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Décisions

Cass. com., 3 octobre 1995, n° 94-10.206

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Auvray antivol (SARL)

Défendeur :

Mutuelle des motards, Fédération française des Motards en Colère, Editions Le Pavé dans la Mare (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, Me Odent, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.

TGI Montpellier, du 12 oct. 1990

12 octobre 1990

LA COUR : - Sur le premier moyen pris en ses deux branches et le second moyen, réunis : - Attendu qu'il résulte de la décision attaquée (Montpellier, 10 juin 1993) que la Fédération française des Motards en Colère (la Fédération), association régie par la loi du 1er juillet 1901, a créé plusieurs structures destinées à répondre à ses objectifs, ainsi qu'aux besoins de ses adhérents, et notamment une mutuelle d'assurance, la Mutuelle des motards ainsi qu'un organe de presse "Les Editions de la FFMC", chargé plus particulièrement de l'édition du journal "Le Pavé dans la Mare" ; qu'afin de lutter de façon plus efficace contre le vol des engins de ses sociétaires, elle a en outre créé une commission intitulée "Stop Vol", chargée de tester les antivols existant sur le marché et de leur accorder ou de leur refuser un agrément qu'elle a qualifié de "sorte de label de qualité" ; que la société Auvray antivol (la société Auvray) considérant que la Fédération avait à tort refusé d'agréer ses antivols "U Force 10" l'a alors assignée ainsi que la Mutuelle des motards devant le Tribunal de grande instance de Montpellier en paiement de dommages-intérêts ; qu'en outre, considérant que la société de presse éditant le journal le "Pavé dans la Mare" avait organisé une véritable campagne de dénigrement à l'encontre de ses produits, elle l'a également assignée en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que la société Auvray fait grief à l'arrêt de n'avoir fait que partiellement droit à ses demandes en rejetant celle concernant le refus qui lui avait été opposé d'agréer ses antivols, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que constitue une faute le fait d'avoir, en abusant de l'état de dépendance économique d'un fabricant imposé à celui-ci de soumettre ses produits à une procédure d'agrément, de surcroît illicite puis d'avoir retiré l'agrément de manière brutale et discriminatoire ; que la cour d'appel qui, pour refuser à la société Auvray de l'indemniser du préjudice né du comportement de la FFMC et de la Mutuelle des motards s'est déterminée par le fait que le fabricant n'était pas un tiers par rapport à la procédure d'agrément, et que l'indemnisation du préjudice aurait pour effet de faire revivre les conventions illicites, mais qui s'est abstenue de rechercher si la société Auvray qui fondait son action non pas sur l'article 1147 du Code civil mais sur les dispositions susvisées n'était pas fondée à obtenir réparation du préjudice subi du fait de son refus de se soumettre à une procédure d'agrément illicite, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ensemble l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que la cour d'appel ayant constaté que la procédure d'agrément imposée par la FFMC et la Mutuelle des motards était illicite par application de l'article 22 de la loi du 10 janvier 1978, et que cette loi avait été promulguée dans le but de protéger les vendeurs et les fabricants "des agissements d'associations de consommateurs qui peuvent être amenées à délivrer des certificats dans des conditions susceptibles d'être critiquées", la cour d'appel ne pouvait refuser d'indemniser le préjudice subi par la société Auvray, fabricant, du fait des agissements fautifs de la FFMC et de la Mutuelle des motards à son égard ; qu'en statuant ainsi, la cour d' appel n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient et a ainsi violé l'article 1382 du Code civil ; et alors enfin, qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, est prohibée l'exploitation abusive de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve une entreprise cliente ou fournisseur et ces abus peuvent consister dans la rupture de relations commerciales établies au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées ; que la cour d'appel qui a débouté la société Auvray Antivol de sa demande mais qui s'est abstenue de rechercher si la mise en place par la FFMC "le Pavé dans la Mare" d'une procédure d'agrément diligentée unilatéralement par la commission Stop Vol créée par la FFMC et la Mutuelle, l'obligation pour l'assuré d'acquérir un matériel antivol agréé par ladite commission pour être indemnisée d'un vol éventuel puis le retrait de l'agrément, faute pour la société Auvray d'avoir accepté de se soumettre à une procédure manifestement discriminatoire et non contradictoire, ne constituaient pas l'exploitation abusive de l'état de dépendance économique de la société Auvray, fabricant d'antivols, a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

Mais attendu, en premier lieu, que par motifs propres et adoptés, la cour d'appel ayant constaté que la société Auvray ne justifiait pas, en l'absence de tout élément chiffré concernant la part de marché de l'assurance contre le vol détenu par la Fédération et la Mutuelle des motards ainsi que le chiffre exact de leurs adhérents, de l'état de dépendance économique dans lequel elle prétendait se trouver, n'avait pas à rechercher si l'assuré, tenu de justifier, pour adhérer à la Mutuelle, que le système antivol qui équipait sa moto était agréé par la commission mise en place par la Fédération, puisqu'il n'était pas établi que cet assuré ne disposait pas "de solution équivalente" au sens de l'article 8 paragraphe 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que la procédure d'agrément instituée par la Fédération était illicite par application de l'article 22 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé, abstraction faite d'un motif surabondant concernant la participation antérieure de la société Auvray à la procédure litigieuse, que cette société ne pouvait demander à être indemnisée pour le refus d'agrément qui lui a été opposé ; que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur les demandes présentées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : - Attendu que les défendeurs sollicitent chacun sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir ces demandes ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi ; rejette également les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.