Livv
Décisions

CA Paris, 1re ch. sect. concurrence, 15 mai 1991, n° ECOC9110067X

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Syndicat des producteurs de films publicitaires

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vengeon

Avocat général :

M. Jobard

Conseillers :

Mme Hannoun, MM. Guerin, Canivet, Betch

Avoué :

Me Bodin-Casalis

Avocat :

Me Bitoun.

CA Paris n° ECOC9110067X

15 mai 1991

Par décision n° 90-MC-09 du 4 juillet 1990, le Conseil de la concurrence a enjoint au Syndicat de producteurs de films publicitaires (SPFP) d'adresser dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision, à ses membres ainsi qu'à ceux de l'Association des agences conseils en communication (AACC) et à l'Union des annonceurs (UDA), une lettre recommandée avec accusé de réception :

a) Mettant fin expressément à l'ordre de boycott frappant M. Champetier, conformément d'ailleurs à la délibération de l'assemblée générale extraordinaire du SPFP en date du 29 janvier 1990 ;

b) Annulant expressément les paragraphes 3 et 4 de la lettre circulaire du 31 janvier 1990 ;

c) Comportant en annexe une copie intégrale de la présente décision.

Le recours formé par le SPFP contre cette décision a été rejeté par la cour d'appel de Paris le 6 août 1990 et, ultérieurement, une enquête administrative a été diligentée aux fins de vérifier les conditions d'exécution de cette injonction.

A la suite de cette enquête, par décision n° 90-D-47 rendue le 27 novembre 1990 en exécution des articles 13 et 14 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, le Conseil de la concurrence a considéré que le SPFP n'avait respecté ni le délai imparti ni l'intégralité de l'injonction figurant dans la décision n° 90-MC09 du 4 juillet 1990 et a infligé à celui-ci une sanction pécuniaire de 150 000 F.

Le SPFP a introduit un recours contre cette dernière décision en soutenant que le rapport adressé par le ministère de l'économie, des finances et du budget au Conseil de la concurrence comporte une correspondance échangée avec son conseiller Me Bourdon et ayant précisément pour objet le respect de la décision du 4 juillet 1990, que la production de cette pièce confidentielle, protégée par le secret de la correspondance entre un avocat et son client, est constitutive d'une violation des droits de la défense, doit entraîner le prononcé de la nullité de l'enquête effectuée, et par là de la décision du 27 novembre 1990.

Il ajoute qu'une lettre du 22 août 1990 de M. Champetier se plaignant au Conseil de la concurrence de l'inexécution de sa décision ne lui a été communiquée que le 30 octobre 1990, soit peu avant la décision déférée, ne lui permettant ni de faire valoir ses arguments ni d'assurer effectivement sa défense.

Il conclut qu'ainsi les droits de la défense et le principe du contradictoire ont été méconnus.

Enfin, le SPFP affirme qu'il a respecté l'esprit et la lettre de l'injonction délivrée, mais que le retard constaté est exclusivement imputable aux difficultés rencontrées, pour son exécution, pendant la période estivale et non à une obstruction volontaire de sa part.

Le ministre de l'économie, des finances et du budget a présenté des observations tendant à faire écarter du dossier la lettre du 12 juillet 1990 de Me Bourdon à son client, pièce dont l'absence n'affecterait pas la valeur probante des constatations effectuées.

Il rappelle, par ailleurs, que le Conseil de la concurrence a été saisi du non-respect de l'injonction par sa transmission du 16 octobre 1990 de l'enquête effectuée et qu'il n'a donc pas transgressé le principe du contradictoire en adressant le 30 octobre 1990 la lettre de M. Champetier au SPFP qui n'a lui-même respecté ni le délai, ni la lettre, ni l'esprit de l'injonction délivrée.

Cela étant exposé, LA COUR :

Considérant que la lettre du 12 juillet 1990 adressée par Me Bourdon, conseil du SPFP à celui-ci, a été annexée comme pièce essentielle au rapport transmis par le ministre de l'économie, des finances et du budget le 16 octobre 1990 au Conseil de la concurrence pour vérification du respect des injonctions contenues dans la décision n° 90-MC-09 du 4 juillet 1990 en application de l'article 14 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Considérant que cette lettre a eu pour objet l'examen entre le conseil du SPFP et son client des suites pouvant être données aux injonctions prononcées le 4 juillet 1990 dont l'inexécution a donné lieu à la décision déférée et qu'il n'est pas contesté qu'elle doit de ce fait être, à tout le moins, écartée des débats ;

Considérant que cette pièce ne pouvait en l'espèce, par sa nature, être retenue contre le SPFP, mais qu'il apparaît qu'elle a, par son contenu circonstancié et dénué d'équivoque, très largement déterminé la teneur du rapport soumis à l'examen du Conseil de la concurrence ;

Considérant que la seule production de la lettre du conseil à son client a, dans ces conditions, irrémédiablement compromis la présentation de toute argumentation par le SPFP et a constitué par-là une atteinte aux droits de la défense;

Considérant dès lorsque la procédure et la décision qui en résulte doivent être annulées sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens exposés;

Par ces motifs : Annule la décision n° 90-D-47 du 27 novembre 1990 du Conseil de la concurrence ; Dit que les dépens de la présente instance resteront à la charge du Trésor.