Livv
Décisions

Cass. com., 8 décembre 1992, n° 90-20.258

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Phibor (SA), Établissements Jules Verger et Delporte (Sté), L' Entreprise industrielle (SA), Satelec (Sté), GTIE (SA), Norelec (Sté), Cegelec (SA), Compagnie de signaux et d'équipements électroniques (SA), Spie Batignolles (SA), Fouga (SA), Spie Trindel (SA)

Défendeur :

Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Curti

Avocats :

Mes Blondel, Vuitton, Boulloche, Ricard, Choucroy, SCP Célice, Blancpain, SCP Piwnica, Molinié, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.

Cass. com. n° 90-20.258

8 décembre 1992

LA COUR : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 19 septembre 1990), que le ministre chargé de l'Economie, à la suite d'une enquête de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes, a saisi, le 23 octobre 1983, la Commission de la concurrence de faits qu'il prétendait pouvoir être qualifiés de concertations entre entreprises à l'occasion de marchés de travaux d'installation ou d'entretien électrique passés par la RATP, l'établissement public du Parc de la Villette, le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou et la Ville de Paris avec quarante-trois sociétés ; que le Conseil de la concurrence, devenu compétent, a retenu, par décision n° 89-D-42 du 12 décembre 1989, que les pratiques constatées tombaient sous le coup des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 sans pouvoir bénéficier des dispositions des articles 51 ou 10 de l'un ou l'autre de ces textes et a infligé aux quarante-trois entreprises concernées parmi lesquelles se trouvaient les sociétés Phibor, Jules Verger et Delporte, l'Entreprise industrielle, Satelec, Saunier-Duval, GTIE, Norelec, Cegelec, CSEE, Spie Batignolles, Fouga et Spie Trindel, des sanctions pécuniaires d'un montant variant entre 25 000 000 francs et 5 000 francs en ordonnant en outre la publication dans sept journaux ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° 90-20.258, le premier moyen des pourvois n° 90-20.271, n° 90-20.273 et du pourvoi incident n° 90-20.282, le premier moyen, pris en sa première branche du pourvoi n° 90-20.286, le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches du pourvoi n° 90-20.306 : - Les moyens étant réunis ; - Attendu que par ces moyens pris de la violation de l'article 6, paragraphe 1 et paragraphe 3 a et 3 b de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 18, 21 et 25 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, il est fait grief à l'arrêt d'avoir tenu pour régulière la production des déclarations écrites du commissaire du Gouvernement, devant le Conseil de la concurrence, sans que les entreprises aient été en mesure de produire une réponse écrite ;

Mais attendu, ainsi que la cour d'appel l'a énoncé à bon droit, que bien qu'il ne soit pas prévu par l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que le commissaire du Gouvernement ait à déposer un mémoire écrit postérieurement à la notification par le Conseil de la concurrence aux intéressés des griefs qui leur sont opposés préalablement à l'ouverture de la séance du Conseil au cours de laquelle il développe oralement ses observations écrites, cette pratique procédurale, sans pour autant ouvrir aux parties un délai de réplique par écrit, renforce les garanties de la défense en leur permettant de préparer leur argumentation afin de répondre utilement, lors des débats oraux, aux observations du commissaire du Gouvernement ; que tel a été le cas, notamment pour la société Cegelec qui a pu, ainsi, démontrer les erreurs commises par le commissaire du Gouvernement en ce qui concerne la date de référence de son chiffre d'affaires et le montant de la sanction qu'il avait proposée ; qu'ainsi la cour d'appel a fait l'exacte application des textes et principes invoqués ; d'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur la deuxième branche du premier moyen du pourvoi n° 90-20.286, les deuxièmes moyens des pourvois n° 90-20.271, n° 90-20.273 et du pourvoi incident n° 90-20.282 : - Les moyens étant réunis ; - Attendu que par ces moyens pris de la violation des dispositions de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegard des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, et de l'article 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré régulière la procédure suivie devant le Conseil de la concurrence alors que la brièveté du délibéré ne permettait pas de statuer de façon équitable sur le coportement de 31 entreprises et de réfuter les conclusions écrites du commissaire du gouvernement ;

Mais attendu que la mention sur le délibéré, telle que reproduite dans l'arrêt, n'implique pas que ce délibéré n'ait pas eu lieu après la clôture des débats et qu'il n'ait pas permis au Conseil de la concurrence de se prononcer, au terme d'un procès équitable, sur les entreprises concernées et après que les conseils des aprties aient été en mesure de répondre aux conclusions du commissaire du gouvernement ; d'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Sur les troisièmes moyens, pris en leurs deux branches des pourvois n° 90-20.271, n° 90-20.173 et du pourvoi incident n° 90-20.282 : - Les moyens étant réunis ; - Attendu que par ces moyens pris de la violation des articles 18 et 25 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et manque de base légale, il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré régulière la procédure devant le Conseil de la concurrence sans préciser la présence et le rôle du rapporteur et du rapporteur général, au cours du délibéré dont la présence était imposée par les textes précités ;

Mais attendu que l'article 25 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 énonce que le rapporteur et le rapporteur général assistent au délibéré sans voix délibérative ; que la cour d'appel n'a pas méconnu les textes invoqués en retenant qu'il n'était pas exigé que leur présence et leur rôle soient mentionnés dans la décision du Conseil ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deux premières branches du moyen n° 90-20.306, la première branche du premier moyen des pourvois n° 90-20.350, n° 90-20.351, n° 90-20.352 et n° 90-20.058 : - Les moyens étant réunis ; - Attendu que par ces moyens, pris de la violation des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, manque de base légale et de non-réponse à conclusions en violation des articles 455 et 604 du nouveau Code de procédure civile, il est fait grief à l'arrêt de ne pas avoir délimité le marché de référence des pratiques prohibées et de s'en être tenu à un secteur général d'activité ;

Mais attendu que l'arrêt, après avoir analysé les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a délimité " le marché concerné " qu'il fallait prendre en considération pour apprécier les conditions dans lesquelles s'était exercée la concurrence en relevant que les marchés considérés, bien que distincts géographiquement et matériellement, ont pour trait commun essentiel d'être des commandes publiques intervenant dans le secteur général de l'équipement électrique ; que dans chacun des cas considérés, le croisement de l'appel d'offres et des réponses des candidats a réalisé la rencontre entre une demande et une offre de prestations ou de fournitures substituables ; qu'ayant constaté que ces secteurs d'activité avaient pour trait commun de concerner le domaine de l'équipement général électrique et formaient un marché global au sens de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les quatrièmes moyens, pris en leurs deux branches des pourvois n° 90-20.271 et n° 90-20.273 et sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches du pourvoi incident n° 90-20.282 : - Les moyens étant réunis ; - Attendu que par ces moyens pris d'un défaut de base légale au regard de l'article 50 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 et d'un défaut de réponse aux conclusions il est fait grief à l'arrêt d'avoir retenu l'existence de pratiques anticoncurrentielles de la part des sociétés Jules Verger et Delporte, l'Entreprise Industrielle et Saunier Duval, en ce qui concerne le marché n° I relatif aux travaux d'entretien d'équipements électriques sur le réseau RATP alors que la preuve n'en était pas rapportée ou n'était rapportée que par des documents n'émanant pas de ces sociétés, la société l'Entreprise Industrielle étant au surplus absente du deuxième appel d'offres ;

Mais attendu que le cour d'appel, après avoir relevé que l'existence d'une entente n'était habituellement pas établie par des documents formalisés, datés et signés, émanant des entreprises auxquelles ils étaient opposés, en a déduit, à bon droit, que la preuve ne pouvait résulter que d'indices variés dans la mesure où, après recoupement, ils constituent un ensemble de présomptions suffisament graves, précises et concordantes ; qu'en analysant concrètement les documents saisis relatifs au marché n° I, c'est par une appréciation souveraine de leur portée qu'elle a retenu que des entretiens avaient eu lieu entre les vingt-cinq entreprises intéressées par ce marché en vue de fausser le jeu de la libre concurrence, parmi lesquelles se trouvait l'Entreprise Industrielle, même si celle-ci, avait été absente du deuxième appel d'offres ; que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que ces moyens ne sont pas fondés ;

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches du pourvoi n° 90-20.258 : - Attendu que par ce moyen, pris d'une violation de la loi et d'un manque de base légale au regard de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et des articles 7 et 18 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, il est fait grief à l'arrêt d'avoir méconnu le droit de la preuve en condamnant la société Phibor après s'être fondé sur un document émanant d'une société concurrente, confortée par des déclarations d'un représentant de cette entreprise, sans qu'il y ait eu de confrontation entre les dirigeants de ces deux entreprises ;

Mais attendu, ainsi que l'arrêt l'a énoncé à bon droit, qu'aucune des règles qui régissent les enquêtes ne font obligation aux agents qui y procèdent ou au rapporteur du Conseil de confronter immédiatement les responsables d'entreprises impliquées avec les auteurs de déclarations qui les mettent en cause ou de les interroger sur les pièces appréhendées chez des tiers ; qu'il ne peut en être tiré ni violation du principe du contradictoire ni atteinte aux droits de la défense, dès lors que, les observations des entreprises concernées ont été recueillies en temps utile, après communication de l'ensemble du dossier, lors de la notification des griefs, conformément aux dispositions des articles 18 et 22 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; que constatant que les responsables de la société Elmo qui avaient reconnu l'existence d'une entente concernant le marché n° XIII, et en se fondant en outre sur la liste intitulée Beaubourg (pièce 116) datée du 30 mai 1984 et saisie dans les locaux de l'entreprise Elmo où le nom de la société Phibor figurait avec d'autres " précédées de la mention OK ", la cour d'appel, appréciant souverainement la portée de ces preuves, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal n° 90-20.282 : - Attendu que par ce moyen pris d'une violation de la loi, dénaturation d'un procès-verbal d'audition du responsable de l'EPPV, et non réponse à conclusions, au regard des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, de l'article 1134 du Code civil et de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Satelec en méconnaissant le droit de la preuve et en ne retenant pas qu'elle avait constitué un groupement d'entreprises pour traiter de gré à gré ;

Mais attendu que l'arrêt, pour établir la participation des la société Satelec à une entente sur le marché des installations électriques de la Villette, a relevé que la constitution d'un groupement après la soumission n'apporte auxune justification au xcomportement de ces deux entreprises ; qu'il s'est au contrait fondé sur les éléments de l'enquête établissant que les sociétés CGEE Alsthom et Satelec s'étaient concertées préalablement au dépôt de l'offre de chacune d'elles avant le 25 octobre 1983 en constatant que CGEE Alsthom avait admis que les études techniques pour élaborer le prix de soumission avaient été menées en commun, tandis que Satelec prétendait que chacun avait procédé à une étude de prix séparée ; qu'il ressortait de la déclaration de M. Isaac, ingénieur à Satelec, que quellques qu'aient été les conditions de déroulement de cette étude, les responsables des études dans les deux entreprises s'étaient réunis pour confronter leurs résultats et que cet échange d'information avait eu lieu en septembre-octobre 1983 avant la remise des prix ; que la cour d'appel qui a stigmatisé de tels échanges d'information qui "trompent les maîtres d'ouvrages sur la réalité de la concurrence" et qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, hors toute dénaturation du procès-verbal d'audition du responsable de l'EPPV, a légament justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 90-20.286 et le premier moyen pris en ses deux branches du pourvoi n° 90-20.287 : - Attendu que par ces moyens pris d'une violation des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 il est fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la société GTIE et la société Norelec s'étaient rendues coupables d'une concertation illicite pour le marché n° IV de la RATP alors que celle-ci avait choisi de négocier avec les sociétés intéressées au moyen de la procédure de gré à gré et que la société Norelec ne faisait pas partie des entreprises moins disantes avec lesquelles la RATP a négocié ;

Mais attendu, en premier lieu, ainsi que l'arrêt l'a constaté, que si la RATP avait dû renoncer à la procédure d'appel d'offres, c'est à la suite des concertations prohibées qui s'étaient déroulées au siège de la société GTIE, qui avait pour but d'arrêter le montant des offres de chaque société soumissionnaire ; que, dès lors, c'est è bon droit que la cour d'appel a retenu qu'elle ne pouvait mettre en cause le comportement de la RATP contrainte à la négociation après l'échec des appels d'offres, dès lors que ceux-ci ne s'étaient pas déroulés dans les conditions normales de concurrence précisément à cause de l'entente entre les entreprises ;

Attendu, en second lieu, que l'analyse des pièces n° 38, 52 et 129, saisies dans les locaux de la société MJB faite par le Conseil de la concurrence, a établi que la société Norelec s'était concertée avec d'autres pour désigner à l'avance les moins disants ; qu'en confirmant cette décision d'où il ressortait que la société Norelec avait participé à une entente, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches et le troisième moyen du pourvoi n° 90-20.306 : - Les moyens étant réunis ; - Attendu que par ces moyens pris de la violation de la loi et de manque de base légale au regard des dispositions des articles 50, 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, il est fait grief à l'arrêt d'avoir méconnu le droit de la preuve en condamnant la société Cegelec pour son comportement dans les marchés I, X et XII ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement énoncé qu'en l'absence de documents formalisés, datés et signés, la preuve de l'entente pouvait résulter d'indices variés, dans la mesure où, après recoupements, ils constituaient un ensemble de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes ; qu'elle a alors constaté, se référant à la décision du Conseil de la concurrence litigieuse que la société CGEE Alsthom, qui faisait partie des vingt-cinq entreprises appelées à soumissionner lors de l'appel d'offres du 10 octobre 1983 concernant la RATP, avait participé aux concertations prohibées, son nom figurant dans les documents saisis (pièce 19), et que, par suite de ces concertations, la RATP avait été contrainte de lancer un second appel d'offres le 7 février 1984 ; qu'il résulte de ces constatations que si la société CGEE Alsthom n'a pas soumissionné à ce second marché, son absence e été cependant la conséquence de l'action concertée à laquelle elle avait participé pour le premier marché ; qu'en ce qui concerne le marché n° X, l'arrêt s'est fondé sur le tableau saisi chez Elmo (pièce 108) où il était fait mention des consultations que cette entreprise avait eues avec sept autres sociétés retenues avec elle pour cet appel d'offre restreint ; qu'enfin, en ce qui concerne le marché n° XIII (Centre Pompidou), la cour d'appel a relevé que la société CGEE Alsthom bien qu'elle n'ait pas remis d'offre de principe, avait été mise en cause par Elmo et que son abstention ne s'expliquait "que comme une contribution è la manœuvre destinée à faire attribuer le marché à Elmo" ; que par les motifs critiqués, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes susvisés ; d'où il ressort que le deuxième moyen, pris en ses trois branches, et le troisième moyen, ne sont pas fondés ;

Sur les cinquièmes moyens, pris en leurs deux branches des pourvois n° 90-20.271 et n° 90-20.273 : - Les moyens étant réunis ; - Attendu que par ces moyens pris de la violation des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, manque de base légale, et non réponse à conclusions, Il est fait grief à l'arrêt d'avoir retenu l'existence de pratiques anticoncurrentielles de la part des sociétés Jules Verger et Delporte et l'Entreprise Industrielle, en ce qui concerne le marché n° IV relatif au prolongement de la ligne 5 du métro jusqu'à Bobigny préfecture, sans caractériser la volonté personnelle des dirigeants de ces entreprises de participer à une entente et alors que seul un indice, résultant d'une mention manuscrite retrouvée chez un tiers, lui était opposé ;

Mais attendu que la cour d'appel, après avoir énoncé à bon droit que la preuve d'une entente peut résulter d'indices variés dans la mesure où, après recoupements, ils constituent un ensemble de présomptions suffisamment graves, précises et concordantes, n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'appréciation sans s'arrêter à l'argumentation développée par les sociétés Jules Verger et Delporte et l'Entreprise Industrielle, en décidant que la liste saisie chez MJB, liste confidentielle et mentionnant l'attribution des lots (pièce 52), apportait la preuve de la participation de ces deux sociétés à l'entente prohibée ; que la cour d'appel, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

Sur les sixièmes moyens, pris en leurs deux branches, des pourvois n° 90-20.271 et n° 90-20.273 et le cinquième moyen pris en ses deux branches du pourvoi incident et provoqué n° 90-20.282 : - Les moyens étant réunis ; - Attendu que par ces moyens pris de la violation des dispositions de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, de manque de base légale et de défaut de réponse à conclusions, il est fait grief à l'arrêt d'avoir retenu à l'encontre des sociétés Jules Verger et Delporte, l'Entreprise Industrielle et Saunier-Duval, l'existence de pratiques anticoncurrentielles en ce qui concerne le marché n° V, relatif au prolongement de la ligne 7 au sud, à Villejuif, le Kremlin-Bicêtre et Villejuif III ;

Mais attendu que la cour d'appel analysant de façon concrète les éléments de preuve qui lui étaient soumis pour vérifier la présence des sociétés litigieuses dans la concertation prohibée, et, les appréciant souverainement, a notamment relevé que la pièce 52 déjà visée pour les marchés précédents comprenait, d'une part, la liste des entreprises consultées avec la liste exacte des lote et de leurs attributaires, et, d'autre part, à la date du 6 juillet 1983, la liste des soumissionnaires ainsi que la mention "OK" devant les noms de CSEE, Verger Delporte, Electro-Eclair et Trindel ; que le nom des attributaires des quatre lots avec la mention de Spie Trindel pour le lot n° 1 était également inscrit sur le document n° 129 saisi chez Spie-Trindel ; que la cour d'appel, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le sixième moyen du pourvoi incident n° 90-20.282 : - Attendu que par ce moyen pris d'une dénaturation des écritures de la société Entreprise Saunier-Duval et d ' un manque de base légale eu regard de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 il est fait grief à l'arrêt d'avoir retenu la participation de la société Entreprise Saunier-Duval A une entente concernant le marché n° VII relatif au poste de manœuvre de la porte de Saint-Cloud ;

Mais attendu que l'arrêt, appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, e relevé que le responsable de l'Entreprise Industrielle avait reconnu s'être concerté avec d'autres soumissionnaires afin d'obtenir l'attribution du marché et que les représentants d'Arnica et de Saunier-Duval avaient admis avoir remis un prix de complaisance ; qu'en l'état de ces constatations, et hors toute dénaturation, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le septième moyen du pourvoi incident n° 90-20.282 : - Attendu que par ce moyen pris d'un manque de base légale au regard de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, il est fait grief à l'arrêt d'avoir retenu la participation à une entente prohibée de la société Entreprise Saunier-Duval sans apporter la preuve de la participation volontaire des dirigeants de la société à cette concertation ;

Mais attendu qu'analysant la note manuscrite composée de deux feuillets saisie chez Elmo, c'est par une appréciation souveraine de leur portée que la cour d'appel a retenu la participation de la société Entreprise Saunier-Duval à la concertation prohibée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le septième moyen du pourvoi n° 90-20.271, pris en ses deux branches : - Attendu que par ce moyen pris d'une violation de l'article 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, d'un manque de base légale et d'un défaut de réponse à conclusions, il est fait grief à l'arrêt d'avoir retenu la participation de la société Etablissements Jules Verger et Delporte à une entente prohibée concernant le marché XIII relatif au Centre Pompidou ;

Mais attendu qu'analysant les déclarations des dirigeants de la société Elmo et la pièce 116 intitulée "Beaubourg", c'est par une appréciation souveraine de leur portée que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le septième moyen du pourvoi n° 90-20.273 : - Attendu que, selon ce moyen, pris d'un défaut de réponse à conclusions, il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société l'Entreprise Industrielle pour sa participation à l'entente concernant le marché n° VII, relatif à la modernisation du poste de manœuvre local de la Porte de Saint-Cloud, celle-ci ne pouvant donner lieu à condamnation compte-tenu de la très faible importance de ce marché ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a pris en considération pour fonder le principe d'une condamnation à l'égard des entreprises concernées, parmi lesquelles se trouvait la société l'Entreprise Industrielle, le "caractère systématique de la concertation mise à jour à propos de chaque marché et du rôle d'organisation joué par diverses entreprises", a, répondant aux conclusions prétendument délaissées, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le huitième moyen, pris en sa deuxième branche des pourvois n° 90-20.271 et n° 90-20.273, le huitième moyen, pris en sa troisième branche du pourvoi n° 90-20.273, sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche du pourvoi n° 90-20.282 et huitième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches du pourvoi incident, sur le second moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches des pourvois n° 90-20.286 et n° 90-20.287, sur le quatrième moyen, pris en sa quatrième branche du pourvoi n° 90-20.306, sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche du pourvoi n° 90-20.314, et sur le second moyen, pris en sa première branche des pourvois n° 90-20.350, n° 90-20.351 et n° 90-20.352 : - Les moyens étant réunis ; - Attendu que par ces moyens, pris de la violation de l'article 53 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, d'un défaut de base légale au regard de ce texte, d'un défaut de réponse à conclusions et de contradiction de motifs, les sociétés Jules Verger et Delporte, l'Entreprise industrielle, Satelec, Saunier-Duval, Norelec, GTIE, Cegelec, CSEE, Spie-Batignolles, Fouga et Spie-Trindel font grief à l'arrêt d'avoir méconnu la notion de secteur d'activité en appliquant faussement le critère légal de fixation du maximum de la sanction pécuniaire posé par l'article 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;

Mais attendu que l'article 53, alinéa 2, de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 précise que le chiffre d'affaires à retenir pour la détermination des sanctions pécuniaires est celui du ou des secteurs où a été commise l'infraction ; que la cour d'appel a énoncé que le secteur d'activité devait s'entendre des travaux mettant en œuvre des techniques et des matériels identiques voisins ou complémentaires par des personnels de même qualification ; qu'elle en a déduit que le secteur d'activité des entreprises poursuivies pour pratiques anticoncurrentielles ne pouvait pas être réduit aux prestations spécifiquement fournies par l'entreprise à l'occasion d'un marché concerné ; que répondant ainsi aux conclusions prétendument invoquées, et, sans se contredire, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Mais sur le quatrième moyen, pris en ses trois dernières branches du pourvoi n° 90-20.306 : - Vu l'article 53 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ; - Attendu que pour déterminer le chiffre d'affaires applicable à la société Cegelec, la cour d'appel a énoncé "que le chiffre d'affaires à retenir comme assiette de chaque sanction doit être celui réalisé sur le territoire national par l'entreprise mais ne saurait être celui réalisé seulement dans la région parisienne" et que "d'une part, les marchés concernés présentent un intérêt national, d'autre part, l'aire d'activité d'une société implantée en province devient nationale dès lors qu'elle soumissionne habituellement dans la région parisienne" ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par un motif général, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les agences locales de la société Cegelec en Ile-de-France à Montesson et à Vitry, disposaient d'une autonomie économique permettant de les assimiler à une entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches du pourvoi n° 90-20.258, sur le huitième moyen, pris en sa première branche des pourvois n° 90-20.271 et n° 90-20.273, sur le second moyen, pris en ses trois premières branches du pourvoi principal n° 90-20.282 et le huitième moyen, pris en ses deux premières branches du pourvoi incident n° 90-20.282, sur le second moyen, pris en ses trois premières et cinquième branches des pourvois n° 90-20.286 et n° 90-20.287, sur le premier moyen, pris en sa dernière branche et le quatrième moyen, pris en ses trois premières branches du pourvoi n° 90-20.306, sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches du pourvoi n° 90-20.314, sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche et le second moyen, pris en ses deux dernières branches des pourvois n° 90-20.350, n° 90-20.351 et n° 90-20.352 : - Vu l'article 53 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, ensemble l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu que pour prononcer des sanctions pécuniaires à l'encontre des sociétés Etablissements Phibor, Jules Verger et Delporte, l'Entreprise industrielle, Satelec, Saunier-Duval, GTIE, Norelec, Cegelec, CSEE, Spie-Batignolles, Fouga et Spie-Trindel, après avoir analysé d'une façon générale les critères retenus par l'article 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 pour déterminer les modalités d'application des sanctions pouvant être encourues par les entreprises contrevenantes, l'arrêt retient que les éléments se trouvant dans le dossier permettent de confirmer ou de reconsidérer le cas échéant, par voie de réformation, le montant des sanctions pécuniaires infligées en fonction des critères généraux précédemment analysés ;

Attendu qu'en se déterminant sans préciser les éléments comptables propres à chaque entreprise permettant de déterminer le montant maximum de la sanction encourue, et, sans apprécier de façon concrète, s'il existait une proportionnalité entre la peine prononcée, la gravité des faits relevés et le dommage porté à l'économie du marché de référence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs : Casse et annule, en toutes ses dispositions concernant les sociétés Etablissements Phibor, Jules Verger et Delporte, l'Entreprise Industrielle, Satelec, Saunier-Duval, GTIE, Norelec, Cegelec, CSEE, Spie-Batignolles, Fouga et Spie-Trindel, l'arrêt rendu le 19 septembre 1990, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.