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Décisions

Cass. com., 30 mai 1995, n° 93-15.484

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Normandie transit (SARL)

Défendeur :

Juin international (Sté), AGS Paris (Sté), AGS Martinique (SARL), AGS Réunion (SARL), AGS Guadeloupe (SARL), Taieb, Cazal, Bedel (SA), Nortier (SA), Lagache et compagnie (SARL), Transit et transports Gabriel Faroult (SA), France transfert continentale (SARL), J. Antheaume-chiche (SARL), Compagnie générale de transports (SA), Péres (SARL), Déménagement Henry F (Sté), DMF Granier (Sté), Transports affrètement locations (SARL), Alain Anne (SA), Larnaudie (SARL), Ghiglion (SARL), Déménagements Davin (SA), Luc Elisabeth Martinique transit (SARL), Réunion transit (SA), Albonico, Faure déménagement (SA), Cheung Ah Seung déménagements (Sté), Colussi, Maussire et Reclus (SA), Guy Chalano transit (SARL), Guyane Transit (SA), Guyane déménagement (SARL), Cofranav (SARL), Société de déménagement Antilles-Guyane (SARL), Antilles déménagement (SARL), T. Tram (SA), Translame (SARL), Ocitra (SA), Haddad, Transport Bénard (SARL), Somanutrans (sté), Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Nicot (faisant fonction de)

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

de Gouttes

Avocats :

SCP Delaporte, Briard, SCP Waquet, Farge, Hazan, Me Guinard, SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, Me Ricard.

Cass. com. n° 93-15.484

30 mai 1995

LA COUR : - Sur le premier et le second moyens, pris en ses deux branches, les deux moyens étant réunis : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 29 avril 1993) que le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office en 1988 de pratiques qu'il estimait illicites concernant le déménagement des fonctionnaires civils et des militaires à destination ou en provenance des départements d'Outre-mer (DOM), des territoires d'Outre-mer (TOM) et des pays étrangers ; que, pour les premiers, le décret n° 53-711 du 21 mai 1953, applicable jusqu'à l'intervention du décret n° 89-271 du 12 avril 1989, et, pour les seconds, le décret n° 54-213 du 1er mars 1954, ont prévu selon des modalités semblables un remboursement des frais réellement engagés assortis de limitations en volume, variables selon la catégorie et la situation familiale des personnels concernés, sur la base du prix le plus bas de trois devis émanant d'entreprises différentes pour les fonctionnaires ou de deux pour les militaires ; que l'enquête ayant établi que dans le cadre de ce marché international du déménagement, où étaient spécialisées de nombreuses entreprises, certaines s'étaient livrées, selon divers procédés, soit habituellement, soit occasionnellement, à des pratiques de concertation en échangeant des papiers à en-tête vierges ou en se communiquant des informations aux fins d'établir des devis faux ou de complaisance dits de couverture, au profit de celles d'entre elles qui se réservaient d'être la moins-disante pour fournir la prestation, le conseil de la Concurrence a infligé des sanctions pécuniaires à soixante-dix entreprises ; que quarante-deux d'entre elles se sont pourvues devant la Cour d'appel de Paris ;

Attendu que la société Normandie transit fait grief à l'arrêt d'avoir retenu, pour la détermination du plafond de la sanction qui lui a été infligée, le chiffre d'affaires global de la société, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans ses conclusions, elle avait soutenu qu'elle exerçait une activité de transporteur industriel qui, par sa spécificité, excluait qu'elle soit considérée comme appartenant au même secteur d'activité que les opérations de déménagement et celles qui en sont l'accessoire ; que, pour refuser d'exclure de son chiffre d'affaires global celui qui résultait exclusivement de son activité spécifique de transporteur industriel, la cour d'appel s'est bornée à affirmer dans les termes généraux que les opérations de transport de marchandises relevaient du même secteur d'activité que les déménagements litigieux, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions des parties, si le transport industriel faisait ou non appel aux mêmes matériels et aux mêmes techniques que le déménagement de particuliers outre-mer et s'il pouvait être assumé par des personnels de même qualification ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, d'autre part, que le montant de l'amende infligée à une entreprise coupable de pratique illicite doit être déterminé compte tenu, entre autres, de la situation financière de l'entreprise et de sa capacité contributive ; que la seule référence au chiffre d'affaires de l'entreprise ne fournit aucune indication sur sa situation financière ; que, dès lors, la condamnant au paiement d'une amende équivalente à 3 % de son chiffre d'affaires, sans s'être interrogé, comme la loi le lui impose et comme l'y invitaient les conclusions des parties, sur ses capacités contributives, compte tenu de sa situation financière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l' article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, enfin, que le montant de l'amende prononcée contre une entreprise coupable de pratiques anticoncurrentielles doit être proportionnel non seulement à la gravité des faits constitutifs de l'entente envisagée globalement, mais encore à la gravité des faits imputables personnellement à l'entreprise sanctionnée ; que ce principe de proportionnalité impose que soit déterminés non seulement la nature des comportements qui lui sont reprochés, mais encore le rôle que ces comportements ont joué dans l'élaboration et la mise en œuvre du système d'entente réprimé, la durée de sa participation à celui-ci et la fréquence des comportements illicites pendant cette période ; qu'après avoir exactement énoncé ce principe en relevant que la gravité des faits imputables à chaque entreprise se déduit de l'ampleur de sa participation personnelle aux diverses ententes, la cour d'appel n'a déterminé ni le rôle joué par Normandie transit dans l'élaboration et la mise en œuvre du système d'ententes réprimé, ni la période exacte pendant laquelle elle s'est livrée aux pratiques illicites, ni la fréquence de ces pratiques pendant cette période, mais s'est bornée à constater qu'étaient établies à son encontre des pratiques habituelles d'échange de devis de couverture avec d'autres entreprises concurrentes ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt ayant constaté que le secteur concerné par les pratiques prohibées était non seulement celui des opérations de déménagement " au sens strict " mais encore de celles qui y étaient associées mettant en œuvre des techniques et des matériels identiques, c'est en justifiant sa décision au regard des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que la cour d'appel a décidé, en retenant le chiffre d'affaires global de la société Normandie transit, que ces opérations " associées " comprenaient les activités de transport industriel ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt, après avoir relevé que le secteur du déménagement était " en récession ", prenant ainsi en considération l'économie du marché litigieux, a énoncé que " sauf circonstances particulières expressément exposées, la dimension de l'entreprise se déduit du montant de son chiffre d'affaires " ; qu'ayant, en outre, constaté que la société Normandie transit avait admis avoir utilisé de façon habituelle des devis de couverture présentés sur du papier commercial de la société Transit et Transports Gabriel Farant pour des déménagements de fonctionnaires effectués dans la métropole vers l'Outre-mer et rappelé que l'enquête avait démontré que cette pratique avait été faite " systématiquement ", la cour d'appel qui, après avoir effectué les recherches nécessaires, s'est référée au chiffre d'affaires global de la société Normandie transit et à sa participation aux pratiques litigieuses, ainsi qu'à celles de 42 entreprises de déménagement présentes dans la cause, a légalement justifié sa décision ; Que les moyens ne sont pas fondés ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.