CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 7 juin 1990, n° ECOC9010085X
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Nike France (SA), Adidas Sarragan France (SARL), Reebok France (SA), Puma (SA), Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schoux
Avocat général :
M. Jobard
Conseillers :
MM. Collomb-Clerc, Canivet, Mlle Aubert, Mme Favre
Avoués :
Me Valdelièvre, SCP Jean-Claude Jobin
Avocats :
Mes Didier, Lebray, Sarrailhe, Anstett-Gardea.
LA COUR statue sur les recours formés contre la décision du Conseil de la concurrence du 5 décembre 1989 à titre principal par la société anonyme Nike France, ci-après Nike, par la société à responsabilité limitée Adidas Sarragan France, ci-après Adidas, et par la société anonyme Reebok France, ci-après Reebok, à titre incident par le ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des Finances et du Budget et par la société anonyme Puma, subsidiairement, au cas où elle serait mise en cause.
Elle est saisie dans les circonstances de fait et selon la procédure qui vont être exposées.
Par lettre enregistrée le 14 novembre 1986 le ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des Finances et de la Privatisation, a saisi la Commission de la concurrence de la situation de la concurrence sur le marché de la chaussure de sport à la suite d'une enquête, notamment auprès de la société Adidas, qui lui avait permis de constater l'existence de pratiques qui lui paraissaient revêtir un caractère anticoncurrentiel.
Par décision du 16 mars 1988, le Conseil de la concurrence qui avait pris la suite de cette Commission s'est saisi d'office des pratiques anticoncurrentielles éventuellement mises en œuvre sur le marché de la chaussure de sport par les sociétés commercialisant les marques Adidas, Le Coq Sportif, Nike, Patrick, Puma, Reebok, TBS, Ligne 7 (Noël).
Par deux décisions du 8 décembre 1987 et du 22 mars 1988, il a désigné un même rapporteur pour ces deux affaires.
Celui-ci, au vu de l'enquête initiale et de celle diligentée à la suite de la saisine d'office du Conseil de la concurrence, a notifié les griefs le 24 mars 1989 aux sociétés Adidas, Le Coq sportif, Nike, Patrick, Puma et Reebok et au commissaire du Gouvernement.
Après expiration du délai prévu à l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, il a fait un rapport qui a été notifié aux parties qui ont été convoquées devant le Conseil de la concurrence pour répondre des faits qui leur étaient imputés.
Par la décision déférée à la cour, ce dernier a considéré, d'une part, que par son refus de prolonger le délai de deux mois pour présenter leurs mémoires en réponse, le président s'était borné à faire application de l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et, d'autre part, que, lors de l'examen des pratiques restrictives verticales il était de jurisprudence constante de ne retenir de griefs que contre les entreprises qui ont pris l'initiative de ces actes et il a rejeté les exceptions de nullité fondées sur ces prétendues irrégularités.
Il a également estimé qu'il n'était pas compétent pour statuer sur les demandes de la société Adidas tendant à la condamnation des revendeurs se livrant à des manœuvres déloyales à son encontre.
Il a retenu que la société Adidas avait contrevenu aux dispositions des articles 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en soumettant l'agrément de ses revendeurs à l'acceptation tacite d'une marge minimale sur ses produits.
Il a considéré que, pour les mêmes motifs, les sociétés Nike et Reebok contreviennent à l'article précité de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
A l'égard de la société Nike il a estimé que la sélection de ses distributeurs n'était pas suffisamment fondée sur des critères objectifs de nature qualitative et en ce qui concerne les sociétés Le Coq sportif, Reebok, Patrick et Puma il a jugé que l'exclusion des magasins de grande distribution ne pouvait répondre à ces exigences.
Il a, en outre, constaté que la société Adidas, en s'opposant à l'exportation de ses produits vers d'autres pays de la Communauté européenne, avait contrevenu à l'article 85 du traité de Rome.
Il a estimé que les contrats de franchise des sociétés Adidas et Sarragan, en interdisant aux franchisés d'exercer des activités même indirectement hors de leurs territoires, avaient pour objet d'interdire toute possibilité de concurrence entre ceux-ci.
Il a régulièrement retenu contre la société Adidas et la société Sarragan (Le Coq sportif) l'interdiction faite aux franchisés ou aux distributeurs de vendre à d'autres que les magasins de sport et de chaussures et le droit pour ces derniers de n'être approvisionnés que des articles figurant à un catalogue incomplet.
Il a fait des injonctions à ces sociétés de respecter les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 en cessant de subordonner l'accès de leurs réseaux de distribution à des conditions prohibées ou à des critères non objectifs, à la société Adidas de modifier ses contrats de franchise et a prononcé des sanctions pécuniaires de 3 millions de francs contre la société Adidas, de 800 000 F contre la société Nike, de 600 000 F contre la société Reebok, de 100 000 F contre la société Patrick, de 50 000 F contre la société Puma et de 100 000 F contre la société Sarragan, ordonnant la publication d'une partie de sa décision dans l'hebdomadaire Libre Service Actualités aux frais des sociétés.
La société Nike, la société Adidas et la société Reebok soulèvent la nullité de la décision attaquée en faisant valoir que seuls ont été poursuivis les fabricants à l'exclusion des distributeurs qui étaient nécessairement les partenaires aux ententes retenues et, pour certains, les initiateurs de ces pratiques.
Les deux premières sociétés prétendent qu'il y a eu atteinte aux droits de la défense et la troisième non-observation des dispositions de l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
La société Nike conteste toute exigence de prix de la part de ses revendeurs et prétend que la preuve n'en est pas apportée.
Si elle reconnaît une distribution sélective, elle estime qu'elle est justifiée par la nature de ses produits et que les critères exigés sont suffisamment précis pour n'être pas discriminatoires et se défend de tenir compte de l'appartenance ou non de ses clients à la grande distribution.
La société Reebok conteste toute sélection soit par les prix qu'elle prétend n'avoir jamais imposés, soit par l'appartenance à la "grande distribution ".
La société Adidas fait valoir qu'elle est présente sur l'ensemble du marché, y compris les " grandes surfaces", soutient que les pratiques qui lui sont imputées n'ont eu ni pour objet ni pour effet de limiter la concurrence et que, dans les cas où elle est intervenue, elle a voulu seulement éviter que les distributeurs vendent en dessous du seuil minimal de " viabilité " soit qu'ils s'abstiennent de fournir à leurs clients les conseils éclairés que nécessite la vente de ses produits.
En ce qui concerne l'exclusivité territoriale incluse dans ses contrats de franchise, elle allègue qu'il ne pouvait y avoir d'effet anticoncurrentiel dès lors qu'elle pouvait elle-même fournir les points de vente.
Si elle reconnaît que le détaillant chausseur ne se voit proposer que 80 des 135 modèles de sa gamme, elle soutient, d'une part, que ces commerçants n'ont pas la clientèle pour les articles qui ne figurent pas au catalogue et qui sont très spécialisés et, d'autre part, qu'ils ont toujours la possibilité de s'adresser directement à elle.
Le ministre d'Etat, chargé de l'Economie, des Finances et du Budget, conclut au rejet des demandes en annulation de la décision, estimant que l'éventuelle infraction commise par les entreprises non poursuivies est sans influence sur le caractère anticoncurrentiel des pratiques qui sont reprochées à celles qui ont fait l'objet de la notification de griefs.
Il fait observer que le marché en cause est caractérisé par le faible nombre des offreurs et la similarité des pratiques mises en œuvre par eux.
Il s'oppose à l'argumentation des trois sociétés qui ont formé recours et trouve dans les auditions faites au cours de l'enquête et dans les constatations et saisies la preuve des faits qui leur sont imputés en ce qui concerne les coefficients multiplicateurs.
Il insiste sur l'absence de précision des critères de sélection des distributeurs, sur l'exclusion de la grande distribution.
La suite de l'arrêt rend inutile la présentation des moyens et arguments qu'il fait valoir au soutien de son recours incident.
Ce n'est qu'au cas où cette mise hors de cause ne serait pas prononcée qu'elle sollicite l'annulation de la décision entreprise et soulève subsidiairement l'incompétence du Conseil de la concurrence et le mal fondé des poursuites.
Pour un plus ample exposé des prétentions, des moyens et des arguments des parties la cour se réfère à leurs écritures.
Sur la nullité de la décision du Conseil de la concurrence :
Considérant que le rapporteur, estimant qu'il y avait un marché spécifique de la chaussure haute et moyenne gamme et que la société Adidas y disposait d'une position de leader toutefois remise en question par la société Nike, a retenu que des pratiques contraires aux dispositions des articles 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 avaient été commises justifiant des griefs :
1° Contre les sociétés Adidas, Nike, Reebok, Le Coq sportif, Patrick et Puma par sélectivité consistant à exclure ou à limiter l'accès de certains distributeurs ;
2° Contre les sociétés Adidas, Nike, Reebok et Patrick par exigence de leurs réseaux de distribution de détail de l'application d'un coefficient minimum de revente sur le prix tarif, coefficient généralement fixé entre 1,70 et 1,85 ;
3° Contre la société Adidas par incitation à ne pas procéder à des exportations contrevenant aux dispositions du traité instituant la Communauté économique européenne ;
Qu'il n'est pas contesté que ces griefs ont été notifiés aux sociétés visées en mars 1989 ;
Que, par la suite, le rapporteur a établi son rapport qui a retenu contre :
1° La société Adidas une politique basée sur une sélectivité des points de vente fondée essentiellement sur un critère de marges à l'exclusion de tout critère objectif de nature qualitative, contrairement aux dispositions des articles 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, des pratiques déloyales avec certains de ses revendeurs et consistant à appliquer un coefficient minimum de revente en excluant ceux qui n'adhéraient pas à cette politique, des pratiques ayant pour objet ou pour effet de limiter les exportations contraires à l'article 85 du traité de Rome ;
2° La société Sarragan, qui commercialisait des chaussures de la marque Le Coq sportif en France, l'existence dans le contrat de grossistes d'une clause interdisant la revente aux grandes surfaces qui avait pour objet et pouvait avoir pour effet d'évincer celles-ci du réseau de revendeurs sans que cette exclusion soit justifiée par des critères objectifs de nature qualitative contrairement à l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
3° La société Nike une politique de prix basée sur l'application d'un coefficient minimum de 1,80 imposée à l'entrée ou au maintien des revendeurs dans le réseau de distribution sélective, l'existence de clauses figurant dans les conditions générales de vente qui ne pouvaient, en raison de leur imprécision, constituer des critères objectifs de nature qualitative, ces pratiques commerciales acceptées par les revendeurs étant prohibées par les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
4° La société Reebok une politique de sélectivité basée sur l'application par ses revendeurs, dont les plus importants, d'un coefficient minimum de 1,85 sans que ce principe soit parachevé par la mise en application d'un contrat de distribution sélective conforme aux dispositions des articles 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 85 du traité de Rome ;
5° Les sociétés Patrick et Puma les griefs notifiés le 23 mars 1989 à ces sociétés ;
Qu'à la suite de ce rapport les sociétés Adidas, Sarragan, Nike, Reebok, Patrick et Puma ont fait l'objet de la décision du Conseil de la concurrence déférée à la cour ;
Considérant que, tant devant le premier que devant celle-ci, les sociétés mises en cause ont contesté la régularité de la procédure au motif que, s'agissant de pratiques d'ententes verticales, des griefs auraient dû être notifiés à l'ensemble des distributeurs ayant adhéré à ces ententes ;
Que les sociétés Adidas-Sarragan, Nike, Reebok à titre principal, la société Puma à titre subsidiaire, sollicitent l'annulation de la décision du Conseil de la concurrence qui a statué à leur égard sans mise en cause des distributeurs ;
Mais considérant que l'article 21 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 exige la notification des griefs aux "intéressés " puis le rapport aux parties afin de permettre aux destinataires des notifications de présenter leurs observations puis leurs mémoires dans les délais fixés par ce texte ;
Que ces sociétés ne prétendent pas qu'elles n'ont pas reçu notification des griefs et du rapport ;
Qu'elles ont eu ainsi la possibilité, dont elles ont usé, de présenter leurs observations et leurs mémoires ;
Qu'à ce stade la procédure a été pleinement contradictoire ;
Que, dès lors que les entreprises qui n'ont pas été destinataires des notifications n'ont pas été poursuivies devant le Conseil de la concurrence, il n'y a pas eu manquement aux dispositions de l'article précité ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que les sociétés qui demandent l'annulation de la décision ont été informées conformément aux dispositions légales de la date des séances du Conseil de la concurrence auxquelles elles ont été convoquées dans les conditions prévues à l'article 22 du décret du 29 décembre 1986 ;
Qu'elles ne prétendent pas qu'elles n'ont pas eu la possibilité d'y présenter leurs moyens de défense de manière pleinement contradictoire après qu'eut été mise à leur disposition la procédure antérieure qui comprenait les auditions des dirigeants des centrales d'achat, des sociétés franchisées et d'un certain nombre de distributeurs ainsi que des documents saisis au cours de l'enquête ;
Que l'absence de poursuites exercées contre leurs clients n'était pas de nature à les empêcher de présenter les éléments nécessaires à leur défense ;
Qu'aucune disposition légale n'impose que chacune des parties devant le Conseil de la concurrence ait été entendue contradictoirement avec les dirigeants des entreprises ou les personnes dont l'audition, consignée dans des procès-verbaux régulièrement communiqués pendant l'instruction, et à l'audience, a été jugée nécessaire à l'instruction de l'affaire ;
Qu'il n'est nullement établi que les enquêteurs aient choisi de manière sélective les distributeurs de chaussures de sport qui ont été interrogés ;
Qu'il résulte au contraire de certaines des déclarations recueillies qu'ont été entendus des commerçants qui ont déclaré n'avoir jamais reçu de demandes de respecter certains prix ou coefficients et ne s'être jamais vu refuser des chaussures ;
Considérant que seules les parties ont été entendues à la séance du Conseil de la concurrence ;
Qu'il n'est pas contesté que leurs conseils les assistaient ;
Qu'il n'y a eu aucune atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales ;
Qu'il n'y a pas lieu de prononcer la nullité de la décision déférée à la cour ;
Sur le recours incident du Ministre d'Etat, chargé de l'Economie, des Finances et du Budget :
Considérant que la déclaration écrite du recours incident déposée le 28 février 1990 au greffe de la Cour d'appel de Paris que le ministre d'Etat, ministre de l'Economie, des Finances et du Budget est postérieure de plus d'un mois à la notification de la décision attaquée ;
Qu'elle ne peut, par suite, être qu'un recours incident, ainsi qu'elle l'indique, formé en application de l'article 6 du décret du 19 octobre 1987 qui admet celui-ci hors du délai précité, soumettant toutefois sa recevabilité au respect, d'une part, d'un nouveau délai d'un mois à compter de la réception de la lettre prévue à l'article 4 de ce décret invoqué par la partie qui a formé le recours principal et, d'autre part, des mêmes modalités que celles prévues pour ce dernier ;
Que, parmi celles-ci, figure à l'article 2 auquel renvoie expressément l'article 4 l'obligation pour la déclaration faite au nom du ministre chargé de l'Economie, d'indiquer la dénomination et l'adresse du service chargé de le représenter devant la cour ;
Que, s'agissant d'un texte qui déroge à l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 puisqu'il permet un recours après l'expiration du délai prévu à cet article, il doit être interprété restrictivement ; qu'il ne peut être suppléé à cette obligation par les mentions portées éventuellement sur l'enveloppe de la lettre recommandée de notification ;
Que, par suite, la déclaration écrite de recours incident du ministre, qui n'indique ni la dénomination ni l'adresse du service qui représente ce dernier, n'est pas recevable sans que les sociétés Nike, Adidas et Sarragan qui soulèvent cette irrecevabilité aient à justifier d'un grief dont la preuve n'est exigée qu'en matière de nullité de forme ;
Qu'en vertu de l'article 2 précité cette irrecevabilité soumise au débat devant la cour doit être prononcée d'office et, par suite, est opposable au ministre d'Etat chargé de l'Economie, des Finances et du Budget en ce qui concerne les autres sociétés ;
Que cette irrecevabilité n'entraîne pas la nullité des conclusions dans la mesure où elles ne sont que la réponse aux recours formés à titre principal ;
Considérant que les recours formés par les sociétés Adidas, Nike et Reebok ne risquent pas d'affecter les droits ou les charges d'autres personnes qui étaient parties en cause devant le conseil de la concurrence et, notamment, la société Puma, la société Adidas Sarragan France venant aux droits de la société Sarragan France et la société Patrick dès lors que les activités reprochées à ces sociétés n'étaient pas liées à celles pour lesquelles les sociétés requérantes ont été condamnées ;
Que Madame le premier président n'a pas mis en cause les sociétés qui n'ont pas exercé de recours ;
Qu'il n'y a lieu pour la cour de faire application de l'article 7 du décret du 19 octobre 1987 et d'ordonner cette mise en cause ;
Sur l'existence d'un marché de la chaussure de sport haute et moyenne gamme :
Considérant que le Conseil de la concurrence a fait une étude sérieuse et complète de ce marché au vu des documents recueillis antérieurement au rapport notifié aux parties ;
Que la cour s'y réfère expressément ;
Qu'il convient, en particulier, de noter que sept marques se partageaient plus de 90 p. 100 de la vente des articles de haute et moyenne gamme, certaines d'entre elles s'étant récemment introduites sur le marché français ;
Que les sociétés Adidas, Nike et Reebok y apparaissaient comme les plus importantes sauf ces deux dernières en ce qui concerne les chaussures de football et de rugby ;
Sur les pratiques imputées à la société Adidas-France :
Considérant que la SARL Adidas-Sarragan-France, qui vient aux droits de la SARL Adidas-France du fait de la fusion intervenue entre cette société et la SA Sarragan-France qui commercialisait des chaussures Le Coq sportif, a déclaré former son recours à titre principal contre la décision du Conseil de la concurrence uniquement en ce qui concerne les dispositions de celle-ci relatives à la SARL Adidas ;
Considérant qu'il n'est pas contesté par la société Adidas que la distribution de ses articles aux détaillants se fait soit directement par le fabricant par l'intermédiaire de réseaux contrôlés par des inspecteurs, soit, pour ceux dont l'activité est moins importante, par l'intermédiaire de revendeurs grossistes, dénommés centres de distribution, liés à la société Adidas par un contrat de franchise qui comporte une exclusivité ;
Que la société Adidas reconnaît qu'elle exige de ses distributeurs le respect de critères tenant au cadre d'installation et à l'agencement du magasin, à la présentation des articles dans un rayon spécialisé et dans des conditions de nature à les mettre en valeur, à la présence d'un personnel qualifié et apte à conseiller le consommateur et à la commercialisation d'une gamme suffisamment large de ses produits ;
Considérant que l'exclusivité territoriale prévue aux articles 3 et 4 du contrat de franchise liant la société Adidas aux grossistes est réciproque, cette société s'engageant à ne pas accorder d'autres franchises dans le secteur défini et le franchisé s'interdisant d'exercer une activité directement ou indirectement hors de celui-ci ;
Que, certes, l'interdiction pour le franchisé d'avoir une activité directe hors de la zone qui lui est conférée constitue une entente avec les divers franchisés pour protéger ceux-ci contre la concurrence de ceux qui font l'objet de contrats semblables pour d'autres régions mais qui est justifiée dans la mesure où elle assure un progrès économique en disposant dans les diverses parties du territoire national de grossistes aptes à fournir les petits détaillants et à assurer le réassortiment dans de bonnes conditions de rapidité souhaitées par ces commerçants et leurs clientèles ;
Que, toutefois, la société Adidas ne conteste pas que le contrat de franchise avait, par son article 4, pour effet de s'opposer à ce que le franchisé vende, de manière non directe, à des détaillants, situés hors du secteur qui lui était confié, qui s'adressaient à lui-même en l'absence de toute demande de sa part auprès de ceux-ci;
Que la société Adidas, en alléguant que ces commerçants avaient la possibilité de s'adresser à elle-même, reconnaît qu'il y avait une protection territoriale absolue de ses franchisés;
Que celle-ci avait pour effet de porter atteinte au libre exercice par ceux-ci de la concurrence;
Que la société Adidas ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle a accepté de livrer elle-même ces détaillants soit dans les mêmes conditions de rapidité pour le réassortiment, soit pour l'assortiment initial alors qu'ils ne remplissaient pas le taux de chiffre d'affaires suffisant pour être directement servis par elle ;
Que ce sont précisément ces difficultés pour la société Adidas de satisfaire ces clients qui justifient un système de franchise exclusive ;
Qu'une telle limitation absolue de la concurrence et du libre jeu du marché en faveur des franchisés a eu pour seul effet de procurer une clientèle à chacun de ceux-ci sans apporter un complément au progrès économique déjà garanti par l'interdiction de revente directe ;
Qu'il convient de confirmer la décision du Conseil de la concurrence en ce qu'elle a enjoint à la société Adidas de modifier les contrats de franchise la liant aux grossistes et de nature à limiter tout exercice de la concurrence entre eux par la suppression du mot " indirectement" ;
Considérant que, dès lors qu'elle l'assure elle-même dans des conditions normales, la société Adidas est en droit de ne confier à ses franchisés la distribution de ses chaussures et le réassortiment qu'aux magasins de sport et aux magasins de chaussures qui ont la qualité de détaillants auxquels ces services ne sont pas rendus par elle et d'exclure du transfert de la clientèle les clubs, collectivités, groupements, associations, grandes surfaces, centrales d'achats et chaînes ou succursalistes dont les commandes sont plus importantes ;
Considérant, toutefois, que les franchisés, selon l'article 2 f des contrats de franchise, avaient pour clientèle les magasins de chaussures ayant la qualité de détaillants ;
Qu'il résulte tant des éléments figurant au dossier que des propres conclusions de la société Adidas que n'étaient proposés à ceux-ci que les articles figurant sur un catalogue qui n'en comportait que 80 sur une collection de 135 ;
Que ce dernier n'indiquait pas aux chausseurs l'existence des autres modèles et la possibilité pour eux de s'adresser directement à la société Adidas ;
Qu'ainsi cette société, par une entente avec ses autres distributeurs, limitait l'accès au marché de ses chaussures à cette catégorie de détaillants dont elle reconnaissait qu'ils remplissaient les conditions d'agrément pour la plupart des modèles sans fournir aucune justification valable de ce refus pour les autres qui ne pouvait être fondé que sur les nécessités du progrès économique ;
Qu'il convient de confirmer la décision du Conseil de la concurrence en ce qu'elle a enjoint à la société Adidas de modifier ses clauses des contrats de franchise tendant à limiter l'accès au marché des détaillants chausseurs par la suppression du deuxième alinéa de l'article 2 f ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Adidas fabrique des chaussures de haute et moyenne gamme à très forte notoriété ;
Qu'à défaut de recours incident recevable il convient d'admettre avec le Conseil de la concurrence que cette société est, par suite, en droit de réserver la distribution des produits appartenant à ces gammes à des distributeurs spécialisés ou à des revendeurs disposant de rayons spécialisés ;
Que, toutefois, ainsi que le retient à juste titre le Conseil de la concurrence, la société Adidas ne peut faire une application discriminatoire des critères qu'elle exige ni limiter la liberté commerciale de ses revendeurs ni soumettre leur agrément à des conditions autres que celles qui sont définies objectivement par les contrats de distribution ;
Qu'en effet une telle attitude ne permettrait pas à la société Adidas de bénéficier des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant qu'il résulte des enquêtes et de l'instruction par le Conseil de la concurrence, des déclarations reprises par celui-ci dans sa décision auxquelles se réfère la cour et des propres aveux de la société Adidas, notamment dans ses conclusions déposées le 28 février 1990, que cette société avait fixé des coefficients minima de revente qu'elle a tenté de faire respecter ;
Que, toutefois, même si la société Adidas prétend que ces coefficients de revente de ses produits sont déterminés librement par les règles normales du marché en fonction des différents coûts qui s'imposent à chaque revendeur, les diverses auditions de responsables d'entreprise et les rapports des représentants de la société Adidas saisis au cours de l'enquête et de l'instruction ainsi que l'étude de marché et des conditions de vente révèlent que la société Adidas a imposé à un certain nombre de revendeurs un coefficient multiplicateur défini par elle en accord avec d'autres, qui ne tenait pas compte du mode et des coûts de la commercialisation propres à l'entreprise et présentait ainsi un caractère artificiel;
Que l'entente avec certains de ses distributeurs est suffisamment établie par les rapports des représentants de la société Adidas qui surveillaient l'application du coefficient, recueillant les plaintes de ceux qui le respectaient contre les autres et des menaces, parfois suivies d'effets, par la société Adidas de rompre le contrat de distribution sélective au cas où ses instructions, toujours pour l'augmentation des prix, ne seraient pas respectées ;
Que le rapport de la réunion des représentants du 4 au 8 février 1985 fait état du blocage des livraisons à la chaîne Sparty aux motifs qu'elle casse les prix et perturbe le marché ;
Qu'il importe peu que certains distributeurs entendus, qui pour la plupart affectaient le prix d'achat d'un multiplicateur supérieur ou égal à celui minimum préconisé, aient déclaré qu'ils n'avaient pas été l'objet de pressions ;
Que celles-ci étaient pour la plupart inutiles dans ces cas et qu'il n'est pas nécessaire pour qu'il y ait entente en vue de limiter le libre exercice de la concurrence et pour que le jeu de la libre concurrence soit faussé, que celle-ci soit totalement entravée ;
Que l'exigence d'un coefficient multiplicateur à un prix d'achat déterminé par le fabricant est équivalent à celle d'un prix de revente fixé autoritairement par celui-ci;
Qu'il résulte des divers éléments recueillis au cours de l'enquête et de l'instruction, notamment de l'audition du directeur commercial de la société Adidas, Jocelyn Delecour, du rapport de l'inspecteur commercial de la société Adidas du 19 au 23 mars 1984 pour la région d'Angoulême, de l'accord intervenu le 8 septembre 1987 au salon international du sport et des loisirs (SISEL) avec la société Carrefour, que l'application de ce coefficient était une condition non écrite mais imposée pour la conclusion de contrats d'agrément ou pour leur renouvellement;
Que cette exigence, convenue avec les membres du réseau, et dont ceux-ci surveillaient le respect, était prise, certes, dans l'intérêt de ceux qui étaient déjà agréés et s'étaient ainsi engagés à appliquer ce coefficient mais aussi dans l'intérêt de la société Adidas qui reconnaît dans ses conclusions qu'elle était destinée à sauvegarder la notoriété de la marque ;
Qu'il convient de noter, ainsi que l'a fait le Conseil de la concurrence, que la société Adidas, qui disposait depuis longtemps d'une position prééminente en France, avait à lutter contre l'apparition de nouveaux fabricants ;
Que cette politique de prix était destinée à éviter le développement de la concurrence entre producteurs ;
Qu'il est ainsi établi qu'il y a eu entente de la société Adidas avec certains des détaillants agréés par elle dans son réseau de distribution sélective ou candidats à cet agrément ayant pour objet et pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de la chaussure de sport;
Que le seul désir d'être intégré ou maintenu dans un réseau de distribution ne peut être assimilé à une contrainte exclusive d'un consentement réciproque ;
Que c'est à juste titre que le Conseil de la concurrence a retenu que la société Adidas avait ainsi contrevenu aux dispositions des articles 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Considérant que les éléments recueillis au cours de l'instruction n'ont pas permis d'établir que la société Adidas, même si elle ne tentait pas d'étendre la vente des produits par cette catégorie de distributeurs, ait opposé un refus de vente à ceux qui faisaient partie de la " grande distribution ".
Que le Conseil de la concurrence n'a pu retenir ces faits ;
Qu'il y a lieu d'infirmer l'injonction faite à la société Adidas de cesser de sélectionner ses revendeurs en raison de leur appartenance ou non à la " grande distribution " ;
Qu'il convient de confirmer l'article 1er de sa décision en ce qui concerne fa société Adidas ;
Considérant que la société Adidas ne fait valoir aucun moyen de compétence et de fond pour obtenir l'infirmation de la décision déférée à la cour en ce qu'elle a retenu contre elle des pratiques visées par les dispositions de l'article 85 du traité du 25 mars 1957 par l'obstacle mis à l'exportation des chaussures de la part des revendeurs sur le territoire français ou des distributeurs de pays de la Communauté européenne ;
Qu'il convient de confirmer cette décision de ce chef ;
Considérant que, compte tenu de l'importance de l'activité de la société Adidas et de la limitation de la concurrence apportée par elle en raison de sont entente avec certains de ses distributeurs, mais aussi des seuls faits retenus à sa charge, il convient de la condamner à une sanction pécuniaire de 2,5 millions de francs ;
Sur les pratiques imputées à la société Nike :
Considérant que la société Nike conteste recommander à ses distributeurs l'application d'un coefficient multiplicateur du prix d'achat des chaussures de sport qu'elle produit et prétend que le Conseil de la concurrence, comme son rapporteur, ont omis de tenir compte des déclarations de nombreux détaillants qui ont contesté l'existence d'une telle pratique ;
Considérant que la société Nike, ainsi que le relève, après le rapporteur, le Conseil de la concurrence, est intervenue auprès de sociétés à succursales multiples, de centrales d'achats et de franchiseurs aux enseignes Go Sport et Courir, Décathlon, Athlete's Foot, dont les dirigeants ont reconnu avoir reçu des instructions pour l'application lors de la vente aux consommateurs d'un coefficient minimum au prix d'achat des chaussures auprès d'elle ;
Que les directeurs des magasins dispersés sur le territoire français ont pour la plupart déclaré qu'ils faisaient usage de ces taux multiplicateurs qui leur étaient indiqués par la société dont ils portaient l'enseigne et, même pour certains, qu'ils savaient que ceux-ci étaient préconisés par la société Nike ;
Que, certes, des commerçants exerçant sous d'autres enseignes ou en leur nom propre ont déclaré qu'ils n'avaient reçu aucune prescription ou aucun conseil de la part de ce fabricant ;
Qu'il convient de noter que la plupart d'entre eux ont indiqué appliquer un coefficient au moins égal et souvent largement supérieur à celui qui ressort des déclarations précédentes ;
Qu'en outre un certain nombre de détaillants exerçant à titre personnel ont rapporté que les responsables de la société Nike leur recommandaient une marge minimale, tels Vita Sport à Montmorency, Sport 2000 à Orléans, Jama Sport à Ris-Orangis et Ja Sport à Grigny ;
Que, selon les conclusions de la société Nike, la part de marché des sociétés Go Sport, Courir, Décathlon, Athlete's Foot est importante puisque sur chacune des années 1985, 1986 et 1987 elle dépassait 17 p. 100 du chiffre d'affaires de la société ;
Que, dans une lettre du 28 janvier 1988 à la société Décathlon, la société Nike lui donnait les références de deux nouveaux produits et lui en indiquait non seulement le prix d'achat mais également le prix de vente aux consommateurs qui résultait de l'application exacte du coefficient 1,8 auquel se réfèrent la plupart des déclarations ;
Qu'une autre lettre à en-tête Nike du 28 août 1987 reconnaît que les Nouvelles Galeries vendent à des prix très inférieurs à ceux que "doivent pratiquer nos clients pour respecter leur marge" ;
Que deux messages de Marie-José Rigodiat, au nom de la société Nike du 22 avril 1988 et du 22 juin 1988 font état de deux entreprises qui pratiquent des prix insuffisants ;
Que, par un télex du 5 avril 1988, la société Nike déclare faire le nécessaire pour que les magasins Add de Caen rétablissent les prix ;
Que, par un message du 15 avril 1987 dont l'objet est mentionné "confidentiel", Marie-José Rigodiat annonce que les livraisons sur le printemps 1987 sont suspendues pour la société Métro qui propose dans son catalogue quatre produits chaussures Nike en promotion ;
Qu'il n'y est fait aucune mention d'un autre motif relatif, notamment, aux conditions de vente ;
Que le responsable des achats de chaussures de sport de la centrale d'achats Métro a confirmé, dans son audition du 28 juillet 1988, que les approvisionnements directs par la société Nike avaient cessé depuis avril 1987 et que la société Métro avait été dans l'obligation d'avoir recours à des circuits parallèles, la société Nike ayant, en septembre 1987, au SISEL, refusé de travailler avec elle en raison de sa politique de prix ;
Que la société Nike a une part importante du marché de la chaussure de sport : 10 p. 100 pour le tennis, 26 p. 100 pour le basket-ball, 25 p. 100 pour le jogging ;
Qu'il résulte de ces divers éléments qu'une entente existe entre une part importante des distributeurs des chaussures fabriquées par la société Nike et cette dernière en vue d'imposer un coefficient multiplicateur minimum du prix d'achat qui, en raison de son caractère général, ne tient pas compte des conditions de fonctionnement du détaillant ni de celles inhérentes à la région intéressée, et qui a pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de la chaussure de sport en faisant notamment obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse;
Qu'il convient de confirmer la décision du Conseil de la concurrence qui a retenu contre la société Nike une contravention aux dispositions de l'article 3 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que la société Nike reconnaît qu'elle a, par ses conditions générales de vente, établi une sélection des détaillants qui désirent vendre ses produits;
Qu'elle précise à celles-ci qu'elle ne pourra honorer les commandes que des revendeurs qui " par la qualification professionnelle de leur personnel et la qualité de leurs installations... (justifieront) d'une réelle aptitude à expliquer et conseiller utilement ainsi qu'à protéger le consommateur en le mettant en garde... " contre le risque, notamment en matière articulaire et tendineuse, de l'utilisation à mauvais escient de ses chaussures;
Qu'ainsi que le fait remarquer à juste titre le Conseil de la concurrence la généralité des termes utilisés ne peut constituer un critère objectif de nature qualitative en l'absence de toute précision sur la manière dont la preuve de la qualification du personnel et la qualité des installations doit être apportée;
Qu'il résulte des auditions des dirigeants de magasins de vente au détail que la société Nike n'a que, dans certains cas, apporté elle-même une formation au personnel autre que purement commerciale ;
Qu'ainsi la société Nike se réserve sans contrôle possible de vérifier si les conditions sont remplies ;
Que le caractère arbitraire de ce contrôle résulte de l'admission dans son réseau d'entreprises par correspondance dont certaines s'adressaient au public sans en exiger une quelconque connaissance physiologique ou morphologique et qui, le plus souvent, procèdent sans installation publique, puisque la vente se fait par catalogue et sur commande par la poste ;
Que, même en l'absence de distribution sélective, l'acheteur a la possibilité de s'adresser à des spécialistes pour obtenir des renseignements sur le matériel qui lui convient ;
Qu'il y a ainsi limitation à l'accès au marché de ses chaussures par la société Nike dont l'entente avec les membres du réseau de distribution résulte de l'acceptation par ceux-ci de ses conditions de vente ;
Qu'il convient de confirmer la décision du Conseil de la concurrence en ce qu'elle a retenu que le contrat de distribution sélective était contraire aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Considérant que seul, parmi les dirigeants de magasins de grande surface, le directeur d'Auchan-Martigues a déclaré qu'il ne pouvait être directement livré par la société Nike ;
Qu'il n'indique pas le motif de cette situation et quelles démarches il aurait faites auprès de cette société ;
Que le chef du secteur Textiles chaussures de l'hypermarché Carrefour à Antibes a déclaré qu'il s'adressait pour ses fournitures à deux grossistes Spoker et Sfec mais ne mentionne aucun refus de la société Nike dont il n'est pas précisé si elle est le mandant de ces dernières ;
Que, dans ces conditions, il n'est pas établi que la société Nike, qui le conteste formellement et soutient que les établissements en cause n'ont pas un écoulement suffisant de ses articles pour en passer commande à elle-même, ait refusé de fournir des revendeurs en fonction de leur seule appartenance à la " grande distribution" ;
Qu'il n'y a pas lieu, dès lors, de lui enjoindre de cesser de sélectionner ses revendeurs en fonction de leur appartenance ou non à la " grande distribution " ;
Considérant que les agissements de la société Nike retenus par la cour doivent être l'objet d'une sanction pécuniaire de 700 000F ;
Sur les pratiques imputées à la société Reebok-France :
Considérant que la part du marché français de la chaussure de sport détenue par la société Reebok était de 15 p. 100 pour le tennis, de 8 p. 100 pour le basket-ball et de 18 p. 100 pour le jogging en 1988 au mois d'octobre ;
Que, d'après des notes établies par elle-même, sa stratégie en France consistait à être pour 1988 le numéro un des ventes en haut de gamme et le numéro deux des ventes toutes catégories pour le tennis, pour 1988-1989 dans les deux premiers pour le volley-ball, pour la même période à obtenir une bonne position pour le basket-ball et à parvenir en 1988 à une part de marché de 27 à 28 p. 100 en ce qui concerne le "running" ;
Qu'ainsi elle est de nature à influer sur le libre jeu de la concurrence par ses actions ;
Considérant que le Conseil de la concurrence a admis, par la décision non déférée à la cour sur ce point par un recours recevable, que la société Reebok, compte tenu de la notoriété et de la spécificité de ses produis de haute et moyenne gamme, était fondée à ne vendre ceux-ci que par un réseau de distributeurs sélectionnés sous réserve que les critères de ce choix aient un caractère objectif, soient justifiés par les nécessités d'une commercialisation adéquate, qu'ils n'aient pas pour objet ou pour effet d'exclure par nature une ou des formes déterminées de distribution et qu'ils ne soient pas appliqués de façon discriminatoire ;
Considérant que l'examen du chiffre d'affaires réalisé sur ces articles par la société Reebok révèle que ses principaux clients étaient les sociétés à succursales multiples, les centrales d'achats et les franchiseurs aux enseignes Go Sport et Courir, Décathlon, Athlete's Foot et Team 5 ;
Que les dirigeants de ces sociétés, entendus à l'exception de ceux de Team 5 au cours de l'enquête, ont reconnu que la société Reebok leur demandait d'appliquer au prix d'achat des chaussures de sport un coefficient minimum, généralement de 1,85, pour la revente en clientèle et qu'ils diffusaient ce tarif aux magasins qu'ils approvisionnaient ;
Que les responsables de ceux-ci confirmaient ces déclarations, indiquant qu'ils respectaient les prix ainsi déterminés, certains d'entre eux précisant même qu'ils avertissaient la société des prix insuffisants pratiqués par la concurrence et obtenaient le relèvement de ceux-ci ;
Qu'ainsi, les dirigeants du magasin Décathlon à Orléans ont fait connaître que, sur intervention de la société Décathlon consécutive à une réaction de la société Reebok, ils avaient dû remonter le prix d'un article de cette société puis, ultérieurement, d'autres modèles ;
Considérant que des directeurs de points de vente non liés à ses principaux clients ont déclaré dans des auditions relevées en détail par le Conseil de la concurrence que la marque Reebok, comme Adidas et Nike, leur recommandaient une marge minimale à respecter de 1,85 p. 100 ;
Qu'il en est ainsi, notamment, de la société Ja Sport à Grigny, dont le dirigeant a reconnu que, sur intervention d'un représentant de la société Reebok, il avait remonté ses prix ;
Que le directeur général de la société Jean Sport, qui possède deux magasins de sport, a précisé que le représentant de la société Reebok lui avait déclaré que le coefficient minimum autorisé était de 1,85 et que s'il vendait au-dessous de celui-ci la société ne le livrerait plus et qu'il s'est refusé par la suite à autoriser des promotions ;
Que les dirigeants des magasins Avantage Service à Strasbourg, Jama Sport à Ris-Orangis, Vita Sport à Montmorency ont confirmé l'existence d'un coefficient minimum " à respecter" ;
Considérant que les prix de vente figurant sur les tarifs, notamment, des centrales d'achats Disport, Sport 2000 et La Hutte correspondent à l'application exacte du coefficient de 1,85, même si les responsables de ces sociétés n'ont pas reconnu avoir agi en accord avec la société Reebok ;
Que le responsable du magasin La Hutte à Saint-Germain-en-Laye a, d'ailleurs, indiqué que le représentant de Reebok était particulièrement vigilant pour la surveillance des prix ;
Considérant que, si un certain nombre de détaillants ont déclaré qu'ils n'avaient reçu aucune instruction de la part des fabricants pour fixer leur prix de vente, les relevés détaillés de ceux-ci ou même l'audition de ces commerçants ont montré que ces derniers, à l'exception de la société Am Sport à Strasbourg et du magasin La Hutte à Orléans, appliquent un coefficient égal ou supérieur à celui préconisé par la société Reebok ;
Considérant que le responsable des achats de la société Metro France dont le potentiel annuel de chaussures de sport en 1987 était de 10000 paires a indiqué que la société Reebok, de même que les sociétés Adidas et Nike, avaient cessé depuis avril 1987 d'approvisionner cette société en invoquant, notamment, sa politique de prix ;
Qu'il ressort de ces diverses constatations, après une enquête et une instruction non discriminatoires et portant sur un nombre de points de vente suffisant, que la société Reebok, ainsi que le retient à juste titre la décision déférée à la cour, non seulement conseille mais encore exige de la plupart des revendeurs de chaussures de sport de sa marque l'application d'un multiplicateur minimum de 1,85 au prix d'achat hors remises et en contrôle l'exécution par ses représentants, obtenant de ceux qui ne s'y conforment pas le relèvement de leurs prix ou cessant ses rapports commerciaux avec eux ;
Que cette pratique à laquelle conviennent de se plier les distributeurs, qui ne peuvent invoquer une contrainte physique les empêchant de donner un libre consentement, constitue une entente expresse et parfois tacite qui a pour objet et pour effet, dans la plupart des cas de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, en favorisant artificiellement la hausse de ceux-ci dès lors que le coefficient convenu est général et ne tient compte ni des particularités régionales ou locales ni des structures des entreprises de vente ;
Qu'elle est prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Considérant que le conseil de la concurrence a relevé les déclarations des représentants des magasins Carrefour de Vitrolles et de Nice qui ont fait état du refus de la société Reebok de les livrer ;
Que, toutefois, seul le second a précisé que cette société avait indiqué que la présence de sa marque dans une "grande surface" la dévaloriserait ;
Qu'il n'est pas établi que pour l'autre magasin Carrefour étaient remplies les conditions objectives de présentation des articles dans un rayon spécialisé et des conditions satisfaisantes compte tenu de la notoriété ci de la technicité des articles ;
Que la faible présence de ceux-ci dans les autres grandes surfaces peut s'expliquer, ainsi que le prétend la société Reebok, par d'autres motifs tels que l'absence de commande qui n'a pas été vérifiée ;
Que les seules déclarations qui auraient été faites à certains ne sont pas de nature à justifier de la réalité de refus de vente injustifiés destinés à fausser le libre jeu du marché ;
Que, dans ces conditions, la preuve n'est pas apportée que la société Reebok ait sélectionné ses revendeurs en fonction de leur appartenance ou non à la distribution dite " alimentaire" ;
Que la décision déférée à la cour ne retient à la charge de la société Reebok au titre de l'absence de critères objectifs de sa distribution sélective que l'exclusion, par principe, de certaines formes de distribution ;
Qu'à défaut de preuve de cette exclusion, ce grief ne peut être retenu ;
Considérant que, compte tenu de l'importance des faits retentis à la charge de la société Reebok et de son rôle dans la commercialisation des chaussures de sport en France, il convient de prononcer contre elle une sanction pécuniaire de 500 000 F ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur de la société Nike, de la société Puma, de la société Adidas-Sarragan-France et de la société Reebok ;
Par ces motifs : Rejette les demandes d'annulation de la décision du Conseil de la concurrence déférée à la cour ; Déclare irrecevable le recours incident du ministre d'Etat chargé de l'Economie, des Finances et du Budget ; Déclare valables ses observations en réponse aux recours formés contre la décision ; Dit n'y avoir lieu de mettre en cause d'autres parties qui étaient devant le Conseil de la concurrence ; Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a enjoint à la société Adidas devenue SARL Adidas-Sarragan France de modifier dans un délai de trois mois les clauses figurant dans les contrats de franchise de la marque Adidas la liant aux grossistes et de nature à limiter tout exercice de la concurrence entre négociants et, d'autre part, à limiter l'accès au marché aux détaillants chausseurs (suppression du mot " indirectement " dans le deuxième alinéa de l'article 4 intitulé "Territoire contractuel" et suppression du deuxième alinéa de l'article 2-f du contrat intitulé "Fourniture de produits Adidas") ; La confirme en ce qu'elle a enjoint à la société Adidas France, devenue Adidas-Sarragan France, à la société Nike France et à la société Reebok France de cesser de subordonner l'accès de son réseau de distribution au respect par les distributeurs de l'application de marges minimales ; La confirme en ce qu'elle a enjoint à la société Adidas-Sarragan France et à la société Nike France de se limiter à des critères objectifs de nature qualitative dans leurs contrats de distribution sélective ; L'infirme en son article 3 ; L'infirme en ce qu'elle a enjoint à la société Adidas-Sarragan France, à la société Nike France et à la société Reebok France de cesser de sélectionner leurs revendeurs en fonction de leur appartenance ou non à la " grande distribution" ; L'infirme en ce qu'elle a enjoint à la société Reebok France de se limiter à des critères objectifs de nature qualitative dans ses contrats de distribution sélective ; La réformant, Inflige des sanctions pécuniaires de 2 500 000 F à la SARL Adidas-Sarragan France, de 700 000 F à la société Nike France, de 500 000 F à la société Reebok France ; Y ajoutant, Déboute les sociétés Adidas-Sarragan France, Nike France, Reebok France et Puma de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Met à la charge du Trésor public les dépens de la SA Puma ; Condamne la société Adidas-Sarragan France, la société Nike France et la société Reebok France aux entiers dépens.