CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 25 mai 1994, n° ECOC9410104X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ministre de l'Économie, Les Grands magasins B Cora (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Premier président :
Mme Ezratty
Président :
M. Feuillard
Avocat général :
Mme Thin
Avoué :
Me Kieffer-Joly
Avocats :
Mes Melchior, Collin.
Par décision n° 93-D-21 du 8 juin 1993 relative à des pratiques mises en œuvre par le groupe Cora lors du rachat de la société SES, le Conseil de la concurrence (le conseil) a rejeté la saisine faite par le ministre de l'économie.
Référence étant faite à cette décision pour l'énoncé des faits, seront rappelés les éléments essentiels suivants nécessaires à la solution du litige :
Le groupe Cora exerce, parmi d'autres activités, celle de l'exploitation de fonds de commerce d'hypermarchés, de supermarchés et de magasins de proximité. A la suite de l'acquisition par le groupe, en 1989, de la Société européenne de supermarchés (SES), l'activité " distribution " a été exercée par la société Grands magasins B (GMB) et six de ses sociétés filiales directes ou indirectes.
En décembre 1989, les hypermarchés et supermarchés du groupe Cora, représentant 5,2 p. 100 de la surface nationale des magasins de cette catégorie, totalisaient 24,23 p. 100 de cette surface en Alsace et 37,2 p. 100 en Lorraine, régions où ils se trouvent essentiellement implantés.
L'activité de la société GMB consiste notamment à référencer les fournisseurs pour le compte de l'ensemble des magasins du groupe et à négocier les conditions d'achat avec ces fournisseurs ; les départements " Loceda " et " Hypersélection " de GMB assurent cette fonction de centrale d'achat, le premier, pour ce qui concerne les produits alimentaires, la droguerie, l'hygiène, la parfumerie, etc. et, le second, pour ce qui concerne les textiles, le bazar et l'électroménager.
Les deux départements comportent chacun un certain nombre de commissions appelées " files " spécialisées par familles de produits (épicerie, boucherie, charcuterie, produits laitiers, poissonnerie...).
Ces " files " sont chargées de sélectionner les fournisseurs et de négocier les conditions d'achat qui portent sur la nature et le montant des avantages susceptibles d'être accordés par les fournisseurs au distributeur.
Les avantages consentis consistent soit en remises sur factures venant en déduction du prix tarif du fournisseur, soit encore en remises hors factures accordées périodiquement selon un mode forfaitaire ou en fonction du chiffre d'affaires annuel réalisé avec le fournisseur, soit enfin en rémunérations des services de " coopération commerciale " rendus par le distributeur au fournisseur.
Cette coopération commerciale, qui peut prendre des formes multiples telles qu'emplacements privilégiés, actions promotionnelles, rémunération de services spécifiques, donne lieu, pour sa rémunération, soit à des ristournes, soit à des factures adressées par le distributeur au fournisseur.
Les pratiques dont il est demandé à la cour de dire qu'elles sont anticoncurrentielles ont concerné deux marchés distincts, celui de l'approvisionnement en biens de consommation courante, sur lequel Cora est demandeur face à ses fournisseurs, et celui de la distribution au détail de ces mêmes biens dans les hypermarchés et supermarchés sur lequel Cora est offreur face aux consommateurs.
Le ministre de l'économie reproche à GMB des pratiques relevées à la suite de l'acquisition de la SES, lors de la renégociation des conditions d'achat auprès de 750 de ses fournisseurs en produits de crémerie, boucherie-volailles, charcuterie, épicerie, surgelés, boulangerie, bazar et textile.
Ces pratiques auraient consisté pour GMB à s'être fait consentir par de nombreux fournisseurs des avantages rétroactifs, une rémunération dénommée " participation publi-promotionnelle forfaitaire " (PPF) et l'allongement des délais de paiement. A ces pratiques se seraient ajoutées des menaces de déréférencement, de réduction des opérations promotionnelles ainsi que des baisses de commandes.
C'est en l'état de cette saisine que le conseil a rendu la décision attaquée, estimant, d'une part, que les conditions d'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'étaient pas réunies, l'atteinte à la concurrence résultant des pratiques n'ayant pu être établie, d'autre part, qu'au regard de l'article 8-2 de l'ordonnance précitée la situation de dépendance des fournisseurs n'avait pu être démontrée, ni l'atteinte à la concurrence établie.
Le ministre de l'économie a formé un recours en réformation contre cette décision à l'appui duquel il fait valoir que :
- le conseil, qui a relevé que les renégociations à la hausse des avantages consentis par ses fournisseurs pouvaient, dès lors qu'elles présentaient un caractère suffisamment général, constituer une entente illicite, ne pouvait écarter ce grief au motif que l'effet anticoncurrentiel ne pouvait être établi alors qu'un effet potentiel est suffisant pour retenir au grief d'entente ;
- si les versements finalement effectués par les entreprises ont été différenciés après négociations, cette différenciation ne résulte d'aucune attention particulière de Cora aux conditions propres à chaque fournisseur et rien ne permet de dire que le montant des versements ne pouvait pas avoir pour effet de mettre certaines entreprises hors marché ;
- sauf à supposer que la pratique en cause relève de l'article 10-2 de l'ordonnance, ce qui n'est pas invoqué par Cora, les agissements reprochés ont eu pour effet d'éloigner le marché de l'équilibre de concurrence qui était le sien avant les négociations ;
- la constatation selon laquelle le ministre de l'économie n'a pas fait usage du contrôle de la concentration à l'occasion du rachat de SES par Cora ne suffit pas en soi à exclure que la manière dont l'opération a été effectuée portait atteinte à la concurrence ;
- la mise en œuvre par une entreprise d'un système lui permettant d'obtenir un capital à coût nul, alors que le fonctionnement efficient du marché nécessite qu'il y ait une corrélation entre le coût du capital et la rentabilité attendue des investissements, est une atteinte manifeste au fonctionnement du marché ;
- en ce qui concerne le grief d'abus de dépendance économique, le conseil ne pouvait, pour apprécier l'état de dépendance économique des fournisseurs vis-à-vis du distributeur, écarter l'existence d'un tel état en se fondant sur l'absence de certains critères ou sur le fait que certaines entreprises avaient refusé de céder aux demandes de Cora et que ce distributeur avait accepté ;
- en tout état de cause, l'abus est constitué par des pressions exercées par Cora, sans qu'il soit nécessaire de constater que ces pressions ont ou non abouti ;
- le conseil a fait une confusion entre l'effet anticoncurrentiel et la potentialité anticoncurrentielle d'un abus de dépendance économique, la revendication d'une prime de participation forfaitaire importante à l'égard de six entreprises en état de dépendance économique étant abusive et devant être sanctionnée.
Le ministre de l'économie demande en conséquence de lui donner acte de ce qu'il renonce à sa demande subsidiaire tendant à renvoyer l'affaire devant le conseil aux fins de reprise de l'instruction, de juger que les demandes de budgets pluripromotionnels acceptées par les fournisseurs constituent des ententes illicites, que les fournisseurs Meyer, Sengele, Vaucard et Ott Armand étaient dans un état de dépendance économique dont GMB a abusé et sollicite la condamnation de celle-ci à une amende de 30 millions de francs et la publication de la décision à intervenir.
La société GMB, mise en cause, conclut au rejet du recours et, en ce qui concerne la régularité de la procédure, demande essentiellement à la cour :
- de dire que le recours formé par le ministre de l'économie n'est pas un recours en annulation ;
- de lui donner acte de ce que la décision attaquée est devenue définitive en ce qui concerne les moyens de procédure, l'abus de position dominante et les griefs tirés de l'article 7 de l'ordonnance autres que la " PPF " ;
- de déclarer irrecevables les procès-verbaux établis en septembre 1993 par les représentants du ministre de l'économie auprès des entreprises Ott Armand, Sengele, Vaucard et Lapins Meyer, au motif que ces procès-verbaux ont été établis postérieurement à la décision du conseil et même à la saisine de la cour du recours contre cette décision en violation du principe du respect des droits de la défense et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
- de déclarer encore irrecevables les observations du ministre du 9 novembre 1993 qui n'ont pas été adressées à GMB par lettre recommandée avec avis de réception, ainsi que ses observations en date du 21 décembre 1993, produites hors du délai imparti, qui, contrairement à leur intitulé, ne constituent pas une simple rectification d'erreur matérielle ;
- de déclarer enfin irrecevable comme tardive la demande tendant au prononcé d'une amende de 30 millions de francs qui n'a pas été formée par le ministre dans son recours motivé en date du 30 juillet 1993.
Sur le fond, la société GMB fait valoir que :
- le ministre de l'économie ne précise pas les entreprises vis-à-vis desquelles une pratique d'entente serait reprochée à GMB ;
- il n'est caractérisé aucune infraction à l'article 7 de l'ordonnance, le conseil ayant relevé qu'il n'était ni soutenu ni établi que les demandes de GMB avaient eu pour objet d'entraver le jeu de la concurrence et que les pratiques avaient eu pour effet de le limiter ;
- le critère du simple effet potentiel est insuffisant dès lors qu'il est, comme en l'espèce, détaché artificiellement de la réalité, de même qu'est inopérante la référence à " l'équilibre de concurrence " ;
- le moyen selon lequel le conseil n'aurait pas dû appliquer cumulativement les critères servant à définir la dépendance économique est irrecevable dès lors que le conseil n'a fait, sur ce point, que mettre en œuvre la solution préconisée par le commissaire du Gouvernement ;
- en tout état de cause l'enquête a été approfondie et ne justifie en aucun cas que l'affaire soit renvoyée devant le conseil.
La société GMB sollicite enfin la condamnation du ministre de l'Économie au paiement à son profit de la somme de 500 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aux termes de ses observations, le conseil expose que :
- la demande formulée par Cora de renégociation à la baisse de conditions d'achat revêtait manifestement le caractère d'un acte unilatéral échappant au champ d'application de l'article 7 de l'ordonnance ;
- à supposer les menaces de déréférencement établies, ce qui n'est pas le cas, le distributeur ne détenait pas une position dominante dans la commercialisation des biens en cause et ne tenait pas les fournisseurs dans sa dépendance ;
- les conditions d'application de l'article 8-1 et 8-2 de l'ordonnance n'étaient pas réunies : trois des six entreprises n'étaient pas en situation de dépendance économique et, en ce qui concerne les trois autres, à les supposer en état de dépendance, la preuve d'une atteinte réelle ou potentielle à la concurrence sur un marché n'était pas rapportée ;
- la demande de renvoi pour complément d'instruction, qui n'est prévue ni par l'ordonnance du 1er décembre 1986 ni par le décret du 19 octobre 1987, est irrecevable.
Le ministre public a conclu oralement au rejet du recours.
Sru quoi, LA COUR :
I. - Sur la procédure :
A. - Sur la recevabilité des mémoires :
Considérant que GMB soutient que le mémoire du ministre du 9 novembre 1993 ne lui serait pas parvenu par lettre recommandée avec avis de réception ;
Mais considérant que GMB, qui a répondu aux arguments développés dans ce mémoire et ne prétend pas en pas en avoir eu communication, ne justifie d'aucun grief de ce chef ;
Considérant que le mémoire produit par le ministre le 17 décembre 1993, qui ne comporte que des rectifications d'erreurs purement matérielles, concernant notamment certaines données chiffrées, commises dans les conclusions régulièrement déposées le 9 novembre 1993, s'incorpore au mémoire qu'il rectifie et n'a pas lieu d'être rejeté des débats.
B. - Sur la recevabilité de la demande de sanction :
Considérant qu'aux termes de la déclaration formée le 30 juillet 1993, le recours du ministre tendait à ce que la cour tire les conséquences des pratiques constatées " en application de l'article 13 " de l'ordonnance du 1er décembre 1986, lequel prévoit les sanctions pouvant être infligées par le conseil ;
Que la demande relative à la sanction se trouvant contenue dans la déclaration de recours est, dès lors, recevable, le montant suggéré par le ministre ayant pu être indiqué dans un mémoire ultérieur.
C. - Sur la régularité de l'enquête relative à l'abus de dépendance économique :
Considérant que le ministre de l'économie a fait procéder par ses services à des enquêtes auprès des sociétés Armand Ott, Lapins Meyer, Vaucard, Sengele et SAEM de Ribeauvillé, à l'effet d'établir ou de conforter les éléments d'une dépendance économique de ces sociétés vis-à-vis de GMB ;
Qu'il résulte des procès-verbaux d'auditions produits aux débats que ces enquêtes ont été menées entre le 17 et le 27 septembre 1993, c'est-à-dire postérieurement au prononcé de la décision du conseil faisant l'objet du présent recours ;
Qu'en procédant dans ces conditions à des auditions portant sur le fond même du débat, le ministre de l'économie ne pouvait faire usage de ses prérogatives de puissance publique sans méconnaître le principe du procès équitable posé par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et celui du respect des droits de la défense ;
Qu'en conséquence les rapports d'enquête et pièces annexes établis postérieurement à la saisine du Conseil de la concurrence et concernant les sociétés précitées seront écartés des débats ;
II. - Sur le fond :
A. - Sur le marché pertinent :
Considérant que les marchés concernés par les pratiques incriminées sont celui de l'approvisionnement de la distribution en biens de consommation courante et celui de la distribution au détail de ces mêmes biens dans les supermarchés et hypermarchés, étant observé que ces marchés sont eux-mêmes divisés en fonction du critère de substituabilité des produits par famille ;
Qu'en indiquant que les marchés qui peuvent se trouver affectés par les ententes sont les marchés d'approvisionnement de la distribution, le ministre n'a pas, contrairement à ce que soutient GMB, modifié la définition du marché pertinent ;
B. - Sur le grief d'entente :
Considérant que l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 prohibe les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ;
Considérant qu'il est soutenu que, par leur importance et leur brutalité, les revendications de la société GMB à l'égard de ses fournisseurs pour obtenir le versement d'une " participation publi-promotionnelle forfaitaire " étaient assimilables à des " conditions générales d'achat " pouvant avoir pour effet de mettre hors marché des producteurs compétitifs ne pouvant supporter un " choc de trésorerie important " et, par conséquent, de fausser le jeu de la concurrence ;
Mais considérant que l'acceptation des fournisseurs de renégocier à la hausse les avantages précédemment consentis par le contrat les liant au distributeur ne saurait caractériser une entente ;
Qu'il ne peut, en effet, être sérieusement soutenu que ces fournisseurs auraient participé à une entente dont l'objet ou l'effet potentiel aurait été de les mettre eux-mêmes hors marché ;
Qu'une entente ne peut davantage être caractérisée entre Cora et ceux des fournisseurs qui, ne s'étant pas vu demander le versement de la " PPF ", auraient ainsi bénéficié d'un avantage indirect de la renégociation demandée aux autres ;
Considérant que, la preuve d'une entente n'étant pas rapportée en l'espèce, il y a lieu d'examiner ces pratiques au regard de l'existence éventuelle d'un abus de dépendance économique des fournisseurs vis-à-vis de GMB ;
C. - Sur l'application de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :
Considérant qu'il est établi et non contesté que le groupe Cora n'est pas en position dominante pour chaque famille de produits sur les marchés de l'approvisionnement des biens de consommation courante ;
Qu'il ne l'est pas davantage sur celui de la distribution au détail de ces mêmes biens ;
Que l'application du 1° de l'article 8 de l'ordonnance précitée doit être écartée en l'espèce ;
Considérant, sur le 2° de l'article 8 de l'ordonnance précitée, qu'il appartient à la cour de rechercher, comme l'a fait le conseil, si une dépendance économique est caractérisée et si, en tout état de cause, un abus de cette dépendance a été commis, notamment par le recours à des pressions ou des menaces de déréférencement dont la pratique ne peut qu'être rigoureusement sanctionnée ;
Considérant que le conseil énonce avec pertinence que l'existence d'un état de dépendance économique d'un fournisseur vis-à-vis d'un distributeur s'apprécie en tenant compte de l'importance du chiffre d'affaires réalisé par ce fournisseur avec le distributeur, de l'importance du distributeur dans la commercialisation du produit concerné, dans les facteurs ayant conduit le fournisseur à concentrer ses ventes auprès du distributeur et de l'existence et de la diversité éventuelle de solutions alternatives pour le fournisseur;
Que c'est par une exacte application des critères ainsi définis que le conseil a estimé qu'en dépit de la dimension réduite des six entreprises concernées vis-à-vis du groupe Cora avec lequel elles réalisaient de 22 p. 100 de leur chiffre d'affaires, de leur caractère régional, de la faible notoriété de leurs produits fortement concurrencés par des produits de marque, aucun élément chiffré ne permettait d'apprécier pour les sociétés le niveau des marges ou l'importance des excédents de capacité dans les différents secteurs d'activité concernés;
Que le recours à une mesure d'expertise destinée à préciser ces données chiffrées ne se justifierait que si les éléments de la cause permettaient de réunir d'ores et déjà des indices ou présomptions suffisants pour caractériser un grief d'abus de domination économique;
Or, considérant que l'état de dépendance n'est pas établi en ce qui concerne la société SAEM de Ribeauvillé, filiale du groupe Perrier, qui commercialise une eau minérale bénéficiant, ce qui n'est pas contesté, d'une notoriété certaine dans l'Est de la France;
Que cette entreprise intervient dans un secteur dans lequel les marges sont notoirement importantesainsi qu'il ressort de la décision de la Commission des Communautés européennes du 22 juillet 1992 concernant la concentration entre les groupes Nestlé et Perrier ;
Considérant que l'absence de dépendance de la société Semy Levy est démontrée par la possibilité, effectivement utilisée, qui lui a été offerte de refuser de verser la somme qui lui était demandée au titre de la " PPF " sans pour autant faire l'objet de mesures de rétorsion;
Considérant que, la société Vaucard ayant disposé d'une solution alternative qui lui a permis de réorienter son activité vers le petit commerce, il n'est pas établi, en ce qui la concerne, de dépendance économique vis-à-vis de GMB;
Qu'au surplus, à supposer même établie une telle dépendance, la preuve n'est pas rapportée, en l'espèce, qu'un abus en ait été commis à son égard par l'exercice de pressions puisque, bien au contraire, ayant constaté une baisse de son chiffre d'affaires avec le distributeur en 1989, Vaucard avait demandé et obtenu un remboursement de la totalité des sommes qu'elle avait versées au titre de la " PPF ";
Considérant que la cour relève comme le conseil que, si certains éléments de la cause permettent de suspecter un état de dépendance des sociétés Lapins Meyer, Ott Armand, et Sengele vis-à-vis de GMB, la preuve n'est cependant pas rapportée, en l'espèce, qu'un abus de cette dépendance ait été commis à leur égard;
Qu'en effet la société Lapins Meyer indique qu'elle était prête à cesser ses relations commerciales avec le groupe Cora si elle n'avait pu obtenir gain de cause sur le montant de la somme à verser à ce distributeur au titre de la " PPF "et qu'aucune pression, telle que menace de déréférencement, n'a été dénoncée par les sociétés Ott Armand et Sengele;
Considérant en conséquence que, n'étant établies ni l'existence d'une dépendance économique de la société Vaucard, ni celle d'un abus de dépendance économique des sociétés Lapins Meyer, Ott Armand et Sengele, le recours sera rejeté;
Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit alloué à GMB une somme en remboursement de ses frais irrépétibles.
Par ces motifs : Ecarte des débats les rapports d'enquête concernant les sociétés Lapins Meyer, Ott Armand, Sengele et Vaucard, établis au mois de septembre 1993 par le ministre de l'économie ; rejette le recours formé par le ministre de l'économie contre la décision n° 93-D-21 du Conseil de la concurrence en date du 8 juin 1993 ; dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de GMB ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public.