CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 19 décembre 1991, n° ECOC9210001X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Syndicat des fabricants et revendeurs d'appareils et produits destinés à des fins médicales, paramédicales, esthétiques et sportives-GICARE, Fournitures Générales pour Centres de Kinésithérapie (SA), Somethy (Sté), Robert Bosch France (SA), Enraf-Nonius France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
MM. Borra, Canivet
Avocat général :
Mme Thin
Conseillers :
MM. Collomb-Clerc, Launay, Betch
Avoués :
SCP Gaultier Kistner, SCP Robin-Chaix-de-Lavarenne, SCP Varin-Petit, SCP Verdun-Gastou, SCP Teytaud
Avocats :
Mes Timsit-Paufique, Escaravage, Scheuer, Le Pen, Obadia
Saisi par la SARL Sodev et les Etablissements Verson ainsi que par le Syndicat national des masseurs, kinésithérapeutes et rééducateurs de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des produits et matériels pour kinésithérapeutes, le Conseil de la concurrence a, par décision n° 91-D-22 délibérée le 14 mai 1991,
- infligé les sanctions pécuniaires suivantes :
* 100 000 F au Syndicat des fabricants et revendeurs d'appareils et produits destinés à des fins médicales, paramédicales, esthétiques et sportives (Gicare) ;
* 120 000 F à la SA Fournitures générales pour centres de kinésithérapie (FGCK) ;
* 100 000 F à la SA Somethy ;
* 500 000 F à la SA Enraf-Nonius France ;
* 60 000 F à la SARL Nemectron France ;
* 90 000 F à la SA Robert Bosch France ;
* 65 000 F à la SARL Groupe Delta ;
* 10 000 F à la SARL MTM Leader ;
* 20 000 F à la SARL Laboratoires Phytomedica ;
* 12 000 F à la SARL Groupe Sodipar.
- enjoint aux entreprises Enraf-Nonius, Nemectron France, Robert Bosch France, Groupe Delta, MTM-Leader, Laboratoires Phytomedica et Groupe Sodipar de mettre fin à toute convention ou pratique visant à conférer un caractère minimum aux prix de vente aux kinésithérapeutes, à accorder une protection territoriale absolue à leurs distributeurs, et à sélectionner ceux-ci à l'aide de critères non objectifs et discriminatoires ;
- ordonné la publication du texte intégral de la décision dans " Le Quotidien du Médecin ".
Cette décision repose sur la constatation de l'existence d'une entente horizontale et d'ententes verticales.
La première s'est organisée à deux niveaux :
Les adhérents du Gicare ont décidé dans leurs assemblées générales de 1985 à 1987 de limiter à 10 % le montant des remises consenties aux kinésithérapeutes par rapport aux prix conseillés. Par ailleurs plusieurs clients de la société Franco et Fils se sont concertés pour faire échec à sa décision de pratiquer des prix nets.
Quant aux ententes verticales, elles résultent des pratiques de huit fabricants ou importateurs qui ont constitué avec leurs revendeurs respectifs des réseaux de distribution sélective ou de concession exclusive selon des critères non objectifs et appliqués de façon discriminatoire ;
Parmi les dix organismes d'entreprises sanctionnés, cinq ont formé un recours contre la décision : le Gicare, les sociétés FGCK, Somethy, Enraf-Nonius et Robert Bosch France.
Aux termes de leurs mémoires respectifs, les requérants contestent l'existence des actions concertées susmentionnées et, à tout le moins, invoquent l'absence d'effets perturbateurs observables sur le marché.
Dans ses observations le Ministre d'Etat, Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget, estime que c'est à bon droit que le Conseil a sanctionné les ententes anticoncurrentielles dont il était saisi.
A l'audience le Ministère public a conclu à la confirmation de la décision.
Sur quoi, LA COUR,
Considérant que les moyens développés par les parties à l'appui de leurs recours ne font que réitérer sous une forme nouvelle mais sans aucune justification complémentaire utile les observations qu'elles avaient présentées devant le Conseil et auxquelles ce dernier a répondu par des motifs exacts que la Cour adopte ;
Qu'en effet,sur le marché considéré, la concurrence par les prix ne peut exister sans la possibilité pour les revendeurs de répercuter sur les clients tout ou partie des remises que leur accordent les fabricants ou importateurs ;
Qu'en fixant le taux maximal de ces remises à 10 % l'assemblée générale ordinaire du Gicare réunie le 24 septembre 1987 a ouvertement organisé une entente destinée à restreindre le jeu de la concurrence ;
Que cette directive donnée par une association professionnelle outrepassant sa vocation avait non seulement un objet anticoncurrentiel évident mais encore a été suivie d'effets puisque les marges commerciales des distributeurs se sont redressées au cours de l'exercice 1987 ;
Que la circulaire diffusée le 29 avril 1987 par la société FGCK invitant ses revendeurs à ne pas acheter les produits de Franco et Fils ne peut s'analyser autrement qu'en une incitation à un boycott ;
Que la lettre adressée le 22 mai 1987 par la société Somethy à la société Franco et Fils l'informant de ce qu'elle ne préconiserait plus son matériel et de ce que ses confrères se joignaient à ce déférencement révèle une entente visant à exclure un opérateur du marché ;
Que les systèmes de distribution sélective mis en place par les sociétés Enraf-Nonius France et Robert Bosch France ne sont pas légitimés par l'objectivité des critères d'agrément des revendeurs et par l'absence de discrimination dans leur application ;
Que par la suite c'est à bon droit que le Conseil de la concurrence a considéré que les diverses pratiques ci-dessus énumérées tombaient sous le coup de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Que les sanctions pécuniaires infligées ont été justement proportionnées à la gravité des infractions commises et à l'importance des rôles respectifs joués par les parties aux ententes ;
Que les recours sont mal fondés ;
Par ces motifs : Rejette le recours formé par le Syndicat des Fabricants et revendeurs d'appareils et produits destinés à des fins médicales, paramédicales, esthétiques et sportives (Gicare) ; Laisse les dépens à la charge des requérants.