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Décisions

Cass. com., 3 mai 2000, n° 98-18.602

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Suez-Lyonnaise des eaux (Sté)

Défendeur :

Commissaire du gouvernement près le Conseil de la concurrence, Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget, Procureur général près la Cour d'appel de Paris

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Leclercq

Avocats :

SCP Célice Blancpain, Soltner, Me Ricard.

Cass. com. n° 98-18.602

3 mai 2000

LA COUR : - Sur les deux moyens réunis, chacun étant pris en ses deux branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 1998), qu'après l'expiration de plusieurs marchés d'affermage conclus pour la production et la distribution d'eau potable entre la société Suez lyonnaise des eaux (SLE) et quatre communes du département de l'Essonne, ainsi qu'un syndicat intercommunal du même ressort, de nouveaux appels d'offres ont été lancés ; que plusieurs des concurrents de la société SLE ayant souhaité ne soumissionner que pour la distribution et s'approvisionner en eau à une usine de pompage et traitement appartenant à cette dernière, ils lui ont demandé de leur indiquer ses tarifs, ce à quoi elle s'est refusée, au motif qu'il s'agissait d'un élément de ses propres offres ; mais qu'elle a fourni cette indication aux communes en les autorisant à la transmettre, en tant que de besoin, aux autres soumissionnaires ; que, considérant qu'une telle attitude n'a pas permis à ceux-ci de négocier si peu que ce soit le " prix de vente en gros " de l'eau, et a même incité certains à renoncer à concourir, la cour d'appel a, à titre de mesure conservatoire, enjoint à la société SLE d'informer exactement les entreprises en compétition pour la distribution sur le coût de l'approvisionnement auprès d'elle ;

Attendu que la société SLE fait grief à l'arrêt de l'injonction prononcée, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les cahiers des prescriptions pris par les communes de Villemoisson-sur-Orge, les Ulis et Grigny prévoyaient expressément que les consultations portaient tout à la fois sur la production, le transport et la distribution d'eau potable, ce qu'avait relevé le Conseil de la concurrence, de sorte qu'en énonçant qu'étaient exclus des consultations " le captage, le traitement et l'adduction ", c'est-à-dire la production et le transport de l'eau, pour considérer que le prix de vente en gros de l'eau produite par la SLE n'était pas un élément de son offre et devait être communiqué aux autres soumissionnaires avant l'ouverture des plis, la cour d'appel a violé les textes réglementaires susvisés, ensemble l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993 ; alors, d'autre part, subsidiairement, et en tout état de cause, que dénature, en violation de l'article 1134 du Code civil, les règlements et les cahiers des prescriptions pris pour le renouvellement des contrats d'affermage litigieux la cour d'appel qui considère que les consultations lancées par les communes de Villemoisson-sur-Orge, les Ulis et Grigny ne portaient pas sur la production et le transport d'eau potable et comprenaient exclusivement la distribution de cette eau ; alors, en outre, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la SLE a communiqué aux communes concernées son prix de vente en gros de l'eau potable, lequel pouvait être répercuté à toutes les entreprises soumissionnaires, et que celles-ci n'ont pas été empêchées de concourir puisqu'elles ont émis des offres hors achat d'eau qui, comme le relève le conseil pour la commune de Grigny, sont apparues dans certains cas plus compétitives que celles de la SLE ; qu'ainsi, ne tire pas les conséquences légales de ses propres constatations violant ainsi les articles 7 et 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la cour d'appel qui retient l'existence d'une " atteinte certaine, grave et immédiate à l'économie en général et à celle du secteur intéressé " au motif que les sociétés consultées par les communes auraient été empêchées d'élaborer des " offres utiles " ; et alors, enfin, que prive sa décision de toute base légale au regard des articles 8 et 12 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 la cour d'appel qui, pour caractériser l'existence d'une atteinte grave et immédiate à l'économie, se fonde sur " le retrait des sociétés CISE et SOAF environnement lors de la consultation pour le marché de la commune de Morsang-sur-Orge ", et en déduit que les candidats potentiels seraient " dissuadés " de concourir en raison des difficultés rencontrées pour connaître le prix d'acquisition de l'eau, sans s'expliquer sur la motivation du Conseil de la concurrence qui avait relevé qu' " il n'est pas établi que la SOAF et la CISE ont demandé à la SLE ses conditions de fourniture de l'eau en gros " et que " la SOAF a fait une proposition à 2,64 F hors taxe/m3 " en fin de négociation du marché de Morsang-sur-Orge ;

Mais attendu, en premier lieu, que c'est hors toute dénaturation, et sans méconnaître les textes invoqués à la première branche du premier moyen que la cour d'appel a retenu que les consultations ne portaient pas sur les modalités de captage et de traitement de l'eau, mais seulement sur sa fourniture sur le territoire de chacune des communes concédantes à des conditions déterminées par elles ;

Attendu, en second lieu, que c'est souverainement que la cour d'appel a estimé que la communication du " prix de vente en gros de l'eau " aux communes ne permettait pas aux entreprises soumissionnaires, à défaut d'informations directes, d'élaborer utilement leurs offres ;

Attendu, enfin, que dès lors qu'elle a retenu que certains candidats potentiels étaient dissuadés de concourir en raison des difficultés éprouvées pour connaître le prix d'acquisition de l'eau, la cour d'appel n'était pas tenue de s'expliquer davantage sur la renonciation de la CISE et sur l'effectivité de l'offre partielle de la SOAF ; d'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.