CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 12 avril 1996, n° FCEC9610100X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Assemblée plénière des sociétés d'assurances dommages, Syndicat général des fabricants d'extincteurs fixes et mobiles
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Feuillard
Avocat général :
M. Jobard
Conseillers :
MM. Perie, Weil
Avoué :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocat :
Me Saint Esteben.
Saisi par le ministre de l'économie, des finances et du budget des pratiques relevées sur les marchés de l'installation et de la maintenance des extincteurs, le Conseil de la concurrence, par décision n° 95-D-50 du 4 juillet 1995, a infligé des sanctions pécuniaires d'un montant de 1 500 000 F à l'assemblée plénière des sociétés d'assurances dommages (APSAD) et d'un montant de 200 000 F au Syndicat général des fabricants d'extincteurs fixes et mobiles (Syfex).
Les pratiques sanctionnées concernent la règle "R 4" élaborée en décembre 1987 par l'APSAIRD depuis devenue APSAD, avec le concours actif de Syfex, régissant les installations d'extincteurs mobiles dans les bâtiments à usage industriel, commercial ou de bureau. Cette règle constitue un guide dont les prescriptions servent de base contractuelle aux assureurs et aux assurés et de référence technique pour toute installation. Son application autorise la délivrance d'un certificat de conformité qui permet aux assurés de ne pas se voir appliquer une majoration de 10 p. 100 de la prime prévue par le traité d'assurance des risques d'entreprises de l'APSAD, qui regroupe la plupart des principales sociétés d'assurances françaises et étrangères.
La règle R 4 a été complétée, en janvier 1989, par un règlement de qualification des installateurs d'extincteurs mobiles qui prévoit que, pour bénéficier de la non-application de la pénalité de 10 p. 100, l'installation doit avoir été réalisée et être vérifiée périodiquement par une entreprise agréée par l'APSAD, que les seules entreprises pouvant prétendre à cette qualification sont les constructeurs d'extincteurs mobiles bénéficiaires de la marque "NF-Extincteurs", les titulaires d'un report de marque commerciale d'un constructeur bénéficiaires de la marque NF (porteurs de marque) ou les concessionnaires exclusifs des deux catégories précédentes d'entreprises. L'article 2 du règlement fixe également neuf conditions que doivent remplir les entreprises pour être qualifiées.
Le Conseil a retenu que le fait pour une entreprise d'installation ou de maintenance d'extincteurs de ne pas bénéficier de la qualification APSAD peut constituer un désavantage dans la concurrence, que le Syfex a pris une part active à l'élaboration des prescriptions édictées par l'APSAD, en particulier en ce qui concerne les conditions d'agrément des entreprises, que, s'il était loisible à l'APSAD de soumettre l'obtention de la qualification à des critères techniques objectifs et justifiés par des raisons de sécurité, l'exclusion du bénéfice de cette qualification indépendamment des critères précités constitue une pratique prohibée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, que l'APSAD avait ainsi exclu de la qualification les concessionnaires non exclusifs, concessionnaires de plusieurs constructeurs, les installateurs non concessionnaires utilisant néanmoins du matériel conforme à la norme NF et les installateurs n'ayant pas leur siège social en France, et ce jusqu'en 1994, ainsi que les entreprises ayant fait l'objet d'une réclamation.
Le Conseil a considéré que la qualité de concessionnaire ou de porteur de marque ne garantissait pas une qualité de prestations meilleure que celle d'entreprises ne jouissant pas de ce statut mais répondant cependant aux critères objectifs de qualification, que le contrôle a priori ainsi institué au lieu d'un contrôle a posteriori de tous les installateurs qualifiés ne justifiait pas les restrictions à la concurrence ainsi introduites, que l'existence d'une réclamation, dont le bien-fondé n'était pas établi, ne pouvait justifier l'exclusion de la qualification.
Il a relevé que le Syfex avait, outre sa participation à l'élaboration de la règle critiquée, diffusé auprès de ses membres une interprétation de nature à éliminer de la qualification certaines catégories d'installateurs et à réserver certaines opérations de maintenance aux constructeurs ou aux propriétaires de marques.
Il a enfin dit que les pratiques prohibées étaient sanctionnables, indépendamment du fait que l'APSAD n'intervenait pas sur le marché affecté, puisque le règlement édicté par cet organisme avait pour effet de restreindre le jeu de la concurrence.
L'APSAD et le Syfex ont formé des recours en annulation, subsidiairement en réformation de la décision du Conseil.
L'APSAD soutient :
Que le Syfex a été consulté au même titre que d'autres organisations, que ses propositions n'ont été retenues que pour partie, que la "note d'information règle R 4" a été diffusée par le Syfex sans que l'APSAD en ait été informée et diverge de la règle édictée par cette dernière ;
Que, eu égard à la complexité de la maintenance des extincteurs résultant du grand nombre et de la diversité des pièces détachées nécessaires, seuls les constructeurs, les porteurs de marques et les concessionnaires exclusifs sont en mesure d'assurer une maintenance effective, sûre et immédiate, que ce contrôle a priori des installateurs ainsi sélectionnés procure des économies par rapport au système consistant à contrôler a posteriori tous les installateurs candidats à la qualification ;
Que l'exigence de la localisation du siège social en France de l'entreprise n'a jamais été prise en compte pour refuser la qualification et a été supprimée en 1993 ;
Que, pour refuser la qualification, le règlement vise les réclamations concernant les méthodes de travail ou les pratiques commerciales, qu'aucun refus n'a été prononcé pour ce motif, que depuis 1994 le règlement précise que ne peut être prise en compte qu'une réclamation dont le bien-fondé a été confirmé ;
Que le règlement n° 4 est légitimé par la commission de sécurité des consommateurs qui prône depuis le 3 janvier 1995 une norme de sécurité qui ne soit pas inférieure à celle édictée par l'APSAD ;
Que le règlement communautaire n° 3932/92, entré en vigueur le 1er avril 1993, portant exception par catégories en application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, vise l'établissement de règles concernant la vérification et l'acceptation d'équipements de sécurité ;
Que le règlement n° 4 n'est pas contraire à l'article 85 du traité de Rome ;
Qu'il y a lieu subsidiairement de réduire la sanction pécuniaire au motif que l'atteinte sensible à la concurrence n'est pas établie, qu'aucun refus de qualification n'a été décidé et que l'APSAD n'a pas d'intérêt à restreindre la concurrence sur le marché auquel elle est étrangère.
Le Syfex invoque l'avis de la commission de sécurité des consommateurs recommandant l'adoption d'une norme de sécurité et le caractère contradictoire de cet avis avec la décision du Conseil condamnant la norme de l'APSAD, souligne que l'APSAD est seule responsable de la norme qu'elle a adoptée et imposée, qu'il est le seul parmi les organismes consultés à être l'objet de poursuites et ajoute que la sanction prononcée représente 23 p. 100 de ses ressources alors que ses membres n'ont tiré aucun profit du règlement litigieux.
Le Conseil de la concurrence observe :
Que l'exigence du siège social en France ne garantit pas la qualité des prestations et restreint la concurrence, qu'il appartient au juge seul d'apprécier le bien-fondé d'une réclamation relative aux pratiques commerciales ou aux méthodes de travail d'une entreprise, qu'une entreprise qui n'est ni constructeur, ni porteur de marque, ni concessionnaire exclusif peut satisfaire aux conditions objectives de qualification, que les pratiques condamnées sont antérieures au règlement portant exemption par catégories ;
Que, par suite d'une erreur matérielle, le paragraphe 9-2 du règlement de l'APSAD a été visé au lieu du paragraphe 1-2 ;
Que le règlement de qualification affecte la concurrence actuelle et potentielle intracommunautaire et rappelle les domaines de compétence du Conseil et de la commission pour l'application de l'article 85-3 du traité de Rome.
Le ministre de l'économie conclut au rejet des recours.
Il observe pour sa part que le recours du Syfex est irrecevable ; que le lien entre l'objectif de sécurité et la qualité de fabricant, de porteur de marque ou de concessionnaire n'est pas prouvé, que les objectifs de sécurité sont déterminés par les conditions objectives de qualification définies par le règlement, conditions que toute entreprise, indépendamment de son statut de fabricant, de porteur de marque ou de concessionnaire, peut remplir, que les pratiques anticoncurrentielles ne peuvent bénéficier de l'article 10-2 de l'ordonnance, que les voeux de la commission de sécurité des consommateurs de voir adopter une norme d'un niveau équivalent à celle de l'APSAD ne vise pas les pratiques restrictives de la norme APSAD, qu'une erreur matérielle s'est glissée dans la décision du Conseil s'agissant du point 2, paragraphe 1, du règlement critiqué, que l'exigence du siège social en France a pour objet de limiter la concurrence, que cette disposition est dissuasive, qu'elle est prohibée par l'article 85-1 du traité de Rome, que le règlement d'exception ne peut s'appliquer en l'occurrence, que la clause n'a été supprimée qu'en 1993 alors que la saisine porte sur une période antérieure.
Il ajoute que, si la probité d'une entreprise peut être prise en compte pour l'écarter de la qualification, l'existence d'une réclamation ne suffit pas, que la clause ainsi édictée a eu un effet dissuasif à l'égard d'entreprises objet de réclamations, que l'exigence, apparue en 1994, de l'établissement du bien-fondé de la réclamation pour qu'elle soit prise en compte est postérieure aux faits reprochés, que le Syfex a participé activement à l'élaboration du règlement, en a donné une interprétation restrictive et en a été le principal bénéficiaire, que les sanctions ne peuvent être fondées sur la base du nonrespect de l'article 85-1 du traité de Rome mais sur l'article 7 de l'ordonnance de décembre 1986, que le dommage à l'économie est établi, que la gravité de la pratique de l'APSAD est fonction de son autorité, que le rôle du Syfex et l'avantage retiré par ses membres justifient les sanctions.
L'APSAD a répliqué en reprenant l'argumentation développée précédemment relative aux produits en cause et à la structure du marché, en soulignant qu'est seule reprochée la potentialité anticoncurrentielle de la règle R 4, que l'article 85-1 exclut que, à défaut d'objet anticoncurrentiel ou d'effet restrictif, l'effet potentiel soit sanctionné, que le règlement d'exemption par catégories peut s'appliquer rétroactivement, que l'existence d'un lien privilégié avec un fournisseur est nécessaire pour que l'installateur intervienne vite et bien, que la commission de sécurité des consommateurs (CSC) a souhaité l'adoption de toutes les dispositions, celles incriminées comprises, de la règle R 4 comme norme de sécurité, que l'exigence de la localisation en France du siège social n'a pas affecté sensiblement le commerce entre Etats membres, que l'APSAD n'a jamais entendu prendre en compte une réclamation infondée, que le marché était ouvert, que la clause n'a pas eu d'effet réel sur le marché.
Le ministère public a conclu oralement au rejet des recours en observant que le recours du Syfex est recevable, que l'APSAD et le Syfex se sont concertés, que le règlement de qualification ainsi élaboré, concernant le marché de l'installation et de la maintenance des extincteurs dans le cadre de la conclusion d'un contrat d'assurance, limitant la qualification aux constructeurs, aux porteurs de marques ou aux concessionnaires exclusifs, ayant leur siège social en France et n'ayant pas fait l'objet de réclamation, a une potentialité d'effets anticoncurrentiels limitant l'accès au marché, que ces restrictions anticoncurrentielles ne sont pas justifiées par un impératif de sécurité, que l'APSAD, bien que n'intervenant pas directement sur le marché, a, par son règlement, causé un dommage au marché connexe des assurances, que l'autorité de l'APSAD justifie la sanction prononcée à son égard ;
Sur ce, LA COUR:
Sur la recevabilité du recours du Syfex :
Considérant que la dénonciation au ministre chargé de l'économie des recours exercés contre les décisions du Conseil de la concurrence est régie par les dispositions de l'article 5 du décret du 19 octobre 1987 qui énonce qu'un exemplaire de la déclaration de recours, dès l'enregistrement de celui-ci, lui est adressé par le greffe de la cour, pour information, lorsqu'il n'est pas demandeur au recours ;
Qu'il n'importe que le représentant du ministre figure sur la liste des parties auxquelles est adressée la notification de la décision du Conseil, l'article 20 du décret du 19 octobre 1987, auquel renvoie l'article 4 de ce décret, devant être interprété par référence aux dispositions du premier alinéa de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et de l'article 22-2 du décret du 29 décembre 1986 qui réglementent la matière des notifications des décisions du Conseil sans distinguer selon que le ministre est ou non auteur de la saisine ;
Considérant que le Syfex a déclaré au greffe de la cour le 1er septembre 1995 former recours contre la décision n° 95-D-50 du Conseil ;
Considérant que, selon le bordereau de notification, le greffe a adressé le 9 octobre 1995 au ministre de l'économie le recours en annulation formé par le Syfex, exposant ses moyens ; que le ministre a déposé au greffe ses observations écrites le 17 novembre 1995 portant sur les recours formés contre la décision du Conseil ; que les moyens du Syfex à l'appui de son recours ont bien été communiqués dans des conditions permettant au ministre d'y répondre ; qu'il résulte de ce qui précède que le recours du Syfex sera déclaré recevable ;
Sur l'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 aux pratiques incriminées :
Considérant qu'il n'est pas contesté et qu'il a été établi par la décision du Conseil que la conformité des extincteurs mobiles de première intervention à la norme NF 61-900 et la preuve de leur conformité à cette norme par la certification de l'Afnor, ainsi que l'apposition de la marque NF sur ces appareils, constituaient une première garantie pour la sécurité, laquelle devait être renforcée par l'adoption de règles relatives à l'installation et la maintenance des extincteurs mobiles ;
Considérant que l'avantage tarifaire consenti par les adhérents de l'APSAD aux assurés qui respectent les règles édictées par cette association n'est pas critiqué ;
Sur le statut juridique des entreprises candidates à la qualification :
Considérant que le règlement de qualification de l'APSAD définissant les conditions et la procédure d'attribution de la qualification des entreprises prévoit tout d'abord, dès l'article 1er, que ne peuvent postuler pour cette qualification que les constructeurs, les porteurs de marques et les concessionnaires exclusifs ; que ce n'est qu'ensuite, dans les articles 2-2 à 2-9, que sont édictées les conditions objectives que doivent remplir les entreprises pour être qualifiées ;
Considérant que le statut juridique qui caractérise l'entreprise "porteur de marque" ou concessionnaire ne permet pas d'induire nécessairement qu'elle possède la compétence technique nécessaire ; qu'à cet égard il n'est pas justifié que ces entreprises présentent des compétences techniques particulières, disposent des produits et des pièces détachées nécessaires à la maintenance et bénéficient exclusivement d'une mise à niveau régulière de leurs connaissances ;
Considérant que le règlement de l'APSAD détermine les conditions suivantes pour qu'une entreprise soit qualifiée :
"2.2. Avoir une stabilité financière attestée par ses deux derniers bilans et comptes de résultats ou par les pièces comptables obligatoires et déclarations fiscales pour les entreprises non assujetties à l'établissement des documents précédents.
"2.3. Disposer d'une implantation et d'une organisation technique et commerciale lui permettant de concevoir, réaliser, vérifier et maintenir les I.E.M. dans des conditions satisfaisantes.
"2.4. Disposer d'une organisation de service après-vente compétente capable d'assurer tout dépannage nécessaire. Elle doit disposer ou avoir accès à au moins un poste de chargement pour chaque agent extincteur.
"2.5. Disposer en permanence d'une gamme de matériels suffisante : au minimum 9 modèles d'extincteurs certifiés NF correspondant à l'utilisation d'au moins 3 agents extincteurs différents. En outre, l'installateur doit disposer des moyens nécessaires pour effectuer les opérations de révision des appareils rappelés dans l'annexe 5 de la règle R 4.
"2.6. Justifier la conception et la réalisation d'au moins trente installations totalisant au moins trois cents extincteurs. Un minimum de dix installations et cent extincteurs doit concerner des sites industriels et commerciaux.
"2.7. Présenter, parmi les installations citées ci-avant, deux installations conçues, réalisées, vérifiées et maintenues par ses soins, comprenant, au total, au moins cent extincteurs, mis en place en France dans les deux dernières années dans deux établissements différents.
"2.8. A l'occasion de la présentation des deux installations prévues à l'article 2.7, le postulant devra démontrer sa parfaite connaissance des règles techniques d'installation et de maintenance (notamment règle R 4 de l'APSAD) concernant les extincteurs mobiles (choix et implantation des extincteurs, détermination de leur nombre, procédure de vérification et de maintenance...)"
Considérant qu'il n'est pas démontré qu'une entreprise qui remplirait ces conditions mais ne serait ni constructeur ni porteur de marque ou concessionnaire exclusif n'assurerait pas l'installation et la maintenance dans des conditions techniques d'un niveau égal à celles d'un constructeur, d'un porteur de marque ou d'un concessionnaire ; qu'il n'est pas davantage justifié qu'une entreprise artisanale ne puisse se procurer les pièces détachées dans des conditions satisfaisantes ou former son personnel de manière aussi efficace que des entreprises relevant d'une des trois catégories précitées ;
Considérant que, selon l'avis du 7 décembre 1994 de la commission de sécurité des consommateurs, 230 entreprises sont qualifiées sur environ 800 réalisant de la maintenance ; que l'exigence d'un statut juridique particulier a pu écarter un certain nombre d'entreprises de la qualification ;
Sur le coût d'un système de contrôle de qualification :
Considérant que l'APSAD fait valoir que, en éliminant par sa réglementation un grand nombre de postulants, elle diminue le coût de ses contrôles ;
Qu'une telle argumentation, développée systématiquement, aurait pour conséquence logique de supprimer toute concurrence pour réduire à leur plus simple expression les coûts du contrôle ; qu'elle ne saurait être retenue ;
Considérant en outre que, selon l'annexe 6 du règlement de l'APSAD le coût des visites préalables et de contrôle sont à la charge de l'entreprise qui demande la qualification ; que les visites de contrôle sont effectuées au moins tous les trois ans et davantage si nécessaire ;
Qu'il appartient à l'entreprise candidate d'apprécier le coût et les avantages d'une demande de qualification et non à l'APSAD d'éliminer, a priori, au prétexte d'un coût de visites qu'elle ne supporte pas en définitive, nombre d'entreprises ;
Sur l'exigence de la situation en France du siège social de l'entreprise candidate :
Considérant que la décision du Conseil vise, à la suite d'une erreur matérielle, le paragraphe 2.9 de la réglementation de l'APSAD alors qu'elle entendait viser le paragraphe 2.1 qui exige que l'entreprise candidate à la qualification ait son siège social en France ;
Considérant que cette condition n'est plus exigée depuis 1994 ; que, s'agissant de la période antérieure, la lutte contre les incendies à l'aide d'extincteurs mobiles ne présente pas des caractéristiques propres à la France ; que la particularité de la réglementation nationale et la difficulté pour une entreprise étrangère de s'y conformer ne sont pas démontrées ; que cette clause a dissuadé des entreprises étrangères de demander leur qualification, les privant ainsi de la possibilité de faire bénéficier leur clientèle de l'avantage tarifaire corrélatif, en méconnaissance tant de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que de l'article 85-1 du traité de Rome ;
Sur l'exigence de l'absence de réclamation pour obtenir la qualification :
Considérant que la seule existence d'une réclamation dont le bien fondé n'a fait l'objet d'aucune appréciation par une instance juridictionnelle ne peut priver une entreprise du droit de demander sa qualification ; que, d'ailleurs, le règlement de l'APSAD, depuis 1994, mentionne que peuvent être examinées par le comité de qualification les réclamations dont le bien-fondé a été confirmé ; que cette clause, même si elle n'a pas été mise en œuvre avant 1994, était susceptible, sans justification aucune, de restreindre la concurrence en éliminant des entreprises objet de réclamations injustifiées, voire abusives ;
Sur l'avis de la commission de sécurité des consommateurs (CSC) :
Considérant que, après s'être saisie d'office, le 3 novembre 1993, de l'ensemble des problèmes posés par la sécurité des extincteurs, notamment de leur maintenance, la commission de sécurité des consommateurs a rendu un avis le 7 décembre 1994 selon lequel devrait être élaborée une norme qui pourrait se référer notamment aux règles déjà existantes et ne pas être inférieure à celles édictées par l'APSAD ;
Considérant que cet avis, de portée générale, ne peut être interprété comme une approbation de toutes les règles édictées par l'APSAD ; que, d'ailleurs, les motivations de l'avis ayant trait à la qualification des entreprises par l'APSAD ne mentionnent pas les dispositions critiquées, qui ne sauraient être en tout état de cause légitimées ;
Sur l'effet du règlement communautaire n° 3932/92 du 21 décembre 1992 :
Considérant que, si le règlement n° 3932/92, portant exception par catégories en application de l'article 83-3 du traité de Rome, prévoit que l'article 85-1 du traité est inapplicable aux accords ayant pour but l'établissement de règles concernant la vérification et l'acceptation d'équipements de sécurité, l'article 15 de ce règlement précise que cette exemption est acquise à condition que les règles d'évaluation d'entreprises d'installation ou de maintenance soient objectives, relatives à la qualification professionnelle et appliquées de façon non discriminatoire ;
Considérant qu'en l'occurrence la discrimination établie en faveur des constructeurs, des porteurs de marques et des concessionnaires exclusifs ayant leur siège social en France est contraire aux dispositions du règlement invoqué, comme ne reposant pas sur des bases techniques objectives ;
Sur l'application de l'article 10-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 :
Considérant que l'amélioration de la sécurité des installations de lutte contre l'incendie et de leur maintenance est suffisamment assurée par les dispositions des articles 2-2 à 2-8 du règlement, adoptés par l'APSAD ; que les restrictions à la concurrence édictées par les articles 1er, 2.1 et 2.9 du même règlement ne sont nullement indispensables à l'effet recherché ;
Considérant au demeurant que le progrès visant à l'amélioration de la compétence des entreprises opérant en France n'a pas été atteint puisque, sur environ 800 entreprises recensées, moins de 230 seulement sont qualifiées ;
Que l'article 10-2 de l'ordonnance n'a pas vocation à recevoir application ;
Sur le rôle du Syfex :
Considérant que le Syfex n'a pas été le seul organisme consulté par l'APSAD ; que, si celle-ci a écarté certaines des règles préconisées par le Syfex, en particulier celle selon laquelle la révision des extincteurs était confiée aux seuls constructeurs, et non à tous les installateurs qualifiés, de manière à éviter la critique d'une collusion trop voyante entre les deux organisations, l'identité de vue, l'accord final entre les deux protagonistes, l'absence de divergences entre les deux organisations, s'agissant des dispositions critiquées, établissent suffisamment la concertation entre elles ;
Considérant en outre que le Syfex avait un intérêt personnel à l'adoption d'une réglementation restrictive conçue dans l'intérêt de ses membres et des partenaires commerciaux privilégiés de ceux-ci ;
Sur les sanctions :
Considérant que l'autorité dont dispose l'APSAD, organisation regroupant la plupart des entreprises d'assurances opérant en France et agréée par le ministère de l'industrie, et la part active prise par le Syfex au bénéfice de ses membres dans l'adoption de règles destinées à restreindre la concurrence témoignent de la gravité des faits reprochés ;
Considérant, en revanche, que le marché affecté ne concerne que celui des installations assurables ; que l'importance du dommage causé à l'économie est relativement limitée ; que les ressources du Syfex ne se sont élevées qu'à 859 000 F en 1994 ;
Qu'il y a lieu, en conséquence, de modérer les sanctions prononcées,
Par ces motifs : Dit le recours du Syfex recevable ; Réformant la décision n° 95-D-50 rendue le 4 juillet 1995 par le Conseil de la concurrence ; Réduit les sanctions pécuniaires qui ont été infligées aux montants ci-après : 500 000 F en ce qui concerne l'APSAD ; 50 000 F en ce qui concerne le Syfex ; Met les dépens à la charge des requérants.