble, directeur général adjoint de la société M6 Publicité, et M. Boucher, directeur financier de cette société, ont déclaré par procès-verbal en date du 5 novembre 1991 : "Ces factures représentent un complément de négociation, au titre de l'année 1989, négocié après l'arrêté des comptes de Métropole Télévision. Gilbert Gross ayant appris que certaines sociétés, en l'espèce les adhérentes de "Grand Média", dissoute depuis, avaient bénéficié de conditions plus favorables que les siennes, a exigé l'application de la clause du client le plus favorisé. Pour y remédier, nous avons d'une part versé un complément de négociation à Carat, d'autre part réduit les remises dont bénéficiaient les adhérents de "Grand Média" de telle sorte qu'ils ne bénéficient plus de conditions supérieures à celles de Gilbert Gross" (annexe précitée VI-6, tome B 2, pièce 1172).
Interrogé à son tour, M. Gross a déclaré : "En ce qui concerne l'affaire Grand Média je pensais, étant le plus gros client de M6, avoir sur cette chaîne les meilleures conditions. En cours d'année, j'ai appris que M6 avait modifié son barème et qu'un autre opérateur bénéficiait de meilleures conditions. En conséquence, j'ai demandé à M6 d'ajuster par avoir mes conditions."
Ces pièces et déclarations font donc apparaître que la société M6 Publicité a dû rétrocéder à la société Carat des remises additionnelles pour un montant de plus de 5 millions de francs, afin de satisfaire, selon celle-ci, l'exigence par M. Gross de "l'application de la clause du client le plus favorisé".
II. - SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL,
Sur la prescription :
Considérant que la société Information et Publicité Groupe fait valoir que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits, au motif qu'aucun des actes prévus par les articles 2242 et suivants du Code civil n'a été accompli dans la présente affaire, et que la saisine d'office du conseil ne peut avoir interrompu la prescription ;
Mais considérant que l'article 27 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui fixe les seules règles applicables en matière de prescription devant le conseil, dispose que "Le Conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction" ; que le conseil s'est saisi d'office, le 16 janvier 1990, de la situation de la concurrence dans le secteur de la publicité ; que l'auto-saisine constitue bien un acte tendant à la recherche et à la constatation de faits susceptibles d'être prohibés par les dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'en conséquence, le conseil peut valablement connaître de pratiques constatées à compter du 16 janvier 1987 ; que les griefs notifiés à la société Information et Publicité concernent des faits survenus postérieurement à cette date ; qu'il en résulte que le conseil est régulièrement saisi, conformément aux dispositions de l'article 27 précité, des faits reprochés à la société Information et Publicité Groupe ;
Sur la procédure :
Considérant que le Conseil de la concurrence s'est saisi le 16 janvier 1990 de la situation de la concurrence dans le secteur de la publicité ; que des griefs ont été notifiés le 9 juin 1992 ; que, par décision n° 93-D-58 du 15 décembre 1993, le conseil a relevé l'existence de pratiques contraires aux dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et prononcé des sanctions à l'encontre de vingt-quatre entreprises du secteur ; que la Cour d'appel de Paris, saisie par les sociétés Carat France, Médiapolis, Euro RSCG (ex-Eurocom), Concerto Média, Initiative Média, Optimédia SNC, Information et Publicité Groupe, Publiprint, Publicat et Groupe Express, a, par arrêt du 20 décembre 1994, constaté la nullité de la procédure suivie devant le conseil postérieurement à la notification de griefs aux parties et annulé dans toutes ses dispositions la décision du Conseil du 15 décembre 1993 à l'égard des sociétés requérantes à titre principal et incident ; que, par lettre du 24 mars 1995, le président du conseil a invité les dix sociétés précitées à établir et déposer leurs observations écrites à la notification de griefs établie le 9 juin 1992 ; que le rapport a été notifié aux parties le 12 mars 1996 ;
En ce qui concerne la prolongation irrégulière du délai fixé à l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui résulterait de la lettre du 24 juin 1995 :
Considérant que la société Carat soutient que le président du conseil n'a pu, sans excéder ses pouvoirs, prolonger artificiellement le délai de deux mois que l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 accorde aux entreprises destinataires d'une notification de griefs pour présenter leurs observations ;
Mais considérant que, par l'effet de l'arrêt du 20 décembre 1994 annulant la procédure suivie devant la conseil postérieurement à la notification de griefs, le délai prévu à l'article 21 de l'ordonnance précitée n'a pas pu courir ; qu'ainsi le président du conseil devait, pour poursuivre la procédure conformément aux dispositions de l'article 21 précité, accorder aux parties le délai prévu par ledit article pour le recueil de leurs observations ;
En ce qui concerne le dessaisissement du conseil :
Considérant que la société Eurocom soutient que le conseil se trouverait dessaisi par l'effet de sa décision du 15 décembre 1993 ;
Mais considérant que l'annulation, par l'arrêt du 20 décembre 1994 précité à l'égard des seules sociétés requérantes de la décision du conseil du 15 décembre 1993, a pour effet de rendre définitive cette même décision à l'égard des autres entreprises non requérantes ; que le conseil se trouve donc dessaisi des faits concernant ces dernières ; qu'en revanche, sa décision n'ayant plus d'existence juridique pour les sociétés Carat, Eurocom, Initiative Média, Optimédia, Médiapolis, Concerto Média, Information et Publicité Groupe, Groupe Express, Plubliprint et Publicat, sa saisine n'est pas épuisée en ce qui concerne les griefs notifiés à celles-ci et maintenus dans le rapport ;
En ce qui concerne l'utilisation de pièces annulées :
Considérant que la société Carat soulève la nullité de la procédure, au motif qu'il est fait mention dans le rapport de pièces postérieures à la notification de griefs et donc annulées, telles que la lettre du président du conseil en date du 22 décembre 1992, les observations du commissaire du Gouvernement en date du 4 mars 1993, la décision du 15 décembre 1993 ; qu'au surplus, cette dernière est annexée au rapport et constitue donc une pièce sur laquelle le rapporteur se fonde en application des dispositions de l'article 21, alinéa 2, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais considérant que le simple rappel de la procédure précédemment suivie devant le Conseil de la concurrence ne saurait constituer une atteinte aux droits de la défense; que tel est l'objet des documents visés par la société Carat, alors qu'il est rappelé expressément dans le rapport, à plusieurs reprises, que tant la procédure suivie devant le conseil postérieurement à la notification de griefs du 9 juin 1992 que la décision du 15 décembre 1993 ont été annulées ; que le rapport ne se fonde sur la décision du 15 décembre 1993 qu'en tant que celle-ci est définitive à l'égard des entreprises n'ayant pas formé de recours devant la Cour d'appel de Paris et uniquement pour constater ce caractère au regard des griefs notifiés auxdites entreprises ; qu'enfin les observations du commissaire du Gouvernement discutées dans ce rapport ont été transmises au conseil le 8 mai 1995 ; que le fait que, dans celles-ci, le commissaire du Gouvernement expose qu'il reprend ses précédentes observations du 4 mars 1993 qu'il a jointes en annexe à celles du 8 mai 1995 ne peut conduire à considérer, bien qu'il s'agisse matériellement du même document, que le rapporteur se fonde sur une pièce annulée ;
En ce qui concerne le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense :
Considérant, d'abord, que les sociétés Carat, Initiative Média, Information et Publicité Groupe et Publiprint soulèvent la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense, au motif que ne sont plus dans le débat les sociétés définitivement sanctionnées ou mises hors de cause par le conseil au titre d'ententes bilatérales dont elles seules doivent désormais répondre, sans pouvoir accéder aux pièces fournies et/ou aux observations déposées en défense par ces entreprises ;
Mais considérant que les pièces sur lesquelles se fonde le rapporteur sont annexées au rapport, conformément aux dispositions de l'article 21, alinéa 2, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que ces pièces, recueillies au cours de l'enquête administrative ou par les rapporteurs avant la notification de griefs du 9 juin 1992, ont pu être consultées par les parties ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'atteinte au principe du contradictoire et au respect des droits de la défense n'est pas fondé ;
Considérant que la société Carat soulève la nullité de la procédure, au motif que ne sont pas versées au débat des pièces qu'elle estime nécessaires à sa défense et dont elle a demandé qu'elles soient versées au dossier par le rapporteur, en annexe à ses observations ;
Mais considérant que les pièces dont il s'agit auraient été produites, selon les dires de la société Carat, le 31 août 1992, soit postérieurement à la notification de griefs, qu'elles font ainsi partie d'une procédure annulée ; qu'aucune disposition de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne permet au rapporteur de verser au dossier des pièces relevant d'une procédure précédemment annulée ; qu'il appartenait donc, dans ces conditions, à la société Carat de formuler une demande de restitution de pièces, ce qu'elle n'a pas fait, ou de produire au débat les mêmes éléments, s'agissant de brochures ou de monographies ; qu'elle ne peut donc utilement se prévaloir de l'absence au dossier des pièces litigieuses ;
En ce qui concerne la violation des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme :
En ce qui concerne le délai raisonnable :
Considérant que la société Initiative Média fait valoir que les faits soumis en 1996 à l'appréciation du conseil remontent aux années 1989 et 1990 ; qu'ainsi le délai raisonnable exigé par la Convention européenne des droits de l'homme n'a pas été observé, alors qu'en outre il n'a pas été tenu compte de la situation des entreprises et du secteur depuis cette date ;
Mais considérant qu'il appartient au conseil, en application de l'arrêt précité de la Cour d'appel de Paris, de poursuivre la procédure à compter de la notification de griefs, en l'état des faits dont il était saisi à cette même date, soit avant le 9 juin 1992 ; que le délai écoulé entre la saisine et l'examen des faits par le conseil est lié notamment aux actes de procédure nécessaires à l'examen du recours exercé par les sociétés mises en cause ; que cette circonstance n'est pas de nature à conduire le Conseil à examiner des pratiques postérieures à la notification des griefs ; que, dans ces conditions, il n'y avait pas lieu de procéder à des investigations portant sur la période postérieure à cette date ; qu'enfin l'évolution ultérieure du secteur, notamment en raison des modifications législatives, ne peut avoir d'effet sur la qualification des pratiques litigieuses ;
En ce qui concerne l'impartialité du conseil :
Considérant que les sociétés Carat, Euro RSCG, Initiative Média, Publiprint et Concerto Média font valoir que le conseil s'est déjà prononcé le 15 décembre 1993 sur des faits de nouveau soumis à son appréciation et les a qualifiés de contraires aux dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il a prononcé des sanctions notamment contre les dix sociétés restant dans la cause ; que cette décision a été commentée dans le rapport annuel pour 1993 adopté par délibération du conseil ; qu'il se trouverait donc lié par ses appréciations antérieures ; que dans ces conditions son impartialité n'est pas garantie ;
Mais considérant qu'il appartient nécessairement au seul Conseil de la concurrence, en vertu des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de ses décrets d'application, qui ne prévoient aucune autre autorité compétente pour statuer sur des faits dont il s'est saisi sur le fondement de ces textes et après l'exercice des voies de recours prévues contre ses décisions, d'épuiser sa saisine et de se prononcer sur les griefs notifiés aux parties et maintenus dans le rapport; que sa décision n° 93-D-59 du 15 décembre 1993 n'ayant aucune existence juridique à l'égard des entreprises requérantes devant la cour d'appel et contre lesquelles des griefs ont été maintenus dans le rapport, elle ne peut lier le conseil à l'égard de celles-ci; qu'au surplus les faits ont été soumis à une formation du conseil différente de celle ayant statué précédemment ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
En ce qui concerne la violation des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :
Considérant que les sociétés Carat, Initiative Média et Publiprint soulèvent la nullité de la procédure au motif qu'aucun rapporteur n'a été désigné pour l'examen de cette affaire à la date du 24 mars 1995 ; que la société Carat, laquelle considère que la désignation de M. Jean-Pierre Lehman en qualité de rapporteur unique le 15 avril 1993 n'a pas été annulée par la cour d'appel, et la société Initiative Média, laquelle estime nulle cette même désignation, relèvent qu'à supposer que les désignations des rapporteurs intervenues avant le 24 mars 1995 aient pu produire des effets jusqu'au 24 mars 1995, cette situation serait contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, au motif que l'un des rapporteurs auteur de la notification de griefs a présenté le rapport oral lors de la séance du 15 décembre 1993 et participé au délibéré du conseil à cette même date ;
Mais considérant que, par décision en date du 3 mai 1991, le président du conseil a désigné MM. Jean-Pierre Lehman et Pierre Louette pour l'examen de la saisine du 16 janvier 1991 ; que, dans son arrêt précité, la Cour d'appel de Paris a constaté la nullité de la procédure suivie devant le Conseil postérieurement à la notification de griefs aux parties, soit après le 9 juin 1992 ; que, dans ces conditions, les actes accomplis, dans la procédure concernant l'affaire F 298 postérieurement à cette date sont atteints par la nullité constatée par la cour d'appel ; qu'en conséquence, MM. Jean-Pierre Lehman et Pierre Louette, ayant été désignés antérieurement au 9 juin 1992, avaient toujours, le 24 mars 1995, la qualité de rapporteur pour l'examen de l'affaire F 298 ; que le moyen tiré de la violation de l'article 50 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'est pas fondé ; qu'enfin le moyen tiré de la présence au délibéré du rapporteur a déjà été écarté par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 26 avril 1994 rendu sur recours de la décision n° 93-D-26 du 22 juin 1993 du conseil et aux termes duquel "l'intervention préalable dans la procédure d'organes administratifs, corporatifs ou juridictionnels ne respectant pas dans leur intégralité les prescriptions de forme du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention peut être justifiée par des impératifs de souplesse et d'efficacité, dès lors que les décisions subissent ce contrôle effectif d'une juridiction répondant à toutes les exigences de la convention" ;
En ce qui concerne l'absence de notification du rapport aux ministres intéressés :
Considérant que la société Initiative Média soulève la nullité de la procédure qui résulterait de l'absence de notification du rapport notamment au ministre de l'économie et des finances, au ministre de l'éducation nationale, au ministre de la culture, au ministre du budget en violation avec l'article 21, alinéa 2, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais considérant que ni les ministres ou secrétaires d'Etat chargés de l'éducation nationale, de la culture, de la communication et du budget, dès lors que les pratiques reprochées ne sont pas à apprécier au regard de textes dont la mise en œuvre relèverait de leurs attributions, ne peuvent être regardés comme "ministres intéressés" au sens de l'article 21, alinéa 2, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur les marchés concernés :
Considérant que les sociétés Carat, Initiative Média, Information et Publicité Groupe, Groupe Express et Publicat contestent la définition du marché retenue dans le rapport qu'elles estiment imprécise ou erronée et critiquent notamment la thèse de la non-substituabilité des médias ;
Considérant que l'espace publicitaire recherché par les annonceurs peut être disponible sur différents types de média, et pour chacun de ceux-ci, sur différents supports ; que de multiples combinaisons peuvent en conséquence être envisagées pour véhiculer les messages publicitaires ; qu'il convient de déterminer si ces différentes combinaisons médias/supports sont toutes substituables pour les annonceurs ; qu'il convient également de rechercher s'il en est de même pour les intermédiaires de publicité acheteurs d'espace agissant pour le compte des annonceurs ;
Considérant, en ce qui concerne les annonceurs, que le choix du média et du support qui serviront de vecteur à la communication dépend de l'importance du budget affecté à cet emploi, de la nature du message publicitaire retenu ainsi que de la cible "de consommateurs" visée ; qu'au moment des faits et au regard de ces trois critères, les différents médias concernés par les pratiques décrites dans la première partie de la présente décision (télévision, radio, affichage et presse écrite) présentaient des caractéristiques différentes ; qu'il est constant que les conditions d'émission du message varient avec les spécificités techniques de chacun de ces médias, lesquelles permettent de décliner différents modes de mémorisation des messages (visuel et/ou auditif), avec des durées de passage également propres à chacun d'entre eux ; que, par ailleurs, le taux de couverture de la population en général ou d'une population donnée est variable selon les médias, y compris entre ceux prétendant à une couverture nationale puisqu'une chaîne de télévision peut atteindre chaque jour plusieurs millions de téléspectateurs tandis qu'un quotidien national tire dans le même temps au maximum à environ 500 000 exemplaires ; qu'enfin, les niveaux tarifaires des différents médias sont hétérogènes ; que dans ces conditions, chaque média possède des qualités propres de nature à le rendre imparfaitement substituable à un autre média pour un annonceur désireux de procéder à une campagne publicitaire, soit que cet annonceur décide d'investir son budget sur un seul média, soit qu'au contraire il décide de le répartir entre différents médias pour moduler son message et diversifier ou élargir ses cibles ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il existe, du point de vue des annonceurs, un marché de l'espace publicitaire propre à chaque média ;
Considérant qu'à la différence des médias, les divers supports appartenant à un même média présentent des caractéristiques techniques suffisamment proches quant à l'apport qu'ils peuvent présenter pour la diffusion des messages publicitaires, même s'ils peuvent également différer dans le niveau de prix de leur espace publicitaire et dans les caractéristiques ou le volume de la population qu'ils atteignent ; qu'il peut néanmoins exister, y compris pour une cible donnée, plusieurs supports équivalents ; qu'à titre d'exemple, un fabricant de cosmétiques de luxe disposera dans la presse magazine féminine de différents titres susceptibles d'accueillir une communication publicitaire identique sur ses produits ; qu'il en est de même pour des supports appartenant à des médias tels que la radio ou la télévision, même si les supports "généralistes" tendent à se différencier de ceux s'adressant à une population plus ciblée ; que, dans ces conditions, il n'est pas possible de considérer qu'il existe, pour la très grande majorité des annonceurs, un marché de l'espace publicitaire par support mais qu'au contraire, pour lesdits annonceurs, les supports appartenant à un même média sont généralement en situation de concurrence entre eux ;
Considérant, en ce qui concerne les acheteurs d'espace publicitaire agissant en qualité d'intermédiaires spécialisés, que ceux-ci exercent un métier de négoce auquel est associée une fonction de préconisation des supports qui vise à optimiser les plans-médias ; que cette double fonction les conduit, afin de répondre à la demande de leurs clients annonceurs désireux de procéder à des investissements publicitaires sur un ou plusieurs médias simultanément et sur différents supports, à réserver ou à acheter des espaces publicitaires sur l'ensemble des médias et supports disponibles ; que, dans ce métier, les intermédiaires spécialisés sont demandeurs d'espace auprès des médias et supports et offreurs des mêmes espaces aux annonceurs ; qu'ils sont donc en concurrence entre eux vis-à-vis des annonceurs sur un marché de l'espace publicitaire sur lequel se rencontrent la demande des annonceurs et l'offre des intermédiaires spécialisés ;
Sur les pratiques relevées :
En ce qui concerne les pratiques tarifaires bilatérales mises en œuvre par les supports et les intermédiaires :
Sur le caractère anti-concurrentiel de ces pratiques au plan général :
Considérant que la description du fonctionnement du marché, telle qu'elle figure au I de la présente décision, fait apparaître qu'à l'époque des faits des supports parmi les plus représentatifs de chacun des grands médias concluaient annuellement des accords avec des intermédiaires de publicité spécialisés dans l'achat d'espace publicitaire portant sur les conditions de vente et de facturation de ces achats d'espace ; que ces conventions prévoyaient l'octroi aux acheteurs de différentes remises, lesquelles n'étaient pas exclusivement fondées sur les volumes d'affaires réalisés ; que certaines de ces conventions organisaient expressément l'absence de mention sur les factures de tout ou partie des remises accordées, y compris pour celles ayant un caractère inconditionnel, et le versement, par avoirs dissociés des factures, de ces mêmes remises ; que certaines d'entre elles prévoyaient également que des entreprises tierces seraient destinataires de ces remises ou d'une partie d'entre elles ; que même en l'absence de telles précisions dans les conventions précitées, cette pratique était courante comme le montrent les déclarations citées au I-C de la présente décision ainsi que l'examen des comptabilités et des facturations de plusieurs supports ;
Considérant qu'en étant mises en œuvre sur le fondement de conventions bilatérales entre supports et intermédiaires, ces pratiques reposaient nécessairement sur un accord de volontés entre ces opérateurs ; qu'il appartient donc au conseil d'examiner si ces pratiques constitutives d'entente sont susceptibles d'être qualifiées au regard de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, sans qu'il ait à se prononcer sur leur régularité au regard des dispositions du titre IV de ladite ordonnance ;
Considérant que les pratiques de remises confidentielles qui ne sont pas mentionnées sur les factures telles qu'elles sont décrites dans la partie I-C de la présente décision, ont créé dans ce secteur d'activité une opacité tarifaire rendant particulièrement difficile la connaissance des prix de l'espace publicitaire pour les annonceurs qui avaient recours à des intermédiaires pour acheter ces espaces pour leur compte et en leur nom; que pourtant, selon les stipulations des contrats cités au I-B de la présente décision, les annonceurs étaient au contraire fondés à croire, compte tenu des engagements contractuels pris par les intermédiaires à leur égard, que le prix des espaces achetés pour leur compte leur était facturé de façon transparente et qu'ils bénéficiaient de l'intégralité des rabais, remises et ristournes obtenus par les intermédiaires au terme de leurs négociations menées avec les supports ; qu'il convient donc de rechercher les conséquences que pouvaient présenter ces pratiques sur l'exercice de la concurrence pour les supports et les intermédiaires qui les ont mises en œuvre ;
Considérant, en ce qui concerne les supports, que ces pratiques pouvaient avoir pour effet d'éviter la concurrence par les prix entre offreurs d'espace; qu'en accordant à certains intermédiaires des remises confidentielles inconnues des annonceurs et conditionnées par le volume d'espace acheté, les supports avaient intérêt, non pas à baisser leurs tarifs, mais à les maintenir, voire à les majorer, tout en augmentant également les remises consenties aux intermédiaires en contrepartie de la préconisation par ceux-ci des espaces disponibles sur lesdits supports; que cette démarche était d'autant plus susceptible d'affecter la concurrence que ces avantages demeuraient inconnus des annonceurs et étaient accordés aux seuls intermédiaires; que des déclarations telles que celles des responsables de la Fédération nationale de la presse française citées au I-C de la présente décision établissent que cet effet inflationniste sur les tarifs s'est bien produit ;
Considérant, en ce qui concerne les intermédiaires, que l'impact des pratiques bilatérales en cause repose sur la fonction de préconisation qu'ils assurent auprès des annonceurs ; qu'en effet, les plans médias qu'ils établissent ont normalement pour fonction de proposer aux annonceurs une "combinaison" d'insertion et de diffusion de leurs messages publicitaires dans différents médias et/ou supports présentant pour eux la faculté d'atteindre le plus grand nombre de consommateurs possible au coût le moins élevé ; qu'ainsi, nonobstant leur activité éventuelle d'acheteurs d'espace, les "médias-planners" ont pour vocation de recommander les supports qui présentent pour les annonceurs les conditions tarifaires les meilleures pour une cible donnée ; que cette fonction qualitative est revendiquée comme déterminante par la société Carat, principal acheteur d'espace ; qu'exercé dans ces conditions, le métier d'acheteur d'espace va au-delà de la simple fonction de "grossiste" ; que, compte tenu de l'absence de transparence existant dans les transactions afférente aux achats d'espace publicitaire et résultant des ententes bilatérales décrites au I-C de la présente décision, les intermédiaires étaient en mesure de fausser la réalité des coûts des campagnes publicitaires pour les annonceurs en présentant des plans médias tenant compte, non pas des tarifs officiels des supports, mais du montant des divers avantages qui leur étaient consentis par ces derniers; qu'aux termes des déclarations de M. Dumoncel citées au I-A de la présente décision, ce "détournement de fonction" des plans-médias a été effectivement mis en œuvre par les opérateurs du marché ; que ces pratiques étaient également de nature à fausser le jeu normal de la concurrence, compte tenu du mode de rémunération consenti aux intermédiaires par les annonceurs; qu'en effet, celui-ci consistait en une commission proportionnelle à la valeur des achats d'espace réalisés ; que, conjugué à la faculté de dissimuler aux annonceurs le montant exact des ristournes consenties par les supports grâce aux ententes bilatérales conclues avec ces derniers, ce mode de rémunération offrait aux intermédiaires de publicité une marge importante de nature à limiter les effets d'une concurrence par les prix;
Sur les entreprises auxquelles ces pratiques sont imputables :
Considérant que la société Carat indique avoir toujours agi et s'être présentée comme grossiste acheteur-revendeur indépendant auprès de ses clients ; qu'elle fait valoir que les contrats figurant au dossier, dont certains ont été conclus par ses filiales et ne lui seraient pas opposables, ne reflètent pas les conditions réelles et habituelles dans lesquelles elle exerce son activité ;
Mais considérant qu'il résulte des termes des contrats conclus par la société Carat ou certaines de ses filiales cités au I-B de la présente décision, que les annonceurs signataires desdits contrats, parmi lesquels figurent des entreprises effectuant d'importantes dépenses publicitaires, pouvaient croire qu'ils bénéficiaient intégralement des négociations menées auprès des supports par leur intermédiaire ; qu'ainsi, en ce qui concerne les contrats conclus avec les sociétés LVMH et Gillette, ces annonceurs étaient fondés à croire que la rémunération de leur cocontractant se limitait au pourcentage convenu dans l'accord et que l'assiette de cette rémunération consistait dans le prix payé par l'intermédiaire, déduction faite de toutes les négociations obtenues auprès des supports ; qu'en ce qui concerne les contrats conclus avec les sociétés France-Rail et International Sales & Import Corporation BV, ces annonceurs étaient fondés, de même, à croire que toutes les remises négociées par l'intermédiaire chargé de cette mission commerciale leur étaient répercutées ; qu'il en résulte que, au moins pour ces annonceurs, le statut de la société Carat ou de ses filiales était ambigu ;
Considérant que la société Carat ne saurait nier son implication dans les pratiques litigieuses, motif pris qu'elle ne serait pas signataire de trois des contrats précités; qu'en effet, il résulte des pièces du dossier que les négociations avec les supports et aboutissant à l'octroi par ceux-ci de remises confidentielles étaient menées habituellement auprès des supports par M. Gilbert Gross, président-directeur général de la société Carat ; qu'ainsi tous les accords conclus avec les régies des supports télévisuels, TF1 Publicité, Espace 2 et Espace 3, Régie 5 et M6 Publicité sont formalisés dans des conventions adressées à M. Gilbert Gross ; que ces accords font référence au "groupe" Carat ; qu'il en est de même pour les accords conclus avec les sociétés Information et Publicité Groupe, NRJ et Publiprint ; que la convention signée avec la société NRJ vise également "les annonceurs" de la société Carat ; qu'il existe de rares cas, comme dans le secteur de l'affichage, où les conventions n'ont pas été conclues avec la société Carat mais avec sa filiale la société Carat Affichage ; qu'il en est de même dans la presse où l'accord avec la société Publicat a été conclu non pas avec la société Carat mais avec la société Mass Média, sa filiale ; que toutefois, même dans ces hypothèses, les conventions adoptées prennent expressément en compte, comme assiette des remises consenties, le chiffre d'affaires réalisé par le "groupe Carat" ; qu'il résulte de ce qui précède que la société Carat assurait la direction des négociations commerciales avec les supports qu'elle menait en son nom et au nom de ses filiales à l'occasion des achats d'espace effectuées pour le compte des annonceurs qu'elle-même ou ses filiales représentent ; qu'il importe peu, compte tenu de ce mode de fonctionnement, qu'elle n'ait pas toujours été signataire des contrats de mandats ou comportant des clauses ambiguës puisque ses filiales signataires de ces contrats n'avaient pas d'autonomie commerciale et qu'elles étaient mises, par l' effet des négociations bilatérales menées par la société mère avec les supports et aboutissant à l'octroi par ceux-ci de remises inconnues des annonceurs, dans l'impossibilité de respecter leurs engagements contractuels envers ces derniers; que les pratiques litigieuses d'ententes bilatérales conclues par la société Carat ou ses filiales avec les supports doivent donc, dans ces conditions, être imputées à la seule société Carat;
Considérant que, de même, la société Eurocom ne peut utilement faire valoir qu'elle n'avait pas la qualité de mandataire des annonceurs, alors que les constatations relevées au I-C de la présente décision font apparaître qu'elle négociait les achats d'espace avec les supports pour le compte de ses filiales lesquelles s'engageaient à faire bénéficier leurs clients des avantages consentis par les supports ;
Considérant que la société Concerto Média ne peut utilement contester avoir agi en qualité de mandataire des annonceurs, alors que le contrat conclu le 10 janvier 1986 entre cette centrale d'achat et la société Continent cité au I-B de la présente décision lui confie expressément un mandat aux fins de passage d'ordres d'achats auprès des supports ;
Considérant que la société Initiative Média soutient n'avoir jamais eu la qualité de mandataire des annonceurs et prétend que les contrats de prestations de services qu'elle signait avec ses clients ne mettaient pas à sa charge une obligation de rétrocession intégrale des divers avantages obtenus des supports ; qu'elle relève par ailleurs n'avoir jamais fait l'objet de réclamations de la part des annonceurs ;
Mais considérant que le contrat type de la société Initiative Média, dont des extraits sont repris au I-B de la présente décision, prévoit que la facturation sera établie "au prix net de l'espace acheté (toutes ristournes et commission d'agence déduites)" ; qu'à supposer que les divers avantages obtenus des supports par la société Initiative Média n'entrent pas dans la qualification juridique de "ristournes", cette mention est de nature à entretenir une ambiguïté, dans l'esprit des annonceurs, sur le coût réel de l'espace négocié par l'intermédiaire ; que le fait qu'aucun annonceur ne se soit plaint auprès de la société Initiative Média est inopérant ; qu'ainsi la société Initiative Média a pu, par des dispositions contractuelles ambiguës, laisser croire à ses clients qu'ils bénéficieraient de l'intégralité des réductions de prix négociées par leur intermédiaire ;
Considérant que la société Information et Publicité Groupe ne peut utilement contester sa participation aux pratiques litigieuses, au motif qu'en qualité de régisseur de publicité de la société RTL, elle n'est que le mandataire de ce support et n'en établissait pas les tarifs, dès lors qu'elle détenait l'exclusivité de la vente de l'espace publicitaire de la société RTL, qu'elle négociait directement avec les acheteurs les conditions de vente et les modalités de facturation de ces ventes comme en témoignent les accords décrits au I-C de la présente décision émanant soit de son directeur général, soit de son directeur commercial et qu'elle n'établit en aucune manière que ces conditions lui étaient imposées par le support ;
Considérant que la société Optimédia conteste sa participation aux pratiques soumises à l'examen du conseil, au motif qu'aucun contrat la liant à un annonceur ne figure au dossier et que ceux signés par Publicis, dont elle était la filiale à 100 p. 100 au moment des faits, ne lui sont pas opposables ; qu'en effet, l'application du contrat conclu par la société Publicis, dont des extraits sont repris au I-B de la présente décision, a été, à partir du 1er janvier 1990, confiée à la société Optimédia puisque celle-ci a été chargée, à compter de cette date, de procéder, pour le compte de sa société mère, aux achats d'espaces publicitaires que cette dernière réalisait jusqu'alors pour ses clients annonceurs ; que si, en qualité d'acheteur au sein du groupe PMS, elle a bénéficié, ainsi que le font apparaître les constatations figurant au I-C de la présente décision, des accords conclus avec les supports permettant de dissimuler aux annonceurs le montant réel des avantages consentis par ces derniers aux intermédiaires, ces pratiques ne peuvent lui être imputées puisqu'elle n'avait pas pris, en ce qui le concerne, l'engagement de faire bénéficier les annonceurs des rabais, remises et ristournes négociés avec ies supports ;
Sur les pratiques relevées sur le marché de l'espace publicitaire télévisuel :
Considérant que la société Carat s'est entendue avec les sociétés TF1 Publicité, Espace 2 et Espace 3, Régie 5 et M6 Publicité ; que la société Eurocom, au nom des sociétés du groupe Eurocom, s'est entendue avec les sociétés TF1 Publicité, Régie 5 et M6 Publicité ; que la société Initiative Média (par l'intermédiaire de la structure commune PMS) s'est entendue avec les sociétés TF1 Publicité, Espace 2 et Espace 3 ; que ces accords, tels que décrits au I-C de la présente décision, portaient sur les conditions tarifaires et de facturation consenties par ces supports aux acheteurs d'espace en cause, lesquels étaient par ailleurs liés aux annonceurs par des contrats soit de mandat, soit prévoyant l'obligation de faire bénéficier leurs donneurs d'ordre des efforts de négociation menés auprès des supports ;
Considérant qu'aux termes des accords passés avec la société TF1 Publicité, les primes d'été et la remise "confidentielle et exceptionnelle" consentie à la société Carat pour tous ses achats, de caractère inconditionnel, étaient versées en fin d'exercice ; que, de même, en vertu des accords conclus avec les régies publicitaires des sociétés Antenne 2 et FR3, les primes ou remises de fidélité minimales présentant un caractère inconditionnel, dues à la société Carat, étaient versées en fin d'exercice ; que certaines remises destinées à la société Eurocom ont fait l'objet d'avoirs parallèles concomitants à l'octroi de ces dernières ; qu'il résultait également des conventions conclues tant avec la société Régie 5 qu'avec la société M6 Publicité qu'une partie des remises inconditionnelles consenties à chacun des acheteurs d'espace en cause donnait lieu à l'établissement d'avoirs parallèles concomitants à l'émission des factures et à une régularisation en fin d'exercice ; que, de même, certaines remises inconditionnelles consenties par la société M6 Publicité à la société Carat faisaient l'objet d'un avoir dissocié ; qu'en outre, une surcommission et des remises de fidélité étaient reversées par la société M6 Publicité à d'autres structures du groupe Eurocom que celles ayant fait l'objet de facturations ; qu'aucune des remises ou surcommissions inconditionnelles ci-dessus mentionnées ne figuraient sur les factures émises par les supports ou leurs régies ; qu'ainsi la société Eurocom ne peut utilement faire valoir qu'aucune pièce du dossier n'établit le caractère occulte des remises consenties et notamment leur dissimulation aux annonceurs, alors que le caractère confidentiel des remises consenties par les supports apparaît au vu de leur mode de paiement décrit au I-C, soit par avoirs dissociés des factures, soit auprès de sociétés différentes de celles destinataires des facturations ; qu'enfin le caractère global des sommes figurant sur les avoirs parallèles, sans mention des annonceurs concernés, confirme l' entente des supports et des intermédiaires aux fins de masquer aux annonceurs la réalité des prix pratiqués ;
Considérant que la société Initiative Média ne peut, de même, contester la qualification des pratiques litigieuses qu'elles a mises en œuvre avec la société TF1 Publicité au seul motif que la prime d'été présente un caractère marginal ; qu'elle ne peut utilement soutenir qu'elle n'a pas bénéficié de remises confidentielles des sociétés Espace 2 et Espace 3, alors que figure au dossier une facture ne mentionnant pas la remise inconditionnelle de 3 p. 100 qui lui est accordée par ces supports ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les ententes conclues entre supports télévisuels et acheteurs d'espace étaient de nature à créer une opacité de la tarification des espaces publicitaires par les supports ne permettant pas aux annonceurs d'évaluer le coût exact des achats d'espace publicitaire télévisuel ; que ces ententes étaient de nature à fausser le jeu de la concurrence, d'une part entre les supports et, d'autre part, entre les agences ou les centrales d'achat ; que ces ententes sont prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant, en revanche, que la société Initiative Média peut utilement se prévaloir de l'absence au dossier, en ce qui la concerne, d'avoirs dissociés des factures émanant de la société Régie 5 ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que la convention que la société Initiative Média a conclue avec la société Régie 5 ait donné lieu à l'octroi de remises inconditionnelles dissimulées aux annonceurs, la convention ne le prévoyant pas elle-même explicitement ;
Sur les pratiques relevées sur le marché de l'espace radiophonique :
Considérant que la société Carat s'est entendue avec les sociétés Information et Publicité, Régie 1 et 15-34 Régie Exclusive de NRJ ; que la société Eurocom, au nom des sociétés du groupe Eurocom dont Concerto Média et Médiapolis, s'est entendue avec la société Information et Publicité ; que la société Concerto Média s'est, en outre, entendue avec la société 15-34 Régie Exclusive de NRJ et la société Régie 1 ; que la société Initiative Média s'est entendue avec la société Information et Publicité ; que la société TMPF, au nom des sociétés mandantes de cette centrale d'achat, s'est entendue avec la société Information et Publicité ; que ces accords, tels que décrits au I-C de la présente décision, portaient sur les conditions tarifaires et de facturation consenties par ces supports aux acheteurs d'espace en cause, lesquels étaient par ailleurs liés aux annonceurs par des contrats, soit de mandat, soit prévoyant l'obligation de faire bénéficier leurs donneurs d'ordre des efforts de négociation menés auprès des supports ;
Considérant qu'aux termes de ces accords, une partie des remises inconditionnelles consenties par les sociétés Information et Publicité, Régie 1 et 15-34 Régie Exclusive de NRJ à chacun des acheteurs d'espace en cause, qui n'était pas déduite des factures, donnait lieu à l'établissement d'avoirs parallèles concomitamment à l'émission des factures ou à une régularisation en cours ou en fin d'exercice ;
Considérant que la société Information et Publicité soutient que la seule dissociation des pièces comptables ne peut établir l'existence de pratiques anti-concurrentielles, alors que l'ensemble des avantages tarifaires consentis par les supports ne peuvent ou ne doivent pas figurer sur les factures et que l'absence au dossier de factures ne permet pas au conseil de vérifier la légalité des pratiques de dissociation litigieuses ; que, toutefois, il n'est pas contesté que les pièces comptables aient été dissociées, cette dissociation étant confirmée expressément par les déclarations citées au I-C de la présente décision émanant de M. Renaud Vieljeux, aux termes desquelles des "régularisations de conditions" étaient effectuées par la régie pour les différents avantages inconditionnels accordés aux intermédiaires à la demande de ces derniers, afin, notamment, de masquer la réalité de leur taux de négociation ; que, dès lors, il importe peu que les facturations aient été ou non conformes aux prescriptions légales, compte tenu de l'existence des accords passés par la société Information et Publicité avec les sociétés Carat, Eurocom, Concerto Média, Médiapolis, Initiative Média et TMPF, et des avoirs de "régularisation" établis pour dissimuler aux annonceurs la réalité des prix pratiqués ;
Considérant que, de même, la société Initiative Média ne peut contester utilement avoir bénéficié de la part d'Information et Publicité de remises dissimulées aux annonceurs, en l'absence au dossier d'avoir établi en sa faveur, dès lors qu'elle avait conclu un accord dont les termes, repris en I de la présente décision, prévoient explicitement la mise en œuvre d'une facturation dissociée des avantages consentis ;
Considérant que la société Eurocom soutient qu'il n'est pas établi que la surcommission qui lui était consentie par la société Information et Publicité ait présenté un caractère occulte, alors qu'aucun lien contractuel ne la liait aux annonceurs ; qu'elle estime en outre n'être pas impliquée dans l'entente relevée avec la société Régie 1 ;
Mais considérant, en ce qui concerne l'accord conclu avec la société Information et Publicité, que la surcommission accordée par cette dernière à la société Eurocom avait pour assiette le chiffre d'affaires "net/net" du groupe Eurocom ; qu'ainsi les sociétés de ce groupe ne rétrocédaient pas, malgré les engagements pris envers les annonceurs, l'ensemble des avantages dont elles bénéficiaient puisqu'une partie de ceux-ci, obtenus grâce à leur activité, était destinée à la société Eurocom ; qu'ainsi, la société Eurocom a contribué à l'opacité tarifaire organisée entre la société Information et Publicité et les sociétés du groupe ;
Considérant, en revanche, que l'accord conclu avec la société Régie 1 engageait la seule société Concerto Média ; que dans ces conditions ni la société Eurocom ni la société Médiapolis n'ont été impliquées dans cette entente ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que ces ententes conclues entre supports radiophoniques et acheteurs d'espace étaient de nature à créer une opacité de la tarification des espaces publicitaires par les supports ne permettant pas aux annonceurs d'évaluer le coût exact des achats d'espace publicitaire radiophonique ; que ces ententes étaient de nature à fausser le jeu de la concurrence, d'une part, entre les supports, et d'autre part, entre les agences ou les centrales d'achat ; que ces ententes sont prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Sur les pratiques relevées sur le marché de l'affichage publicitaire :
Considérant que la société Carat s'est entendue avec les sociétés Dauphin OTA, Affichage Giraudy, Avenir-Havas-Média ; que la société Eurocom s'est entendue avec les sociétés Affichage Giraudy et Avenir-Havas-Média ; que la société Initiative Média a conclu des accords avec la société Dauphin OTA ; que ces accords, tels que décrits au I-C de la présente décision, portaient sur les conditions tarifaires et de facturation consenties par ces supports aux acheteurs d'espace, lesquels étaient par ailleurs liés aux annonceurs par des contrats soit de mandat, soit prévoyant l'obligation de faire bénéficier leurs donneurs d'ordre des efforts de négociation menés auprès des supports ;
Considérant qu'aux termes de ces accords, une partie des remises inconditionnelles consenties à chacun des acheteurs d'espace en cause, qui n'était pas déduite des factures, donnait lieu à l'établissement d'avoirs parallèles concomitamment à l'émission des factures ou à une régularisation en fin d'exercice ; qu'en outre, en ce qui concerne l'accord entre les sociétés Eurocom et Avenir-Havas-Média, une partie des remises devait être versée à d'autres sociétés que celles destinataires de la facturation ;
Considérant que la société Eurocom ne peut utilement faire valoir qu'aucune pièce du dossier n'établit le caractère occulte des remises consenties et notamment leur dissimulation aux annonceurs, dès lors que le caractère confidentiel des remises consenties par les supports est attesté par leur mode de paiement, effectué par avoir dissocié des factures ou au profit de sociétés différentes de celles destinataires des facturations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les ententes conclues entre supports du secteur de l'affichage et acheteurs d'espace étaient de nature à créer une opacité artificielle de la tarification des espaces publicitaires par les supports ne permettant pas aux annonceurs d'évaluer le coût exact des achats d'espace publicitaire télévisuel ; que ces ententes étaient de nature à fausser le jeu de la concurrence, d'une part, entre les supports et, d'autre part, entre les agences ou les centrales d'achat ; que ces ententes sont prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que le dégressif de fin d'année prévu au bénéfice de la société Initiative Média par la société Dauphin OTA, bien qu'applicable au premier franc, n'était accordé qu'à partir d'un montant minimum de 40 MF ; que, dans ces conditions, les avoirs figurant au dossier ne suffisent pas à établir une pratique de versement dissocié de cette remise, compte tenu du caractère pour partie conditionnel de cette remise, partie à laquelle ils peuvent éventuellement correspondre ;
Sur les pratiques relevées dans le secteur de la presse écrite :
Considérant que la société Carat s'est entendue avec la société Publiprint et la société Publicat ; que la société Eurocom s'est entendue avec les sociétés Publiprint, Publicat et Groupe Express ; que la société Concerto Média s'est entendue avec la société Publiprint ; que la société PMS (au nom de diverses sociétés regroupées dans cette structure) s'est entendue avec la société Publiprint ; que la société TMPF (au nom de la société RSCG) s'est entendue avec les sociétés Publiprint et Publicat ; que ces accords, tels que décrits au I-C de la présente décision, portaient sur les conditions tarifaires et de facturation consenties par ces supports aux acheteurs d'espace en cause, lesquels étaient par ailleurs liés aux annonceurs par des contrats soit de mandat, soit prévoyant l'obligation de faire bénéficier leurs donneurs d'ordre des efforts de négociation menés auprès des supports ;
Considérant qu'aux termes de ces accords, une partie des remises inconditionnelles consenties à chacun des acheteurs d'espace en cause, qui n'était pas déduite des factures, donnait lieu à l'établissement d'avoirs parallèles concomitamment à l'émission des factures ou à une régularisation en fin d'exercice ;
Considérant que les représentants de la société Publiprint ont reconnu au cours de l'instruction que les remises inconditionnelles accordées aux centrales étaient "fractionnées à leur demande sur différentes pièces comptables de telle sorte que le prix mentionné sur la facture d'achat d'espace soit supérieur au prix payé in fine par la centrale" ; que, dans ces conditions, en ce qui concerne l'entente conclue avec la société Carat, la société Publiprint ne peut utilement soutenir dans son mémoire en réponse que les faits constatés relatifs à un achat d'espace pour l'annonceur Frantour en 1990 traduisent simplement le fait que la facture correspondante destinée à la société Carat ayant été par erreur adressée à la société Frantour, il a été nécessaire d'émettre un avoir au profit de la société Frantour et de réémettre une facture à l'ordre de la société Carat et que la différence de montant entre les deux factures ne correspond pas à une ristourne différée mais à un abattement sur prix unitaire figurant sur la facture ; que, de même, elle ne peut valablement faire valoir que l'accord conclu avec la société Concerto Média ne fait pas mention des modalités de paiement des remises consenties, lesquelles étaient liées au volume d'achat annuel et ne pouvaient figurer sur les factures et que, de même, le mode de paiement de la surcommission consentie à la société Eurocom ne faisait l'objet d'aucun accord dès lors que la remise spécifique consentie à la société Concerto Média sur les guides du Figaro n'était subordonnée à aucune condition de réalisation d'objectifs et qu'il résulte des déclarations des représentants de Publiprint précitées que ce type de remise inconditionnelle faisait l'objet d'avoirs dissociés des factures dont un exemple figure au dossier ; que de même figure au dossier une pièce établissant le paiement par avoir de régularisation de la surcommission consentie à la société Eurocom ; que la société Publiprint ne peut utilement contester la valeur probante des pièces annexées au rapport dès lors, d'une part, qu'il résulte de celles-ci décrites dans les constatations figurant au I-C de la présente décision que l'accord, conclu entre la société Publiprint et la société Idémédia du groupe PMS pour l'année 1990 et reconduisant des dispositifs antérieurs, prévoit expressément la dissociation entre le taux d'abattement inconditionnel réellement consenti et celui appliqué en cours d'ordre, et ce pour des motifs de "confidentialité", et que, d'autre part, figurent également au dossier différents avoirs de "régularisation" afférents aux "négociations", attestant la mise en pratique de la dissociation prévue ; que, de même, en ce qui concerne l'entente avec la centrale TMPF, les pièces citées au I-C de la présente décision confirment les déclarations des responsables de la société Publiprint en ce qu'elles établissent l'existence d'une facturation faisant apparaître un taux de remise inférieur au taux réellement consenti, le différentiel étant versé par avoir de régularisation en fin d'exercice ;
Considérant que la société Eurocom ne peut utilement faire valoir, en ce qui concerne l'entente qu'elle a conclue avec la société Publiprint, qu'aucun engagement de rétrocession de tout ou partie de sa rémunération aux annonceurs n'est établi puisqu'elle n'avait ni statut de mandataire ni aucun lien contractuel avec ces derniers, dès lors qu'il résulte des pièces citées au I-C de la présente décision que la société Eurocom bénéficiait d'une surcommission versée, par avoir, au titre du chiffre d'affaires réalisé par le groupe avec la société Publiprint ; que, dans ces conditions, les sociétés du groupe au nom de l'activité desquelles la société Eurocom obtenait des remises étaient en mesure de masquer aux annonceurs, contrairement aux engagements pris par elles envers ces derniers, l'ensemble des avantages obtenus auprès d'un support tel que Publiprint ;
Considérant que la société Publicat ne peut utilement soutenir que les rapports entre les acheteurs d'espace et les annonceurs ne lui sont pas opposables et que les accords par lesquels elle a consenti des remises ne peuvent constituer une entente ; que, de même, la société Le Groupe Express ne peut se prévaloir de ce que les supports n'étaient pas, à cette date, tenus d'informer les annonceurs du contenu des accords commerciaux conclus avec les acheteurs d'espace publicitaire ; qu'en effet, les modalités de facturation adoptées par les supports au bénéfice des acheteurs révèlent leur volonté de masquer aux annonceurs les conditions réelles d'achat aux fins d'éviter la concurrence par les prix qu'auraient pu faire jouer les annonceurs entre les supports ; que, dans ces conditions, il importe peu, à supposer que cela soit exact, que les supports aient ignoré la réalité des relations contractuelles entre acheteurs d'espace et annonceurs ;
Considérant qu'en ce qui concerne l'entente conclue avec la société Publicat, la société Eurocom ne peut utilement soutenir qu'il n'est pas démontré qu'elle se serait entendue avec ce support sur des modalités de paiement ou de facturation à caractère occulte et que les pièces versées au dossier concernant la société Médiapolis ne lui sont pas opposables, alors qu'il résulte des pièces citées au I-C de la présente décision que la société Publicat accordait des remises inconditionnelles à la société Eurocom, que figurent également au dossier des avoirs émis par la société Publicat au profit de la société Médiapolis constatant l'acquisition de remises dont il n'est pas contesté qu'elles étaient négociées par Eurocom et, qu'aux termes des déclarations du président-directeur général de la société Publicat, les avoirs émis par celle-ci correspondaient aux versements de "négociations" ;
Considérant qu'en ce qui concerne l'entente avec le Groupe Express, la société Eurocom soutient que la preuve du caractère occulte des remises qui lui étaient consenties n'est pas rapportée faute de pièces comptables ; qu'il résulte, cependant, des termes mêmes de l'accord en date du 13 juin 1990 conclu entre les deux sociétés que la remise immédiate inconditionnelle accordée par le support ne devait figurer que pour partie sur les factures, le solde étant versé semestriellement ; que, toutefois, cette convention, qui concerne les achats réalisés par les sociétés Concerto Média et Médiapolis, a été conclue par la société Eurocom, laquelle doit en conséquence seule répondre de cette entente ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les ententes conclues entre supports et acheteurs d'espace étaient de nature à créer une opacité artificielle de la tarification des espaces publicitaires par les supports ne permettant pas aux annonceurs d'évaluer le coût exact des achats d'espace publicitaire télévisuel ; que ces ententes étaient de nature à fausser le jeu de la concurrence, d'une part, entre les supports, et, d'autre part, entre les agences ou les centrales d'achat ; que ces ententes sont prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
En ce qui concerne l'entente entre les sociétés Eurocom et Carat :
Considérant que la société Carat conteste le caractère probant des déclarations recueillies au cours de l'instruction ; qu'elle relève notamment que MM. Dru et Boulet ne font pas état d'une entente entre les sociétés Carat et Eurocom, qu'elle se prévaut des explications fournies par la société M6 dans le cadre de la procédure annulée par la Cour d'appel de Paris en ces termes : "Rien dans la déclaration de M. de Tavernost n'exprime autre chose que cette banale constatation : un changement d'agence fait forcément un ou plusieurs mécontents" ; qu'enfin, elle se considère étrangère à l'échange relaté dans la note en date du 23 février 1990 de Mme Lenoble ; qu'elle soutient, en conclusion, que le grief n'est pas matériellement établi ;
Considérant que la société Eurocom conteste le caractère grave, précis et concordant des indices recueillis lors de l'enquête et décrits dans les constatations figurant au I-C de la présente décision ; qu'en ce qui concerne les déclarations de MM. Dru et Boulet, la société Eurocom fait valoir, d'une part, qu'elles émanent de personnes appartenant à une entreprise concurrente et, d'autre part, qu'elles font apparaître que la société Eurocom ne participait pas à la réunion qui se serait tenue entre la société Carat et la société BDDP ; qu'elle conteste que l'éviction par la société M6 de la société BDDP au profit de la société Eurocom aurait été motivée par la dépendance économique de M6 vis-à-vis de la société Carat, alors que la société M6 avait un an auparavant évincé la société Eurocom au profit de la société BDDP ; qu'en ce qui concerne les déclarations de M. de Tavernost, elle se prévaut également des dénégations de la société M6 précitées ; qu'en ce qui concerne la note manuscrite de Mme Lenoble, elle récuse la portée du terme "vérifier" analysé dans le rapport comme établissant la détention par la société Eurocom d'éléments d'information sur les tarifs consentis à la société Carat ; qu'elle relève que ladite note évoque la situation d'une tierce entreprise qui n'est pas mise en cause devant le conseil ; qu'elle demande en quoi le fait de comparer les conditions dont elle bénéficiait à celles accordées à la société Carat constitue un indice d'une entente anti-concurrentielle ;
Considérant, en premier lieu, que, contrairement aux observations des sociétés Carat et Eurocom, MM. Dru et Boulet font bien état, dans leurs déclarations citées au I-C de la présente décision, d'un "accord de non-agression" conclu, notamment, entre les sociétés Carat et Eurocom ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des constatations relevées au I-C de la présente décision qu'en fin d'année 1988 la société M6 a cessé toutes relations commerciales avec l'agence BDDP, alors que son contrat avec celle-ci n'était pas arrivé à son terme, et a confié son budget de communication à une agence du groupe Eurocom, bénéficiaire l'année précédente dudit budget ; que, interrogé sur les conditions dans lesquelles les sociétés Carat et Eurocom avaient accueilli l'établissement de relations commerciales avec la société BDDP, M. de Tavernost a déclaré : "Certes, je ne nie pas que le choix de BDDP ait été considéré comme un geste inamical par "Carat-Eurocom". Cela s'explique d'autant mieux que BDDP venait de créer la centrale Grand Média, qui voulait se situer comme le concurrent principal du groupe Carat et du groupe Eurocom. Carat et Eurocom nous ont indiqué leur sentiment à ce sujet" ; que, postérieurement, l'expression "du sentiment de Carat et Eurocom à ce sujet", étant rappelé que la société Carat est le premier client de la société M6, a été suivie de la réattribution du budget à une agence du groupe Eurocom, avant même l'expiration du contrat liant la société M6 à la société BDDP ; que, dans ces conditions, ce changement par la société M6 de partenaire économique ne présente pas le caractère anodin que les sociétés Carat et Eurocom voudraient lui donner, dès lors que la manifestation du "mécontentement" résultant de la perte d'un budget par le second opérateur du marché, et l'expression conjointe, par le principal client de la société M6 et premier opérateur du marché, du "déplaisir" résultant du choix d'un concurrent avec lequel il entretient, selon ses propres termes, "notoirement des relations inamicales", ont été suivies du retour à la situation antérieure, c'est-à-dire de la réattribution du budget à une agence du groupe Eurocom ;
Considérant que tant les déclarations de MM. Dru et Boulet que les conditions dans lesquelles la société M6 a changé à deux reprises le partenaire commercial chargé de sa communication constituent des indices graves, précis et concordants de nature à corroborer l'existence d'une entente de répartition du marché entre les deux opérateurs principaux ;
Considérant que, dans une note manuscrite en date du 23 février 1990, Mme Lenoble, directrice générale adjointe de la société M6 Publicité, rapporte un entretien entre elle-même et un représentant d'Eurocom portant sur les conditions accordées par ce support à la société Eurocom comparativement à celles accordées à la société Carat ; que cet échange fait apparaître une relation "triangulaire" entre M6 Publicité, Carat et Eurocom dans la détermination des conditions commerciales consenties par le support à ses deux principaux acheteurs, laquelle permettait à la société Eurocom de mener ses négociations avec M6 en fonction de la connaissance qu'elle avait des conditions accordées par M6 à la société Carat ; qu'en effet, cette note, et notamment l'emploi de la formule "je lui confirme qu'il détient bien...", établit que la société Eurocom connaissait avant l'entretien du 23 février les conditions consenties à la société Carat et que les relations entre les deux sociétés étaient telles que M6 par la voix de Mme Lenoble a pu suggérer au représentant de la société Eurocom de faire vérifier l'exactitude des informations fournies auprès du président-directeur général de la société Carat ; qu'ainsi, des termes de cette note, il ressort que la société Eurocom, d'une part, détenait des informations sur les conditions obtenues auprès d'un support tel que M6 par la société Carat, son principal concurrent, et, d'autre part, négociait ses remises en fonction des taux obtenus par ledit concurrent et "respectait" l'avantage ou le "différentiel" obtenu par celui-ci, acceptant ainsi de payer les espaces publicitaires disponibles sur M6 1 p. 100 plus cher que son concurrent le plus important ;
Considérant que l'échange d'informations entre les sociétés Carat et Eurocom sur les conditions qui leur sont accordées par leurs fournisseurs permet à ces opérateurs d'ajuster leur comportement en tant que revendeurs auprès des annonceurs, en fonction de la connaissance qu'ils ont de celui adopté par chacun d'eux ; qu'en l'espèce cet échange est de nature à faire obstacle à une baisse des prix de l'espace publicitaire dont auraient pu bénéficier les annonceurs clients du groupe Eurocom ;
Considérant que la déclaration de MM. Dru et Boulet, les déclarations des dirigeants de la société M6 Publicité durant l'enquête et la note manuscrite de Mme Lenoble forment un faisceau d'indices permettant d'établir l'existence d'une entente entre les centrales Eurocom et Carat, d'une part, de répartition des marchés et, d'autre part, d'échange d'informations sur leur stratégie commerciale ;
Considérant, en conséquence, que cette entente, en ayant pu entraîner une hausse de prix pour les annonceurs, a eu pour objet ou a pu avoir pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ; qu'elle est, par suite, prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
En ce qui concerne l'exploitation abusive par la société Carat de l'état de dépendance économique des supports :
Considérant que la société Carat soulève la nullité du grief, au motif que celui-ci serait insuffisamment déterminé dans sa formulation et ses critères constitutifs, tant au stade de la notification du grief que du rapport, et que cette situation violerait les droits de la défense en la privant du débat contradictoire prévu par l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais considérant que la pratique, analysée comme constitutive d'un abus de dépendance économique, est clairement énoncée en page 171 de la notification de griefs et consiste dans "l'exigence d'un différentiel secret" ; que la mise en œuvre en est décrite, à titre d'exemple, envers la régie de la société M6 ; qu'ainsi la société Carat ne peut utilement prétendre méconnaître la nature des faits qui lui sont reprochés sur lesquels elle s'est d'ailleurs expliquée, tant au stade des observations à la notification des griefs, qu'à celui du mémoire en réponse au rapport ; qu'enfin il revient au conseil de qualifier les faits qui lui sont soumis ;
Considérant que l'état de dépendance économique d'un support vis-à-vis d'une centrale d'achat d'espace publicitaire doit s'apprécier au regard de plusieurs critères et, notamment, du chiffre d'affaires réalisé par ce support avec cette centrale d'achat, de l'importance de celle-ci dans la vente de l'espace publicitaire pour le média considéré, des facteurs ayant conduit le support à concentrer ses ventes auprès de la centrale d'achat ainsi que de l'existence et de la diversité éventuelle de solutions alternatives pour le support; que, pour apprécier l'importance de ce dernier critère, peuvent être prises en compte, notamment, la faiblesse des ressources financières du support, la faiblesse des marges des supports sur le marché sur lequel ils opèrent, la durée et l'importance de la pratique de partenariat que le support a éventuellement nouée avec la centrale;
Considérant, de façon commune pour tous les supports, que, d'une part, en ce qui concerne les facteurs les ayant conduits à effectuer une part importante de leurs ventes avec la centrale d'achat Carat, il convient de relever que cette société assurait, outre une fonction d'achat, une fonction de préconisation des supports, ce qui signifie qu'elle orientait ainsi le choix des supports pour les campagnes publicitaires en se prévalant de sa supériorité qualitative et quantitative ainsi que de sa qualité de centrale d'achat la plus ancienne et la plus importante à la seule exception du secteur de la presse quotidienne d'information générale et politique, ainsi qu'il résulte des constatations rapportées au I-C de la présente décision; que, par les plans médias, la société Carat était en mesure de favoriser tel support plutôt que tel autre, à performance égale et compte tenu de la substituabilité de la plupart des supports d'un même média, en fonction des seules conditions tarifaires qui lui étaient consenties par les supports; que ces derniers se trouvaient dans une situation où ils ignoraient le prix réel de l'achat espace facturé aux annonceurs, s'ils figuraient ou non dans le plan médias proposé par la société Carat à l'annonceur et s'ils avaient pu être déréférencés; qu'à cet égard, la directrice générale de la société Régie-Libération a pu déclarer : "Il nous arrive fréquemment d'être déréférencés par une agence ou une centrale, sans que je puisse le prouver" ; que cette situation d'incertitude se trouvait renforcée par la pratique de Carat, laquelle n'achetait pas de façon ferme en début d'année l'espace publicitaire, mais se bornait à négocier avec chaque support des taux de remise par rapport à un volume d'achat global prévisionnel, sans prendre de risque commercial;
Considérant que, d'autre part, en ce qui concerne l'existence de solutions alternatives, la société Carat exigeait des supports de bénéficier des remises les plus importantes et, notamment, d'un différentiel par rapport aux centrales concurrentes, ainsi que l'attestent les déclarations du président-directeur général des sociétés Espace 2 et Espace 3 et du président-directeur général de la société Publiprint citées au I-C de la présente décision, qui variait selon les supports mais pouvait atteindre 7 p. 100 ; qu'en raison de la possibilité qu'avait la société Carat d'orienter tout ou partie des budgets publicitaires de ses clients annonceurs vers des supports concurrents si elle n'obtenait pas les conditions financières qu'elle souhaitait, tous les supports concernés étaient contraints d'accepter ses exigences financières s'ils ne voulaient pas perdre la clientèle des annonceurs qui s'adressaient à elle; qu'ainsi, le fait pour les supports concernés d'accepter de concéder, par principe, une remise supplémentaire en passant par la société Carat plutôt que de contracter avec un intermédiaire concurrent suffit à démontrer que les supports, en général, et particulièrement ceux qui connaissaient des difficultés financières ou qui étaient concurrencés sur un même segment de clientèle de consommateurs visée par les annonceurs, n'avaient pas d'autre solution que de poursuivre leurs relations d'affaires avec la société Carat; que cette absence de solution alternative se trouvait renforcée par l'entente conclue entre les sociétés Carat et Eurocom, cette dernière se trouvant être en général le deuxième acheteur d'espace du marché, le pacte de non-agression et la répartition de marché conclus entre les deux opérateurs les plus importants rendant ainsi encore plus difficile, pour les supports soumis aux exigences de la société Carat, la recherche d'autres partenaires commerciaux;
S'agissant du marché de l'espace publicitaire télévisuel sur lequel la société Carat achetait en 1990 plus de 27 p. 100 de l'espace publicitaire disponible :
Considérant que la société Carat réalisait en 1990 plus de 27 p. 100 de l'achat d'espace publicitaire commercialisé par la société TF1 ; que le président-directeur général de la société TF1 a précisé que "les relations entre TF1 et Carat sont régies par un contrat tri-annuel" ; que le croisement des recettes publicitaires des chaînes de télévision et de leur part d'audience fait apparaître une corrélation forte entre la part d'audience et le pourcentage des recettes publicitaires ; que, s'agissant de la société TF1, alors qu'en 1989, avec une part de 42,6 p. 100 dans l'ensemble des recettes publicitaires des chaînes de télévision, elle obtenait une part d'audience de 41,5 p. 100 en 1990, avec une part de recettes de 51,9 p. 100, elle a atteint une part d'audience de 50,1 p. 100 ; que 50 p. 100 des investissements du groupe Carat dans ce média sont réalisés sur TF1 et représentent 30 p. 100 de l'ensemble des ventes d'espace publicitaire de la société TF1 Publicité ; que, pour l'année 1990, les investissements publicitaires du groupe Carat sur la première chaîne de télévision ont atteint près de 1,4 milliard de francs ; que ce montant représente plus du triple du bénéfice réalisé par la société TF1 Publicité au cours de la même année ; qu'ainsi, la société TF1 Publicité, qui n'avait pas d'autres ressources que ses recettes publicitaires, ne disposait pas de solutions alternatives, d'autant que son second acheteur, la société Eurocom, était lié à la société Carat par un "pacte de non-agression" évoqué ci-dessus ; que, enfin, comme l'indiquait lui-même le président-directeur général de la société TF1, "TF1 ne s'estime pas incontournable (il s'agit là d'un argument publicitaire) il existe des annonceurs qui ne passent pas par la chaîne", de telle sorte qu'elle ne pouvait s'abstraire des conditions du marché et notamment de celles imposées par la société Carat ;
Considérant que si les chaînes publiques étaient financées, à l'époque des faits, à hauteur respectivement de 41 p. 100 de ses ressources pour la société Antenne 2 et 79 p. 100 pour la société FR3 par la redevance audiovisuelle, le partenariat commercial avec la société Carat était néanmoins déterminant pour ces supports, puisque ses achats représentaient en 1990 27,3 p. 100 des ventes d'espace publicitaire sur Antenne 2 et 28,7 p. 100 sur FR3 ; qu'ainsi, la société Carat était le premier client de ces deux supports et de leurs régies ; que cette importance était d'ailleurs soulignée par le président-directeur général des sociétés Espace 2 et Espace 3 en ces termes : "Le poids exercé sur les supports par les centrales est écrasant... (elle) a beaucoup travaillé pour casser le poids qu'elle juge excessif de Carat qui exige toujours un différentiel de 7 p. 100 par rapport aux autres centrales" ;
Considérant que la société Carat réalisait, en 1990, 29 p. 100 du chiffre d'affaires de la société Régie 5 ; que la situation de la société Régie 5, entreprise jeune et récemment entrée dans le paysage audiovisuel français, rendait sa résistance aux conditions exigées par son premier partenaire commercial d'autant plus délicate que son second acheteur, la société PMS, ne représentait que 15 p. 100 de son chiffre d'affaires ;
Considérant que la société Carat réalisait en 1990 39 p. 100 de l'achat d'espace publicitaire de la société M6, alors que cette nouvelle chaîne n'était pas encore parvenue à l'équilibre financier ; que le président-directeur général de la société M6 Publicité a déclaré "estimé se trouver en état de dépendance économique vis-à-vis des centrales dont son client le plus important, le groupe Carat, de par le chiffre d'affaires effectué avec cette société, qui apporte plus de 25 p. 100 du net/net total de M6 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés TF1 Publicité, Espace 2, Espace 3, Régie 5 et M6 Publicité se sont trouvées, au cours de la période considérée, en état de dépendance économique vis-à-vis de la société Carat ;
S'agissant du marché de l'espace publicitaire radiophonique, sur lequel la société Carat achetait en 1990 plus de 21 p. 100 de l'espace disponible :
Considérant que la publicité constitue l'unique ressource des radios privées, lesquelles se trouvaient, à l'époque des faits, confrontées en termes d'audience à la concurrence des radios "libres" ; que cette évolution était de nature à fragiliser la position des supports traditionnels appartenant à ce média par rapport à leurs principaux partenaires commerciaux ;
Considérant que la société Carat réalisait en 1990 plus de 24 p. 100 de l'achat d'espace publicitaire de la société Régie 1, loin devant le second client de Régie 1 cette même année, la société PMS, laquelle achetait 15 p. 100 de l'espace disponible sur cette radio ;
Considérant que la société Carat réalisait en 1990 plus de 28 p. 100 de l'achat d'espace publicitaire de la société RMC, à laquelle elle était liée par un contrat de trois ans comportant des conditions particulièrement favorables soulignées en ces termes par un responsable de cette radio : "Accorder 66 p. 100 de réduction par rapport au tarif n'a guère de sens" ; que cette politique commerciale peut s'expliquer par le fait que, ainsi que le déclarait ce même responsable, "RMC n'est pas incontournable ; surtout forte au Sud de la France, elle peut ne pas figurer dans un plan média" ; que cette position fragile vis-à-vis de son principal acheteur se trouvait encore affaiblie, en ce qui concerne la possibilité de disposer de solutions alternatives, par la circonstance que le deuxième acheteur de ce support, à hauteur de 16 p. 100 de son espace publicitaire, la société Eurocom, avait conclu un pacte de non-agression et de répartition de marché avec la société Carat ;
Considérant que la société Carat a acheté en 1989 plus de 37 p. 100 de l'espace publicitaire de la société Information et Publicité, régie exclusive de la radio RTL ; que la société Information et Publicité a signé avec la société Carat des accords pour une durée de trois ans, dont le dernier a porté sur la période 1989 à 1992 ; que le directeur financier de la société Information et Publicité a souligné que "Carat exerce une pression importante sur les prix, pour le compte de ses annonceurs... Carat a les meilleures conditions accordées par RTL à une centrale" ; que, dans le contexte général de diminution des investissements publicitaires consacrés aux supports radiophoniques, la société Information et Publicité était en position particulièrement fragile face à un acheteur représentant plus du tiers de ses ventes d'espace publicitaire et cinq fois le bénéfice qu'elle avait réalisé en 1990 ;
Considérant que la société Carat réalisait en 1990 plus de 21 p. 100 de l'achat d'espace de la société 15-34 Régie Exclusive de NRJ ; que le directeur général de cette société a indiqué que "NRJ a été liée avec Carat par un contrat bi-annuel" et que "NRJ n'est pas incontournable, on peut très bien bâtir un plan média sans y inclure ce support" ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, tant par l'effet de circonstances générales affectant le secteur radiophonique que par les caractéristiques propres à chacune d'entre elles, les sociétés Régie 1, RMC, Information et Publicité, et 15-34 Régie Exclusive de NRJ se sont trouvées, au cours de la période considérée, en état de dépendance économique vis-à-vis de la société Carat ;
S'agissant du marché de l'espace publicitaire de la presse écrite, sur lequel la société Carat achetait en 1990 plus de 10 p. 100 de l'espace disponible de chaque support de presse écrite et plus de 23 p. 100 pour la presse magazine :
Considérant que la presse enregistre, depuis une dizaine, d'années une forte diminution des investissements publicitaires réalisés sur ce média ; que cette situation fragilise tout particulièrement les titres pour lesquels la part des recettes provenant de la vente d'espace publicitaire est élevée, soit près de 80 p. 100 pour certains d'entre eux ;
Considérant que la société Carat représentait plus de 20 p. 100 en 1990 du chiffre d'affaires total brut négocié réalisé par la société Régie Libération ; que la directrice générale de cette société a expressément fait état des déréférencements dont le titre a pu être victime en ces termes : "Il nous arrive fréquemment d'être déréréfencé par une agence ou une centrale... (cela ne se traduit pas par une importante chute du chiffre d'affaires mais beaucoup plus subtilement en nous diminuant le nombre d'insertions par exemple)" ; qu'elle a indiqué également : "N'importe quel titre est contournable" et qu'"on peut toujours trouver une autre combinaison permettant de toucher la même cible" ; que la société Régie Libération avait d'autant moins de liberté que son premier acheteur, la société Eurocom, avait conclu avec la société Carat un pacte de non-agression et de répartition de marché ;
Considérant que les achats de la société Carat représentaient en 1989 plus de 21 p. 100 et en 1990 environ 30 p. 100 du chiffre d'affaires de la société Publicat ; qu'aux termes des déclarations de son président-directeur général, "lorsqu'un acheteur comme Carat représente environ 30 p. 100 du chiffre d'affaires, il est certain qu'il est difficile de ne pas rechercher le compromis" ; qu'il relève que "Télérama était contournable comme tous les titres de presse pris isolément. Seul dans sa catégorie, il est de ce fait plus vulnérable que d'autres à la pression exercée par les acheteurs" ; qu'ainsi la société Publicat ne pouvait s'abstraire des conditions de marché telles que celles imposées par la société Carat ;
Considérant que la société Carat achetait en 1990 26 p. 100 de l'espace publicitaire de la société Groupe Express, dont les recettes étaient constituées à hauteur de 70 p. 100 par la vente d'espace publicitaire ; que la société Groupe Express disposait d'autant moins de solutions alternatives pour résister aux exigences de son principal partenaire économique que son second acheteur, la société Eurocom, laquelle représentait une part pratiquement égale à celle réalisée par Carat, soit 24 p. 100 en 1989 et 25 p. 100 en 1990, avait conclu un pacte de non-agression et de répartition de marché avec cette dernière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'au regard, tant du contexte général affectant la situation économique de la presse écrite que des circonstances particulières propres à chacune d'entre elles, les sociétés Régie Libération, Publicat, Publiprint et Groupe Express se sont trouvées en situation de dépendance économique vis-à-vis de la société Carat.
S'agissant du marché de l'espace publicitaire disponible dans l'affichage pour lequel la société Carat représentait une part de 24 p. 100 des achats réalisés :
Considérant que la société Carat réalisait, en 1989, 39 p. 100 et, en 1990, 24 p. 100 de l'achat d'espace publicitaire de la société Giraudy ; que, selon les déclarations du directeur général adjoint de la société Giraudy, "Carat qui est le plus gros acheteur de Giraudy, peut se passer des services de ce dernier pour telle ou telle campagne" ;
Considérant que la société Carat achetait, en 1989, plus de 33 p. 100 et, en 1990, plus de 36 p. 100 de l'espace publicitaire de la société Dauphin OTA ; que la société Dauphin OTA disposait d'autant moins de solutions alternatives que son deuxième client, la société Eurocom, avait conclu un pacte de non-agression et de répartition de marché avec la société Carat ;
Considérant que la société Carat achetait, en 1989, plus de 31 p. 100 et, en 1990, plus de 19 p. 100 de l'espace publicitaire de la société Avenir-Havas-Média ; que la société Avenir-Havas-Média disposait d'autant moins de solutions alternatives que son deuxième acheteur publicitaire, la société Eurocom, avait conclu un pacte de non-agression et de répartition de marché avec la société Carat ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés Giraudy, Dauphin OTA et Avenir-Havas-Média se sont trouvées, au cours de la période considérée, en situation de dépendance économique vis-à-vis de la société Carat ;
Considérant que les sociétés TF1 Publicité, Espace 2 et Espace 3, Régie 5, M6 Publicité, Régie 1, Radio Monte-Carlo, Information et Publicité, 15-34 Régie Exclusive de NRJ, Régie Libération, Publicat, Groupe Express, Giraudy, Dauphin OTA et Avenir-Havas-Média, en état de dépendance économique à l'égard de la société Carat, étaient contraintes de se soumettre à l'exigence de la société Carat de bénéficier d'un "différentiel", sous peine de risquer de perdre la clientèle des annonceurs qu'elle représentait, dès lors que cette dernière était en mesure d'orienter tout ou partie des budgets de sa clientèle vers des supports concurrents si ses exigences financières n'étaient pas acceptées; que les centrales concurrentes n'étaient pas à même d'obtenir des supports économiquement dépendants de la société Carat des remises plus importantes puisque celle-ci exigeait la révision immédiate des accords passés afin d'obtenir, en dernier lieu, les meilleures conditions du marché; qu'en particulier, la société Carat a fait usage de cette pratique à l'encontre de la société M6 Publicité qui, alors qu'elle avait octroyé des conditions financières plus avantageuses aux agences de publicité regroupées dans la société Grand Média, a été contrainte, d'une part, de verser à la société Carat un "complément de négociation" rétroactif sous la forme de trois avoirs d'un montant de 1,8 million de francs chacun et, d'autre part, dans le même temps, de diminuer les remises accordées aux agences membres de la société "Grand Média" pour ramener leur montant à un niveau qui ne soit pas supérieur à celui consenti à la société Carat ; que les déclarations du président-directeur général et du directeur général adjoint de M6, aux termes desquelles la société Carat "avait exercé des pressions sur eux en 1989 et avait exigé le versement d'un avoir rétroactif à Carat pour donner à cette société les meilleures conditions", M6 ayant "risqué un moment de se voir déréférencée par Carat", font clairement apparaître la situation de dépendance de M6 vis-à-vis de la société Carat qui l'a conduite à accepter les exigences de cette dernière ;
Considérant que l'application imposée par la société Carat de la "clause du client le plus favorisé" a eu pour conséquence d'enlever toute portée aux tentatives des centrales concurrentes de disputer à Carat des parts de marché auprès des supports concernés, en faisant baisser les prix des supports et en faisant bénéficier les annonceurs de cette baisse des prix, dès lors que le mécanisme mis en place par la société Carat lui assurait d'obtenir, en définitive, un taux de négociation plus élevé et ainsi le prix le plus bas du marché dont elle pouvait se prévaloir auprès des annonceurs; que cette pratique ne peut être justifiée par le fait, nonobstant les allégations de la société Carat, que celle-ci devait bénéficier des remises les plus importantes eu égard à sa qualité d'acheteur le plus important, alors qu'elle a eu pour effet de permettre à la société Carat de maintenir, voire d'accroître artificiellement, sa part de marché, en empêchant ses concurrents de remettre en cause sa position par l'exercice normal de la concurrence ; qu'ainsi, le fait d'avoir utilisé la dépendance économique de supports à son égard pour les soumettre à des conditions commerciales injustifiées la protégeant artificiellement de la concurrence constitue de la part de la société Carat une exploitation abusive de l'état de dépendance économique dans lequel se trouvaient les entreprises ci-dessus visées à son égard; que cette pratique est prohibée par les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Sur les sanctions :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le Conseil de la concurrence "peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos" ;
Considérant que la gravité des faits résulte, en ce qui concerne les ententes bilatérales, du caractère systématique, puisque renouvelé d'année en année, de ces pratiques et de l'implication dans celles-ci tant des principaux supports des grands médias que des acheteurs d'espace publicitaire les plus importants et totalisant près de 70 p. 100 du chiffre d'affaires de l'activité d'achat d'espace ; que leur mise en œuvre a entraîné un fonctionnement artificiel des marchés de l'espace publicitaire au profit tant des supports qui ont pu maintenir ou augmenter leurs tarifs que des intermédiaires, lesquels asseyaient leur rémunération sur des tarifs d'espace affichés à des prix anormalement élevés ;
Considérant qu'il doit être tenu compte dans l'appréciation du montant des sanctions, d'une part, de ce que les professionnels ont persisté dans la mise en œuvre des pratiques litigieuses pourtant relevées comme susceptibles d'affecter le fonctionnement normal du marché par le Conseil de la concurrence dans son avis n° 87-A-12 du 18 décembre 1987 relatif au secteur de la publicité et, d'autre part, de ce que les centrales d'achat d'espace ont été à l'origine de ces pratiques, dont elles ont été les principales bénéficiaires compte tenu notamment du mode de rémunération par les annonceurs prévu contractuellement et rappelé ci-dessus ;
Considérant que le dommage causé à l'économie est d'autant plus important que les pratiques ont affecté tous les grands médias offreurs d'espace, parmi lesquels la télévision dont les ventes d'espace ont atteint en 1990 13 milliards de francs, la radio qui a réalisé des ventes d'espace pour un montant de 3 milliards de francs, l'affichage avec des ventes s'élevant à 6 milliards de francs et la presse dont les ventes d'espace publicitaire ont représenté environ 20 milliards de francs la même année ;
Concernant la société Carat France :
Considérant que la société Carat France a participé à douze ententes bilatérales, réalisées sur l'ensemble des médias ; que cette société s'est, en outre, entendue avec le groupe Eurocom, deuxième opérateur du marché, aggravant ainsi la rigidité du secteur et confortant l'opacité tarifaire affectant celui-ci ; qu'enfin, sa puissance d'achat sur les marchés de l'achat d'espace publicitaire des différents médias a placé certains supports dans un état de dépendance économique, situation dont elle a abusé en leur imposant une ristourne dite "différentiel", qui la protégeait de la concurrence, d'une part, en lui permettant d'offrir toujours les meilleurs prix et, d'autre part, en rendant plus difficile le développement des autres centrales ;
Considérant que le chiffre d'affaires de la société Carat France réalisé en France au cours de l'année 1995, dernier exercice clos disponible, s'est élevé à 5 664 748 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont ci-dessus appréciés, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 150 000 F ;
Concernant le groupe Eurocom :
Considérant que la société Eurocom devenue Havas Advertising a participé à neuf ententes bilatérales, réalisées sur l'ensemble des médias ; que cette société s'est en outre entendue avec la société Carat, premier opérateur du marché, aggravant ainsi la rigidité du secteur et confortant l'opacité tarifaire affectant celui-ci ;
Considérant que le chiffre d'affaires de la société Havas Advertising réalisé en France au cours de l'année 1995, dernier exercice clos disponible, s'est élevé à 50 110 568 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont ci-dessus appréciés, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 350 000 F ;
Concernant la société Médiapolis :
Considérant que la société Médiapolis a participé à une entente bilatérale réalisée sur le marché de l'espace publicitaire radiophonique ;
Considérant que le chiffre d'affaires de la société Médiapolis réalisé en France au cours de l'année 1995, dernier exercice clos disponible, s'est élevé à 70 588 309 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels, tels qu'ils ont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire égale à 175 000 F ;
Concernant la société Concerto Média :
Considérant que la société Concerto Média a participé à quatre ententes bilatérales, dont trois sur le marché de l'espace publicitaire radiophonique et sur celui de l'espace publicitaire de la presse ;
Considérant que le chiffre d'affaires de la société Concerto Média réalisé en France au cours de l'année 1995, dernier exercice clos disponible, s'est élevé à 29 202 558 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 75 000 F ;
Concernant la société Initiative Média :
Considérant que la société Initiative Média a participé à trois ententes bilatérales, dont deux sur les marchés de l'espace publicitaire télévisuel et une sur l'espace publicitaire radiophonique ;
Considérant que le chiffre d'affaires de la société Initiative Média réalisé en France au cours de l'année 1995, dernier exercice clos disponible, s'est élevé à 59 936 106 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 150 000 F ;
Concernant la société Information et Publicité Groupe :
Considérant que la société Information et Publicité Groupe a participé à quatre ententes bilatérales avec les centrales d'achat d'espace les plus importantes intervenant sur le marché de l'espace publicitaire radiophonique ;
Considérant que le chiffre d'affaires de la société Information et Publicité Groupe réalisé en France au cours de l'année 1995, dernier exercice clos disponible, s'est élevé à 707 956 504 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 350 000 F ;
Concernant la société Publiprint :
Considérant que la société Publiprint a participé à quatre ententes bilatérales avec les centrales d'achat d'espace les plus importantes intervenant sur le marché de l'espace publicitaire de la presse ;
Considérant que le chiffre d'affaires de la société Publiprint réalisé en France au cours de l'année 1995, dernier exercice clos disponible, s'est élevé à 398 707 034 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 120 000 F ;
Concernant la société Publicat :
Considérant que la société Publicat a participé à trois ententes bilatérales avec les centrales d'achat d'espace les plus importantes intervenant sur le marché de l'espace publicitaire ;
Considérant que le chiffre d'affaires de la société Publicat réalisé en France au cours de l'année 1995, dernier exercice clos disponible, s'est élevé à 235 206 898 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 50 000 F ;
Concernant la société Groupe Express :
Considérant que la société Groupe Express a participé à une entente bilatérale avec une des centrales d'achat d'espace les plus importantes intervenant sur le marché de l'espace publicitaire de la presse ;
Considérant que le chiffre d'affaires de la société Groupe Express réalisé en France au cours de l'année 1995, dernier exercice clos disponible, s'est élevé à 607 046 455 F ; qu'en fonction des éléments généraux et individuels, tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à cette entreprise une sanction pécuniaire de 60 000 F,
Décide :
Article 1er. - Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
- 150 000 F à la société Carat France ;
- 350 000 F à la société Havas Advertising (ex Eurocom) ;
- 175 000 F à la société Médiapolis ;
- 75 000 F à la société Concerto Média ;
- 150 000 F à la société Initiative Média ;
- 350 000 F à la société Information et Publicité Groupe ;
- 120 000 F à la société Publiprint ;
- 50 000 F à la société Publicat ;
- 60 000 F à la société Groupe Express.