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Décisions

Cass. com., 30 mai 1995, n° 93-18.670

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

T. TRAM (SA)

Défendeur :

Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Nicot (faisant fonction)

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

Mes Guinard, Ricard, Barbey, SCP Waquet, Farge, Hazan.

Cass. com. n° 93-18.670

30 mai 1995

LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 29 avril 1993), que le conseil de la concurrence s'est saisi d'office en 1988 de pratiques qu'il estimait illicites concernant le déménagement des fonctionnaires civils et des militaires à destination ou en provenance des départements d'Outre-mer (DOM), des territoires d'Outre-mer (TOM) et des pays étrangers ; que pour les premiers, le décret n° 53-711 du 21 mai 1953, applicable jusqu'à l'intervention du décret n° 89-271 du 12 avril 1989 et, pour les seconds, le décret n° 54-213 du 1er mars 1954, ont prévu selon des modalités semblables un remboursement des frais réellement engagés assortis de limitations en volume, variables selon la catégorie et la situation familiale des personnels concernés, sur la base du prix le plus bas de trois devis émanant d'entreprises différentes pour les fonctionnaires ou de deux pour les militaires ; que l'enquête ayant établi que dans le cadre de ce marché international du déménagement, où étaient spécialisées de nombreuses entreprises, certaines s'étaient livrées, selon divers procédés, soit habituellement, soit occasionnellement, à des pratiques de concertation en échangeant des papiers à en-tête vierges ou en se communiquant des informations aux fins d'établir des devis faux ou de complaisance dits de couverture, au profit de celles d'entre elles qui se réservaient d'être la moins disante pour fournir la prestation, le conseil de la concurrence a infligé des sanctions pécuniaires à soixante-dix entreprises ; que quarante-deux d'entre elles se sont pourvues devant la Cour d'appel de Paris ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Attendu que la société T. TRAM fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement d'une sanction pécuniaire d'un montant de trois cent mille francs, alors, selon le pourvoi, que le montant maximum de la sanction que peut se voir infliger une entreprise, à l'encontre de laquelle des pratiques anticoncurrentielles ont été retenues, est de 5 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos à la date des faits en cause, et non à la date de décision du conseil de la concurrence ; qu'en prenant néanmoins en compte le chiffre d'affaires réalisé par elle au cours du dernier exercice clos à la date de la décision du conseil, soit au cours de l'année 1990, la cour d'appel a violé l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que le montant maximum de la sanction étant, selon les dispositions de l'article 13 paragraphe 3 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de 5 % du montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos, c'est à bon droit que la cour d'appel a pris en considération le dernier exercice clos au moment où le conseil de la concurrence a été appelé à sanctionner les agissements de la société T. TRAM ; que le moyen pris en sa première branche n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches : - Attendu que la société T. TRAM fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, au paiement d'une sanction pécuniaire de trois cent mille francs, alors que, selon le pourvoi, d'une part, lorsqu'une entreprise exploite des secteurs d'activités différents, le chiffre d'affaires à prendre en compte afin de déterminer le montant maximum de la sanction est celui réalisé dans le ou les secteurs où a été commise l'infraction ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher le chiffre d'affaires réalisé par elle dans le secteur de déménagement des fonctionnaires et agents français en provenance ou à destination des départements et territoires d'Outre-mer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors que, d'autre part, la sanction pécuniaire infligée à une entreprise, à l'encontre de laquelle des pratiques anticoncurrentielles ont été retenues, doit être proportionnelle avec la gravité des faits relevés, avec le dommage porté à l'économie du marché de référence et avec la situation financière de l'entreprise ; qu'en se bornant cependant à énoncer " qu'en fonction des éléments d'appréciation généraux et individuels " qu'elle avait énoncés, il convenait de lui infliger une sanction pécuniaire de 300 000 francs, sans se prononcer concrètement sur la gravité des faits relevés à l'encontre de cette entreprise, sur le dommage qu'elle avait elle-même porté au marché du déménagement des fonctionnaires et agents français en provenance ou à destination des départements et territoires d'Outre-mer, alors surtout, que la société T. TRAM avait fait valoir que son activité sur ce marché était extrêmement faible, ni sur les facultés économiques de cette entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant procédé à une analyse des éléments économiques propres au marché considéré ainsi qu'à ceux caractérisant les activités et le chiffre d'affaires de chaque entreprise concernée l'arrêt relève que le secteur concerné est celui qui regroupe l'ensemble des services rendus par les prestations de déménagement aux personnels de l'Etat en provenance ou à destination des départements et territoires d'Outre-mer, à savoir les opérations de déménagement au sens strict, mais encore celles qui y sont associées et les opérations administratives et le dédouanement qui s'y rattachent; que c'est en justifiant ainsi sa décision au regard des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que la cour d'appel a estimé que devait être retenu pour l'évaluation du montant de la sanction le chiffre d'affaires global des sociétés concernées ;

Attendu, d'autre part, que c'est par une appréciation concrète des éléments soumis à son examen que l'arrêt relève que les pratiques litigieuses ont entraîné un coût moyen pour l'Etat de soixante dix mille francs par déménagement, le chiffre d'affaires global de ces activités étant réparti entre cinquante entreprises spécialisées ; qu'il retient également qu'était établie à l'encontre de la société T. TRAM sa participation à " une entente matérialisée par l'échange à plusieurs reprises de devis de couverture avec l'entreprise Ycard, une de ses concurrentes " dans l'île de la Réunion ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, faisant ressortir la gravité de l'atteinte portée à l'économie du marché de référence et le rôle joué par la société T. TRAM pour la mise en œuvre de ces pratiques illicites, sans omettre de se référer à la situation financière de cette entreprise, la cour d'appel a fixé en justifiant sa décision le montant de la sanction pécuniaire qui devait lui être infligée ; Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.