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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 23 août 1995, n° ECOC9510217X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Conseil régional de l'ordre des pharmaciens de la région Rhône-Alpes

Défendeur :

Ministre de l'Économie et des Finances

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Avocat général :

M. Alexandre

Avoué :

SCP Xavier Varin - Marc Petit

Avocats :

Mes Rossignol, Vatier.

CA Paris n° ECOC9510217X

23 août 1995

LA COUR : - Attendu que par décision n° 95-D-35 du 10 mai 1995 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution pharmaceutique dans la vallée de l'Arve, le Conseil de la concurrence a prononcé à l'encontre du conseil régional de l'ordre des pharmaciens de la région Rhône-Alpes (ci-après, le conseil régional de l'ordre), du Syndicat des pharmaciens de la Haute-Savoie, ainsi qu'à un certain nombre de pharmaciens, des sanctions pécuniaires échelonnées entre 300 000 F et 10 000 F. Le Conseil de la concurrence a, en outre, ordonné la publication du texte intégral de sa décision dans les journaux Le Dauphiné libéré et Le Moniteur des pharmaciens ;

Attendu qu'ayant introduit un recours contre cette décision par application de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 le Conseil régional de l'ordre demande, sur le fondement de l'alinéa 3 de ce texte, qu'il soit sursis à l'exécution de la sanction pécuniaire de 300 000 F prononcée à son encontre ainsi qu'à la mesure de publication ;

Qu'il sollicite le règlement provisoire de la sanction pécuniaire à proportion de 10 p. 100 de son budget annuel et l'adjonction à la mesure de publication d'une mention faisant état du recours exercé devant la cour d'appel de Paris ;

Attendu qu'à l'appui de sa requête le requérant fait valoir que :

- l'amende de 300 000 F infligée est particulièrement lourde au regard des ressources annuelles du Conseil régional de l'ordre, qui se sont élevées à 1 120 000 F pour l'exercice clos le 31 mars 1995 ;

- le Conseil de la concurrence n'a pas respecté le principe de proportionnalité de la sanction au regard des pratiques reprochées dès lors qu'elles n'ont pas eu d'effet sensible sur le marché du médicament " de conseil grand public et de parapharmacie " ;

Attendu que le représentant du ministre de l'Economie conclut au rejet de la requête, sans s'opposer toutefois à la demande d'insertion d'un avis accompagnant la publication de la décision du Conseil de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que le Ministère public a également conclu au rejet du recours et à l'octroi de l'insertion demandée ;

Sur quoi :

Attendu qu'aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le recours contre une décision du Conseil de la concurrence n'est pas suspensif mais que, toutefois, le premier président peut ordonner qu'il soit sursis à statuer à son exécution si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité ;

Attendu, d'une part, que le requérant, qui ne soutient pas qu'il serait intervenu des faits d'une exceptionnelle gravité depuis la notification de la décision critiquée, ne justifie pas, en l'absence de production de toute pièce comptable, d'une situation financière telle que l'exécution de cette décision entraînerait pour elle des conséquences manifestement la mettant en péril ;

Attendu, d'autre part, qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du premier Président de la Cour d'appel de Paris, statuant par application des dispositions du texte précité, de se prononcer sur le bien-fondé de la décision en ce que, notamment le conseil aurait méconnu le principe de proportionnalité de la sanction à la gravité des pratiques sanctionnées ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu, pour le même motif de faire droit à la demande subsidiaire de réduction de la sanction à hauteur de 10 p. 100 du chiffre d'affaires réalisé ;

Attendu, en revanche, que la mesure de publication forcée de la décision sanctionnant un opérateur économique pour violation de prescriptions d'ordre public garantissant le libre exercice de la concurrence est de nature à entraîner un préjudice irréparable à l'opérateur en cause et à donner aux professionnels concernés, comme au public, destinataires de cette publicité, une information incomplète, si elle n'est accompagnée de l'indication du recours dont ladite décision fait l'objet;

Qu'il échet en conséquence de faire droit à la demande dans les conditions précisées au dispositif de la présente ordonnance;

Attendu que le requérant obtenant satisfaction sur l'un de ses chefs de demande, il apparaît conforme à l'équité de ne pas prononcer à son encontre la condamnation au paiement des frais irrépetibles sollicitée par le ministre de l'Economie,

Par ces motifs : Rejetons la demande tendant à ce qu'il soit sursis au paiement de la sanction pécuniaire ou à ce que soit ordonné un cantonnement dudit paiement ; Disons que les publications ordonnées par la décision du Conseil de la concurrence prise le 10 mai 1995 seront précédées en caractères gras et apparents d'une dimension n'excédant aucun des caractères utilisés dans le corps du texte, et en encadré, d'une mention expresse indiquant le recours formé devant la Cour d'appel de Paris par le Conseil régional de l'ordre des pharmaciens de la région Rhône-Alpes ; Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.