CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 17 mai 1991, n° ECOC9110071X
PARIS
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Syndicat national des moniteurs du ski français, Téléskis du Grand-Bornand (SA), Méribel Alpina (SA), Syndicat local des moniteurs de l'Ecole de ski français de la vallée de Méribel, Régie municipale des sports de montagne de Cauterets, Syndicat local des moniteurs du ski français de l'Ecole de Cauterets, Syndicat local des moniteurs du ski français du Grand-Bornand, Lechêne
Défendeur :
Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Canivet
Avoués :
Me Valdelièvre, SCP Barrier Monin, SCP Bommart Forster, SCP Teytaud
Avocats :
Mes Paris, Muamont, Guillaumond, Louchet, Montamat, Bordier, SCP Chevallier
Attendu que, par décision n° 91-D-07, délibérée le 19 février 1991, relative à la situation de la concurrence dans l'enseignement du ski, le Conseil de la concurrence a:
1. Enjoint dans un délai de trois mois:
- au Syndicat national des moniteurs de ski français (SNMSF) d'abroger les stipulations du dernier alinéa du chapitre I, paragraphe 5, de la convention type entre les moniteurs de l'Ecole de ski français (ESF) interdisant à un moniteur quittant l'école, ou qui en est exclu, d'exercer sa profession dans la commune ou les communes limitrophes, et de s'abstenir d'introduire une telle clause dans tout document opposable à ses adhérents.
- à la Régie municipale de sports en montagne de Cauterets d'abroger la convention-cadre du 1er août 1985 et de s'abstenir, à l'égard des moniteurs de ski diplômés, d'une part, de lier le passage prioritaire sur ses installations à l'existence d'un effectif minimum et, d'autre part, de pratiquer des prix discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles.
2. Infligé des sanctions pécuniaires d'un montant de:
- deux millions de francs au SNMSF ;
- cinquante mille francs au syndicat local de moniteurs du ski français de l'école de Cauterets ;
- cent mille francs au syndicat local des moniteurs du ski français de l'école de Méribel-Mottaret ;
- cinquante mille francs au syndicat local des moniteurs du ski français, du Grand-Bornand - Super-Grand-Bornand ;
- cinq cent mille francs à la régie municipale des sports en montagne de Cauterets ;
- deux cent mille francs à la société Méribel-Alpina ;
- cent mille francs à la société Les Téléskis du Grand-Bornand.
3. Ordonné, dans un délai de trois mois, la publication du texte intégral de sa décision:
- dans la revue Ski français, et dans le bulletin Traces, aux frais du SNMSF ;
- dans La Dépêche du Midi, aux frais communs du SNMSF, du syndicat local des moniteurs du ski français de l'école de Cauterets et de la Régie municipale des sports de Cauterets ;
- dans Le Dauphiné libéré, aux frais communs du SNMSF, du syndicat local des moniteurs du ski français de l'école de Méribel-Mottaret, du syndicat local des moniteurs du ski français du Grand-Romand - Super-Grand-Bornand, de la société Méribel-Alpina et de la société Les Téléskis du Grand-Bomnand ;
Attendu que la SNMSF, le syndicat local des moniteurs de l'ESF de la vallée de Méribel, la société Méribel-Alpina et la société Les Téléskis du Grand-Bomand, qui ont introduit un recours contre ladite décision, demandent aux termes de requêtes individuellement présentées, par application de l'article 15, alinéa 3, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qu'en tout ou partie il soit sursis à son exécution ; que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il sera statué par une même décision ;
Attendu qu'au soutien de sa demande, visant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'intégralité des sanctions et injonctions prononcées à leur encontre par le conseil, les sociétés Méribel-Alpina et Les Téléskis du Grand-Bornand prétendent que, s'agissant de la mise en œuvre des clauses de priorité au bénéfice des moniteurs des écoles de ski français contenues dans les conventions portant affermage de téléskis et télécabines, conclues entre elles et les collectivités publiques concernées, les pratiques anticoncurrentielles retenues à leur encontre sont la conséquence de l'usage, par les communes des Allues et du Grand-Bornand, de leurs prérogatives de puissance publique dans l'organisation des concessions de remontées mécaniques, ainsi que de manière plus générale dans l'organisation touristique des stations, activités dont le contrôle relève du seul juge administratif ; qu'il s'ensuit, selon les sociétés requérantes, que l'exécution de la décision du conseil qui méconnaît les limites de ses pouvoirs et sera de ce fait annulée est de nature à entraîner à leur préjudice des conséquences manifestement excessives ;
Attendu que le SNMSF fait valoir que la décision du conseil procède d'une erreur dans la nature de ses rapports avec les syndicats locaux notamment quant aux effets de la clause dite de non-rétablissement ; que les publications ordonnées sont susceptibles de laisser croire aux moniteurs de ski dépendant des écoles du ski français que la clause susvisée, qu'il lui est fait injonction de supprimer de sa convention type, est, nonobstant le recours qu'elle a introduit, définitivement abrogée et de les encourager à prospecter la clientèle constituée par les écoles locales du ski français en causant à celles-ci un préjudice qui ne pourra être réparé en cas d'annulation de la décision déférée ;
Que le syndicat prétend en outre être dans l'impossibilité de procéder au paiement immédiat de la sanction pécuniaire qui lui est infligée sans mobiliser ses actifs ou avoir recours à des emprunts dont la charge serait excessivement lourde pour son budget ;
Attendu que le syndicat local des moniteurs de I'ESF de Méribel limite sa demande au sursis de l'exécution des mesures de publication qui, en portant atteinte à l'honneur professionnel de ses adhérents, causerait à ceux-ci un dommage que toute publication ultérieure ordonnée en cas d'annulation de la décision attaquée ne pourrait réparer ;
Attendu qu'aucune des autres parties requérantes ou intervenantes dans la procédure de recours au fond, toutes mises en cause dans la présente instance, n'a présenté d'observations ;
Attendu que le représentant du ministre chargé de l'économie et le ministère public concluent au rejet des demandes ;
Sur quoi,
Attendu qu'aux termes de l'article 15, alinéa 3, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les recours formés contre les décisions du Conseil de la concurrence ne sont pas suspensifs mais que, toutefois, le premier président de la cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à leur exécution si elles sont susceptibles d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu, postérieurement à leur notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité ;
Attendu qu'il n'apparaît pas des moyens soulevés par les sociétés Méribel-Alpina et les Téléskis du Grand-Bornand que le Conseil de la concurrence a manifestement excédé les pouvoirs qu'il tient des dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en sanctionnant les pratiques incriminées ; qu'il s'ensuit que la contestation introduite par lesdites sociétés sur la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire est à elle seule insuffisante à justifier des conséquences manifestement excessives alléguées ;
Attendu que les arguments soulevés par le SNMSF, visant à discuter la nature, les effets et les bénéficiaires de la clause de non-rétablissement prévue dans sa " convention type entre moniteurs ESF ", affectent le fond du litige et ne peuvent être examinés dans le cadre de la présente instance ;
Qu'en outre, le bilan au 30 juillet 1990 qu'il produit révèle que le syndicat requérant dispose de valeurs réalisables et disponibles d'un montant de 4694 334,17 francs et qu'il ne peut en conséquence prétendre que le paiement immédiat de la sanction pécuniaire qui lui est infligée aurait pour lui des conséquences manifestement excessives ;
Attendu qu'en sanctionnant les pratiques discriminatoires entre écoles de ski quant à la priorité et aux tarifs d'accès aux remontées mécaniques ainsi que la clause interdisant le rétablissement des moniteurs ayant participé à l'enseignement du ski dans certaines desdites écoles, la décision soumise à recours est de nature à provoquer des effets généralisés dans les relations entre les organismes concernés, les concédants et concessionnaires de l'exploitation d'équipements de stations de sports d'hiver, comme dans celles des écoles de ski, de leurs moniteurs et du public ;
Que la publication de cette décision, alors qu'un recours a été introduit par toutes les parties concernées, risque de provoquer, en cas d'annulation ou de réformation, une confusion dans les rapports juridiques organisant ce secteur économique alors que, compte tenu du caractère saisonnier de l'activité en cause, une publication immédiate aurait peu d'intérêt pour l'information du public et qu'à cet égard la décision de la cour interviendra dans un délai utile ;
Par ces motifs : Ordonnons la jonction des instances enrôlées sous les n° 445, 446, 447, et 450-1991 ; Ordonnons qu'il soit sursis, pour un délai expirant deux mois après le prononcé de l'arrêt de la cour statuant sur le fond du recours, et au plus tard le 15 octobre 1991, à l'exécution des mesures de publication de la décision du Conseil de la concurrence, ordonnées par l'article 4 de son dispositif ; Rejetons le surplus des demandes ; Laissons les dépens à la charge des requérants.