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Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 13 décembre 1995, n° ECOC9510419X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Scachap, ITM France (SA), Ministre de l'Économie, Colgate Palmolive (Sté), Procter Gamble (Sté), Henkel France (Sté), Scaouest (Sté), Socamaine (Sté), Sarnormande (Sté), Scadif (Sté), Socara (Sté), Scapalsace (Sté), Galec (Sté), Lever (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

Mme Ezratty

Président :

M. Bargue

Avocat général :

Mme Thin

Conseillers :

M. Perie, Mme Favre, M. Weill

Avoués :

SVP Taze, Bernard, Belfayol, Broquet, SCP Fisselier, Chiloux, Boulay, SCP Barrier Monin, SCP Duboscq Pellerin, SCP Valdelievre Garnier, SCP Bourdais, Virenque, Me Lecharny, SCP Lagourgue, SCP Teytaud, Me Garrabos

Avocats :

Mes Reye, Vincienne, SCP Lafarge Flécheux Revuz, SCP Vogel & Vogel, Mes Elsen, de la Laurencie, Lazarus, Chavallier, Berthault, Jouisset, Pointel, Vanni, Parléani, Guillot, SCP Paulus, Gerrer, Mes Amadio, Saint-Esteben.

CA Paris n° ECOC9510419X

13 décembre 1995

Le Conseil de la concurrence (le conseil) a été saisi en 1992 par le ministre de l'économie de pratiques mises en œuvre sur le marché des lessives par les sociétés Henkel France, Lever, Procter & Gamble et Colgate-Palmolive, fournissant ensemble près de 90 p. 100 des produits vendus en France.

Ces lessives sont vendues à hauteur de 30 p. 100 par deux distributeurs regroupés sous les enseignes de Leclerc et Intermarché, ces deux groupements réunissant des commerçants indépendants sous forme d'association en centrales d'achat régionales pour les centres Leclerc et sous le régime de la franchise pour les magasins Intermarché.

Par décision n° 94-D-60 du 13 décembre 1994, le conseil a infligé des sanctions pécuniaires aux sociétés ITM France : 7,5 millions de francs ; Galec : 2 millions de francs ; Scachap : 10 millions de francs ; Henkel France : 10 millions de francs ; Procter & Gamble : 3 millions de francs ; Lever SA : 2 millions de francs et Colgate-Palmolive : 2 millions de francs.

Au soutien de sa décision, le conseil a estimé constitutifs d'ententes prohibées un certain nombre de pratiques liées au référencement de produits lessiviers par le Scachap, au versement d'une rémunération confidentielle par des producteurs au Galec, à l'octroi au groupement Intermarché par la société Henkel France, d'un avantage pour progression du chiffre d'affaires, à la fixation d'un prix de seuil par cette même entreprise, ainsi que la publication de prix imposés de lessives dans l'Argus de la distribution publié par le groupement ITM.

Le conseil a en revanche estimé qu'il n'était établi, ni une dépendance économique de producteurs vis-à-vis d'Intermarché ni une entente entre ces producteurs et le même groupement. Il a également estimé que n'était pas rapportée la preuve des pratiques liées à des griefs de déférencement reprochées à diverses centrales du groupement Leclerc.

Les sociétés Scachap et ITM France ont chacune formé un recours principal contre cette décision. Le ministre de l'économie ainsi que les sociétés Colgate-Palmolive, Procter & Gamble et Henkel France ont, pour leur part, formé des recours incidents. Les sociétés Lever et Galec ainsi que les centrales d'achats Scarmor, Scaouest, Socamaine, Scanormandie, Scaso, Scadif, Socara et Scapalsace ont été mises en cause d'office.

A l'appui de son recours, la Scachap, qui formule toutes réserves sur la régularité de la communication des pièces du dossier par le Conseil de la concurrence, fait valoir un certain nombre de moyens tendant à l'annulation ou à la réformation de la décision.

Elle conteste d'abord la valeur probante des pièces versées aux débats par l'autorité poursuivante et expose ensuite que :

- le conseil a, à tort, considéré qu'en suspendant ses commandes auprès de la société Lever, elle s'est rendue responsable d'une entente visant à limiter l'accès de ce producteur au marché ;

- la société Lever disposait de la liberté de s'adresser directement aux centres Leclerc affiliés à la Scachap, les centres Leclerc disposant pour leur part de la liberté de s'approvisionner directement auprès de la société Lever ;

- les produits de la société Lever sont demeurés présents dans les linéaires des centres Leclerc affiliés à la Scachap en sorte que le producteur disposait toujours de l'accès au marché.

Elle soutient, subsidiairement, que si une entente était retenue à son encontre, elle n'aurait été constitutive que de la mise en œuvre de l'exceptio non adimpleti contractus répondant à une discrimination non justifiée.

Elle demande encore subsidiairement la réduction de la sanction pécuniaire prononcée à son encontre.

La société ITM conclut tout d'abord à l'annulation de la décision en demandant à la cour de considérer que :

- la notification du rapport, faite à une autre adresse qu'au siège social de la société, a entraîné une violation des principes de la contradiction et du droit à un procès équitable ;

- le principe de la contradiction a encore été violé par le conseil qui a développé une argumentation à l'appui de sa décision en se fondant sur des relevés de prix dont ITM n'a eu connaissance qu'à la lecture de la décision ;

- la présence du rapporteur général et du rapporteur au délibéré du Conseil, susceptible d'influer sur la décision, est contraire aux dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, le caractère " pénal " des accusations portées devant le conseil étant indéniable ;

- la faculté pour le conseil de présenter des observations devant la cour prévue à l'article 9 du décret du 19 octobre 1987, est contraire à la Constitution et à l'article 6 de la convention précitée.

Sur le fond, reprochant au conseil d'avoir retenu à son encontre une entente de prix prohibée résultant de la fixation d'un prix de revente dans l'Argus de la distribution, elle fait valoir que :

- aucun élément du dossier ne permet d'établir que les prix de l'Argus étaient ceux effectivement pratiqués ;

- l'analyse de la Charte des Mousquetaires faite par le conseil méconnaît la réalité économique et dénature les faits qui font ressortir qu'il s'agit non de prix imposés mais de prix maximum conseillés ;

- la diffusion de l'Argus traduit une liberté d'expression garantie par la Constitution et que s'y opposer instaurerait une discrimination entre les entreprises du secteur intégré et celles du secteur des commerçants indépendants.

Subsidiairement, la société ITM demande le bénéfice des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986. Elle expose que la pratique qui lui est reprochée contribue à un progrès économique et qu'une partie équitable du profit est réservée aux utilisateurs dans la mesure où la politique de communication permet au consommateur d'exercer ses choix de façon éclairée et qu'il bénéficie de prix réduits inférieurs à la moyenne nationale.

Sanctionnées pour entente prohibée ayant consisté à avantager le Galec en lui accordant en 1990 et 1991 une participation publicitaire confidentielle, les sociétés Colgate-Palmolive, Procter & Gamble et Henkel France ont, chacune formé un recours incident.

Les sociétés Colgate-Palmolive et Procter & Gamble font valoir, pour leur part que :

- le référencement en contrepartie duquel était versée la rémunération correspond à une réalité qui a permis une augmentation du chiffre d'affaires ;

- le Galec a établi des factures passées au compte prestations de services et, par ailleurs, le traitement comptable interne du Galec pour ces opérations ne leur est ni connu ni opposable ;

- la contrepartie du référencement n'est pas due aux adhérents mais à la centrale qui agit comme prestataire de services à l'égard de ses fournisseurs ; ces sommes lui reviennent et elle n'a donc pas à porter l'accord passé avec ses fournisseurs à la connaissance de ses adhérents ;

- les avantages liés à des opérations promotionnelles ou des événements ponctuels, non connus en début d'année lors de négociations globales avec le Galec, sont négociés au niveau régional et ne se substituent pas aux avantages négociés avec le Galec ;

- il n'est pas démontré en quoi cette rémunération serait, ainsi que le soutient le ministre de l'économie, discriminatoire dès lors qu'une contrepartie existe ;

- il ne peut être soutenu que la confidialité de l'accord aurait empêché les centres Leclerc de la prendre en compte dans le calcul de leur prix de vente, alors que les responsables de ces centres avaient été informés de l'existence de cette rémunération ; en outre elle n'a pas d'effet anticoncurrentiel car elle ne diminue en rien l'âpreté des discussions avec les autres distributeurs.

La société Henkel France fait observer, au sujet de la participation publicitaire confidentielle, qu'en ce qui la concerne, l'accord conclu avec le Galec concernait l'octroi d'emplacements privilégiée et non une prestation de référencement et avait donc un objet différent de celui des accords passés par les autres producteurs.

Concernant l'octroi à ITM d'une rémunération pour progression du chiffre d'affaires, la société Henkel France reproche à la décision d'avoir tenu pour discriminatoire le fait d'avoir versé la rémunération prévue, alors que l'objectif fixé par l'accord n'avait pas été atteint, cet avantage étant justifié par la volonté de conquérir un marché et alors qu'il n'a eu aucun effet anticoncurrentiel.

Henkel France soutient encore qu'en la sanctionnant pour avoir indiqué un prix de seuil correspondant au seuil de la revente à perte, la décision la sanctionne en réalité pour avoir voulu faire respecter une règle légale.

Elle reproche enfin à la décision attaquée de prononcer une sanction non motivée qui doit entraîner son annulation. Elle demande, susbidiairement sa réformation et la réduction de la sanction, dont l'assiette ne devra prendre en compte que l'activité " détergent ", distincte des autres activités de l'entreprise. Elle soutient qu'en toute hypothèse, les pratiques, à les supposer établies, n'ont pas eu d'effet sur la concurrence.

La société Procter & Gamble sollicite en outre l'annulation de la décision en ce que le conseil a statué sur un grief qui n'avait pas été retenu dans la conclusion du rapport et, alors que le rapport lui-même n'exposait pas clairement et précisément ledit grief.

Le ministre de l'économie formant un recours incident, sollicite la réformation partielle de la décision en ce qu'elle a retenu que :

- le déférencement des marques de lessives par la Scachap n'est prohibé que lorsqu'il est accompagné de pratiques équivalentes à un boycott collectif ;

- les remises confidentielles accordées au Galec et les remises de progression de chiffre d'affaires octroyées à ITM par la société Henkel, bien qu'étant sans contrepartie, ne sont répréhensibles que parce qu'elles créent une opacité artificielle des conditions de vente accordées aux deux centrales ;

- les critères permettant d'apprécier l'état de dépendance économique des producteurs à l'égard d'ITM n'étaient pas réunies ;

- le financement de l'Argus n'est contraire ni aux dispositions de l'article 7 ni à celles de l'article 8-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

- le seul chiffre d'affaires d'ITM sans celui de ses adhérents, pour déterminer l'assiette de la sanction.

Il demande en conséquence à la cour de dire que :

- la Charte des Mousquetaires est l'instrument d'une entente en manière de prix entre les membres du groupement Intermarché ;

- la Charte et l'Argus ne constituent pas seulement l'instrument de cette politique concertée mais induisent également un comportement d'entente tacite de la part des distributeurs concurrents qui s'alignent automatiquement sur le prix de l'Argus ;

- par l'intermédiaire de l'Argus, les producteurs sont en état de dépendance économique vis-à-vis d'ITM l'abus étant constitué par le financement de l'Argus, qui est disproportionné par rapport à la place que les fabricants occupent dans les ventes d'ITM ;

- l'absence de contrepartie des remises confidentielles accordées au Galec et des remises de progression du chiffre d'affaires octroyées à ITM sont constitutives d'une discrimination entre distributeurs et pas seulement une source d'opacité et de rétention tarifaire ;

- les déférencements partiels mis en œuvre par chaque centrale régionale du Galec sont des ententes prohibées en ce qu'elles ont pour objet de restreindre l'accès des producteurs au marché et en ce qu'elles constituent des moyens de pression pour obtenir d'eux des avantages sans contrepartie ;

- l'assiette retenue pour le calcul de la sanction d'ITM doit être le chiffre d'affaire global des adhérents puisque les pratiques anticoncurrentielles ont été notifiées au groupement ;

- cette sanction devra être augmentée pour tenir compte du grief d'abus de dépendance économique.

Il demande enfin d'infliger une sanction aux centrales régionales du groupement Leclerc autres que la Scachap en raison de pratiques de déférencement partiel prohibées par l'article 7 de l'ordonnance précitée.

Le Galec, ainsi que les centrales régionales Scaso, Scadif, Scapalsace, Socamaine et Scarmor soulèvent l'irrecevabilité du recours incident formé par le ministre de l'économie en faisant valoir essentiellement que ce recours contrevient au principe supralégislatif d'égal accès aux recours, également prescrits par l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Ils soulignent que :

- ce recours induirait l'illégalité du décret du 19 octobre 1987, qui en est le fondement, car ce recours comporte une demande nouvelle contre une partie de la décision non déférée en appel jusque là et contre une entreprise non visée jusque là par les recours précédents et non requérante et doit s'analyser comme un recours principal ;

- la cour devrait constater la contrariété des décisions réglementaires par rapport à la loi, le décret créant un recours non prévu par la loi et allongeant le délai, et saisir le juge administratif de la légalité de l'article 6 du décret ;

- le recours incident serait un réalité celui par lequel " l'intimé ", mis en cause par un recours principal, fait face à ce recours par son propre recours ainsi qualifié d'incident, afin de pouvoir exercer, sur un pied d'égalité avec le requérant principal, tous les droits, d'une partie litigeante en cause d'appel ; au cas d'espèce, le recours, étant en réalité principal, est irrecevable car formé hors délai.

Au fond, le Galec et l'ensemble des centrales régionales d'achat concluent au rejet du recours incident du ministre.

Aux termes de ses observations, le conseil expose que :

- la société ITM n'a pas fait connaître dans ses observations en réponse à la notification des griefs une adresse à laquelle devrait lui être notifié le rapport et ne peut invoquer une atteinte aux droits de la défense ;

- le grief concernant la société Procter & Gamble est analysé dans le corps du rapport qui ne fait en outre nullement mention d'un abandon de ce grief dans la partie intitulée "Griefs abandonnés au stade du rapport" ;

- la société ITM a été mise en mesure de faire valoir ses arguments sur les relevés de prix, ceux-ci faisant l'objet de tableaux qui reprenaient les constatations des enquêteurs, ces mêmes relevés figurant en outre dans les annexes du rapport ;

- la participation sans voix délibérante du rapporteur et du rapporteur général au délibéré du conseil ne saurait entacher de nullité la décision dès lors qu'est ouvert un recours de pleine juridiction devant la cour soumise aux protections édictées par la Convention européenne des droits de l'homme ;

- le déférencement d'un fournisseur qui résulte du jeu normal de la négociation commerciale, n'est illicite que dans la mesure où il constitue un boycott concerté et peut être sanctionné lorsque étant le fait d'un distributeur en position dominante ou d'une centrale d'achats regroupant des distributeurs indépendants il a pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence ;

- saisi par le ministre de l'économie sur le fondement de l'article 11 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le conseil a apprécié la charte des mousquetaires en tant qu'elle se rapportait au marché des lessives ;

- l'analyse des dimensions respectives et des comportements des agents économiques ne permet pas d'établir l'existence d'une dépendance économique des producteurs par rapport aux distributeurs ;

- la rémunération confidentielle versée au Galec par des producteurs ne rémunérait pas des services spécifiques et la convention de confidentialité interdisait aux centres Leclerc de prendre en compte cette ristourne pour l'établissement de leurs prix.

A l'audience, le représentant du ministère public a conclu au rejet des recours de sociétés en cause ainsi qu'à la recevabilité et au rejet sur le fond du recours incident du ministre de l'économie, sous réserve de l'appréciation par la cour de la question de fait relative à la participation de huit centrales régionales à une action concertée de déférencement des produits Lever et Procter & Gamble.

LA COUR :

Considérant que les requérants font d'abord valoir un certain nombre de moyens tendant à l'annulation de la décision attaquée et à faire déclarer irrecevable le recours incident formé par le ministre de l'économie ;

I. - En ce qui concerne la procédure devant le conseil :

A. - Sur la nullité tirée par la Scachap de la communication des pièces devant le Conseil ;

Considérant que la Scachap, qui se borne à faire toutes réserves sur la régularité de la communication des pièces du dossier devant le conseil et sur la possibilité d'en exciper toute nullité de procédure, n'a ultérieurement, formé aucune demande motivée tendant à cette fin ; que les réserves exprimées sont, en conséquence, sans objet ;

B. - Sur la régularité de la notification du rapport faite à ITM :

Considérant qu'ITM invoquant le fait que le rapport lui a été adressé dans des locaux commerciaux de l'entreprise et non à son siège social et que le conseil a refusé de lui accorder un délai supplémentaire pour y répondre, fait valoir que le principe de la contradiction et du droit à un procès équitable ont été violés à son égard ;

Mais considérant que la notification des griefs a été faite, dès avant l'envoi du rapport, à l'adresse desdits locaux commerciaux, le 23 février 1994 sans que l'ITM fasse connaître son désir que les correspondances ultérieures soient adressées au siège social ; qu'ITM n'établit pas s'être trouvée dans l'impossibilité d'avoir connaissance en temps utile des documents en cause, adressés, comme l'avait été la notification des griefs, à ce service commercial se trouvant en liaison avec le siège social ;

C. - Sur l'utilisation par le conseil de relevés de prix ITM Henkel ;

Considérant qu'ITM reproche encore au conseil d'avoir développé, en violation du principe de la contradiction, son argumentation à partir de relevés de prix adressés le 2 juillet 1990 par ITM à la société Henkel, argumentation dont ITM n'aurait eu connaissance qu'à la lecture de la décision ;

Mais considérant que les relevés de prix figurant aux annexes du rapport, étaient repris dans les tableaux des pages 29 et 30 de la notification des griefs, le rapporteur faisant ressortir, en conclusion (ibidem) que le prix de 53,75 F relevé " était celui qui figurait sur la liste des prix indicatifs transmis aux magasins par la société ITM " ;

Que c'est donc sans violer le principe de la contradiction que le conseil a fondé sa décision sur un moyen et des éléments de faits qui se trouvaient dans le délai ;

D. - Sur la participation du rapporteur et du rapporteur général au délibéré :

Considérant que la société ITM fait valoir que la participation du rapporteur général et du rapporteur au délibéré du conseil est contraire aux dispositions de l'article 6, paragraphes 1 et 2, de la convention européenne des droits de l'homme et justifie en conséquence l'annulation de la décision ;

Considérant que les prescriptions de l'article 6 de cette convention s'appliquent aux sanctions de caractère répressif prononcées par le conseil de la concurrence en application de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Que, toutefois, ainsi que l'a jugé la cour européenne des droits de l'homme, l'intervention préalable dans la procédure d'organes administratifs corporatifs ou juridictionnels ne respectant pas dans leur intégralité les prescriptions de forme du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention peut être justifiée par des impératifs de souplesse et d'efficacité, dès lors que les décisions subissent le contrôle effectif d'une juridiction d'appel répondant à toutes les exigences de la convention;

Que, par suite, la présence du rapporteur général et du rapporteur, sans voie délibératrice, au délibéré du conseil, qui n'a fondé sa décision que sur des éléments du rapport discuté contradictoirement, ne saurait entacher de nullité la décision prononcée dès lors qu'est ouvert à son encontre un recours de pleine juridiction devant la cour de ce siège soumise à toutes les garanties exigées par la convention précitée;

E. - Sur l'utilisation par le conseil d'un grief abandonné par le rapporteur :

Considérant que la société Procter & Gamble reproche au conseil d'avoir statué sur le grief relatif au versement d'une rémunération occulte au Galec, qui n'avait pas été retenu dans le " dispositif " du rapport devant le conseil et alors que le rapport lui-même n'exposait pas clairement ni précisément ce grief ;

Mais considérant que le rapporteur indique explicitement (page 62) les griefs abandonnés au stade du rapport et que celui relatif au versement d'une rémunération occulte au Galec fait à la société Procter & Gamble n'y figure pas ; que, bien plus, le grief concernant cette pratique est clairement analysé pages 27 à 29 du rapport et y fait l'objet d'un maintien exprès ; qu'en conséquence, le moyen n'est pas fondé.

II. - En ce qui concerne la procédure devant la cour :

A. - Sur la faculté pour le conseil de présenter des observations devant la cour :

Considérant que la société ITM conteste la faculté prévue à l'article 9 du décret du 18 octobre 1987 permettant au conseil de présenter des observations devant la cour comme contraire selon elle à la Constitution et à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ;

Mais considérant que la légalité de la disposition de l'article 9 du décret précité ne peut être sérieusement mise en doute dans la mesure où le conseil n'est pas partie à l'instance et où il produit de simples observations auxquelles les entreprises concernées ont la faculté de répondre; qu'il n'est ni établi ni même soutenu que le principe de la contradiction aurait été violé et que le moyen ne peut dès lors, qu'être écarté ;

B. - Sur la recevabilité des recours incidents :

1. Recours incident formé par le ministre de l'économie ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 un recours incident peut être formé alors même que son auteur serait forclos pour exercer un recours principal et que, dans ce dernier cas, le recours ne sera pas recevable si le recours principal n'est pas lui-même recevable ;

Considérant que le ministre de l'économie a, le 27 mars 1995, dans le mois de la dénonciation des recours principaux d'ITM et de la Scachap, formé un recours incident tendant, notamment, à faire sanctionner des pratiques de déférencement, mises en œuvre par les huit centrales du groupe Leclerc, à savoir les centrales Scarmor, Sacouest, Socamaine, Scanormande, Scaso, Scapsud, Socara et Scapalsace ; que ces sociétés contestent la recevabilité du recours ;

Mais considérant qu'au soutien de son recours l'administration peut se fonder sur des faits qui, compris dans la saisine du Conseil, n'ont pas fait l'objet de sanction ou d'injonction;

Que ces sociétés qui voient leur situation remise en question, ne sauraient soutenir que ce recours formé incidemment sur des recours principaux recevables constituerait en réalité un recours principal tardif privant de la possibilité de former elles-mêmes recours et d'assurer efficacement leur défense ;

Qu'en effet, ne pouvant elles-mêmes former recours du fait de leur mise hors de cause par le Conseil, elles ont disposé de la possibilité de faire valoir leurs droits en intervenant volontairement dans les conditions prévues à l'article 7 du décret du 19 octobre 1987 à la suite de la notification qui leur a été régulièrement faite du recours du ministre de l'économie ;

Considérant que la Galec, sanctionné par le Conseil et qui disposait de ce fait du droit, qu'il n'a pas exercé, de former un recours, ne saurait soutenir, à peine de faire dépendre la recevabilité du recours d'une autre partie de son choix d'exercer ou non son propre recours, que le recours incident formé in extremis par le ministre de l'économie violerait le principe de l'égalité de toutes les parties ;

Que la mise en cause d'office faite par le magistrat chargé d'instruire la procédure n'ayant pu avoir pour effet de restreindre leurs droits, les sociétés se sont trouvées à même de faire valoir contradictoirement leurs arguments ;

Que le recours incident formé par le ministre de l'économie est, en conséquence, recevable ;

2. Recours incidents formés par les sociétés Colgate-Palmolive, Procter et Gamble et Henkel France :

Considérant que les recours incidents de ces sociétés ayant été formées le 27 mars 1995, dans le mois de la dénonciation des recours principaux sont recevables ;

Sur le fond :

I. - En ce qui concerne la définition du marché pertinent :

Considérant que la définition du marché pertinent retenu par le Conseil ne fait pas l'objet de critique sérieuse de la part des sociétés en cause et qu'il suffit de rappeler qu'en 1991 quatre producteurs de lessives se partageaient 91 p. 100 du marché des lessives de 7,9 milliards de francs, à savoir, les sociétés Procter et Gamble (33,9 p. 100), Lever (26,7 p. 100), Henkel (18,5 p. 100) et Colgate-Palmolive (11,9 p. 100) ;

Considérant que les ventes de lessives se répartissaient, en 1990 à raison de 47,5 p. 100 dans les supermarchés, de 44,6 p. 100 dans les hypermarchés, de 2,5 p. 100 dans les supérettes, de 3,2 p. 100 dans le commerce traditionnel et de 2,2 p. 100 dans les magasins populaires ; que les enseignes Leclerc et Intermarché représentaient à la même époque plus de 30 p. 100 de la demande totale de lessive sur le plan national ;

Que le groupe Leclerc, dont le chiffre d'affaires global s'est élevé à 119 milliards de francs en 1993, réunit 440 commerçants indépendantes associés au sein de 16 centrales d'achat régional et réunis à l'échelon national au sein de la centrale nationale du Galec ;

Que le groupement Intermarché, dont le chiffre d'affaires global s'est élevé à 117 milliards de francs en 1993, est un groupement de commerçants indépendants liés par un contrat de franchise à la société anonyme, Franchiseur, ITM Entreprises, société holding du groupement Intermarché dont la politique commerciale est définie par la société ITM France ; que le nombre de magasins supermarchés portant cette enseigne s'élève à environ 1 500 et qu'il en résulte une situation de concurrence entre certains d'entre eux en raison de leur forte densité dans certaines agglomérations urbaines ;

Considérant que les requérants font valoir un certain nombre de moyens de fond tendant à l'annulation ou à la réformation de la décision déférée.

II. - En ce qui concerne les pratiques de déférencement reprochées à la Scachap :

Considérant que la Scachap expose qu'en suspendant ses commandes auprès de la société Lever, elle ne s'est pas rendue responsable d'une entente visant à limiter l'accès au marché à cette société, étant souligné que la société Lever disposait de la liberté de s'adresser directement aux centres Leclerc affiliés à la Scachap et que, à l'inverse, les centres Leclerc disposaient de la liberté de s'approvisionner directement auprès de la société Lever ;

Considérant qu'il ne saurait être contesté aux producteurs et distributeurs en présence la liberté de contracter ou de mettre fin à leurs relations contractuelles dans les conditions prévues par le droit commun des obligations ; que le fait pour des distributeurs indépendants de se regrouper dans une centrale en vue de la négociation d'accords de référencement dont la licéité n'est pas en elle-même contestable, n'est pas prohibé par l'ordonnance du 1er décembre 1986;

Que le référencement ou le déréférencement d'un fournisseur par un distributeur, résultant du jeu normal de la négociation contractuelle et commerciale, le déréférencement ne revêt pas, dès lors, par nature, le caractère d'une pratique anticoncurrentielle;

Considérant que toutefois que le déréférencement d'un fournisseur peut être sanctionné, lorsqu'étant le fait d'un distributeur en position dominante ou d'une centrale d'achat regroupant des distributeurs indépendants, il est établi qu'il avait pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence;

Qu'il appartient au conseil et à la cour de rechercher si la preuve de l'existence de cet objet ou de cet effet est rapportée ;

Considérant d'abord que la Scachap dénie tout caractère probant à l'enquête menée par la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ainsi qu'à la notification des griefs au motif que les documents sur lesquels sont fondés la poursuite et la condamnation sont unilatéraux et n'émanent que de tiers, en l'espèce la société Lever ;

Mais considérant que la preuve des pratiques anticoncurrentielles, ne pouvant habituellement être établie par des documents formalisés, datés et signés émanant de l'entreprise à laquelle ils sont opposés, peut résulter d'indices variés constituant un ensemble de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes, dès lors qu'ils sont recueillis dans le respect du principe de la loyauté de l'administration de la preuve et du principe de la contradiction ;

Considérant en toute hypothèse, que dans ses écritures, la Scachap ne dénie pas, à l'exception du rapport " semaine 41 ", toute valeur probante aux rapports internes de la société Lever des 20 juin, 21 septembre et 16 novembre 1989, dès lors qu'elle discute la portée réelle qui peut leur être donnée ;

Qu'elle est d'autant moins fondée à critiquer la caractère unilatéral des pièces retenues, que sont produites aux débats diverses lettres simples ou recommandées des 14, 20 et 31 octobre 1989 ainsi que des télex des 3 et 6 novembre 1989, adressées par la Scachap à la société Lever et concernant précisément leurs relations commerciales au cours de la période litigieuse ;

Qu'en conséquence, le moyen tiré de l'absence de tout caractère probant de l'enquête de la DGCCRF et de la notification de griefs n'est pas fondé ;

Considérant ensuite que la suspension de tout achat des produits Lever du 7 septembre au mois de novembre 1989 n'est pas contestée dans sa matérialité par la Scachap qui l'explique par le fait qu'aucune économie n'était plus susceptible d'être réalisée grâce au groupage des achats, dès lors que les prix proposés par son fournisseur n'étaient pas inférieurs à ses coûts de fonctionnement, ses adhérents demeurant libres, en revanche, de poursuivre leurs achats directement auprès du fournisseur ;

Mais considérant que les rapports internes de la société Lever, dont la portée est contestée par la Scachap, mais qui sont corroborés par les diverses lettres émanant de cette dernière, n'établissent aucunement que la suspension des achats résulteraient d'une décision prise par la Scachap au vu d'un calcul de marge, mais bien d'une comparaison des prix à elle consentis par la société Lever avec ceux consentis à son concurrent ITM, comparaison créatrice des " différends qui existent entre nous " (lettre de la Scachap du 20 octobre 1989) ;

Qu'en outre la suspension de tous les achats a été le fait non seulement de la Scachap, mais aussi de 32 de ses adhérents et qu'aux termes d'un rapport adressé à la société Lever par l'un de ses inspecteurs, l'ensemble des produits de producteur avaient été retirés de leurs linéaires le 16 septembre ;

Considérant en conséquence, qu'il résulte du comportement similaire et de la simultanéité de l'action de la centrale d'achat et de ses adhérents que ceux-ci ont agi de manière concertée pour confronter la position de la centrale dans ses négociations sur les prix avec la société Lever, mettant ainsi en œuvre une pratique dont l'objet et l'effet anticoncurrentiels;

Considérant que l'explication de la suspension concertée des achats des produits Lever par un boycott, est renforcée par la Scachap elle-même, qui soutient, parallèlement à sa première thèse, que la pratique reprochée constituait une réponse à l'attitude discriminatoire de la société Lever à son égard consistant à accorder à ses concurrents des conditions de prix ou des avantages plus favorables;

Considérant que la requérante fait valoir que la discrimination dont elle se plaint de la part de la société Lever s'intègre dans le contexte de la responsabilité délictuelle de l'article 1382 du code civil, confirmé dans le cas d'espèce par les dispositions réglementaires de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prohibant les conditions de vente ou d'achat discriminatoires ;

Mais considérant que c'est à juste titre que le conseil a énoncé qu'il appartenait à la Scachap ou à ses membres d'utiliser les voies de droit appropriées pour faire cesser le dommage dont ils s'estimaient victimes et non pas de mettre en œuvre une pratique prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

III. - En ce qui concerne les déréférencements partiels reprochés à des centrales régionales du Galec :

Sur le recours incident du ministre de l'économie :

Considérant que le ministre de l'économie, sollicitant la réformation de la décision attaquée, demande qu'à l'instar de la Scachap, les huit autres centrales régionales d'achat du groupe soient sanctionnées pour avoir conduit, avec leurs adhérents, des actions concertées sous la forme de déréférencement ou de retraits de certains produits de la vente afin d'obtenir des conditions plus favorables des sociétés Lever et Procter & Gamble ;

Considérant que l'autorité administrative fait valoir que les pratiques en cause sont des ententes prohibées en ce qu'elles ont pour objet de restreindre l'accès des producteurs au marché et, surtout, en ce qu'elles constituent des moyens de pression pour obtenir des producteurs des avantages sans contrepartie, destinés à financer le coût de l'alignement des centrales régionales sur le prix des lessives de l'Argus ITM ; qu'ainsi elles auraient pour seul objet et pour effet réel ou potentiel de favoriser artificiellement la baisse des prix des lessives ;

Considérant, ainsi qu'il a été précédemment rappelé, que le référencement ou le déréférencement d'un fournisseur par une centrale regroupant des distributeurs indépendants, qui résulte du jeu normal de la négociation contractuelle, ne revêtent pas, par nature un caractère anticoncurrentiel ; qu'ils ne sauraient toutefois s'appuyer sur la mise en œuvre de pratiques entrant dans le champ d'application des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre le jeu de la concurrence ;

Considérant que la preuve de ces pratiques incombe à celui qui s'en prétend victime ou aux autorités administratives dans le cadre des enquêtes qui sont diligentées en application de l'article 47 de l'ordonnance précitée ;

Considérant que l'enquête n'a pu établir que les sociétés Scarmor et Scadif auxquelles il est reproché d'avoir, au 20 mai 1990, arrêté totalement leurs commandes, ont cessé de livrer à leurs adhérents les produits déjà commandés ou qu'elles aient tenté d'empêcher l'accès de certains fournisseurs et notamment la société Lever au marché des lessives ;

Considérant, en ce qui concerne les déréférencements partiels reprochés notamment aux sociétés Scaso, Socamaine, Scaouest et Scanormandie, qu'il ne peut être refusé à un distributeur toute possibilité de ralentissement ou de modulation des commandes et de lui imposer de s'approvisionner, quel que soit l'état du marché et de ses stocks aux cadences antérieures ;

Qu'ainsi que le relève le conseil, dont la Cour adopte les motifs appuyés sur les éléments de l'enquête et non sérieusement contredits par les arguments développés par le ministre de l'économie, les pratiques de ces centrales n'ont concerné qu'une partie des références de la société Lever, au demeurant variables d'une centrale à l'autre et que n'est pas rapportée la preuve de ce que les produits concernés ont été retirés des linéaires des distributeurs membres de ces centrales d'achat ;

IV. - En ce qui concerne les pratiques relatives à la publication de l'Argus de la distribution et à la Charte des Mousquetaires :

A. - Sur le recours principal formé par ITM :

Considérant que l'Argus de la distribution est un document très largement diffusé par ITM, comportant l'indication de prix de vente au public d'un certain nombre de produits dans les magasins du réseau Intermarché ; que pour la société ITM selon laquelle les prix y figurent sont à la fois des prix bas et des prix maximum, ce document revêt un intérêt publicitaire et constitue pour les fournisseurs une garantie de référencement de leurs produits ;

Considérant que la société ITM reproche à la décision attaquée d'avoir retenu à son encontre une entente de prix prohibée résultant de la fixation d'un prix de revente dans l'Argus de la distribution alors, d'une part, qu'aucun élément ne permet d'établir que les prix de l'Argus étaient ceux effectivement pratiqués par les commerçants indépendants, d'autre part, que ces prix étaient effectivement des prix maxima indicatifs et non des prix imposées et enfin que la diffusion de l'Argus traduit une liberté d'expression à valeur constitutionnelle dont la méconnaissance instaurerait une discrimination entre les entreprises du secteur intégré et celle du secteur des commerçants indépendants franchisés ;

Mais considérant que, contrairement à ce que soutient le moyen, la décision énonce que la pratique de prix conseillés ou de prix maximum n'est pas, en soi, prohibée pour des commerçants indépendants regroupés sous une enseigne commune, même s'ils se trouvent en concurrence entre eux si ces prix sont annoncés clairement comme tels et que la liberté d'action des distributeurs est maintenue;

Que le conseil a pertinemment retenu que, dans ce cas de figure, était prohibée la pratique consistant à fixer des prix identiques par voie de concertation, sous le couvert de prix maximum ou conseillés;

Considérant, en l'espèce, que les prix conseillés par l'Argus n° 87 du 9 au 28 avril 1990 pour les barils de 5 kg de lessive Supercroix et Le Chat machine étaient respectivement de 48,30 F et 50,75 F ;

Qu'ITM a adressé à la société Henkel le 2 juillet 1990 un relevé des prix du mois de mai 1990 opéré par le " Panel de la distribution " tant auprès de magasins Intermarché qu'auprès de concurrents, organisme dont le distributeur souligne lui-même le professionnalisme ne pouvant être sérieusement contesté ;

Que ce document fait apparaître une parfaite identité des prix, effectivement relevés dans 11 " bases d'approvisionnement " Intermarché retenues par le Panel de la distribution, après publication de l'Argus n° 87, ainsi qu'une identité aux prix de vente conseillés ;

Que la mention du document indiquant qu'il s'agit de prix " relevés " contredit la thèse d'ITM selon laquelle il s'agirait non de prix publics pratiqués mais ici encore, de prix conseillés à ses " bases ", lesquelles constituent une implantation logistique du groupement permettant d'optimiser le ravitaillement des points de vente ;

Qu'ITM ne saurait contester le caractère probant du relevé opéré par ce panel commandé par elle et portant non sur l'ensemble des magasins Intermarché, mais sur un échantillon restreint, choisi ou accepté par elles, qui est, par hypothèse, représentatif des prix pratiqués ;

Que s'il s'agit ainsi que le soutient la requérante, d'un prix maximum conseillé à l'ensemble de ses " bases ", ITM n'apporte aucune explication au fait que ce prix a été porté, sur un relevé de prix effectivement pratiqués, en regard de chacune de ces bases, alors qu'un simple rappel unique de ce prix, déjà diffusé par l'Argus, eût suffi à établir les comparaisons avec la concurrence ;

Que par courrier en date du 3 mai 1990 la société Henkel indiquait à ITM : " nous avons bien noté votre volonté de maintenir les prix de vente public de ... Super Croix 5 kg à 48,30 F... Le Chat 5 kg à 50,75 F ", correspondant également aux prix indiqués par l'Argus et relevé par le Panel de la distribution ;

Considérant encore que si la cour ne dispose pas d'un exemplaire de l'Argus correspondant au mois de janvier 1991 qui lui permette de connaître les prix préconisés par le groupement, les relevés de prix effectués au cours de cette période par les fonctionnaires du ministère de l'économie font, en toute hypothèse, apparaître également un complet alignement de prix du baril Le Chat machine de 5 kg dans 39 des 42 magasins objets de l'enquête ;

Considérant que les revendeurs disposent en réalité d'une marge de manœuvre réduite à l'extrême par le caractère très bas des prix maximum figurant à l'Argus, dans un contexte de grande tension des prix des lessives sur le marché et par les principes mêmes qui, par la " Charte des Mousquetaires ", gouvernent les relations entre ITM et ses franchisés, leur faisant obligation de ne pas s'éloigner, dans des proportions trop importantes, des prix établis dans cette chaîne de distribution développant une image de pratique de prix bas;

Qu'il résulte de ce qui précède une incitation vigoureuse du distributeur à se conformer à ces prix, qui ne réservent pas, au demeurant, une marge importante;

Qu'en toute hypothèse l'Argus de la distribution ne porte aucune mention indiquant clairement que les prix indiqués sont maximum ou conseillés, certaines éditions de ce document portant même la mention " extrait de notre tarif ", la notion de tarif étant indéniablement liée à celle de prix imposé ;

Qu'ITM ne saurait prétendre que le secteur des commerçants indépendants serait victime, du fait que la décision attaquée, d'une discrimination au profit des entreprises de distribution du " secteur intégré ", dès lors que leurs structures sont, par hypothèse, fondamentalement différentes ;

Qu'en effet, à la différence des entreprises du secteur intégré qui, en toute hypothèse, sont également soumises aux règles du droit de la concurrence, l'adhésion à des centrales d'achats ne modifie en rien le fait que les commerçants indépendants exploitent des points de vente différents, mènent des politiques salariales indépendantes, négocient individuellement leurs propres conditions bancaires et conservent pour de nombreux produits des sources d'approvisionnement autonomes ;

Que les commerçants indépendants supportant, en conséquence, des coûts spécifiques à chacun d'eux, il n'existe pas de justification économique à l'application d'un prix unique;

Considérant que le conseil, par des motifs que la cour adopte, a relevé qu'ITM allait au-delà de ce qui était, selon elle, strictement nécessaire à la réalisation de l'objectif qu'elle poursuivit, a exactement écarté l'application, en l'espèce, des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'ainsi caractérisée, en l'espèce, l'existence d'un effet anticoncurrentiel sensible de ces pratiques résultant de l'instauration d'un prix unique qui justifie la sanction prononcée ;

B. - Sur le recours incident formé par le ministre de l'économie ;

Considérant que le ministre de l'économie considère que la Charte des Mousquetaires et l'Argus de la distribution ne constituent pas seulement l'instrument de la politique concertée des prix entre les adhérents d'Intermarché mais induisent également un comportement d'entente tacite de la part des distributeurs concurrents qui s'alignent automatiquement sur le prix Argus ;

Mais considérant, d'une part, qu'il résulte des nombreux courriers échangés avec les producteurs, que le groupe Leclerc, concurrent d'ITM, se plaignait de conditions discriminatoires de vente au profit de celle-ci et demandait à leurs fournisseurs communs l'obtention de conditions de vente équivalente ;

Que l'absence d'agressivité commerciale relevée par le ministre de l'économie se trouve justifiée par les caractéristiques spécifiques du marché de référence rappelées précédemment et en particulier une faiblesse extrême des marges créant le risque que toute baisse un peu importante des prix entraîne un franchissement du seuil de la vente à perte ;

Qu'il est ainsi établi que les concurrents d'ITM ne recherchaient pas un alignement par la référence à un prix fixé par la voie d'une entente, même tacite ;

Considérant que le ministre de l'économie demande encore à la cour, par réformation de la décision entreprise, de retenir que, par l'intermédiaire de l'Argus de la distribution, les producteurs de lessives se trouvent en état de dépendance économique vis-à-vis du groupement ITM ; que le ministre de l'économie souligne que dans la mesure où ce document revêt un caractère directeur en matière de prix et où l'inscription d'un produit est indispensable pour en assurer la vente, le producteur ne peut trouver de solution alternative ;

Mais considérant que l'absence de solution alternative, à la supposer établie ne constitue que l'un des critères exigés cumulativement pour caractériser la dépendance économique qui implique en outre l'examen de l'importance de la part du chiffre d'affaires réalisé par le fournisseur avec le distributeur, de l'importance du distributeur dans la commercialisation du produit concerné ainsi que des facteurs ayant conduit le fournisseur à concentrer ses ventes auprès du distributeur;

Considérant qu'il résulte des éléments du dossier que les groupes ITM et Leclerc assurent chacun une part voisine de 15 p. 100 de la revente des lessives, mais que face à cette indéniable puissance d'achat, les fournisseurs disposent de leur côté de parts de marché très importantes échelonnées de 11,9 p. 100 pour Palmolive-Colgate à 33,9 p. 100 pour Procter & Gamble ainsi que d'une puissance financière incontestable;

Que les sociétés productrices bénéficient en outre de la circonstance relevée par l'administration à propos des pratiques d'entente, que les revendeurs souhaitent offrir à leur clientèle l'ensemble des marques de lessives;

Que bien que la société Henkel ait décidé de suspendre ses livraisons à Intermarché en 1989 et six mois en 1990, ce qui suffirait à démontrer qu'il n'était pas économiquement dépendant de son distributeur, ses parts de marché se sont maintenues, voire développées pendant la même période, révélant l'existence de solutions alternatives;

Considérant, en conséquence, que l'importance anormale, relevée par le ministre de l'économie, des participations au financement de l'Argus de la distribution, ne saurait constituer l'abus d'une dépendance économique qui n'est pas démontrée.

V. - En ce qui concerne le versement d'une rémunération occulte par les producteurs au Galec :

Considérant qu'en 1990 et 1991, le Galec a passé avec les sociétés Lever, Colgate-Palmolive, Procter Gamble et Henkel des accords aux termes desquels le Galec recevrait une rémunération calculée sur la base d'un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par ses adhérents en rémunération, selon la société Henkel, de l'octroi d'emplacements privilégiés et, selon les trois autres sociétés, d'une prestation de référencement ;

Considérant, en ce qui concerne la société Henkel, que la preuve de l'octroi d'un emplacement privilégié résulte de la mention manuscrite : " emplacements privilégiés pour les produits Henkel, branche détergents ", portée sur la convention signée avec le Galec en 1991 ;

Qu'il ne résulte pas des éléments du dossier la preuve, dont la charge ne saurait incomber à la société Henkel, du caractère fictif de cette clause qui établirait l'absence de contrepartie à la rémunération au Galec ;

Qu'en outre la licéité de la clause litigieuse au regard de l'article 7 de l'ordonnance anticoncurrentielle reprochée à la société Henkel n'est pas établie ; que la décision sera réformée de ce chef ;

Considérant que les sociétés Colgate-Palmolive et Procter & Gamble reprochent, pour leur part, à la décision d'avoir considéré que le Galec n'apportait pas en fait de réelle prestation de référencement correspondant à cette rémunération et que la clause de confidentialité qui assortit ces accords créait une opacité de nature à fausser et à restreindre le jeu de la concurrence;

Que ces sociétés font valoir que les rémunérations versées au Galec l'ont été en contrepartie d'un service réel, le Galec globalisant les négociations des producteurs avec le groupe et que ces accords ne sont pas, par nature, soumis à l'obligation d'une communication ;

Mais considérant que contrairement à ce que soutient le moyen le conseil, se fondant sur les pièces du dossier, caractérise, sans le " présupposer ", en quoi la rémunération accordée au Galec était dépourvue de réelle contrepartie ;

Qu'il relève en particulier que les services objets de cette rémunération sont pour l'essentiel assurés directement par les centrales régionales ou par les distributeurs eux-mêmes et que le Galec n'apportait pas de prestation supplémentaire dans ce domaine ; que ladite rémunération n'a pas été enregistrée au compte client correspondant à une prestation de service, mais au compte fournisseur correspondant à une réduction de prix ;

Que la circonstance selon laquelle cette imputation comptable n'était pas en 1990 et 1991, connue des sociétés requérantes, constitue en toute hypothèse un élément de preuve régulièrement mis dans le débat devant le conseil et qu'il appartient à la cour d'apprécier ;

Que l'existence d'une contrepartie à la rémunération se trouve encore contredite par la fait que Galec a finalement répercuté ces ristournes sur ses membres ;

Considérant que si les chefs d'entreprise des centres Leclerc, et eux seuls, étaient avertis de son existence, la convention de confidentialité interdisait aux centres Leclerc de prendre en compte, pour l'établissement du prix de revente, cette ristourne qui ne devait pas figurer dans l'accord informatisé diffusé dans tous ces centres ;

Qu'ainsi la clause litigieuse a pour conséquence de créer une opacité artificielle sur certaines conditions accordées aux centres Leclerc, empêchant les revendeurs de répercuter dans leur prix de vente ce qui constituait en réalité une ristourne supplémentaire destinée par son caractère occulte à placer les fournisseurs du groupement Leclerc dans une position plus favorable pour résister aux prétentions tarifaires des distributeurs concurrents; que l'effet anticoncurrentiel sensible de cette pratique est ainsi caractérisé ;

Considérant en revanche que si l'opacité tarifaire retenue par le conseil est de nature à fausser ou à restreindre le jeu de la concurrence entre les producteurs, elle ne saurait, à elle seule, établir l'existence d'une discrimination anticoncurrentielle entre les distributeurs en faveur de l'un d'eux, ainsi que le soutient le ministre de l'économie ;

Que, pour établir la discrimination invoquée, il appartient au ministre de l'économie de rechercher si les conditions faites aux autres distributeurs sont différentes de celles convenues avec le Galec ;

Que n'étant ni même soutenu, en l'espèce, qu'il aurait été procédé à cette recherche, le moyen ne peut qu'être écarté.

VI. - En ce qui concerne la ristourne par la société Henkel à ITM pour progression du chiffre d'affaires :

Considérant que la société Henkel reproche à la décision d'avoir tenu pour discriminatoire dans son principe l'accord prévoyant une ristourne supplémentaire de 0,6 p. 100 à la société ITM pour progression du chiffre d'affaires, ainsi que le fait d'avoir versé la rémunération prévue alors que l'objectif n'avait pas été atteint ; que la société requérante soutient que cet avantage était justifié par la volonté de conquérir un marché et qu'il n'a eu, ni a pu avoir, un effet anticoncurrentiel ;

Mais considérant que la ristourne de 0,60 p. 100 a été consentie à ITM à la condition que celui-ci réalise un chiffre d'affaires au moins égal à 260 millions de francs ; que ladite ristourne, s'ajoutant à celle de 0,25 p. 100 déjà prévue aux conditions générales de vente, a été versée alors que le chiffre d'affaires n'a pas été atteint ; que les requérantes ne peuvent dès lors soutenir que la contrepartie expressément prévue à leur convention pour l'obtention de cet avantage supplémentaire avait été fournie ;

Que s'il ne saurait être contesté le droit pour Henkel de fixer à 0,72 p. 100 plutôt qu'à 0,60 p. 100, le taux de la ristourne qui a été celui en définitive pratiqué par rapport au chiffre d'affaires effectivement réalisé, la pratique prohibée résulte en réalité, du fait que le taux réel, supérieur au taux stipulé, ne pouvait être connu de la concurrence ;

Que cet avantage artificiel, non versé aux distributeurs concurrents et qui ne saurait être justifié ni par le fait que le groupement ITM était l'un des deux clients les plus importants, ni par la volonté légitime exprimée par Henkel de reconquérir un marché, s'élève à 1 293 493 F ; que cette pratique, qui permet à la société Henkel de mieux résister aux demandes de concessions tarifaires présentées par les autres distributeurs, est également discriminatoire à l'égard des autres fournisseurs ; qu'elle est de nature à porter une atteinte sensible au libre jeu de la concurrence.

VII. - En ce qui concerne l'indication d'un prix de seuil par la société Henkel :

Considérant que la société Henkel reproche encore au conseil d'avoir refusé de considérer que la circonstance que les prix fixés avec les centrales d'achat, correspondant selon elle au seuil de revente à perte, est de nature à justifier la pratique par laquelle elle s'entendait avec les centrales pour imposer le respect des prix ;

Mais considérant qu'il résulte des documents figurant au dossier que la fixation de ces prix de seuil était négociée avec les grandes centrales et que, dans un cas au moins, il était prévu une montée progressive des prix: que cette fixation apparaît donc véritablement comme la diffusion avec un caractère incitatif marqué, d'un prix minimum de revente, ne tenant pas compte des caractéristiques propres aux vendeurs; qu'ainsi que le relève pertinemment le conseil, il appartenait à la société Henkel de faire usage des voies de droit si elle estimait que certains distributeurs vendaient à perte et non de recourir à des pratiques prohibées.

VIII. - En ce qui concerne les sanctions :

A. - Sur la demande formée par la Scachap :

Considérant que la Scachap, l'une des seize centrales régionales du groupement Leclerc, a procédé au déréférencement des lessives commercialisées par la société Lever dans l'ensemble de ses 32 magasins de septembre à novembre 1989 ; qu'en 1990 l'enseigne Intermarché représentant à elle seule 15,4 p. 100 de la demande totale de lessive sur le plan national, cette pratique a nécessairement eu pour effet de limiter l'accès de ce producteur au marché de la zone concernée, même si certains consommateurs ont pu se détourner vers d'autres enseignes représentées dans cette zone de chalandise ;

Qu'il y a lieu en conséquence d'approuver la fixation par le conseil d'une sanction pécuniaire de 10 millions de francs représentant environ 0,5 p. 100 du chiffre d'affaires réalisé par la Scachap au cours de l'exercice 1993, dernier exercice connu ;

B. - Sur les demandes formées par la société Henkel :

Considérant que les pratiques prohibées retenues à l'encontre de la société Henkel consistent dans la détermination d'un prix de seuil correspondant au prix de revente praticable par ses distributeurs et dans l'avantage consenti au groupement Intermarché en lui accordant en 1990 et 1991 une remise pour progression de chiffre d'affaires discriminatoire et injustifié ;

Que le dommage porté à l'économie par ces pratiques est important dans la mesure où l'offre comme la demande sur ce marché se trouvent extrêmement concentrées, la société Henkel, en concurrence avec trois autres producteurs possédant 18,5 p. 100 des parts de ce marché en 1991 ; que l'effet anticoncurrentiel est d'autant plus prononcé que les marges pratiquées par l'ensemble de la distribution sont extrêmement faibles ;

Que dès lors que les motifs de la décision relatifs à l'analyse du marché et des pratiques reprochées à la société Henkel suffisent à caractériser la gravité des faits et le dommage porté à l'économie et permettent de vérifier la proportionnalité de la sanction, il ne saurait être reproché au conseil de n'avoir pas motivé sa décision au prétexte que ces motifs ne ressortiraient pas tous de la partie finale de sa décision ; que la demande d'annulation formée de ce chef sera rejetée ;

Considérant que la société Henkel soutient à l'appui de sa demande subsidiaire en réformation que le chiffre d'affaires à prendre en considération pour déterminer l'assiette de la sanction ne pouvait être que celui de l'activité " détergent ", distincte des activités " colles et adhésifs ", " produits d'entretien " et " cosmétiques " ;

Mais considérant que l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne prévoit pas que, lorsqu'une entreprise exploite plusieurs champs d'activité, le chiffre d'affaires à retenir est celui du secteur où a été commise l'infraction;

Considérant en outre que les activités commerciales " produits d'entretien ", " colles et adhésifs " et " cosmétiques " de la société Henkel sont voisines ou complémentaires et que le principe de proportionnalité invoqué ne justifie pas de les exclure du chiffre d'affaires à prendre en compte pour la détermination de l'assiette de la sanction ;

Considérant en revanche que la preuve du défaut de contrepartie à l'octroi d'emplacements privilégiés par la Galec n'ayant pas été rapportée, il a lieu de réduire à la somme de 6 millions de francs la sanction prononcée, à l'encontre de la société Henkel, par le conseil, dont la cour adopte les motifs non contraires pour le surplus ;

Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande formée par la société Henkel de remboursement du trop-perçu avec intérêts légaux mais seulement à compter de la notification du présent arrêt valant commandement de payer ; qu'il n'y a pas lieu à prononcer la capitalisation desdits intérêts ;

C.- Sur les demandes formées par la ministre de l'économie :

Considérant que le ministre de l'économie reproche au conseil d'avoir retenu pour fixer l'assiette de la sanction infligée à ITM le chiffre d'affaires de la société ITM France, alors selon lui qu'aurait dû être pris en compte celui du groupement Intermarché ;

Mais considérant que l'entreprise sanctionnable se caractérise comme une entité exerçant une activité économique et dotée d'une autonomie suffisante de décision pour la détermination de son comportement sur le marché; que, si l'existence d'établissements distincts au sein d'un groupement n'exclut pas l'établissement d'ententes entre eux, la preuve de l'entente entre des commerçants à statut d'indépendants ne saurait suffire, en revanche, à établir l'absence de leur autonomie économique: qu'il y a lieu de confirmer l'assiette de la sanction retenue par le conseil ;

Considérant que, la cour ayant confirmé la décision entreprise en ce qu'elle n'avait retenu ni l'abus de dépendance économique reproché à ITM ni le comportement anticoncurrentiel reproché aux centrales régionales du groupe Leclerc, les demandes de prononcé de sanctions ou d'augmentation de sanctions pécuniaires, formées par le ministre de l'économie pour tenir compte de ces pratiques, sont privées de fondement et ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant que les sociétés ITM Colgate-Palmolive, Procter & Gamble ne contestant pas la motivation de la proportionnalité des sanctions retenues à leur encontre par le conseil et compte tenu des motifs qui précèdent relatifs aux pratiques retenues, il y a lieu de confirmer la décision les concernant ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit des sociétés Socara, Scarmor et Scapalsace, qui en font la demande ;

Par ces motifs et ceux non contraires de la décision déférée : Déclare recevable le recours incident formé par le ministre de l'économie ; Rejette les recours formés par les sociétés Scachap, ITM France, Colgate-Palmolive et Procter & Gamble ; Réforme la décision déférée en ce qu'elle concerne le versement par la société Henkel au Galec d'une rémunération pour attribution d'emplacements privilégiés ; Réduit en conséquence à la somme de 6 millions de francs la sanction pécuniaire infligée à la société Henkel ; Rejette pour le surplus le recours formé par la société Henkel ; Rejette le recours incident formé par le ministre de l'économie ; Dit que les sommes qui devraient être restituées par le Trésor public porteront intérêts au taux légal à compter seulement de la notification du présent arrêt valent commandement de payer ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Mets les dépens à la charge des sociétés Scachap, ITM, Colgate-Palmolive, Procter & Gamble France, et Henkel France ; Laisse à la charge du trésor public les dépens afférents aux mises en cause des sociétés Scarmor, Scaouest, Socamaine, Scarnormandie, Scaso, Scadif, Socara, Scapalsace, Galec et Lever.