CA Paris, président, 26 juin 1996, n° FCEC9610387R
PARIS
Ordonnance
PARTIES
Demandeur :
Entreprise Chagnaud (Sté)
Défendeur :
Ministre de l'économie et des finances
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Thin
Avocat général :
M. Woirhaye
Avoués :
SCP Dauthy, Naboudet
Avocat :
Me Montalescot.
Par décision n° 95-D-76 en date du 29 novembre 1995, le Conseil de la concurrence a infligé à la société Entreprise Chagnaud une sanction pécuniaire de 3 900 000 F pour sa participation à des pratiques qualifiées d'ententes prohibées entre une trentaine d'entreprises à l'occasion de la passation de marchés publics pour la construction des lignes des TGV Nord, Est, et Sud-Est, et de l'interconnexion du TGV Nord.
Le Conseil a également ordonné la publication d'extraits de sa décision dans les quotidiens La Tribune et Les Echos.
A la suite de son recours en annulation et réformation déposé le 12 mars 1996, la société Entreprise Chagnaud a, conformément aux dispositions de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et 12 et suivants du décret du 19 octobre 1987, demandé selon assignation délivrée le 10 juin 1996 au Ministre de l'Economie et au Conseil de la concurrence, qu'il soit sursis à l'exécution provisoire de cette décision relativement au paiement de la sanction pécuniaire.
Elle fait valoir que des faits graves sont survenus depuis la notification de la décision, à savoir la constatation d'une perte d'exploitation de 19 000 000 F au cours du premier semestre de l'année en cours, justifiant la mise en œuvre d'une procédure de licenciement économique dès le 16 février 1996. Elle indique que l'insuffisance de trésorerie de l'entreprise s'élève au 30 avril 1996 à 6 486 000 F, ce qui dénote une brutale aggravation de la situation de l'entreprise, dont la trésorerie était positive de 21 022 F au 31 décembre 1995.
Elle estime que l'exécution immédiate de la sanction serait de nature à compromettre le financement du plan social établi et partant entraînerait pour la société des conséquences manifestement excessives, voire même irrémédiables.
Le représentant du Ministre de l'Economie conclut au rejet de la requête en estimant que les conséquences manifestement excessives ne sont pas démontrées.
Le Ministère public conclut principalement dans le même sens, et à titre subsidiaire à l'admission très partielle de la demande de sursis.
SUR CE
Attendu qu'aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, si le recours formé contre une décision du Conseil de la Concurrence n'a pas de caractère suspensif, le Premier Président de la Cour d'appel de Paris peut ordonner qu'il soit sursis à son exécution lorsque celle-ci est susceptible d'entraîner des conséquences manifestement excessives, ou s'il est intervenu postérieurement à la notification de la décision des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité.
Attendu que la société requérante invoque comme constitutive de ces faits nouveaux la détérioration de sa situation de trésorerie au cours des premiers mois de l'année 1996 ; que cette situation apparaît en réalité résulter non pas de la survenance d'un événement nouveau, mais d'une évolution des caractéristiques du secteur d'activité des travaux publics, au cours des dernières années, ainsi qu'il ressort des études fournies par la requérante elle-même.
Attendu que l'entreprise Chagnaud ne produit pas d'éléments comptables propres à établir que sa pérennité se trouverait compromise par le paiement immédiat du montant de la sanction qu'elle fait état elle-même d'une créance échue sur l'Etat d'un montant supérieur à 3 500 000 F; qu'elle dispose du soutien de ses banques et a pu obtenir de celles-ci le cautionnement exigé par le Trésor public pour accéder à une demande de paiement échelonné;
Par ces motifs : Rejetons la demande de sursis à exécution formée par la société entreprise Chagnaud contre la décision n° 95-76 du Conseil de la Concurrence ; Laissons les dépens à la charge de la requérante.