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Décisions

CA Paris, président, 26 juin 1996, n° FCEC9610353R

PARIS

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Entreprise Industrielle (SA)

Défendeur :

Ministre de l'Économie et des Finances

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Thin

Avocat général :

M. Woirhaye

Avocats :

Mes Vatier, de La Laurencie, Biolay.

CA Paris n° FCEC9610353R

26 juin 1996

Par décision n° 95-D-76 en date du 29 novembre 1995, le Conseil de la Concurrence a infligé à la société Entreprise Industrielle une sanction pécuniaire de 35 800 000 F pour sa participation à des pratiques qualifiées d'ententes prohibées entre une trentaine d'entreprise à l'occasion de la passation de marchés publics pour la construction des lignes des TGV Nord, Est, et Sud-Est, et de l'interconnexion du TGV Nord.

Le Conseil a également ordonné la publication d'extraits de sa décision dans les quotidiens La Tribune et Les Echos.

A la suite de son recours en annulation et réformation déposé le 13 mars 1996, la société Entreprise Industrielle a, conformément aux dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 12 et suivants du décret du 19 octobre 1987, demandé selon assignation délivrée le 29 mai 1996 au Ministre de l'Economie, qu'il soit sursis à l'exécution provisoire de cette décision relativement au paiement de la sanction pécuniaire.

Elle fait valoir que cette exécution immédiate ne manquerait d'entraîner pour la société des conséquences manifestement excessives en raison des difficultés de trésorerie actuellement rencontrées par l'Entreprise Industrielle, et du retrait par les banques des crédits de trésorerie et des lignes de découvert précédemment accordées à celle-ci.

Le représentant du Ministre de l'Economie conclut au rejet de la requête en relevant qu'il avait été tenu compte de la situation de la société par le Conseil de la Concurrence, lors de l'appréciation du montant de la sanction.

Le Ministère public a développé oralement des observations tendant principalement au rejet de la requête, compte-tenu de l'absence de démonstration des conséquences manifestement excessives de l'exécution immédiate de la décision, et subsidiairement à son admission à hauteur d'un montant inférieur ou égal à la moitié de la sanction pécuniaire infligée.

SUR CE :

Attendu qu'aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, si le recours formé contre une décision du Conseil de la Concurrence n'a pas de caractère suspensif, le Premier Président de la Cour d'Appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à son exécution lorsque celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives, ou s'il est intervenu postérieurement à la notification de la décision des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité.

Attendu que la société requérante fait valoir qu'à la date du 30 avril 1996, son insuffisance de trésorerie s'élevait à 34 millions de francs, ses besoins prévisionnels de trésorerie pour les prochains mois demeurant élevés ; qu'elle produit des lettres de deux de ses banques lui notifiant le retrait de ses crédits de trésorerie, ainsi qu'une lettre de la Société Générale relative au nantissement de SICAV exigé en garantie du montant des soldes débiteurs de la société dans ses livres

Qu'elle produit les comptes de 1995, faisant apparaître pour l'exercice une perte de 12 035 271,53 F, et un déficit cumulé de 63 138 492,29 F.

Qu'elle verse également une lettre de la Société Générale refusant, le 20 mai 1996 de lui accorder le cautionnement exigé par le Trésor public pour accéder à sa demande de paiement fractionné du montant de la sanction, sauf à consentir un nantissement sur SICAV d'un même montant.

Attendu que si le Conseil de la Concurrence a tenu compte pour apprécier le montant de la sanction des pertes enregistrées au cours de l'exercice de référence soit l'année 1994, la situation actuelle de la société en pleine restructuration, et devant faire face à la diminution du concours de ses banques fait apparaître que le recouvrement immédiat de l'intégralité du montant de la sanction est de nature à altérer de façon grave et durable le fonctionnement de l'entreprise.

Par ces motifs : Disons qu'il sera sursis à l'exécution provisoire de la sanction prononcée à l'encontre de la société Entreprise Industrielle par le Conseil de la Concurrence dans sa décision n° 95-D-76, à hauteur de 25 000 000 F ; Laissons les dépens à la charge du requérant.