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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 31 mars 1992, n° ECOC9210068X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Syndicat général de l'industrie hôtelière et du commerce des boissons de Bordeaux

Défendeur :

Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Canivet

Avocats :

SCP Fourgoux, associés.

CA Paris n° ECOC9210068X

31 mars 1992

Par décision n° 91-D-56 du 10 décembre 1991 relative à des pratiques mises en œuvre par des organisations professionnelles de débitants de boissons dans le département de la Gironde, le Conseil de la concurrence (le conseil) a notamment infligé une sanction pécuniaire de 1 000 000 de francs au Syndicat général de l'industrie hôtelière de la Gironde (SGIH) et ordonné la publication du texte intégral de sa décision, dans un délai maximum de trois mois, aux frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires qui leur sont infligées, par le Syndicat général de l'industrie hôtelière de la Gironde, le Syndicat général autonome de l'industrie hôtelière de la Gironde, le Syndicat français de l'hôtellerie et le syndicat CID-Unati de la Gironde, dans les quotidiens Libération, Le Figaro et Sud-Ouest.

Ayant formé un recours contre cette décision dont il poursuit à titre principal l'annulation, en se fondant notamment sur des moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'enquête, le SGIH demande en outre qu'il soit sursis à son exécution pour une période de quatre mois, conformément aux dispositions de l'article 5, alinéa 3, de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Il fait valoir à cette fin que :

- le recouvrement immédiat du montant de la sanction pécuniaire risque de porter une atteinte irrémédiable à la liberté syndicale en raison de la faible capacité contributive de l'organisation professionnelle concernée ;

- l'exécution immédiate de la mesure de publication serait excessive, en ce qu'elle est disproportionnée par rapport aux frais incriminés, qu'aucune rectification ultérieure ne pourra en réparer l'impact, qu'en cas d'infirmation les lecteurs risqueraient d'être désorientés par une succession de décisions contradictoires et qu'enfin il sera dans l'impossibilité de recouvrer la part des frais d'insertion mise à la charge du syndicat CID-Unati de la Gironde qui, selon lui, n'a plus de siège effectif.

Dans ses observations orales, le ministre de l'économie, des finances et du budget conclut, comme le ministère public, au rejet de la demande.

Sur quoi :

Attendu qu'aux termes de l'article 15, alinéa 3, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le recours contre une décision du conseil n'est pas suspensif mais que, toutefois, le premier président de la cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à son exécution si celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est intervenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité ;

Attendu qu'il n'est pas établi par les documents produits que la décision soumise à recours soit entachée d'une illégalité manifeste qui, par elle-même, serait de nature à attacher de telles conséquences à son exécution ;

Attendu que si le montant de la sanction pécuniaire excède celui des cotisations encaissées par le syndicat au titre du dernier exercice, il n'est pas pour autant justifié des risques d'obstacle à la poursuite de ses activités de défense des intérêts collectifs de la profession; qu'en effet, il n'apparaît pas que l'agent judiciaire du Trésor ait en l'état refusé d'accorder des délais de paiement des sommes dues au titre de la sanction pécuniaire et il n'est pas allégué que des moyens de recouvrement forcé seront mis en œuvre avant le prononcé de l'arrêt statuant sur le recours ;

Qu'en outre le nombre important d'adhérents (1645) réunis par l'organisation sanctionnée et les facultés contributives de ceux-ci rendent possible la perception de cotisations nécessaires à l'exécution de ladite sanction ;

Attendu que, selon l'article 13, alinéa 3, de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le conseil peut ordonner la publication de sa décision dans les journaux qu'il désigne; que le recours formé contre la décision prescrivant une telle mesure n'est pas suspensif et que la relative proximité de la date à laquelle la cour statuera ne peut suffire à justifier qu'il soit sursis à son exécution;

Qu'est écarté le risque de confusion dans l'esprit du public et des professionnels sur le caractère illicite de la pratique sanctionnée en cas d'infirmation de la décision déférée, dès lors que chacune des publications prescrites sera complétée de l'indication du recours exercé, selon les modalités précisées au dispositif de la présente ordonnance;

Attendu enfin que la faible proportion incombant au syndicat CID-Unati de la Gironde dans la charge des publications (moins de 3 p. 100, eu égard au montant de la sanction pécuniaire qui lui est infligée, prive de toute portée le moyen tiré de la prétendue impossibilité pour le syndicat requérant de se faire rembourser les sommes par eux versées pour le compte de celui-ci ;

Attendu, en conséquence, que, hormis les aménagements apportés aux mesures de publication, la demande doit être rejetée ;

Par ces motifs : Disons que chacune des publications ordonnées par la décision du Conseil de la concurrence du 10 décembre 1991 sera précédée d'une mention encadrée, en caractères n'excédant pas les plus grands de ceux utilisés dans le corps du texte, indiquant que la décision publiée a fait l'objet d'un recours qui sera jugé le 14 juin prochain par la cour d'appel de Paris ; Rejetons la demande pour le surplus ; Laissons les dépens à la charge du requérant.