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Décisions

Conseil Conc., 18 juin 1991, n° 91-D-31

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Pratiques de la société Honda France et de la société Japauto

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré en commission permanente sur le rapport oral de M. Guy Charrier, dans sa séance du 18 juin 1991, où siégeaient : M. Laurent, président ; MM. Béteille, Pineau, vice-présidents.

Conseil Conc. n° 91-D-31

18 juin 1991

Le Conseil de la concurrence,

Vu la lettre enregistrée le 22 décembre 1987 sous le numéro F 134, par laquelle la société Daniel Motos (DMSA) a saisi le Conseil de la concurrence des pratiques de la société Honda France et de la société Japauto, respectivement importateur et concessionnaire de véhicules à moteur à deux roues de marque Honda ; Vu l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu la procédure engagée le 14 mars 1991 en application des dispositions de l'article 22 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu la décision du président du Conseil de la concurrence n° 91-DSA-04 du 11 mars 1991 retirant diverses pièces du dossier à la demande de la société Honda France ; Vu les observations présentées par les parties et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les parties entendus ; Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés :

I. CONSTATATIONS

A. Le marché des véhicules à moteur à deux roues

Il convient de distinguer les véhicules non immatriculés (260 000 unités vendues en 1987) et les véhicules immatriculés (90 000 unités vendues en 1987).

La marque Honda est plus représentée en France dans la catégorie des véhicules immatriculés (33,28 p. 100 des parts du marché en 1987 et 21,83 p. 100 en 1990) que dans celle des véhicules non immatriculés (7,5 p. 100 des parts de ce marché en 1987). La société saisissante DMSA distribuait au moment des faits essentiellement des motocycles soumis à immatriculation.

Ces deux catégories recouvrent des types de véhicules distincts :

- les cyclomoteurs non immatriculés dont la cylindrée est inférieure à 50 cm 3 ;

- les scooters non immatriculés, d'une cylindrée inférieure à 50 cm 3, ou immatriculés, d'une cylindrée de 80, 125 ou 250 cm 3 ; -les motocyclettes (immatriculées), routières ou polyvalentes (" trial "), de cylindrée égale ou supérieure à 80 cm 3, réparties en diverses classes, suivant leur puissance, en vertu d'une circulaire du 29 mars 1982 du ministre des transports ;

- par ailleurs, il existe un marché plus restreint comprenant notamment les motos de cross (non immatriculées) et les motos pour enfants.

Le marché se caractérise par des fluctuations importantes au cours des dernières années. Pour les véhicules immatriculés, l'examen des parts des différents fournisseurs montre une prédominance des importateurs puisque les quatre grandes marques japonaises : Honda, Yamaha, Suzuki et Kawasaki détenaient, en 1987, 84,49 p. 100 du marché national ; entre ces quatre marques, des évolutions importantes apparaissent au cours des quatre dernières années, Honda cédant la première place à Yamaha :

EMPLACEMENT TABLEAU

Le tableau ci-après résume les positions respectives des deux premières marques du marché, Honda et Yamaha :

EMPLACEMENT TABLEAU

Honda, comme les autres grandes marques, n'est pas à l'abri de fluctuations dues à des phénomènes de mode et au succès particulier d'un modèle d'une autre marque faisant ainsi reculer sa position de l'année dans une catégorie.

La part de véhicules de marque Honda dans les ventes de la société DMSA, en termes d'unités vendues, toutes catégories confondues, s'est élevée en 1982 à 24,15 p. 100, en 1983 à 17,90 p. 100, en 1984 à 17,16 p. 100, en 1985 à 10,83 p. 100, en 1986 à 9,7 p. 100, en 1987 à 12,9 p. 100 et en 1988 (8 mois) à 5,7 p. 100. Cette évolution ne correspond pas à une diminution pendant la même période de la part de Honda ni sur le marché national ni sur le marché parisien.

Ces chiffres sont à rapprocher de ceux des ventes de véhicules Peugeot et Yamaha faites par DMSA : 29 p. 100 et 27,7 p. 100 en 1986, 34,9 p. 100 et 25 p. 100 en 1987, 33,6 p. 100 et 34,5 p. 100 en 1988.

En termes de chiffres d'affaires, le pourcentage des ventes de matériel Honda, véhicules et pièces détachées, effectuées par l'établissement concerné de DMSA, Dynamic Sport, s'élève par rapport au chiffre d'affaires de cet établissement en 1986 à 9,61 p. 100 et en 1987 à 13,10 p. 100. Si l'on ajoute la part des services facturés afférents aux véhicules Honda (main-d'œuvre des réparations), le pourcentage du chiffre d'affaires lié à la vente des produits Honda peut être évalué pour l'année 1987 à 16 p. 100.

B. Les pratiques en cause

1. L'organisation du réseau de distribution Honda

Au moment des faits, la société Daniel Motos (DMSA) possédait deux établissements distributeurs de véhicules à deux roues, dont Dynamic Sport, situé 149, rue Montmartre à Paris, qui depuis a été constitué en une société anonyme détenue à 99 p. 100 par la société Daniel Motos nouvellement dénommée " Les motocycles Ardoin Saint-Amand et Cie "

Le contrat d'agent Honda liant DMSA, pour le compte de son établissement Dynamic Sport, avec Japauto, concessionnaire exclusif Honda dont il dépendait territorialement, venait à expiration à la fin de l'année 1987 ; il n'a pas été reconduit pour l'année 1988 ; les nouvelles dispositions contractuelles élaborées par Honda s'opposaient en effet à ce qu'un agent fût, en même temps, agent Honda et concessionnaire d'autres marques, ce qui était le cas pour Dynamic Sport en 1987 et l'aurait été en 1988.

Par lettre du 30 septembre 1987, Japauto écrit à DMSA : " Honda France a pris la décision de nous demander de ne proposer à nos agents des contrats à effet au 1er janvier 1988 qu'à condition que ceux-ci ne soient pas concessionnaires officiels d'une marque de deux-roues motorisées ".

Japauto se référait à la circulaire adressée par Honda à tous ses concessionnaires datée du 28 septembre 1987 qui précisait : " Il est expressément convenu qu'aucun agent Honda ne pourra être détenteur d'un contrat de concession quelconque de la concurrence en matière de deux-roues. Par contre, rien ne s'oppose à ce que celui-ci soit détenteur de contrats d'agents avec ces mêmes marques. "

En outre, un agent Honda pouvait solliciter le statut de concessionnaire d'un autre fournisseur, sous réserve de séparer les activités dans différents points de vente ; DMSA a formulé cette demande auprès de Honda pour son autre établissement, Standart, ce qui lui a été refusé.

Selon Honda, sa nouvelle politique commerciale " qui est justifiée par des considérations d'organisation rationnelle du réseau de distribution n'est nullement une action qui tend à fausser ou à restreindre le jeu de la concurrence. Au contraire, il s'agit d'une mesure susceptible de la rétablir, voire de la promouvoir et de l'encourager en mettant un terme à certaines pratiques déloyales ... ". Elle fait valoir qu'il s'agit de mettre un terme aux dérives de ventes au profit de ses concurrents, inhérentes à la différence entre les remises dont bénéficient les concessionnaires (entre 18 p. 100 et 22 p. 100) et celles obtenues par les agents (entre 12 p. 100 et 16 p. 100) : les agents Honda, s'ils sont en même temps concessionnaires d'autres marques, peuvent être amenés à favoriser la vente des produits de celles-ci sur lesquels leurs marges seront plus fortes.

Tel aurait été le cas de Dynamic Sport, selon la société Honda France qui a produit les éléments chiffrés ci-après, d'ailleurs non contestés. En 1982, le volume des ventes de Dynamic Sport en matériel Honda s'élevait en pourcentage à 24,15 p. 100 alors que la pénétration de Honda dans le marché national était de 36,83 p. 100. Pour 1986, l'écart est encore plus grand : le volume des ventes de véhicules Honda par Dynamic Sport était de 9,7 p. 100, la pénétration de Honda dans le marché national de 32,2 p. 100.

En raison de la nouvelle politique commerciale de Honda France, deux cent cinquante-huit contrats d'agent, sur plus de sept cents, n'ont pas été renouvelés pour 1988 leurs ventes de véhicules Honda représentaient 5,91 p. 100 des ventes de Honda (2 962 unités vendues par rapport aux 50 080 véhicules vendus au total par Honda France) et 0,85 p. 100 en termes de marché global sur le marché parisien, les cinq agents touchés par la mesure représentaient 3,8 p. 100 du marché Honda.

2. Le contenu des contrats

La société Honda propose deux types de relations avec ses distributeurs, auxquels correspondent des contrats de distribution différents des contrats de concession qu'elle propose à des revendeurs qui représentent exclusivement la marque Honda (300 en 1987) et des contrats d'agent qu'elle a élaborés à l'intention de ceux de ses concessionnaires qui souhaitent faire appel à des revendeurs non exclusifs (725 en 1987).

a) Le contrat de concession

Ce contrat prévoit une exclusivité d'approvisionnement pour les motocycles et des modalités différentes pour les pièces détachées et accessoires, le concessionnaire n'étant tenu qu'à titre principal de s'approvisionner en pièces d'origine ou homologuées par Honda.

Il stipule dans son article 3-3 une interdiction de " vendre ou promouvoir les motocycles Honda hors du territoire concédé " mais le concessionnaire peut " accepter les commandes émanant spontanément d'utilisateurs situés en dehors du territoire concédé ".

Le contrat prévoit une interdiction de dépasser les tarifs établis par Honda (art. 9-1) : " Le concessionnaire revendra les motocycles Honda, les pièces détachées et les accessoires à des prix librement déterminés par lui mais qui ne dépasseront pas les tarifs de vente au détail, frais de sortie d'usine, de transport et de mise à la route inclus, établis périodiquement par Honda France pour l'information des consommateurs. "

Il est établi que la société Honda France diffuse des prix conseillés de revente aux consommateurs " prix public maximum " et impose à ses distributeurs de ne pas établir des prix de revente au-dessus de ces prix conseillés. Les concessionnaires peuvent néanmoins pratiquer des prix inférieurs à ceux du tarif conseillé.

Des publicités parues dans la presse spécialisée montrent que les prix diffusés par des distributeurs sont parfois des prix réduits par rapport à ceux du tarif ; des similitudes apparaissent entre les prix de différents distributeurs sans qu'il y ait identité complète pour tous les modèles.

Le contrat comporte par ailleurs des clauses imposant des obligations relatives à la présentation des lieux de vente et à la formation du personnel.

En ce qui concerne la désignation des agents, le contrat, dans sa version pour 1987, impose un accord du fournisseur. Dans la rédaction du contrat de concession pour l'année 1988, la phrase suivante a été ajoutée au texte de l'article 17-1 : " En aucun cas, l'agent ne pourra être titulaire d'un contrat de concession d'une autre marque dont les produits pourraient rentrer directement ou indirectement en concurrence avec les motocycles concernés par le présent contrat et désignés en annexe. "

b) Le contrat d'agent

Le contrat type, en vigueur en 1987 et en 1988, contenait des clauses analogues à celles du contrat de concession pour ce qui concerne la limitation des efforts de publicité et de promotion à la seule " zone d'influence " (art. 3-3) et les obligations relatives aux lieux de vente et au personnel (art. 10). II en est de même de l'exigence de ne pas dépasser les tarifs communiqués par le concessionnaire (art. 8).

Sur ce dernier point, à l'instar des concessionnaires vis-à-vis de leurs clients consommateurs, les agents peuvent pratiquer des prix inférieurs à ceux du tarif conseillé.

Ces clauses sont également complétées par des précisions sur les services que les agents sont invités à rendre en matière d'après-vente et de garantie (art. 9).

S'agissant de la représentation des marques concurrentes, les contrats types de 1987 stipulaient (art. 3-1) : " A la date d'entrée en vigueur du présent contrat, l'agent déclare représenter les marques concurrentes limitativement énumérées à l'article 2 de l'annexe du présent contrat " et (art. 3-2) : " l'agent s'interdit de représenter, sauf accord préalable exprès et écrit du concessionnaire, toute marque quelconque supplémentaire, que ce soit en qualité d'agent, de concessionnaire ou autrement ". Ces contrats ne faisaient donc pas obstacle à ce que les agents Honda soient en même temps revendeurs d'autres marques y compris en tant que concessionnaires.

Les nouvelles stipulations du contrat pour l'année 1988 indiquent (art. 3-1) " A la date d'entrée en vigueur du présent contrat, l'agent déclare représenter également en tant qu'agent les marques concurrentes limitativement énumérées à l'article 2 à l'annexe du présent contrat. Il ne pourra en aucun cas être titulaire d'un contrat de concession d'une autre marque dont les produits pourraient entrer directement ou indirectement en concurrence avec les véhicules du présent contrat et désignés en annexe ", et (art. 3-2) : " L'agent s'interdit de représenter, sauf accord préalable exprès et écrit du concessionnaire, toute autre marque quelconque supplémentaire ".

3. L'application des modifications contractuelles

Les conditions d'application de ces modifications par la société Honda France ou par concessionnaires interposés ont été examinées, d'une part, à l'occasion du refus de Honda France d'accorder une concession à DMSA et, d'autre part, dans les relations entre Honda France et des agents Honda, titulaires en 1987 de concessions d'autres marques concurrentes.

Dans le premier cas, il est établi que DMSA a demandé d'abord au concessionnaire Japauto, puis à Honda France, par lettre du 19 octobre 1987, l'attribution d'une concession exclusive en s'engageant à séparer ses activités portant sur les différentes marques et à confier l'exclusivité Honda à l'un de ses établissements juridiquement distinct, la SARL Standart. Cette correspondance avait été précédée, le 1er août 1986, d'une demande restée sans suite. Par lettre du 12 novembre 1987, Honda opposait un refus au motif qu'elle était déjà en pourparlers avec un autre revendeur pour l'octroi d'une concession dans le même secteur géographique. Effectivement, une concession a été accordée à la société Darcos le 3 février 1988 après, selon les intéressés, des négociations engagées depuis plusieurs années.

Pour le second cas, l'examen a porté sur la situation d'un échantillon de revendeurs, sur l'ensemble du territoire national, dont neuf cités par DMSA.

Trois agents non concessionnaires d'autres marques ont eu leur contrat renouvelé. Les contrats de sept agents concessionnaires d'autres marques ou sur le point de le devenir n'ont pas été reconduits ; cette circonstance n'exclut pas que ces distributeurs aient continué de vendre des véhicules Honda en dehors de tout contrat. Trois agents, bien que concessionnaires d'autres marques, ont eu leur contrat d'agent renouvelé, mais uniquement pour des produits autres que ceux visés par ces concessions ; cette situation explique que les distributeurs aient conservé le panonceau Honda. Un revendeur était uniquement agent exclusif Honda et l'est resté. Enfin, un agent, d'abord évincé du réseau en raison de ses liens de concession avec d'autres marques, a été réintégré dès la résiliation de ces concessions.

4. Le système des remises et les allégations de dérive de vente entre les marques

Les remises consenties par Honda France à ses concessionnaires, selon les tarifs du 15 février 1987 et du 1er août 1988, s'élèvent à 20 p. 100 pour les véhicules jusqu'à 125 cm 3 inclus et à 18 p. 100 pour les véhicules à partir de 250 cm 3 par rapport aux prix publics conseillés.

Les concessionnaires se fondent sur les mêmes tarifs pour établir leurs prix de revente aux agents en fixant des taux de remises. Dans la mesure où ces remises sont calculées par rapport aux prix conseillés, qui sont des prix maxima proposés aux consommateurs, leur montant détermine la marge maximum que peuvent prélever les distributeurs.

L'écart entre les remises accordées par Honda France respectivement aux concessionnaires et aux agents peut être de 3 à 4,5 p. 100, selon les catégories de véhicules et de situations. Des différences du même ordre sont appliquées par les fournisseurs concurrents.

C'est ainsi que, d'après les pièces du dossier, en 1987, Dynamic Sport, agent Honda et concessionnaire des marques Yamaha, Suzuki et Peugeot, pouvait prétendre à des remises plus importantes pour ses commandes auprès des trois marques dont il était concessionnaire (Yamaha 19-22 p. 100, Suzuki : 18-22 p. 100, Peugeot : 18 p. 100 + 3 p. 100 + 1 à 4 p. 100 de remises quantitatives) que pour celles afférentes à la marque Honda (entre 14 et 15,5 p. 100 obtenues de son concessionnaire Japauto).

Par ailleurs, un revendeur non lié par un contrat d'agent pouvait en 1988, après la mise en application des nouvelles clauses, être approvisionné par un revendeur du réseau Honda, mais à des conditions généralement inférieures à celles accordées aux agents.

L'instruction n'a pas apporté d'éléments chiffrés établissant l'existence d'éventuels cas de dérive des ventes, au détriment des véhicules Honda et au profit de ceux des autres marques du fait de ces différences dans les taux de remises. Cependant, ce risque a été évoqué par des responsables de la société Sonauto, importateur de la marque Yamaha (" Une dérive des ventes au profit des marques pour lesquelles le distributeur était concessionnaire existait réellement au détriment de Honda "), et par un agent Honda (société Isabelli), évincé du réseau pour les mêmes raisons que DMSA, qui a déclaré, aux termes d'un procès verbal : " On peut admettre par ailleurs que la situation antérieure à 1988 créait une dérive des ventes au bénéfice des marques concédées concurrentes ".

II. SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRÉCÈDENT, LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Sur les modifications apportées à l'organisation du réseau de distribution :

Considérant qu'à la suite des modifications susanalysées des contrats de concession et d'agence, à compter du 1er janvier 1988, un agent Honda ne peut être détenteur d'un contrat de concession d'une autre marque de véhicules à moteur à deux roues, situation dans laquelle se trouvait l'établissement de DMSA, Dynamic Sport, agent Honda et concessionnaire des marques Yamaha, Suzuki et Peugeot ;

Considérant que la société DMSA allègue que le refus de renouvellement, pour l'année 1988, du contrat d'agent Honda, opposé à son établissement Dynamic Sport par la société Japauto, concessionnaire de la marque Honda, constitue un abus de la position dominante que détiendrait Honda sur le marché des motocycles, un abus de la situation de dépendance économique dans laquelle elle-même se trouve vis-à-vis de la marque Honda et une pratique d'entente prohibée entre la société Honda France et son réseau de revendeurs ;

Considérant qu'au regard de la situation des différentes marques sur le marché des véhicules à moteur à deux roues, décrite au A de la partie I de la présente décision, la société Honda France ne détient de position dominante ni sur l'ensemble ni dans aucune des catégories de ce marché ; qu'en particulier, dans le marché des motocycles immatriculés, type de véhicules vendu à titre principal par l'établissement Dynamic Sport, la société Honda France détenait le premier rang avec 33,28 p. 100 en 1987, mais était suivie par la société Yamaha dont la part s'élevait à 29,75 p. 100 tandis qu'en 1990 sa part s'est réduite à 21,83 p. 100 derrière Yamaha avec 28,34 p. 100 ;

Considérant que la société DMSA ne saurait davantage être regardée comme étant dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de la marque Honda au sens du 2 de l'article 8 de l'ordonnance susvisée ; qu'en effet, la préférence des consommateurs a évolué au cours des dernières années comme l'attestent les fluctuations des parts de marché des constructeurs ; qu'il est établi qu'un distributeur peut passer d'un réseau de constructeur à un autre réseau dont la notoriété est analogue à celle du réseau qu'il a quitté ;

Considérant que la société Honda France avait la possibilité, compte tenu de la nature de ses produits et de la situation du marché des véhicules à moteur à deux roues, d'organiser, par analogie avec la commercialisation des véhicules automobiles, un réseau de distribution fondé sur des contrats de concession exclusive, sous réserve que leurs stipulations respectent les règles nationales et communautaires en la matière et qu'en particulier elles ne soient pas appliquées de façon discriminatoire ;

Considérant que, en 1987, la société Honda France disposait d'un réseau de distribution exclusive dont il n'est pas soutenu que les principes étaient contraires aux règles susmentionnées, les concessionnaires étant habilités à désigner des agents ; qu'en 1988, elle a subordonné la faculté pour ses concessionnaires de désigner des agents à la condition supplémentaire de ne pas accepter des revendeurs qui seraient par ailleurs concessionnaires d'autres marques ;

Considérant que l'éventualité des dérives de vente analysées dans le B de la partie I de la présente décision pouvait justifier cette modification ; qu'il résulte de l'examen de l'ensemble du système de distribution et de son application que les contrats en cause ont permis le maintien d'un nombre plus élevé de revendeurs que celui qu'aurait comporté un réseau constitué uniquement par des concessionnaires exclusifs ; qu'il n'a pas été fait de ce système un usage discriminatoire ; que,dès lors, la clause considérée ne peut être regardée comme ayant eu pour objet ou pu avoir pour effet de restreindre la concurrence ;

Sur les autres clauses des contrats :

Considérant que les contrats de concession exclusive et les contrats d'agent en vigueur en 1987 ainsi que ceux conclus pour 1988 comportent des clauses interdisant aux concessionnaires et aux agents de vendre et de promouvoir les produits en dehors du territoire concédé ; qu'en raison de la faculté, figurant à l'article 3-3 des contrats, d'accepter les " commandes émanant spontanément d'utilisateurs situés en dehors du territoire concédé ", clause qui laisse subsister une concurrence entre les revendeurs du réseau, ces stipulations ne sont pas contraires aux règles nationales et communautaires de la concurrence ; que si la circulaire de la société Honda France en date du 25 août 1987 fait état d'une interdiction de livrer " des patentés, professionnels de la moto, moto-écoles ou autres " s'ils sont situés hors du territoire du concessionnaire ou de l'agent, ce texte unilatéral ne saurait priver d'effet les stipulations contractuelles auxquelles il se réfère expressément ; qu'il n'est pas établi que Honda France et Japauto aient fait obstacle à l'application de la clause susmentionnée de l'article 3-3 ;

Considérant que les contrats de concession exclusive et les contrats d'agent comportent une stipulation invitant les revendeurs à ne pas dépasser les prix résultant du tarif conseillé ; que la partie saisissante allègue qu'en fait les prix du tarif sont imposés par le constructeur à peine d'exclusion du réseau ; qu'elle se fonde à ce sujet sur l'identité des prix annoncés par différents distributeurs dans la presse spécialisée ;

Mais considérant que les prix conseillés constituent une limite maximum fixée par le constructeur et que les contrats laissent toute liberté aux revendeurs de pratiquer des prix inférieurs ; qu'il n'est pas établi que l'identité des prix alléguée, au demeurant limitée à certains modèles de véhicules, résulte d'une concertation entre les revendeurs ou entre le constructeur et son réseau ;

Sur le refus d'octroyer une concession à la société Standart :

Considérant que la société Honda France a refusé d'attribuer une concession exclusive à la société Standart filiale de DMSA en raison de négociations, déjà engagées avec la société Darcos, située dans le territoire sollicité ; que la société DMSA allègue que ce refus constitue une pratique contraire aux règles de la concurrence ;

Mais considérant que,d'une part, l'appréciation des qualités professionnelles et techniques des demandeurs de concession exclusive relève de la libre appréciation du fournisseur ; que, d'autre part, il n'est nullement établi en l'espèce que le refus opposé à la société Standart soit le résultat d'une entente anticoncurrentielle,

Décide :

Article unique : - Il n'est pas établi que la société Honda France et la société Japauto aient enfreint, du fait des pratiques analysées dans la présente décision, les dispositions les articles 7 et 8 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.