Cass. com., 21 mars 2000, n° 98-10.183
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Ordre des avocats au barreau de Quimper
Défendeur :
Confédération syndicale du cadre de Vie, Ministre de l'Économie, des Finances et du Budget
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocat général :
M. Feuillard
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 9 décembre 1997), que par décision n° 96-D-69 du 12 novembre 1996, le Conseil de la concurrence a estimé établi qu'en élaborant et en diffusant parmi ses membres un document intitulé "Barème 1992", l'Ordre des avocats au barreau de Quimper avait enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, lui a enjoint de ne plus élaborer, ni diffuser de barèmes d'honoraires, d'adresser la copie de la décision du Conseil à l'ensemble des avocats constituant son barreau et lui a infligé une sanction pécuniaire ;
Attendu que l'Ordre des avocats au barreau de Quimper fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre cette décision et d'avoir maintenu une sanction pécuniaire de 100 000 F, alors, selon le pourvoi, d'une part qu'il résulte de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalition sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, si bien qu'en ne délimitant pas le marché pertinent sur lequel devaient être appréciées les pratiques reprochées à l'Ordre des avocats au barreau de Quimper, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, d'autre part, que la prohibition édictée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ne s'applique pas à des accords n'ayant qu'une portée limitée dans le marché pertinent considéré et ne pouvant porter atteinte de façon sensible au jeu de la concurrence, si bien que l'arrêt attaqué qui affirme l'existence d'un atteinte sensible à la concurrence, sans avoir préalablement délimité le marché pertinent sur lequel les effets de l'entente dénoncée devaient être appréciés, n'est pas légalement justifié au regard de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, de troisième part, que la prohibition édictée par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'est pas applicable à des ententes n'ayant qu'une portée limitée dans le marché pertinent considéré et ne pouvant porter atteinte de façon sensible au jeu de la concurrence, si bien qu'en se bornant à l'affirmation que la pratique dénoncée "a nécessairement pu avoir un effet anticoncurrentiel sensible sur le marché local des prestations juridiques et judiciaires", la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l' article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que le barème litigieux comporte une liste exhaustive des prestations juridiques ou judiciaires susceptibles d'être fournies par les avocats, fait référence aux consommateurs de prestations juridiques ou judiciaires, et constaté que le barème en cause avait été diffusé à l'ensemble des avocats d'un même barreau, la cour d'appel, en retenant l'existence d'"un marché local des prestations juridiques et judiciaires relevant au surplus, du monopole édicté par l'article 4 de la loi du 31 décembre 1971", a défini, au plan matériel et géographique, le marché sur lequel ont été constatées les pratiques dénoncées et a ainsi justifié légalement sa décision ;
Attendu, en second lieu, que pour retenir l'effet potentiellement anticoncurrentiel sensible du barème litigieux, l'arrêt constate que le barème comprend des indications de prix, concernant une centaine de prestations susceptibles d'être fournies par les avocats et que ce barème a été diffusé à chaque membre du barreau ; que la cour d'appel en a ainsi apprécié la portée concrète résultant, selon les énonciations de l'arrêt, d'une "détermination du montant des honoraires d'avocats, couvrant toute l'activité des professionnels en cause et impliquant, par sa diffusion à l'initiative de l'autorité ordinale, l'ensemble des avocats d'un même barreau" ; qu'ayant en outre considéré qu'un tel document, émanant de l'organe investi de l'autorité réglementaire et disciplinaire sur les membres de la profession, dont le représentant dispose du pouvoir de se prononcer sur les réclamations formées contre les honoraires qu'ils facturent, et proposant aux membres du barreau des prix praticables de leur prestations, était de nature à inciter ceux-ci à fixer leurs honoraires selon les tarifs suggérés, plutôt qu'en tenant compte des critères objectifs de gestion propres à leur cabinet, et présentait ainsi un objet anticoncurrentiel, la cour d'appel a, en la motivant, légalement justifié sa décision ; que le moyen, lequel manque en fait dans sa deuxième branche, n'est pas fondé dans ses première et troisième branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.