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Décisions

CA Limoges, ch. corr., 22 février 1995, n° 279-94

LIMOGES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Dubayle, Esterle (SARL), Espace jouets et loisirs (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mercier

Substitut général :

M. Vergne

Conseillers :

M. Payard, Mme Renon

Avocats :

Mes Sol, Vayleux

TGI Brive, ch. corr., du 16 juin 1994

16 juin 1994

Décision dont appel

Sur l'action publique :

Le tribunal a rejeté la demande tendant à voir prononcer la nullité des poursuites, a déclaré (M.) X coupable de l'infraction qui lui est reprochée, en répression l'a condamné à une amende de 15 000 F ainsi qu'au paiement d'un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F ;

Sur l'action civile :

Le tribunal a reçu la société Espace Jouets Loisirs, M. Daniel Dubayle et la société Esterle en leur constitution de partie civile, a condamné (M.) X à payer à titre de dommages-intérêts, la somme de 16 100 F à la société Espace Jouets Loisirs, la somme de 10 580 F à M. Daniel Dubayle et la somme de 8 122 F à la société Esterle, a débouté les parties civiles du surplus de leur demande, a condamné (M.) X à payer à chacune des trois parties civiles la somme de 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ainsi qu'aux dépens de l'action civile ;

Appels :

Le prévenu et le Ministère public ont relevé appel de cette décision le 22 juin 1994 ;

LA COUR :

Le prévenu et le Ministère public ont interjeté appel du jugement dont le dispositif est ci-dessus rapporté rendu le 16 juin 1994 par le Tribunal correctionnel de Brive ;

Ces appels sont réguliers et recevables en la forme ;

Les parties civiles sollicitent la confirmation du jugement entrepris et réclament chacune une indemnité de 3 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Elles rappellent que les hypermarchés choisissent délibérément d'enfreindre la loi et que les pratiques de [la société] Y à une période où se réalise la moitié du chiffre d'affaires du mois de décembre leur ont été particulièrement préjudiciables comme le démontrent les documents comptables ;

M. l'Avocat général a requis la confirmation du jugement sur la culpabilité avec une augmentation de la sanction pécuniaire ;

Il fait valoir :

* que la matérialité des faits est établie et reconnue,

* que la nullité du procès-verbal initial n'entraîne pas la nullité des poursuites,

* que s'agissant de soldes illicites l'exception d'alignement ne peut être invoquée comme excuse absolutoire ;

Le prévenu représenté par son conseil sollicite la réformation de la décision déférée et demande à la cour de le relaxer des fins de la poursuite ;

Il invoque la nullité du procès-verbal établi par les agents de la Direction de la Concurrence et de la Consommation qu'il n'a pas signé et dont il n'a pas reçu un double alors qu'il s'agit de formalités substantielles ce qui a eu pour effet de le priver de moyens de défense ;

Il fait valoir que le procès-verbal du 6 mai 1993 contenant ses déclarations ne peut fonder les poursuites dès lors qu'il ne rapporte pas les constatations personnelles de ses auteurs ;

Sur l'action publique :

Attendu que le 20 décembre 1992, suite à la parution dans le journal La Montagne d'une publicité annonçant une remise de 50 % sur des milliers de jouets, les services de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont effectué un contrôle à l'Hypermarché Y de Brive à l'issue duquel ils ont constaté que les produits concernés par l'opération représentaient 80 % des produits exposés et que la remise était effectuée aux caisses ;

Qu'ils ont le 17 mars 1993 rédigé un procès-verbal en considérant qu'il s'agissait de soldes organisées sans autorisation en-dehors de la période fixée par arrêté préfectoral ;

Attendu que les premiers juges ont à bon droit considéré que ce procès-verbal était nul car non revêtu de la signature de la personne concernée par les investigations et à laquelle aucun double n'avait été remis conformément aux dispositions des articles 31 du décret du 29 décembre 1986 et 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Que l'absence de ces formalités pour substantielles qu'elles soient ne saurait affecter la validité de la procédure subséquente dès lors que ce procès-verbal n'est pas la base nécessaire des poursuites et qu'il existe d'autres moyens de preuve de l'infraction contrairement à l'espèce soumise à la Cour d'appel de Bourges et invoquée par M. X dans laquelle le prévenu n'avait pas été concerné par l'enquête administrative ni entendu avant sa comparution devant le tribunal ;

Attendu qu'il existe en effet au dossier outre le support publicitaire caractérisant la matérialité de l'infraction un procès-verbal établi le 6 mai 1993 par les services de Gendarmerie aux termes duquel M. X a reconnu que le rapport du service de la Concurrence et de la Consommation était conforme à la réalité et surtout précisé avoir décidé de vendre la majeure partie des jouets saisonniers à 50 % en réaction à l'opération identique organisée par le magasin Continent et annoncée par des prospectus distribués sur la voie publique ;

Que les énonciations de ce procès-verbal sont suffisamment explicites pour que le prévenu ait eu une parfaite connaissance des faits qui lui étaient reprochés et ait pu faire valoir ses moyens de défense ce qu'il n'a pas manqué de faire ;

Que la décision critiquée sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité des poursuites soulevée par M. X ;

Attendu que celui-ci est mal fondé à soutenir que cette opération de vente de jouets à 50 % était une vente promotionnelle nécessairement à perte et ne relevant pas de la réglementation sur les soldes ;

Qu'il résulte en effet de ses propres déclarations que les produits concernés étaient saisonniers et non permanents ce qui démontre qu'il s'agissait de mettre en vente un stock de marchandises prédéterminé et non immédiatement renouvelable ce qui caractérise les soldes même si ce procédé peut conduire à des reventes à perte sans qu'il y ait alors infraction aux dispositions de la loi du 2 juillet 1963 ;

Que l'exception d'alignement qu'il invoque est donc en l'espèce inopérante et laisse subsister l'infraction, ces soldes se déroulant hors de la période fixée par arrêté préfectoral étant soumis à une autorisation qui n'a jamais été sollicitée ;

Que cette infraction a par ailleurs été correctement sanctionnée ;

Sur l'action civile :

Attendu que les constitutions de partie civile de M. Dubayle, de la SARL Esterle et de la SARL Espace Jouets et Loisirs ont été à bon droit déclarées recevables et fondées, le préjudice invoqué étant, dans son principe, la conséquence directe et certains des faits visés à la prévention ;

Que la décision entreprise encourt cependant réformation sur le montant des dommages-intérêts alloués en réparation de ce préjudice ;

Attendu en effet qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir que la perte réelle de bénéfices subie par chaque partie civile au cours du mois de décembre 1992 et justifiée sur le plan comptable est imputable intégralement aux pratiques des deux hypermarchés voisins et doit être répartie par moitié entre eux ;

Qu'il ne peut toutefois être sérieusement contesté que ces mêmes pratiques ont engendré pour les petits commerçants locaux un préjudice économique certain que la cour, au vu des éléments d'appréciation dont elle dispose, est en mesure de fixer à :

* 9 000 F pour M. Dubayle

* 6 000 F pour la SARL Esterle

* 12 000 F pour la SARL Espace Jouets et Loisirs ;

Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit (M.) X et le Ministère public en leurs appels ; Sur l'action publique : Confirme le jugement entrepris dans l'intégralité de ses dispositions ; Condamne (M.) X au paiement d'un droit fixe de procédure d'un montant de huit cent francs (800 F). Le tout par application des articles 1er de l'arrêté préfectoral n° 91-34 du 10 décembre 1991 pris en application de la loi du 30 décembre 1906 modifiée et de l'article 1 du décret n° 91-1068 du 16 octobre 1991, 2, 1, 5, 6 et 7 du décret n° 62-1463 du 26 novembre 1962 pris en application de la loi du 30 décembre 1906, 2 de la loi du 30 décembre 1906 modifiée, et la loi d'adaptation n° 92-1336 du 16 décembre 1992 (articles 329 et 373), 473 et 800 du Code de procédure pénale. Sur l'action civile : Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevables et fondées les constitutions de partie civile de M. Dubayle, de la SARL Esterle et de la SARL Espace Jouets et Loisirs ; L'émendant pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne (M.) X à payer à titre de dommages-intérêts : - à M. Dubayle Daniel, la somme de neuf mille francs (9 000 F), - à la SARL Esterle, la somme de six mille francs (6 000 F), - à la SARL Espace Jouets et Loisirs, la somme de douze mille francs (12 000 F), outre à chaque partie civile une somme de trois mille francs (3 000 F) sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Condamne (M.) X aux dépens.